Élection présidentielle libérienne de 2023

élection au Liberia

Élection présidentielle libérienne de 2023
(1er tour)
(2d tour)
Corps électoral et résultats
Inscrits 2 471 617
Votants au 1er tour 1 949 155
78,86 % en augmentation 3,7
Votants au 2d tour 1 634 183
66,12 % en augmentation 10,3
Joseph Boakai – UP
Colistier : Jeremiah Koung
Voix au 1er tour 796 961
43,44 %
en augmentation 14,7
Voix au 2e tour 814 481
50,64 %
George Weah – CDC
Colistier : Jewel Taylor
Voix au 1er tour 804 087
43,83 %
en augmentation 5,5
Voix au 2e tour 793 914
49,36 %
Président de la République
Sortant Élu
George Weah
CDC
Joseph Boakai
UP

L'élection présidentielle libérienne de 2023 se tient les et , en même temps que les élections législatives et sénatoriales, afin d'élire le président et le vice-président de la république du Liberia.

Le président sortant George Weah, du Congrès pour le changement démocratique (CDC), est candidat à sa réélection. Arrivé en tête du premier tour, il se retrouve comme en 2017 en ballotage face à Joseph Boakai, du Parti de l'unité (UP). Ce dernier remporte cette fois-ci le second tour, provoquant une alternance, tandis que Weah reconnait rapidement sa défaite.

Contexte modifier

George Weah.

L'élection présidentielle de 2017 donne lieu à une alternance. Le candidat du Congrès pour le changement démocratique (CDC), George Weah est élu au second tour avec une large majorité de plus de 60 % des suffrages exprimés face au candidat du gouvernement sortant, le vice-président Joseph Boakai, membre du Parti de l'unité (UP). Weah hérite d'une économie très peu développée souffrant notamment d'un manque d'infrastructure aggravé par quatorze années de guerre civile de 1989 à 2003. Moins de 2 % de la population a accès à l'électricité, 94 % des actifs gagnent moins de 2 dollars par jours, dont la moitié dans le secteur agricole, et le pays stagne à la 177e place sur 188 au classement de l'IDH établi par le programme des Nations unies pour le développement. Après avoir connu un fort taux de croissance jusqu'en 2013, ce dernier s'effondre et devient même négatif en 2016[1].

Ancien joueur de football professionnel, George Weah est le deuxième Libérien issu des populations autochtones à accéder à la présidence[2]. Dès le début de son mandat, il met en œuvre des propositions d'amendements de la constitution visant notamment à autoriser la binationalité et à réduire la durée des mandats du président ainsi que des parlementaires, qu'il soumet aux deux chambres du Parlement. Après plusieurs mois de débats houleux qui font craindre un échec du projet[3], ces dernières les adoptent finalement en session conjointe le 30 septembre 2019. L'amendement de l'article 50 sur la durée du mandat du président fait l'objet de critiques en raison de contradictions qui en résulteraient avec d'autres articles laissés intacts. L'opposition craint alors que cette incohérence entre articles concernant la durée du mandat du président ne serve un jour de prétexte à George Weah pour faire valider une candidature à un troisième mandat. Ce dernier rejette ces accusations, tandis que l'opposition appelle à voter contre l'amendement[4],[5],[6].

Le référendum constitutionnel organisé le 8 décembre 2020 voit l'ensemble des propositions approuvées à une majorité absolue des suffrages exprimés, sans qu'aucune d'entre elles ne parvienne cependant à franchir le quorum exigé des deux tiers de ces mêmes suffrages, ce qui en rend le résultat invalide. Le manque d'information des électeurs quant aux effets et enjeux des amendements conduit à un faible taux de participation de seulement un tiers des inscrits, avec de surcroit un nombre de votes blancs et nuls par proposition dépassant quasi systématiquement celui des votes valides[7],[8],[9],[10]. Les élections sénatoriales organisées le même jour se révèlent par ailleurs un revers pour le parti de George Weah. Malgré une légère progression, le CDC ne parvient pas à s'imposer face à une partie de l'opposition réunie au sein de la coalition Collaboration des partis politiques[11],[12].

Après avoir suscité de très grands espoirs chez les classes défavorisées lors de son élection en 2017 dans un contexte économique très défavorable, George Weah fait l'objet de critiques au cours de son mandat en raison d'un nombre jugé peu élevé de promesses tenues. Le président souffre en effet de sa dépendance à un cercle de soutiens politiques dont il ne peut mettre en application de son programme sans les voir mis en difficulté. La lutte contre la corruption, cheval de bataille de sa campagne électorale de 2017, reste ainsi en attente d'application, la corruption ayant au contraire augmenté selon un rapport récent de Transparency International, qui la juge « endémique »[13],[14]. Le tribunal censé être chargé de juger les crimes de guerre commis au cours des années de guerre civile n'est également pas mis en place, laissant libre l'ancien chef de guerre Prince Johnson, allié de Weah au Sénat. Si l'économie connait un léger regain accompagné d'une maitrise de l'inflation, les conséquences économiques de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 touchent le pays, provoquant des difficultés d'approvisionnement en carburant et en riz, aliment de base de la population[13],[15]. Les difficultés alimentaires provoquent d'importantes manifestations, la situation étant aggravée par une réforme visant à harmoniser les salaires dans la fonction publique qui a eu pour conséquence d'abaisser celui de nombreux fonctionnaires[16].

Le président sortant souffre par ailleurs d'une forte détérioration de son image en raison d'accusations de corruption concernant plusieurs de ses ministres. Toujours très populaire chez les jeunes, Weah est cependant de plus en plus accusé d'être déconnecté des problèmes de la population. Son absence du pays pendant près de cinquante jours fin 2022 pour une série de sommets internationaux ainsi que pour assister à la Coupe du monde de football au Qatar où joue alors son fils Timothy Weah est ainsi mal perçue par la population, de même que son refus de rendre public sa déclaration de patrimoine. Il annonce sa candidature à un second mandat le 30 janvier 2023, lors d'un discours où il met notamment en avant ses réalisations en matière d'infrastructures ainsi que la mise en place de la gratuité de l'instruction publique[15].

Malgré les bons résultats électoraux de la coalition Collaboration des partis politiques (CPP), les quatre partis d'opposition qui la composent — Parti de l'unité (UP), Parti de la liberté (LP), Congrès national alternatif (ANC) et Parti de tous les libériens (ALP) — ne parviennent pas à s'entendre sur un candidat commun à la présidentielle, provoquant sa quasi-dislocation. George Weah a ainsi pour principaux concurrents les candidats de l'UP et de l'ANC, Joseph Boakai et Alexander Cummings, ce dernier représentant presque seul la coalition CPP[17].

Système électoral modifier

Le président de la république du Liberia est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de six ans, renouvelable une seule fois. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, un second est convoqué entre les deux candidats arrivés en tête au premier ; et celui recueillant le plus de suffrages l'emporte[18].

Chaque candidat se présente avec un colistier, candidat à la vice-présidence. Tous deux doivent être âgés d'au moins trente-cinq ans, posséder de naissance la nationalité libérienne — limitée aux seules personnes « négros ou d'ascendance négro » — et résider dans le pays depuis au moins dix ans. Leur mandat débute le troisième lundi de janvier de l'année suivant l'élection présidentielle[18].

Le vice-président devient de droit le président du Sénat, au sein duquel il ne vote qu'en cas d'égalité des voix pour et contre. Il remplace le président en cas de vacance du pouvoir, jusqu'au terme de son mandat de six ans. S'il devient à son tour candidat à la présidence au cours d'une élection ultérieure, ce remplacement en cours de mandat ne compte pas vis-à-vis de la limitation à deux mandats. En cas d'empêchement du seul vice-président, le président nomme un successeur avec le vote favorable de chacune des deux chambres du parlement. En cas d'empêchement simultané du président et du vice-président, le président de la Chambre des représentants devient président par intérim et supervise l'organisation d'une élection présidentielle dans les quatre-vingt-dix jours[18].

Résultats modifier

Résultats nationaux modifier

Résultats de la présidentielle libérienne de 2023[19]
Candidats Colistiers Partis Premier tour Second tour
Voix % Voix %
George Weah Jewel Taylor CDC 804 087 43,83 793 914 49,36
Joseph Boakai Jeremiah Koung UP 796 961 43,44 814 481 50,64
Edward Appleton Alex Gontee GDM 40 271 2,20
Lusinee Kamara Matthew Darblo ALCOP 35 988 1,96
Alexander Cummings Charlyne Brumskine CPP 29 613 1,61
Tiawan Gongloe Emmanuel Yarkpawolo LPP 26 394 1,44
Allen Brown Noosevett Weah LRP 15 607 0,85
Simeon Freeman James Barclay MPC 13 205 0,72
William Wiah Tuider Jonah Dumoe DNA 11 184 0,61
Joshua Tom Turner Somah Paygai NLP 9 813 0,53
Jeremiah Whapoe Erasmus Fahnbulleh VOLT 9 149 0,50
Luther Yorfee Juvenal Pearson R 6 479 0,35
Bendu Kromah Thomas Kruah Ind. 5 991 0,33
Clarence Moniba Grace-Tee Kpaan LINU 5 298 0,29
Sherikh Kouyateh Max Vargbelee LFM 5 100 0,28
David Kiamu Annie Tuazama DPPL 5 086 0,28
Alexander Kollie Grace Yuan RNC 4 398 0,24
Sara Beysolow Nyanti Simeon Moribah ALL 3 644 0,20
Robert Franz Morris Celia Brown Ind. 3 363 0,18
Richard Saye Miller Emike Slawon LFP 2 885 0,16
Votes valides 1 834 516 94,12 1 608 395 98,42
Votes blancs et nuls 114 639 5,88 25 788 1,58
Total 1 949 155 100 1 634 183 100
Abstention 522 462 21,04 837 434 33,88
Inscrits / participation 2 471 617 78,86 2 471 617 66,12

Cartes modifier

Analyse modifier

Joseph Boakai

Le premier tour conduit à une répétition du duel de l'élection présidentielle de 2017, le président sortant George Weah se retrouvant à nouveau en ballotage face à Joseph Boakai. Le scrutin est notamment l'objet d'une annulation dans les comtés de Sinoe, Nimba et Montserrado en raison de l'ouverture des urnes par des inconnus. Avec chacun plus de 43 % des voix, l'avance de Weah et Boakai sur Edward Appleton, arrivé troisième avec 2 %, est telle que ces annulations ne remettent pas en cause l'organisation du second tour, qui est cependant décalé du 7 au 14 novembre. L'identité du candidat arrivé en tête, annoncée comme étant George Weah sur la base du reste du dépouillement, reste cependant incertaine dans l'intervalle. Le président sortant et son adversaire tentent de rallier le plus de candidats possibles en vue du second tour, tous deux affirmant être réellement arrivé en tête jusqu'à ce que le dépouillement finisse pas confirmer l'avance de Weah[20],[21].

Joseph Boakai sort vainqueur d'un second tour particulièrement serré, poussant les autorités et les observateurs à multiplier les appels au calme au cours du dépouillement[22],[23]. George Weah reconnaît sa défaite lors d'un discours à la nation le 17 novembre[24],[25],[26].

L'issue du second tour qui conduit à une alternance dans le calme et sans remise en cause des résultats malgré des chiffres très serrés, amène les observateurs dont la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et de l'Union européenne à féliciter le pays pour son organisation démocratique et pacifique du vote[27],[28]. La passation de pouvoir est prévue le 16 janvier 2024.

Notes et références modifier

  1. « Dans quelle situation économique et sociale se trouve le Liberia ? », sur Le Figaro.fr, Le Figaro, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
  2. « Liberia: référendum en 2020 sur le mandat présidentiel et sur la double nationalité », L'orient le jour,‎ (lire en ligne).
  3. (en) « Liberia: President Weah-Backed Constitution Amendment Propositions Suffer Setback as Lawmakers Question Legality », FPA,‎ (lire en ligne).
  4. (en) « ‘Loopholes in Referendum’ », sur Liberian Observer, (consulté le ).
  5. « Au Liberia, un référendum test pour le président George Weah », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  6. (en) « Liberia sets 2020 referendum on presidential terms », Ipotnews,‎ (lire en ligne).
  7. (en) « Liberian Voters Did Not Understand the Referendum », sur allAfrica.com, allafrica, (consulté le ).
  8. (en) « Liberia: Huge Turnover, Poor Education on Referendum in Bomi », sur FrontPageAfrica, (consulté le ).
  9. (en) « Liberia: Analysis of the results of the special senatorial election and referendum », sur Modern Ghana (consulté le ).
  10. (en) « Why Liberians shunned the 2020 referendum — and what’s the future for constitutional change? », sur ConstitutionNet (consulté le ).
  11. « Sénatoriales au Liberia: l'opposition en tête des résultats partiels », sur TV5MONDE, (consulté le ).
  12. AfricaNews, « Résultats partiels : l’opposition libérienne en tête des sénatoriales », sur Africanews, (consulté le ).
  13. a et b « Au Liberia, George Weah candidat à un second mandat – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le ).
  14. (so) « Under pressure Liberia President George Weah to seek second term », sur www.aljazeera.com (consulté le ).
  15. a et b « Liberia. Candidat à sa réélection, le président George Weah n’est pas en position favorable ».
  16. (so) « Liberians protest living costs as Weah returns from 48-day trip », sur www.aljazeera.com (consulté le ).
  17. (so) « The people vying for Liberia’s presidency on October 10 », sur www.aljazeera.com (consulté le ).
  18. a b et c (en) « Constitution », sur www.liberianlegal.com (consulté le ).
  19. (en) « 2023 Presidential Elections Results », sur results.necliberia.org, Commission électorale du Liberia, (consulté le ).
  20. (en) bbcnews, « Liberia election results: George Weah and Joseph Boakai set for run-off », sur BBC News (consulté le ).
  21. (en) James Kwen, « Liberia Presidential Election Run-off Holds November 14 », sur Leadership News, (consulté le ).
  22. (en) Reuters, « Africa Liberia presidential run-off: opposition's Boakai maintains slim lead », sur Reuters, (consulté le ).
  23. « Présidentielle au Liberia: Boakai tout près de la victoire sur Weah », sur TV5MONDE - Informations, (consulté le ).
  24. (en-GB) « Weah congratulates Boakai after Liberia poll », sur BBC News, (consulté le )
  25. « President Weah’s full concession speech », New Dawn Liberia, (consulté le )
  26. « Liberia : le président sortant George Weah concède sa défaite face à Joseph Boakai », Le Monde,
  27. « Remarkably close and well administered run-off election | EEAS », sur www.eeas.europa.eu (consulté le )
  28. (en) « Africanews | Liberia: election observers applaud peaceful conduct », sur Africanews, (consulté le )