Élection présidentielle zimbabwéenne de 2018

L'élection présidentielle zimbabwéenne de 2018 a lieu le afin d'élire le président de la république du Zimbabwe. Elle se tient en même temps que des élections législatives et sénatoriales.

Élection présidentielle zimbabwéenne de 2018
Corps électoral et résultats
Inscrits 5 695 706
Votants 4 847 233
85,10 % en augmentation 25,9
Blancs et nuls 72 316
Emmerson Mnangagwa – ZANU-PF
Voix 2 456 010
51,44 %
Nelson Chamisa – Coalition MDC
Voix 2 151 927
45,07 %
Président de la république
Sortant Élu
Emmerson Mnangagwa
ZANU-PF
Emmerson Mnangagwa
ZANU-PF

Le président sortant, Emmerson Mnangagwa, de l'Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique (ZANU-PF), l’emporte dès le premier tour sur fond de soupçons de fraudes.

Contexte

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Situation générale

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Le Zimbabwe est une république à régime présidentiel. Bien qu'il y ait un Premier ministre, la Constitution adoptée en 2013 dispose que le président de la République, élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, est à la fois le chef de l'État et le chef du gouvernement (article 89). Le pouvoir exécutif est exercé par le président, « dans le cadre de la Constitution, à travers le Cabinet » (article 88)[1].

En accord avec cette Constitution, un président ne peut exercer que deux mandats à la tête du pays, mais cette disposition n'est pas rétroactive. Ainsi Robert Mugabe, qui dirigeait le Zimbabwe depuis l'indépendance du pays en 1980, aurait pu se représenter en 2018, puis à nouveau en 2023 (même à l'âge de 99 ans)[2].

Sous la présidence de Robert Mugabe, le Zimbabwe n'est généralement pas considéré comme une démocratie. Human Rights Watch en 2016 note les violences et intimidations exercées à l'encontre de membres de l'opposition, la continuation de fraudes électorales à grande échelle, et la corruption « endémique, y compris au plus haut niveau du gouvernement ». Cette organisation de défense des droits de l'homme estime que le Zimbabwe n'est pas un État de droit[3]. Amnesty International en 2016 estime que « [l]e droit à la liberté d'expression des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme continue d'être restreint au moyen d'arrestations, de mises en détention et de mises en examen arbitraires pour avoir paisiblement exercé leurs droits »[4]. Le ministère des Affaires étrangères britannique en 2015 pointe « les violences politiques et la persécution à l'encontre des opposants politiques, des journalistes, des juges et des défenseurs des droits de l'homme. De nombreux indicateurs internationaux des droits de l'homme classent toujours le Zimbabwe parmi les pires pays du monde en termes de droits civiques et politiques, et de liberté de la presse »[5]. L'élection présidentielle de 2008 avait été particulièrement violente, marquée par l'assassinat de dizaines de partisans de l'opposition, la mort de quelque deux cents personnes dans des violences orchestrées par le pouvoir, des actes de violence à l'encontre de milliers d'autres, et par des fraudes et intimidations systématiques[6],[7],[8].

Coup d'État de 2017

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En raison de l'âge avancé du président Mugabe, qui célèbre ses 93 ans en , la question de sa succession est devenue un enjeu important dans le milieu politique zimbabwéen. Robert Mugabe, ayant révélé qu'il souhaitait voir son épouse Grace Mugabe lui succéder, a écarté du parti ZANU-PF et du gouvernement les rivaux potentiels de cette dernière. Grace Mugabe, connue pour ses goûts de luxe et sa brutalité, est toutefois impopulaire. Le , Robert Mugabe annonce qu'il souhaite que son épouse devienne vice-présidente. Le , celle-ci lui demande publiquement de lui céder directement la présidence de la République. Le limogeage du vice-président Emmerson Mnangagwa le a ainsi pour objectif de conforter la première dame, mais déplaît aux forces armées, qui prennent le pouvoir durant la nuit du 14 au [9],[10].

Robert Mugabe continue un temps de se considérer comme le seul dirigeant légitime du Zimbabwe[11]. Cependant le , pour devancer la procédure de destitution lancée à son encontre, il démissionne[12]. Emmerson Mnangagwa est désigné président et il est investi en prêtant serment le [13].

Pour les élections de 2018, le président Mnangagwa promet un scrutin libre et transparent. L'opposition est autorisée à manifester et, « pour la première fois, la télévision publique [couvre] en intégralité la présentation du programme électoral » du Mouvement pour le changement démocratique[14].

Unité de l'opposition

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Le 6 août 2017, en vue des élections de 2018, Morgan Tsvangirai lance l'Alliance du MDC avec Welshman Ncube, Tendaï Biti et quatre autres partis mineurs[15], dont Le peuple d'abord[16].

À la mort de Morgan Tsvangirai, Nelson Chamisa devient président par intérim du Mouvement pour le changement démocratique – Tsvangirai en mars 2018. Dans le même temps, Thokozani Khupe est désignée présidente du parti[17]. Pour cette raison, Chamisa participe à la présidentielle de 2018 sous la bannière Alliance du MDC[18], qu'il enregistre comme parti[19].

Système électoral

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Le Président de la république du Zimbabwe est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Pour être élu au premier tour, un candidat doit réunir la majorité absolue des suffrages exprimés. À défaut, les deux candidats arrivés en tête s'affrontent lors d'un second tour, et le candidat qui recueille le plus de suffrages est élu[20].

Les candidats à la présidence se présentent avec deux colistiers, eux-mêmes candidats aux postes de premier et second vice président. En cas d'incapacité du président, le premier vice président le remplace jusqu'au terme de son mandat de cinq ans. Il en va de même pour le second vice président s'il est à son tour dans l'incapacité d’accomplir ses fonctions[20].

Les candidats à la présidence ou aux vices présidences doivent être de nationalité zimbabwéenne de naissance ou par ascendance, être âgés d'au moins quarante ans et résider au Zimbabwe[20].

Candidats

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Le parti ZANU-PF avait initialement désigné Robert Mugabe, le président sortant, comme candidat[21]. Mais le , dans le contexte du coup d'État de 2017 au Zimbabwe, le parti désigne à sa place l'ancien vice-président Emmerson Mnangagwa[22].

Morgan Tsvangirai, chef du Mouvement pour le changement démocratique, le principal parti d'opposition, meurt d'un cancer le . Il avait été le principal candidat d'opposition lors des élections présidentielles de 2008 (où la violence orchestrée par le pouvoir l'avait toutefois contraint de se retirer entre les deux tours) et de 2013[23]. Deux semaines après sa mort, le parti choisit Nelson Chamisa, son nouveau chef, comme candidat à l'élection présidentielle[24]. La veille de l'élection, Robert Mugabe informe les médias qu'il ne votera pas pour Emmerson Mnangagwa : « Je ne peux pas voter pour ceux qui m’ont mal traité ». Et ajoute : « Donc il reste Chamisa »[25],[26].

Vingt et un autres candidats se présentent, profitant de l'apparente libéralisation de la vie politique du pays. Parmi eux, l’ancienne vice-présidente Joice Mujuru, l’ancien ministre Nkosana Moyo, l'artiste Taurai Mteki, l’ancienne vice-présidente du MDC-T Thokozani Khupe et le défenseur des droits de l’Homme Lovemore Madhuku[14].

Résultats

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Résultats de l'élection présidentielle zimbabwéenne de 2018[27]
Candidats Partis Premier tour
Voix %
Emmerson Mnangagwa ZANU-PF 2 456 010 51,44
Nelson Chamisa Coalition MDC 2 151 927 45,07
Thokozani Khupe MDC-T 45 626 0,96
Joseph Makamba Busha FreeZim Congress 17 540 0,37
Nkosana Moyo APA 15 172 0,32
Evaristo Chikanga RZP 13 132 0,28
Joice Mujuru PRC 12 823 0,27
Hlabangana Kwanele RP 9 460 0,20
Blessing Kasiyamhuru ZPP 7 016 0,15
William Mugadza BCP 5 898 0,12
Peter Wilson DOP 4 895 0,10
Peter Munyanduri NPF 4 498 0,09
Divine Mhambi NAPDR 4 405 0,09
Ambrose Mutinhiri NPF 4 107 0,09
Daniel Shumba UDA 3 905 0,08
Peter Gava UDF 2 858 0,06
Brian Mteki Indépendant 2 732 0,06
Lovemore Madhuku NCA 2 692 0,06
Noah Ngoni Manyika BZA 2 681 0,06
Elton Mangoma CODE (en) 2 431 0,05
Melbah Dzepasi #1980 FMZ 1 890 0,04
Violet Mariyacha UDM 1 673 0,04
Timothy Chiguvare PPP 1 546 0,03
Votes valides 4 774 917 98,51
Votes blancs et nuls 72 316 1,49
Total 4 847 233 100
Abstention 848 473 14,90
Inscrits / participation 5 695 706 85,10

Analyse

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Le , Nelson Chamisa revendique sa victoire et critique la lenteur de la commission électorale (ZEC) – au service de la fraude à l’époque de Robert Mugabe – à communiquer les résultats[28],[29]. Des violences font plusieurs morts après la proclamation de la victoire de la ZANU-PF aux élections législatives[30]. Mnangagwa condamne les actions des militaires qui ont tenté d'empêcher le déroulement d'une conférence de presse du MDC, ainsi que la répression[31].

Les résultats officiels, annoncés par la ZEC le , indiquent qu’Emmerson Mnangagwa emporte de justesse l’élection présidentielle au premier tour[32].

Selon la mission d'observation de l'Union européenne, « le climat politique s'est amélioré, le vote s'est déroulé de manière pacifique, mais l'inégalité des chances, les intimidations d'électeurs et le manque de confiance dans le processus électoral ont miné l'environnement pré-électoral ». La mission fait état « d'efforts pour saper l'expression en toute liberté de la volonté des électeurs », citant « des intimidations légères, des pressions et des contraintes » contre des électeurs pour qu'ils votent « en faveur du parti au pouvoir »[33].

Au cours des jours qui suivent l'annonce officielle des résultats de la présidentielle, des soldats sont déployés dans les quartiers et banlieues de Harare ayant majoritairement voté pour Nelson Chamisa. Les soldats « débarqu[e]nt dans les débits de boisson, tabass[e]nt la clientèle au hasard, ou s’attaqu[e]nt aux passants dans la rue ». Plusieurs responsables du Mouvement pour le changement démocratique sont arrêtés[34].

Le , jour de la date limite, le MDC dépose un recours à la Cour suprême, qui a dès lors 14 jours pour prendre une décision sur la régularité de l’élection. Dans le même temps, la cérémonie d'investiture de Mnangagwa, prévue pour le , et pour laquelle la présidence a invité des dirigeants internationaux, est reportée à une date ultérieure[35],[36]. Le , la Cour constitutionnelle confirme à l'unanimité les résultats annoncés par la commission électorale. Les juges expliquent que le MDC n'a pas fourni de preuves substantielles de fraudes électorales. Le MDC répond qu'il accepte la décision de la Cour[37]. La cérémonie d'investiture a lieu le [38].

Notes et références

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  1. (en) Constitution du Zimbabwe
  2. (en) "Even Zimbabwe's constitution waits for Mugabe to pass the baton, or pass away", The Guardian, 26 mars 2013
  3. (en) "Freedom in the world 2016: Zimbabwe, Freedom House
  4. (en) "Zimbabwe 2015/2016", Amnesty International
  5. (en) "Zimbabwe: country of concern", Foreign and Commonwealth Office, janvier 2015
  6. (en) "In Heavy Zimbabwe Voting, No Repeat of Disastrous 2008 Events", New York Times, 31 juillet 2013
  7. (en) "This is no election. This is a brutal war", The Observer, 22 juin 2008
  8. (en) "Zimbabwe: No Justice for Rampant Killings, Torture", Human Rights Watch, 8 mars 2011
  9. « Le Zimbabwe se réveille dirigé par des militaires », Le Monde, 15 novembre 2017
  10. Couverture en direct du coup d'État de 2017, Le Monde, 15 novembre 2017
  11. « Zimbabwe. Mugabe résiste aux pressions de l’armée, qui veut l’écarter », sur ouest-france.fr, (consulté le )
  12. « Zimbabwe : le président Mugabe démissionne après 37 ans de pouvoir », FIGARO,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « Au Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa investi président », Le Monde, 24 novembre 2017
  14. a et b « Zimbabwe: nombre record de candidats, du pain bénit pour le sortant Mnangagwa », Agence France Presse, 18 juin 2018
  15. https://www.facebook.com/RFI, « Zimbabwe: Morgan Tsvangirai annonce la formation d'une coalition d'opposition », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  16. https://www.facebook.com/RFI, « Zimbabwe: une partie de l’opposition lance l'Alliance du MDC », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  17. (en-GB) Staff Reporter, « Khupe elected MDC-T President », sur The Zimbabwe Mail, (consulté le )
  18. (en) « Zimbabwe: Supreme Court decision leaves Thokozani Khupe’s MDC in disarray », sur The Africa Report.com (consulté le ).
  19. (en) « Zimbabwe: Chamisa 'forced to register MDC Alliance as a political party amid squabbles' », sur News24 (consulté le ).
  20. a b et c « Constitution », sur www.constituteproject.org (consulté le ).
  21. (en) "Zimbabwe's Robert Mugabe will rule until he is 100 from special wheelchair, his wife claims", The Independent, 22 novembre 2015
  22. « Zimbabwe  : la Zanu-PF destituera Mugabe s'il ne démissionne pas d'ici lundi », sur Europe 1 (consulté le )
  23. (en) "Zimbabwe opposition leader Morgan Tsvangirai dies aged 65", BBC News, 15 février 2018
  24. « Au Zimbabwe, le principal parti d’opposition a désigné son candidat à la présidentielle », Le Monde, 1er mars 2018
  25. « Les Zimbabwéens votent pour les premières élections depuis la chute de Mugabe », Le Monde, 30 juillet 2018
  26. (en) "Zimbabwe's Mugabe backs opposition on eve of election", Reuters, 29 juillet 2018
  27. « Zimbabwe Harmonised Elections », sur production-new-commonwealth-files.s3.eu-west-2.amazonaws.com (consulté le ).
  28. « Zimbabwe : le leader de l'opposition, Nelson Chamisa, revendique "une victoire éclatante" aux élections générales », Franceinfo,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. « Zimbabwe: la commission électorale, machine à frauder de Mugabe, de nouveau sur la sellette », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  30. Courrier international, « Présidentielle au Zimbabwe. Après les élections, les violences », Courrier international,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. https://www.voaafrique.com/a/l-opposition-dénonce-une-répression-généralisée-au-zimbabwe-/4515636.html
  32. « Zimbabwe : Emmerson Mnangagwa élu président, l'opposition pas d'accord », sur Le Point Afrique (consulté le )
  33. https://www.voaafrique.com/a/l-ue-dénonce-l-inégalité-des-chances-entre-les-candidats-au-zimbabwe/4508856.html
  34. « Zimbabwe : après les élections, le temps des punitions », Le Monde, 8 août 2018
  35. « Elections au Zimbabwe: l'opposition dépose son recours contestant les résultats de la présidentielle (2) », sur RTBF Info (consulté le )
  36. https://information.tv5monde.com/afrique/zimbabwe-l-opposition-depose-un-recours-pour-contester-les-resultats-de-la-presidentielle
  37. (en) "Zimbabwe court upholds President Mnangagwa's election win", BBC News, 24 août 2018
  38. « Zimbabwe: la Cour constitutionnelle valide l’élection d’Emmerson Mnangagwa - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )

Voir aussi

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