Épaves de la rade de Saint-Pierre
L'éruption de la Montagne Pelée le 8 mai 1902 a généré nuées ardentes, dramatiquement célèbre pour avoir détruit en quelques minutes la ville de Saint-Pierre, à l'époque capitale administrative et économique de la Martinique.
Lors de cette éruption, de nombreux bateaux se trouvaient dans la baie de Saint-Pierre. Comme la ville, ils furent détruits en un instant. La majorité ont pris feu et ont détruit leurs corps et leurs biens[1],[2],[3]
Les pêcheurs connaissaient l'emplacement de certaines épaves. Ils bloquaient parfois leurs filets et se trouvaient dans des zones riches en poissons. Avec l’avènement de la plongée sous-marine dans les années 1970, les chasseurs d’épaves se lancent à la recherche des bateaux coulés. Michel Météry est connu pour être le principal inventeur de la plupart de ces épaves. Ses découvertes ont commencer en février 1974[4].
Ces épaves sont aujourd'hui des sites de plongée très attractifs pour diverses personnes résidant ou venant en Martinique. Tous les clubs de plongée locaux organisent de nombreuses sorties sur ces sites. Le Roraima, par sa taille et la qualité de conservation, est la plus emblématique de ces épaves. Le Tamaya est le plus mystérieux car il est trop profond pour la plongée à l'air[5]. Le Grappler avec son "trésor" est toujours recherché...
Pour préserver ces atouts culturels et patrimoniaux de la Martinique, la ville de Saint-Pierre et l'État français ont pris la décision en 2012 de protéger les épaves restées dans la rade de Saint-Pierre[6]
Les épaves sont non seulement des sites archéologiques d'importance, mais aussi des lieux de mémoire des événements tragiques de l'éruption de 1902, et des sites fascinants pour les amateurs de plongée sous-marine.
Recherche archéologique
modifierLa rade de Saint-Pierre est aujourd'hui reconnue pour sa valeur archéologique importante. De par son statut historique de capitale de la Martinique et du grand nombre de bateaux qu'elle a accueilli en permanence, la rade conserve sous ses eaux de précieuses traces du passé.
L'Université des Antilles a organisé plusieurs campagnes de fouilles en collaboration avec le Groupe de Recherche en Archéologie Navale (GRAN)[7], le Laboratoire d'Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée (LA3M)[8]. Le Département des recherches sous-marines et archéologiques sous-marines (DRASSM)[9] du ministère de la Culture a également mené des recherches pour réaliser des prospections, des inventaires et des études géophysiques du site.
Au cours de ses différentes campagnes, le GRAN[10] a établi une liste détaillée des fragments[11] et épaves[12] de la baie de Saint-Pierre ainsi que dans toute la Martinique. En 2023, l'Union européenne a lancé le programme écoRoute[13],[14] en Martinique, centré sur « La route du nord autour des épaves de Saint-Pierre ». Ce programme est soutenu par l'Association Archéologique d'Archéologie des Petites Antilles (AAPA)[15].
Amélie / Raisinier
modifierL'Amélie est un voilier trois-mâts nantais en acier de 48 mètres de long sister ship du belem. Construit en 1890 dans le chantier naval Sevestre[16] de Chantenay[17] à la suite de la commande de l'Armateur Simon et Duteil de Nantes[16]. Longueur ~50m par ~8,50m de largeur et 600 tonneaux[18]. Parti de Marseille, il arrive fin avril 1902 à St Pierre. Il avait une voie d’eau dans sa coque alors qu'il était au mouillage dans la rade de Saint-Pierre. L'équipage a lutté contre l'avarie pendant deux jours, avant que le bateau ne soit remorqué jusqu'à l'anse Turin par la la vedette le Diamant pour y être réparé[18]. Il a finalement coulé. Lors de ses recherches, le GRAN[7] a découvert divers fragments, dont les restes d'un voilier en fer, fortement endommagé par la mer, près de la plage des raisiniers[19],[20].
L'épave repose à 12 mètres de profondeur. Elle est accessible en snorkeling[21].
Biscaye (Ex Gabrielle)
modifierTrois mâts, gréement goélette, construit en bois avec une coque doublée de plaques de cuivre. Il a été construit à Bilbao en 1878. Il mesurait 32 mètres de long sur 7 mètres de large. Précédemment nommé Guruchaga hijos[22]
Armé par la maison Vidart et Legasse de Bayonne, ce voilier assurait, sous le commandement du capitaine Jules Trévty[23] avec 8 hommes d'équipage, la liaison entre la Martinique et Saint-Pierre-et-Miquelon pour le transport de morue. Parti de Bordeaux le 17 février 1902, il atteint Saint-Pierre-et-Miquelon avant d'arriver à Saint-Pierre (Martinique) le 6 mai, avec une cargaison de 700 barils de morue. Le 8 mai 1902, il est au mouillage dans la baie de Saint-Pierre, à moins de 200 mètres du rivage, face à la place Bertin. Les fouilles archéologiques de l'épave ont révélé la présence de fûts de morue.
De par sa construction, il a probablement pris feu rapidement, à moins que le raz-de-marée suivant nuée ardente ne l'ait fait chavirer et couler.
L'épave a fait l'objet des recherches dédiées du GRAN en 1994[24]. Lors de leur plongée sous-marine, le rapport suivant a été réalisé[25] :
« Cette coque de bateau doublée cuivre, située pratiquement dans l'axe du ponton est celle d'un voilier.Elle était connue sous le nom de Gabrielle par les plongeurs locaux.
Orientée E-W, l'avant vers l'est, elle repose sur une pente, l'avant sur 29 mètres, l'arrière sur 39 mètres, la carène mesure une quarantaine de mètres de long. Elle est couchée sur bâbord et l'on voit nettement, sur tribord, le rythme des membrures et les restes du bordé avec le doublage.
Le safran, métallique, qui est assez bien conservé, émerge d'un mètre du sable. Son épaisseur est de 24 cm au sommet, et sa largeur conservée de 60 cm. L'échancrure destinée à recevoir la penture supérieure mesure 17 cm de haut et se trouve 8 cm sous le haut conservé du safran. Le vaigrage mesure 7 cm d'épaisseur, les membrures 17 cm d'épaisseur et 30 cm de large, le bordé 10 cm de large.
Une ancre (A/016) d'à peu près 2 mètres de long se trouve au NE de l'avant à environ 20 mètres de l'épave. Elle est orientée E-W. Il est probable qu'elle appartienne à l'épave.
Michel Métery avait baptisée cette épave Gabrielle à cause de sa position qui lui semblait correspondre à la position de mouillage de la Gabrielle dans le livre de Lacroix. Mais les données des registres du Bureau Veritas indiquent que, la Gabrielle qui a coulé à Saint-Pierre de l'armement Knight, mesurait 23 mètres de long, or cette épave en mesure 31. On peut donc être certain que cette épave n'est pas celle de la Gabrielle.
Trois éléments nous conduisent à identifier cette épave avec celle du navire le Biscaye :
- La longueur du navire.
- Le type de doublage.
- La cargaison de poisson.
Les données correspondantes de notre épave sont résumées ci-dessous :
29,10<Longueur conservée<31,20 ; doublage et chevillage en alliage de cuivre de couleur jaune. Lors du sondage de 1994, une cargaison de tonneaux contenant des squelettes de gadidés (poissons de la famille de la morue) a été découverte dans les fonds du navire.
Parmi les navires coulés à Saint-Pierre seul le Biscaye a une longueur correspondant à nos mesures.On peut estimer la longueur du Sacro Cuore et de la Teresa lo Vico à partir de celle du Nord America puisque leurs tonnages sont très proches.Le type de doublage employé pour le Biscaye semble également correspondre à celui de l'épave.
D'autre part aucun autre navire n'étant signalé comme chargé de poisson, on peut affirmer que l'épave FR/M/1/A/015 est bien celle du Biscaye de Bordeaux. »
Clémentina
modifierL'épave a une coque d'environ 20 mètres de long. C'etait un caboteur construit localement[26]. Cette épave a été victime de plusieurs pillages ou tentatives de pillages, ce qui a conduit la Direction des Antiquités à déposer plusieurs plaintes auprès de la gendarmerie. Certains objets ont été sauvés grâce à ces interventions. Non répertorié sur les documents du Service Hydrographique, l'épave est néanmoins bien connu des plongeurs locaux.
Caractéristiques de l'épave :
- Coque : En bois, doublée de cuivre.
- Position : La coque repose sur la quille, sur un talus recouvert de boue. L'arrière du bateau repose à 50 mètres de profondeur (49 mètres sur la vase au pied du gouvernail) et l'avant est à 40 mètres, donnant à l'axe du bateau un angle de 30° par rapport à l'horizontale (pente de 56%). Cet axe est orienté à 116°.
- Dimensions : Longueur totale de la coque sans le safran : 20,6 mètres. Largeur conservée : 6,80 mètres.
Détails du safran : en métal, toujours en place et bien visible, il dépasse de 90 cm du vase. Sa largeur et de 75 cm au sommet, 87 cm au niveau du vase son épaisseur de 17 cm. La charnière supérieure de fixation du safran est toujours mobile sur son axe et porte toujours ses rivets de fixation d'un diamètre de 2 cm. Les parties en bois ont disparu, ne laissant que les charpentes métalliques. La partie conservée du gouvernail, étambot (31 cm) et contre-poteau (21 cm), ne présente aucune trace de cage d'hélice, indiquant qu'il s'agissait d'un voilier.
La forme est conservée par les plaques de cuivre du doublage, formant un moule creux de la coque. Sur les deux niveaux avant, le bois reste visible. L'echantillonnage des cadres de bordure 6 à 7 cm d'épaisseur, membrane 18 × 18 cm, doublure 6 cm d'épaisseur environ. Les plaques de doublage avant sont tordues, probablement à la suite d'un choc. La taille modeste du navire suggère une barge ou un caboteur.
Essences de bois : Les analyses ont révélé l'utilisation de trois essences de bois différentes : épicéa pour le revêtement, pin pour les charpentes, bouleau pour le bordé. Il n’a cependant pas été possible de déterminer l’essence exacte ni l’origine du bois, qui pourrait provenir d’Europe ou d’Amérique.
Une lanterne portuaire dégagée par une enquête clandestine a été sauvée et placée en réserve à la Direction des Antiquités.
L'épave du « Clementina » reste un sujet d'intérêt archéologique important, fournissant des informations précieuses sur la construction navale locale et les pratiques maritimes de l'époque.
L'épave repose à 20 mètres de profondeur.
Dalhia / YMS 82
modifierLe Dalhia[1] / Y.M.S. 82, un dragueur de mines de classe BYMS, a été mis en construction le 24 octobre 1941 au Stadium Yacht Basin de Cleveland et lancé le 13 juin 1942. Transféré à la marine française le 5 octobre 1944[27], il a été renommé Dahlia[28] et a reçu le matricule D.325 puis M645. Conformément à la tradition, le Dalhia porte un nom de fleurs comme tout les Y.M.S. Le 21 mars 1949, la marine française a définitivement acquis le Dahlia auprès de l’U.S. Navy, et le navire a continué sa carrière en tant que dragueur de mines[29].
Après la Seconde Guerre mondiale, les côtes françaises étaient jonchées de mines, et les dragueurs comme le Dahlia ont été intensivement engagés dans des opérations de déminage. En avril 1950, le Dahlia, accompagné des navires Genet, Pétunia et Zinia, a participé au déminage du port de La Pallice et au dragage des zones de pêche utilisées par les chalutiers rochelais. Par la suite, le Dahlia a été envoyé aux Antilles pour un service stationnaire, où il représentait la France. Il apportait une aide à la population locale en cas de catastrophes naturelles.
Le 29 janvier 1959, le Dahlia a été décommissionné et vendu aux Établissements Gouyer, une entreprise de matériaux de construction de Saint-Pierre. Le navire a alors été utilisé pour le cabotage entre les îles des Antilles, principalement pour le transport de matériaux. Alors qu'il était en rade de Saint-Pierre (Martinique) pour être transformé, des ouvriers ont accidentellement mis le feu à la coque en bois en utilisant maladroitement un chalumeau.
Dans son inventaire, le Groupe de Recherche en Archéologie Naval (GRAN) référence le bateau avec le fragment FR/M/1/A/019[30]
Diamant
modifierLe Diamant était un bateau à vapeur de 26 mètres de long et d'un tonnage de 30T. Il était exploité par la compagnie Girard[31] pour le transport de passagers entre Fort-de-France et Saint-Pierre en Martinique. Le 8 mai 1902, le Diamant arrivait de Fort-de-France avec à son bord huit membres d’équipage et une trentaine de passagers. En s'alignant pour accoster au ponton de Saint-Pierre, le bateau réduisait sa vapeur lorsqu'une éruption de la montagne Pelée se produisit. Face au danger imminent, le commandant ordonna de faire machine arrière pour tenter d'échapper à l'explosion. Les habitants de Saint-Pierre se précipitèrent dans la mer pour monter à bord du Diamant. Les chaudières du navire, poussées à leur limite, explosèrent sous l'effort, et le bateau coula aussitôt. Sur la quarantaine de naufragés, seul le mousse Innocent Jean Baptiste survécut. Son histoire a été rapportée par Césaire Philémon[32]. « Le bateau faisait machine en arrière quand il a coulé avec lui « sans qu'il ait rien vu », ni sans qu'il se soit rendu compte de la façon dont « il s'était trouvé dans l'eau ». Il avait eu la présence d'esprit de « plonger à plusieurs reprises pour n'être pas brûlé dans la chute de cendres chaudes ». Mais il a senti que ses forces l'abandonnaient et a pu néanmoins « se diriger vers la côte et s'est trouvé tout à coup à sec ». Après quoi, il s'est rejeté à la mer et s'est maintenu sur une épave jusqu'à sa délivrance par le « Suchet ». Il s'est souvenu que l'eau était chaude lorsqu'il était tombé à la mer, mais comme la machine du « Diamant » venait de sauter, on ne peut raisonnablement induire de l'élévation de température de cette eau, qu'elle ait été le fait de la nuée ardente. » L'épave du Diamant repose maintenant à 30 mètres de profondeur. En plongé sous-marine, des superstructures en bois, il ne reste plus que les membrures qui son visible[33].
Barge du Diamant
modifierRemorquée par le Diamant, Cette barge sans moteur repose à 30 mètres de profondeur[34].
Fausse Theresa
modifierÉpave de navire en bois orienté perpendiculairement à la côte semble ne pas porter une importante cargaison[35].
Nord-America
modifierVoilier de Trois-mâts barque de 558 tonneaux, construit à Buccari en 1881. Il battait pavillons italien avec comme port d'attache Castellamare di Stabia (Campanie, Italie). Chargeant pour Bordeaux, capitaine CILENTO, 13 hommes d'équipage[36],[37].
Roraima
modifierNavire à vapeur mixte (capitaine Muggha[38]) de 2 712 tonneaux de jauge brute, construit en 1883 dans le chantier naval Aitken & Mansel, dans le district de Whiteinch à Glasgow, sur la rivière Clyde sous le nom de Ghazee[39]. Il fut lancé le 5 juin 1883. Le navire, construit en fer, mesurait 103,63 mètres de long, 11,64 mètres de large et avait un tirant d'eau de six mètres. Il était propulsé par des moteurs à vapeur basse pression à deux cylindres de John & James Thomson and Company of Glasgow, qui pouvaient produire jusqu'à 350 chevaux[40].
Le Roraima et sa cargaison de potassium continuèrent de brûler pendant 3 jours avant de sombrer. Sur les 68 personnes[38] à bord, seules onze, la plupart grièvement blessées, ont survécu aprés avoir été transbordé par le navire français Suchet. Clara King, la nourrice noire de la riche famille Stokes de Brooklyn, a survécu avec Marguerite Hamilton Stokes ("Rita"), huit ans. La mère de Rita, Mary, ainsi que ses frères et soeurs Eric (4 ans) et Olga (3 ans) ontété tués. Les survivants restants étaient membres de l'équipage. Ils furent emmenés de Saint-Kitts à New York par le Korona.
L'épave repose entre 40 et 60 mètres de profondeur[41].
Tamaya
modifierRobuste Cap-hornier[42], Trois mâts carrés de 566 tonneaux de jauge brute, 162 pieds soit 52,80 mètres de long et 8,15 mètres de large. Il est en fer avec deux ponts. Construit en 1862 aux chantiers de Liverpool. Il a été immatriculé au long cours sous le numéro 356[39]. Acheté en 1894 et armé par Pitre Rozier armateur de Nantes. Parti de Nantes le 18 février 1902 pour la Martinique sous le numéro 106, il arrive à la Martinique le 27 avril 1902 et coule le 8 mai[5]. Il sera rayé de l’effectif de la Marine Marchande le 21 juillet 1902[39].
Plongée pour la première fois en 1983 par Dominique Serafini[43], l'épave avait été identifiée la même année par le magnétomètre du bâtiment océanographique d'Entrecasteaux[44],[45].
Le Tamaya est une des rares épaves de la rade à être identifiée puisqu’une cloche, portant l'inscription "Tamaya 1862", en a été remontée en 1983 par Thierry CARDIX[3],[5]. Cette cloche a été remise au Musée Frank-A.-Perret de la Ville de Saint-Pierre.
Équipage provenant de l’Île-aux-Moines[46] :
- Théophile Mahéo, né le 30 août 1860 à l’Île-aux-Moines, commandant.
- Charles Le Cerf, second capitaine.
- Joseph Sujet, bosco.
- Gabriel Le Ian, cuisinier.
- Jean Goubeyre, Michel Gallard, Yacinthe Lab, Pierre Rouxel, J.-Marie Peyraud, Alexis Auvray, Frédéric Mallert, Pierre Gallapel, Raymond Crequier (mousse)
L'épave repose entre 78 et 85 mètres de profondeur à côté d'un tombant abyssal[47]. Pour voir cette épave en plongée sous-marine, il ne faut pas, comme classiquement, plonger avec de l'air dans sa bouteille, mais utiliser des mélanges gazeux permettant de plonger à de telles profondeurs.
Theresa Lo Vigo
modifierVoilier en bois avec une coque doublée de cuivre. Construit à SESTRI (Italie) en 1874 d'une capacité : 585 tonneaux. argaison de fournitures de construction comprenant des carreaux, de la corde et du ciment en fûts. Au moment de la catastrophe, il se trouvait à 50 mètres de la côte, au bas de la rue d’Orange (extrême Sud de la ville)[39].
Reposant maintenant dans la vase à une profondeur comprise entre 30 et 40 mètres. Il transportait du carrelage et divers matériaux de construction (corde, ciment en fûts, plomb pour canalisation[39]) destinés à la ville de Saint-Pierre. Malgré son état de délabrement avancé, l'épave est encore complète avec sa cargaison, majoritairement composée de matériaux de construction et d'une quantité significative de poteries, dont certaines montrent des signes de déformation par la chaleur.
Dans « La Montagne Pelée et ses éruptions » Alfred LACROIX[48],[1] rapport le témoignage de Jean-Louis PRUDENT mécanicien à bord de la « Teresa Lo Vico » :
Vers 8 h, il vit partir du cratère une masse énorme, violacée, sans flammes, rasant la terre et se dirigeant vers la ville. L’obscurité se fit aussitôt. Prudent tomba à l’entrée du poste et fut recouvert par ses camarades projetés sur lui [...] Il n’a eu de brûlures qu’aux parties découvertes […] Prudent a insisté sur ce que l’eau de la mer n’était pas chaude et qu’il n’a senti aucune odeur spéciale. Avec une énergie rare, il s’est jeté à la mer, s’est cramponné à une barque vide, est parvenu à y faire rouler sa femme, sa bonne, la femme du capitaine et 9 matelots blessés (le capitaine était mort). Avec les plus grandes difficultés, il a pu se diriger vers Le Carbet, où il a été recueilli par le navire « Suchet ».
L'épave est située pratiquement parallèle à la côte. Elle a fait l'objet d'un sondage archéologique en avril et mai 1992[49], ce qui a permis d'enrichir les connaissances sur sa structure et sa cargaison. Les analyses du bois ont révélé la présence de différentes essences :
- Chêne à feuilles caduques (Quercus sp.) : utilisé pour la quille, les couples et le vaigrage.
- Épicéa ou mélèze (Picea sp. ou Larix sp.) : utilisé pour une planche appuyée le long de la quille.
- Épicéa (Picea sp.) : utilisé pour une planche de réparation du vaigrage.
L'épave constitue un site de plongée très prisé pour son "trésor" immergé (cordes lovées, bouteilles de vin, tonneaux de rhum.), qui offre un témoignage poignant de l'histoire maritime et de la catastrophe naturelle qui a frappé la région. La relative profondeur de l'épave, autour de 40 mètres, en fait une plongée accessible aux plongeurs expérimentés.
Yacht italien
modifierBateau en bois brisé en trois fragments. Seule une partie du flanc tribord de l'avant a été conservée sur une longueur d'environ 10 mètres. Le bordé mesure 10 cm d'épaisseur, les membrures mesurent 23 × 22 cm, et le vaigrage mesure 10 cm d'épaisseur. À l'avant de l'épave se trouve un petit treuil, à côté d'une importante masse de concrétion de plus de 2 mètres de haut[50],[51].
L'épave repose sur une pente avec une inclinaison de 20 %, l'avant orienté vers le haut de la pente. L'axe de l'étrave est approximativement orienté à 10°. Des plaques de doublage en cuivre sont visibles sur le côté tribord. Les analyses des prélèvements de bois (bordé, membrure, vaigrage) ont révélé qu'ils sont en chêne, bien que la qualité de conservation n'ait pas permis d'en préciser l'origine. La forte section des pièces de charpente suggère qu'il s'agissait d'un voilier de commerce. Dans les années soixante dix où Michel Météry l'a décrit dans son ouvrage[1], comme en bien meilleur état, et il n'y a plus de trace aujourd'hui de la base des mâts qu'il décrivait précisément.
À proximité se trouve une grande caisse métallique.
L'épave repose à des profondeurs variant entre 20 et 40 mètres. Bien que le site soit en état de dégradation avancée, il offre encore de précieuses informations sur la construction navale en bois et le commerce maritime de l'époque.
Autres navires disparus
modifierD'autres navires étaient présents le jour de l'éruption volcanique. Ils n'ont à ce jour jamais été retrouvés[31].
Le Grappler, navire à vapeur anglais, commandé par A.J. BOREHAM[52], était assuré pour 531 000 USD[53]. C'était l'un des deux steamers, avec le Campbell[31], spécialisés dans la réparation des câbles sous-marins qui maintenaient la ligne télégraphique Guadeloupe - Martinique. Ce navire, étant le plus proche de la côte, aurait été renversé avant de sombrer. Son épave n'a jamais été localisée. Il est connu qu'il transportait des câbles en cuivre, mais on raconte aussi qu'il était chargé de tout l'or de la ville et des riches planteurs qui s'apprêtaient à fuir. Le trésor du Grappler continue d'alimenter les imaginaires[54],[55].
Dans la rade, d'autres navires n'ont jamais été retrouvés ou identifiés comme l'Anna Morse[56], le Korona[56] ou l'Arama[56]. l’Adélaïde[31], un trois-mâts allemand qui provenait de Hambourg. Le voilier italien le Mario Virginia[31] étais aussi présents.
Le Sacrocuore di Pompei[31],[56] voilier de Naples, 558 tonneaux, 14 hommes d'équipage, chargeant pour Marseille (armateur M. LUBRANO à Marseille) était lui aussi dans la rade[36].
La Gabrielle[31], goélette française de la maison de commerce Knight, propriété du sénateur de la Martinique, était au mouillage devant les entrepôts de la place Bertin. Elle fut démâtée par une vague, puis, prenant de la bande, elle finit par couler. Ses haussières larguées, elle aurait dérivé entre deux eaux à cause des barriques vides de son chargement. Son second capitaine, M. Georges Marie-Sainte, a et transporté vivant a l’hôpital de Fort-de-France par le Suchet[57].
Autres navires en lien avec la catastrophe
modifierDes navires étaient dans la zone lors de l'éruption volcanique. Ils n'ont pas coulé lors de l'éruption.
Si le Diamant a coulé à Saint-Pierre lors de la catastrophe, le Rubis et le Topaze, deux autres bateaux assurant la liaison entre Fort-de-France et Saint-Pierre, ont été sauvés[42].
Le Belem, voilier très similaire au Tamaya, devait mouiller ce jour-là dans la rade. Le Tamaya était mouillé à l'emplacement prévu pour le Belem. Par manque de place, son capitaine, M. Chauvelon, a dû se résoudre à aller mouiller au Robert (Martinique)[5],[58]. Le navire sera couvert de cendres et de cailloux, les œuvres mortes subiront quelques dommages et seront recouvertes d'une boue caustique et consistante, aussi dure qu'un mortier[59]. Après l'éruption, il portera secours aux rares rescapés de la catastrophe.
Le Suchet était un Croiseur protégé de la marine national, lancé en 1893 à Toulon. Le Rubis, revenant de Saint-Pierre, avertit à Fort de france l'équipage du Suchet que la ville était en feu[60]. Le Suchet porta secours au réscapés de la ville de Saint-Pierre à treize heurs le 8 mai[61]. Le capitaine de vaisseau Pierre Ange Marie Le Bris, commandant le Suchet, envoya un télégramme au ministère de la Marine, à Paris, le 8 mai 1902 à 21 h 55. « Reviens de Saint-Pierre, ville complètement détruite par masse de feu vers 8 heures du matin. Suppose toute population anéantie. Ai ramené quelques survivants, une trentaine. Tous navires sur rade incendiés et perdus. Éruption volcan continue. Je pars pour Guadeloupe chercher vivres. »
Le Pouyer-Quertier, câblier français à huit milles de Saint-Pierre, ne subit que des dommages mineurs[52]. Son commandant fit émettre le message suivant à 8h03[1] : « S.O.S. ST-PIERRE DETRUIT PAR ERUPTION MONTAGNE PELLE S.O.S. »
Le Roddam, commandé par M. Edward Freeman, était un navire britannique mouillé le plus au large dans la rade. Il a appareillé en voyant la nuée ardente tomber sur Saint-Pierre. Il est arrivé à Sainte-Lucie, île voisine, presque complètement calciné, avec seulement deux hommes à bord, le pont entièrement brûlé et le capitaine lui-même blessé. Aucun d'entre eux n'a survécu. À son arrivée, le commandant Freeman déclara[1] : « Nous venons des portes de l'enfer ; vous pouvez télégraphier au monde qu'il n'y a plus une ême vivante à Saint-Pierre. »
Le capitaine napolitain du navire Italien l'Orsolina qui avait assisté au début de l’éruption et a l’engloutissement de l’usine Guérin connaissait Vésuve et se méfiait du volcan. Malgré la menace de pénalités formidables, il fut sauvé par sa décision de lever l'ancre pour Nantes dans la nuit du 7 au 8 juin.
« Il s’en fut à la douane demander ses papiers pour lever l’ancre. « Impossible, lui répondit-on, votre chargement n’est point terminé, vos papiers ne sont pas prêts… » — « Eh bien ! je partirai sans papiers… »
On le menaça de pénalités formidables.
— Qui me les appliquera, dit-il. Vous ?… Mais, demain, vous serez tous morts[38] !… »
Notes et références
modifier- Michel Météry, Tamaya, Ucel, Chalvet, , 146 p.
- Frédéric Denhez, Les épaves du volcan : Saint-Pierre de la Martinique, GLENAT, 120 p. (ISBN 9782723424622)
- Dominique SERAFINI, Jacques-Yves Imbert, Patrick SARDI, Saint-Pierre l'Escale Infernale: Tragédie Maritime - Éruption du Mont Pelé - Martinique 1902, Martinique, S.Quemere Imbert, , 69 p.
- Michel Météry, Tamaya: les épaves de Saint-Pierre, Institut océanographique, (ISBN 2903581304)
- Jean-Yves Imbert, « Tamaya un classique de la teck en Martinique », Plongé !, vol. 3, , p. 98
- Observatoire De Eau - Martinique (ODE), « Zones de protections des épaves historiques de Saint-Pierre ».
- « Groupe de Recherche en Archéologie Navale (GRAN) ».
- « Laboratoire d'Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée (LA3M) ».
- « Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (DRASSM) ».
- « GRAN : Campage réalisé ».
- « GRAM : Liste des sites ».
- « GRAM : Liste des naufrages ».
- Association Archéologique Petites Antilles Archéologie (AAPA), « projet ecoroute ».
- « Ecoroute.eu ».
- « Association Archéologique Petites Antilles Archéologie (AAPA) ».
- « marine-nantaise », sur naoned.jimdofree.com.
- « Histoire. La fin tragique de l'Amélie, trois-mâts nantais, en Martinique », Presse Océan, (lire en ligne)
- « amelie », sur greec.free.fr.
- « Information de la plongé sur l'Amelie par divingaway.com », sur divingaway.com.
- « GRAN inventory ID : FR/M/3/A/027 », sur archeonavale.org.
- « palmes-masque-tuba sur l'épave de l'Amélie à l’Anse Turin », sur snorkeling-report.com.
- « GRAN Liste naufrage : Biscaye ».
- « 1902 dans le quotidien bordelais La Gironde » [doc], sur Généalogie et Histoire de la Caraïbe : Bulletin 162 : septembre 2003 - https://www.ghcaraibe.org/.
- Marc Guillaume, « Saint-Pierre - Sondages sous-marins », Archéologie de la France – Informations (AdlFI), (lire en ligne)
- « Numéro d'inventaire GRAN : FR/M/1/A/015 ».
- « Numéro d'inventaire GRAN : FR/M/1/A/006". ».
- VICHOT J., Répertoire, dossier musée de la Marine, p. 41-46,
- « wreck database ».
- « Grieme : Dalhia ».
- « Numéro d'inventaire GRAN : FR/M/1/A/019 ».
- Régis Menu, « Il était une fois un port… Saint-Pierre à la Martinique », IFMER revues_maritime, (lire en ligne)
- CÉSAIRE PHILÉMON - OFFICIER D'ACADEMIE,, LA MONTAGNE PELÉEet l'effroyable destruction de Saint Pierre (Martinique) le 8 Mai 1902, IMPRESSIONS PRINTORY, 210 p. (lire en ligne), p. 68
- « GRAN Liste naufrage : Diamant ».
- « GRAN Liste naufrage : Barge du Diamant ».
- « Numéro d'inventaire GRAN : FR/M/1/A/029 ».
- 1902 dans le quotidien bordelais La Gironde, Généalogie et Histoire de la Caraïbe : Bulletin 162 : septembre 2003 - https://www.ghcaraibe.org/ (lire en ligne), p. 3938
- « GRAN Liste naufrage : nord_america ».
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- JEAN HESS, LA CATASTROPHE DE LA MARTINIQUE — NOTES D’UNREPORTER / 13, Librairie Charpentier et Fasquelle, (lire en ligne)
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- Louis Lacroix avec préface de Jean Randier., Les derniers voiliers antillais et les voyages de forçats à la Guyane., Maritimes et d’Outre-Mer.,
- Georges Goldstein (1882-1974), « Saint-Pierre 1902 vu par un matelot du Suchet », sur Généalogie et Histoire de la Caraïbe.
- Camille Flammarions, « Le Cataclysme de la Martinique" 3e et Dernier Article », Bulletin de la Societe Astronomique de France et Revue Mensuelle d'Astronomie, de Meteorologie et de Physique du Globe,, vol. vol. 16, pp.397-408, (lire en ligne)
Annexes
modifierBibliographie
modifier- Jean Hess, La catastrophe de la Martinique — Notes d'un reporter, Librairie Charpentier et Fasquelle, (lire en ligne).
Liens externes
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- « La Catastrophe de la Martinique,_Le_Tour_du_monde_1902 ».
- « GRAN - Reseach campagne ».
- « GRAN : Site list ».
- « Fouilles Saint pierre »
- Le Musés Frank-A.-Perret de la Ville de Saint-Pierre a récemment lancé un podcast en français dédié aux épaves situées dans la rade de Saint-Pierre. Ce podcast met en lumière différents intervenants, présentés par ordre alphabétique : Mathurin Cadenet, originaire de Saint-Pierre (surnommé « Pierrotin ») ; Daniel Eustache, également Pierrotin et pêcheur ; Jean-Sébastien France, plongeur et président de l'Association pour la recherche et la valorisation du patrimoine archéologique de Martinique
- « Association de Recherches et de Valorisation du PatrimoineArchéologique sous-marin de la Martinique (ARVPAM) »
- Michel Météry, plongeur et découvreur des épaves de la rade de Saint-Pierre
- « PLONGÉE SUR LE TAMAYA, UN CLASSIQUE DE LA TEK EN MARTINIQUE ».
- Kevine Sempé et Stanislas Kraland, « DOCUMENTAIRE - LES ÉPAVES DE L’ÉRUPTION VOLCANIQUE DE 1902 ».
- « Documentaire - L'explosion de la Montagne Pelée ».