Élections législatives cambodgiennes de 2023

élections au Cambodge

Élections législatives cambodgiennes de 2023
125 sièges de l'Assemblée nationale
Corps électoral et résultats
Inscrits 9 710 665
Votants 8 214 430
84,59 % en augmentation 2,4
Blancs et nuls 440 154
Parti du peuple cambodgien – Hun Sen
Voix 6 398 311
82,30 %
en augmentation 5,5
Sièges obtenus 120 en diminution 5
FUNCINPEC – Norodom Chakravuth
Voix 716 490
9,22 %
en augmentation 3,3
Sièges obtenus 5 en augmentation 5
Composition de l'assemblée élue
Diagramme
Premier ministre
Sortant Élu
Hun Sen
CPP
Hun Manet
CPP

Les élections législatives cambodgiennes de 2023 se déroulent le afin de renouveler les 125 membres de l'Assemblée nationale du Cambodge.

L'assemblée sortante est intégralement composée de membres du Parti du peuple cambodgien, celui-ci ayant fait interdire les principaux partis d'opposition aux précédentes élections.

Après avoir empêché de concourir son principal concurrent, le récemment créé Parti de la bougie, le Parti du peuple cambodgien remporte sans surprise la quasi-totalité des sièges à pourvoir. Le Premier ministre Hun Sen parvient ainsi à mettre en œuvre sa succession au profit de son fils, Hun Manet, qui le remplace le mois suivant.

Contexte modifier

Hun Sen.

Le Cambodge vit sous un régime autoritaire sous l'égide du Parti du peuple cambodgien (CPP), dirigé par le Premier ministre Hun Sen depuis la crise politique de 1997. Le Parti du sauvetage national du Cambodge, le principal parti d'opposition, a été interdit fin 2017 par une Cour suprême aux ordres du gouvernement, conduisant de facto à un système à parti unique[1]. Kem Sokha, chef de l'opposition parlementaire, a été arrêté et inculpé de complot contre le régime avec l'aide des États-Unis en [2]. Sam Rainsy, précédent chef de l'opposition, est interdit de retour au pays. La presse indépendante n'existe presque plus : le Cambodia Daily a été fermé en 2017, et le Phnom Penh Post a été vendu en à une entreprise proche du Premier ministre Hun Sen. En 2017 également, une trentaine de chaînes de radio, dont l'antenne locale de Radio Free Asia, ont été fermées par les autorités. Les journalistes travaillent dans un climat d'intimidations de la part du gouvernement[3].

Hun Manet.

Les élections sénatoriales et législatives organisées dans ce contexte en 2018 voient la victoire du Parti du peuple cambodgien, qui remporte la quasi-totalité des sièges au Sénat et la totalité de ceux à l'Assemblée nationale[4]. L'ONG Human Rights Watch dénonce une parodie de démocratie et la partialité politique de la Commission nationale électorale[5]. Pour Sam Rainsy, exilé en France, « le régime a pris en otage tous les Cambodgiens ». Fort du soutien de Pékin, Hun Sen se soucie peu des critiques occidentales mais après cette victoire « à la soviétique » libère quelques opposants ayant sollicité un pardon royal[2].

Le gouvernement est par ailleurs reconnu pour sa bonne gestion de la pandémie de Covid-19, dont la mise en place d'une large campagne de vaccination. Plus de 80 % de la population est ainsi vaccinée avant [6],[7].

Le gouvernement finit par tolérer la reconstitution d'une opposition autour notamment du Parti de la bougie fondé trente ans plus tôt par Sam Rainsy et désormais dirigé par Teav Vannol[8]. Les élections municipales de 2022 font office de test électoral avant les législatives, et voient la victoire écrasante du CPP[9]. Dans la foulée, le Parti de la bougie se voit refuser son enregistrement par le Comité électoral national le 15 mai 2023, qui prétexte le manque de plusieurs documents requis et disqualifie ainsi le parti pour les législatives[10].

En 2023, Hun Sen prépare une succession dynastique du pouvoir au profit de son fils, Hun Manet, âgé de 44 ans. Fin , après s'être fait désigner comme candidat du parti à un nouveau mandat de Premier ministre, il obtient ainsi du CPP la nomination unanime de son fils comme « futur Premier ministre » sans toutefois préciser à quel moment la passation de pouvoir aura lieu[11],[12]. Une semaine avant le scrutin, le Premier ministre annonce qu'il transférera le pouvoir à son fils au plus tard un mois après les élections, tout en assurant vouloir maintenir son influence dans la vie politique cambodgienne en restant notamment président du CPP[13].

Mode de scrutin modifier

L'Assemblée nationale est la chambre basse du parlement bicaméral du Cambodge. Elle est composée de 125 sièges dont les membres sont élus pour cinq ans au scrutin proportionnel de liste dans vingt cinq circonscriptions de 1 à 12 sièges correspondants aux provinces cambodgiennes plus la capitale Phnom Penh[14]. Le scrutin se tient avec des listes fermées et les résultats en voix conduisent à une répartition des sièges sur la base du quotient de Hare et selon la méthode à la plus forte moyenne[15].

Campagne modifier

Le Premier ministre Hun Sen menace sur Facebook les chefs de partis d'opposition qui l'accusent de préparer des fraudes électorales : « Soit vous passerez au tribunal, soit je mobiliserai une manifestation et je vous ferai tabasser ». Le comité de supervision de l'entreprise Meta, propriétaire de Facebook, demande qu'il soit suspendu de la plateforme pour six mois pour incitation à la violence. En réponse, Hun Sen supprime son compte Facebook[16].

Résultats modifier

Résultats des législatives cambodgiennes de 2023[17],[18]
Parti Votes % +/– Sièges +/–
Parti du peuple cambodgien 6 398 311 82,30 en augmentation 5,52 120 en diminution 5
FUNCINPEC 716 490 9,22 en augmentation 3,34 5 en augmentation 5
Parti national khmer uni 134 285 1,73 Nv 0 en stagnation
Parti de la jeunesse cambodgienne 97 412 1,25 en augmentation 0,63 0 en stagnation
Parti dharmacracy 84 030 1,08 en augmentation 0,62 0 en stagnation
Parti de la démocratie indigène 52 817 0,68 en augmentation 0,52 0 en stagnation
Parti khmer anti pauvreté 40 096 0,52 en diminution 0,35 0 en stagnation
Parti des khmer unis 36 526 0,47 en diminution 0,36 0 en stagnation
Parti de la démocratie populaire 35 416 0,46 en diminution 0,65 0 en stagnation
Parti khmer du développement économique 26 093 0,34 en diminution 0,03 0 en stagnation
Parti khmer ekpheap cheat 25 261 0,32 Nv 0 en stagnation
Parti de la nationalité cambodgienne 23 197 0,30 en diminution 0,41 0 en stagnation
Parti des femmes pour les femmes 22 843 0,29 Nv 0 en stagnation
Parti khmer conservateur 20 968 0,27 Nv 0 en stagnation
Parti social démocrate de la ruche 20 210 0,26 en diminution 0,62 0 en stagnation
Parti de l'objectif pour le peuple 13 831 0,18 Nv 0 en stagnation
Parti du pouvoir démocratique 13 704 0,18 Nv 0 en stagnation
Parti des paysans 12 786 0,16 Nv 0 en stagnation
Votes valides 7 774 276 94,64
Votes blancs et invalides 440 154 5,36
Total 8 214 430 100 125 en stagnation
Abstention 1 496 235 15,41
Inscrits / participation 9 710 665 84,59

Analyse et conséquences modifier

Résultats par régions

En l'absence des principaux partis d'opposition, le Parti du peuple cambodgien remporte sans surprise le scrutin avec 120 sièges sur les 125 à pourvoir, le reste revenant au Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (Funcinpec)[19],[20],[21].

La participation élevée est mise en avant par le Premier ministre Hun Sen, celle-ci démontrant selon lui le manque de soutiens de l'opposition. Le Premier ministre déclare ainsi que « Le peuple cambodgien ne laissera pas les groupes de tricheurs détruire le pays »[19],[20]. Les élections font cependant l'objet de critiques de la part de nombreuses ONG dont la Fédération internationale pour les droits humains, qui pointent du doigt un « manque notable de transparence et d'équité »[19],[20].

La victoire d'Hun Sen devrait lui permettre de transférer comme prévu le pouvoir à son fils, Hun Manet, élu député en tant que tête de liste du parti dans la capitale, Phnom Penh. La session inaugurale de la nouvelle assemblée est prévue pour le 28 août 2023[22],[23]. Trois jours après le scrutin, Hun Sen annonce l'accession de son fils au poste de Premier ministre pour le 22 août. Le Premier ministre sortant fait également part de son ambition d'être élu à la présidence du Sénat après les élections sénatoriales de février 2024, faisant de lui le numéro deux du système politique[24]. Hun Manet est nommé par décret royal le 7 août[25]. Il reçoit la confiance de l'assemblée le 22 août, et entre en fonction le jour même avec son gouvernement[26],[27].

Notes et références modifier

  1. (en) Hermes Auto, « Cambodian Parliament launches era of one-party rule », sur The Straits Times, (consulté le ).
  2. a et b Bruno Philip, « Dix-sept opposants graciés au Cambodge », Le Monde,‎ , p. 4.
  3. (en) « Newspaper takeover is 'staggering blow' to Cambodia's free press », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. « Cambodge: le parti de Hun Sen remporte l'ensemble des sièges au Parlement », sur La Croix (consulté le ).
  5. « Cambodge : Les élections du 29 juillet ne seront pas crédibles », sur Human Rights Watch, (consulté le ).
  6. (en) David Hutt, « Will Vaccination Be Hun Sen's Legacy? », The Diplomat,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) « Cambodia enters new year with vaccination target still elusive and Omicron looming closer than ever », Khmer Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. VOD, « Retour. Au Cambodge, le “parti de la bougie” renaît de ses cendres pour les élections locales », sur Courrier international, (consulté le ).
  9. Sivutha Nov, « 20 NA seats possible for Candlelight Party: Yara », sur Phnom Penh Post, (consulté le ).
  10. (en) « Cambodia disqualifies sole credible opposition Candlelight Party ahead of July election - ABC News », sur www.abc.net.au, (consulté le ).
  11. « Date of 2023 National Assembly election announced », sur Khmer Times, (consulté le ).
  12. (en) Prak Chan Thul, Kay Johnson, John Geddie, Christian Schmollinger et Gerry Doyle, « Cambodia's ruling party endorses PM's son as future leader », sur Reuters, (consulté le ).
  13. Le Point, magazine, « Elections au Cambodge: à l'aube d'un régime dynastique », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
  14. « Cambodge, Radhsphea Ney Preah Recheanachakr Kampuchea (Assemblée nationale) », sur Union interparlementaire (consulté le ).
  15. (en) « The National Election Committee (NEC) » (consulté le ).
  16. (en) "Cambodia PM leaves Facebook after posts ruled violent", BBC News, 30 juin 2023
  17. (en) « The National Election Committee (NEC) », sur www.nec.gov.kh (consulté le ).
  18. (km) « តារាងលទ្ធផលផ្លូវការនៃការបោះឆ្នោតជ្រើសតាំងតំណាងរាស្ត្រ នីតិកាលទី៧ ឆ្នាំ២០២៣ ថ្ងៃអាទិត្យ ទី២៣ ខែកក្កដា ឆ្នាំ២០២៣ », sur គណៈកម្មាធិការជាតិរៀបចំការបោះឆ្នោត (គ.ជ.ប),‎ (consulté le ).
  19. a b et c « Cambodge : élections législatives sans surprise ce dimanche », sur TV5MONDE - Informations, (consulté le ).
  20. a b et c La-Croix.com, « Cambodge : le parti de Hun Sen revendique un "raz-de-marée" dans des élections sans opposition », sur La Croix, lacroix.journal, (consulté le ).
  21. (en) « HEADED FOR A BIG WIN: Early results indicate CPP will secure 120 seats with Funcinpec getting five - Khmer Times », sur Khmer Times - Insight into Cambodia, khmertimes, (consulté le ).
  22. Brice Pedroletti, « Au Cambodge, le parti de Hun Sen remporte des élections taillées sur mesure », Le Monde,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne).
  23. « Elections au Cambodge: à l'aube d'un régime dynastique », Le Point, lepoint.fr,‎ (lire en ligne).
  24. (en) « Hun Manet will become new Prime Minister on August 22 - Khmer Times », sur Khmer Times - Insight into Cambodia, khmertimes, (consulté le ).
  25. « Cambodge : Hun Manet officiellement nommé premier ministre par le roi », sur Le Figaro.fr, Le Figaro, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
  26. (en) « A New Era: National Assembly approves composition of the new Council of Ministers, with His Excellency Dr. Hun Manet as new PM - Khmer Times », sur Khmer Times - Insight into Cambodia, khmertimes, (consulté le ).
  27. (en) « King issues Royal Decree appointing new Council of Ministers with HE Dr. Hun Manet as Prime Minister - Khmer Times », sur Khmer Times - Insight into Cambodia, khmertimes, (consulté le ).