Érard II de Chacenay

seigneur champenois

Érard II de Chacenay
Image illustrative de l'article Érard II de Chacenay
Armes de la maison de Montréal
dont est issue la famille de Chacenay :
« D'azur à la bande ondée d'or ».

Autres noms latin : Erardus de Chacennaii
Titre Seigneur de Chacenay
(c. 1191 - 1236)
Prédécesseur Érard Ier de Chacenay
Successeur Hugues Ier de Chacenay
Souverains Comté de Champagne
Suzerains Royaume de France
Biographie
Dynastie Famille de Montréal
Famille de Chacenay
Naissance c. 1183
Décès
Père Érard Ier de Chacenay
Mère Mathilde de Donzy
Conjoint Émeline de Broyes
Enfants Hugues Ier de Chacenay
Érard III de Chacenay
Mathilde de Chacenay
Jeannette de Chacenay
Alix de Chacenay

Érard II de Chacenay, né vers 1183 et mort le , est seigneur de Chacenay dans le comté de Champagne à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle. Il est le fils aîné d'Érard Ier de Chacenay et de son épouse Mathilde de Donzy. Il succède à son père vers 1191, lorsque celui-ci meurt lors du siège de Saint-Jean-d'Acre durant la troisième croisade. Mais, trop jeune pour lui succéder, il est probablement placé sous la tutelle de la deuxième épouse paternelle ainsi que de son cousin Jacques de Durnay jusqu'à sa majorité.

Au début du XIIIe siècle, il réalise un mariage prestigieux en épousant Émeline de Broyes, d'origine capétienne, car arrière-petite-fille du roi Louis VI le Gros, avec qui il aura par la suite cinq enfants. Puis, en 1214, il est appelé dans l'ost royal, avec lequel il combat à la bataille de Bouvines dans le contingent du comté de Champagne.

Lors de la guerre de succession de Champagne, il apporte son soutien à son cousin Érard de Brienne et son épouse Philippa de Champagne contre la comtesse régente de Champagne, Blanche de Navarre, et son fils, le futur Thibaut IV de Champagne. Ceci lui vaut d'être excommunié par le pape Honorius III alors qu'il est vaincu par les armées coalisées de cette dernière et du duc Eudes III de Bourgogne. Toutefois, il refuse de se soumettre.

Afin d'éviter les sentences ecclésiastiques, il rejoint alors la cinquième croisade et participe au siège de Damiette aux côtés de son cousin Jean de Brienne, désormais roi de Jérusalem, et de son oncle Hervé IV de Donzy dont il devient le sénéchal. De retour en Champagne, il est de nouveau sommé de jurer allégeance à la comtesse de Champagne et finit par céder après plusieurs mois de résistance.

Il se retrouve par la suite en proie à des problèmes financiers et vend aux Templiers des terres appartenant à son épouse, à la grande colère de celle-ci qui le menace alors de divorcer et fait réaliser un contrat de séparation de biens. Par la suite, il démasque un ancien trouvère qui avait usurpé l'identité du comte de Flandre, mort plusieurs années auparavant, et le livre au roi de France.

Érard II de Chacenay meurt en 1236 et est inhumé à l'abbaye de Clairvaux. Ses deux fils, puis sa plus jeune fille, lui succèdent tour à tour à la tête de la seigneurie de Chacenay.

Biographie modifier

Origines modifier

Dessin en noir et blanc représentant deux tours médiévales encadrant une porte avec un château plus moderne en arrière-plan.
Les tours Sainte-Parisse et le château de Chacenay en arrière-plan, par A. Bertherand.

Érard II de Chacenay est né vers 1183, probablement au château de Chacenay. Il est le fils aîné d'Érard Ier de Chacenay et de son épouse Mathilde de Donzy[1].

La famille de Chacenay est l'une des plus anciennes[Note 1] et puissantes familles du comté de Champagne, dont elle est vassale, mais, est issue d'une branche cadette de la famille de Montréal dans le duché de Bourgogne[Note 2].

Par le jeu des alliances matrimoniales, la famille de Chacenay est apparentée aux ducs de Bourgogne, ainsi qu'aux comtes palatins de Bourgogne, mais également aux puissantes familles de Brienne, de Toucy ou encore de Donzy[1].

Début de carrière modifier

Dessin en noir et blanc d'un sceau médiéval représentant un chevalier en armure sur un destrier et portant épée et bouclier.
Sceau d'Érard II de Chacenay datant de 1209[CL 1].

Vers 1189, son père Érard Ier s'engage pour la troisième croisade, lors de laquelle il trouve la mort durant le siège de Saint-Jean-d'Acre en 1191[SP 3]. Pendant l'absence paternelle, la seigneurie de Chacenay est probablement placée sous la garde de la deuxième épouse de son père, Ermengarde, dont le nom de famille est inconnu, probablement avec le soutien de son cousin Jacques de Durnay. Ce dernier règle par exemple un différend avec l'évêque de Langres en 1190, en engageant la parole d'Érard Ier, dans le cas où celui-ci reviendrait de croisade[SP 4].

Bien qu'encore mineur, Érard apparait toutefois dès 1200 ou 1201 comme homme lige du comte de Champagne dans le registre des grands vassaux de l'ouvrage Feoda Campanie[2]. En 1203, il réalise une charte en faveur de l'abbaye de Longuay mais, étant toujours mineur, il ne possède pas encore de sceau et demande donc à l'évêque de Langres Hilduin de Vendeuvre d'y apposer le sien[SP 5]. Cependant, dès 1204, il signe de son propre sceau dans des chartes de ses voisins Pierre de Fontette et Lambert de Bar, seigneur de Jaucourt, ce qui prouve qu'il est alors majeur, et probablement chevalier, et donc âgé de vingt-et-un ans[CL 2],[SP 5].

Mariage modifier

Miniature médiévale représentant le buste du comte de Dreux.
Miniature de Robert Ier de Dreux, grand-père de l'épouse d'Érard de Chacenay, enluminure anonyme du XIVe siècle.

En 1205, il épouse, en tant que second mari, Émeline de Broyes, veuve d'Eudes II de Champlitte qui a trouvé la mort lors du siège de Constantinople de 1204 pendant la quatrième croisade. Elle est la fille d'Hugues III de Broyes, seigneur de Broyes, et d'Élisabeth de Dreux, Dame de Baudement. Par sa mère, elle est donc d'origine capétienne, car petite-fille de Robert Ier de Dreux, comte de Dreux, lui-même cinquième fils du roi des Francs, Louis VI le Gros, et d'Adélaïde de Savoie[1].

Avec ce mariage, Érard II de Chacenay devient le beau-frère de Simon II de Broyes-Commercy, seigneur de Broyes et de Commercy, et de Simon Ier de Châteauvillain, dit « le Jeune », seigneur de Châteauvillain, et renforce ainsi ses alliances au sein du comté de Champagne[CL 2].

Le jeune couple a au moins cinq enfants et vit paisiblement pendant près d'une décennie, ne laissant de traces que dans diverses libéralités, notamment auprès des différentes abbayes voisines[CL 3].

Le temps des guerres modifier

Bataille de Bouvines modifier

Enluminure représentant un guerrier couronné à cheval et en armure au milieu d'une bataille.
Le roi Philippe Auguste à la bataille de Bouvines[3].

En 1214, il est cité parmi les nombreux chevaliers bannerets provenant du comté de Champagne et présents dans l'ost de Philippe Auguste lors de la bataille de Bouvines contre une coalition constituée de princes et seigneurs flamands, allemands et français renforcés de contingents anglais, équivalant à environ 9 000 combattants, menée par l’empereur du Saint-Empire Otton IV[4],[5].

Il combat très probablement aux côtés de son roi et de ses beaux-frères Simon II de Broyes et Simon Ier de Châteauvillain, mais ses faits d'armes n'ont pas été rapportés[SP 6].

Guerre de succession de Champagne modifier

Lettrine médiévale représentant un chevalier en armure sur son destrier.
Le comte de Champagne Thibaut IV.

Au début de l'année 1216 éclate la guerre de succession de Champagne dans laquelle il fait partie des partisans d'Érard de Brienne, dont il est le cousin au deuxième degré, et de sa femme Philippa de Champagne, contre la comtesse régente Blanche de Navarre et son fils Thibaut[AJ 1],[EP 1].

Le conflit connaît beaucoup de trêves[Note 3] et les actions d'Érard sont d'abord plus proches du brigandage que de la guerre. La comtesse Blanche demande expressément l'aide du roi, mais celui-ci n'a que peu d'appuis à lui accorder. Elle en appelle ensuite au pape Honorius III qui prononce une première fois le l'excommunication d'Érard et de son épouse, mais celle-ci n'est pas appliquée par tous les prélats. Afin d’affermir sa volonté, le pape prononce lui-même le la sentence d'excommunication contre le jeune couple et désigne nominativement vingt-cinq de ses alliés[AJ 3].

Une paix est alors instaurée, pendant laquelle la comtesse Blanche rassemble ses armées afin de réduire un par un les soutiens d'Érard de Brienne. Dès la trêve achevée le , elle ravage le Bassigny avec l'aide du duc de Bourgogne Eudes III. C'est probablement avant ces événements qu'elle fait le siège du château de Chacenay, afin d'obtenir un point stratégique face aux armées d'Érard de Brienne. Alerté de la situation, Simon II, seigneur de Sexfontaines, également partisan d'Érard de Brienne et ami du sire de Chacenay, coordonne une attaque de l'arrière-garde de l'armée champenoise pendant que les soldats de Chacenay mènent une sortie. Les Champenois sont mis en déroute et contraints de prendre la fuite en abandonnant leur campement et leurs engins de siège[LC 1]. Selon certains historiens, Simon II de Sexfontaines aurait déjà été présent au château de Chacenay au début du siège et aurait causé de grands ravages lors d'une sortie[6],[EP 2].

Dessin en noir et blanc représentant un sceau médiéval montrant un homme en armes brandissant épée et bouclier et montant un cheval au galop.
Sceau du duc Eudes III de Bourgogne.

Une fois remobilisés, les Champenois reprennent le siège mais, ayant besoin de son armée contre Érard de Brienne, Blanche propose des pourparlers afin de signer une trêve. Se rendant au lieu de l'entrevue, Érard de Chacenay est alors trahi et, est fait prisonnier par des cavaliers champenois. Blanche veut alors en profiter pour prendre rapidement le château de Chacenay, mais celui-ci est désormais tenu par Simon de Sexfontaines qui est venu s'y enfermer avec ses soldats et des vivres afin de continuer à résister au siège. Prise par le temps, Blanche se voit donc obligée de lever le siège pour faire la jonction avec le duc de Bourgogne[LC 2].

Érard de Chacenay parvient à s'échapper avec la complicité d'un ancien serviteur attaché au service de la comtesse de Champagne et rejoint Simon de Sexfontaines. Ensemble, ils poursuivent les restes de l'armée champenoise et reprennent successivement Chervey, Landreville, Merrey, Villeneuve et enfin Bar-sur-Seine, avant d'en être chassés par une autre armée[Note 4] qui avait pour but de venir au secours de Blanche et de faire la jonction avec ses troupes[LC 3]. Ces forces coalisées parviennent par la suite à réduire un par un les soutiens d'Érard de Brienne, le contraignant à accepter une nouvelle trêve le . Seul le sire de Chacenay semble décidé à continuer à se battre[AJ 4].

Mais le , la guerre est sur le point de recommencer mais Érard de Chacenay est forcé de traiter avec la comtesse le . Les termes de cet accord nous sont inconnus car il refuse toujours de lui prêter hommage[AJ 5]. Après avoir été de nouveau excommunié, sa terre en interdit, il écrit le même jour au pape afin de se mettre à son service et ainsi obtenir la levée des censures[AJ 5]. Voyant ses alliés vaincus les uns après les autres, Érard de Brienne signe avec Blanche le une trêve de 4 ans, sous réserve de plusieurs conditions, dont l'une, toute particulière, mentionne que la comtesse et son fils Thibaut, interviendront auprès du pape afin d'obtenir l'absolution d'Érard et de tous ses partisans[AJ 6]. Mais le , le pape menace de nouveau Érard de Chacenay d'excommunication s'il ne fait pas hommage à la comtesse et à son fils Thibaut. Il lui donne un dernier délai pour s'exécuter[AJ 7], la date du .

Cinquième croisade modifier

Tableau représentant une bataille navale lors du siège de Damiette pendant la cinquième croisade.
Navire brisant la chaîne de Damiette lors de la cinquième croisade.
Peinture d'histoire de Cornelis Claesz van Wieringen, musée Frans Hals, vers 1625.

Très probablement afin d'éviter l'excommunication papale, Érard tient sa promesse en se mettant à la disposition du pontife et prend part à la cinquième croisade. En , il est ainsi présent au siège de Damiette lors duquel sa présence est attestée par le don d'une rente de 20 livres qu'il fait aux chevaliers teutoniques[CL 4].

Il y combat aux côtés de ses cousins Jean de Brienne, roi de Jérusalem, Milon IV du Puiset, comte de Bar-sur-Seine, Jean d'Arcis et Guy d'Arcis, ainsi que de son oncle par alliance Hervé de Donzy, comte de Nevers[CL 5]. Au cours de ces affrontements, il voit ce dernier provoquer le scandale chez les croisés en prenant la fuite[Note 5] tandis que son cousin Milon du Puiset et son fils Gaucher tombent glorieusement les armes à la main[CL 6].

La ville est finalement prise le , mais Jean de Brienne abandonne la croisade en à la suite des différends entre Français et Italiens et surtout en raison de querelles avec le légat du pape, Pélage[8]. C'est très probablement au printemps de cette année-là qu'Érard de Chacenay rentre en Champagne[CL 6].

Reprise des hostilités en Champagne modifier

Miniature médiévale représentant le buste de la comtesse Blanche de Navarre.
La comtesse Blanche de Navarre.

De retour sur ses terres, Érard de Chacenay est alors rattrapé par ses affaires et, est de nouveau enjoint de prêter hommage au comte de Champagne. Après avoir essayé en vain d'obtenir en appel un délai supplémentaire, il est une nouvelle fois excommunié le par le doyen de Saint-Maclou de Bar-sur-Aube, sentence qui sera confirmée par le pape le [AJ 7].

Mais le , Érard de Brienne et Philippa renoncent à leurs prétentions sur le comté de Champagne et se décident à les vendre au plus cher à la comtesse Blanche et à son fils[AJ 8]. Érard de Chacenay devient alors le dernier à refuser sa soumission et parvient à résister encore quelques mois avant de renoncer à son tour le [AJ 7]. Il promet ainsi de demeurer fidèle au comte Thibaut, particulièrement contre Alix de Champagne, reine consort de Chypre et sœur aînée de Philippa et disposant donc des mêmes prétentions qu'elle sur le comté[CL 7].

Malgré la défaite, Érard de Chacenay reste dans l'entourage d'Érard de Brienne et, est désigné en par celui-ci et son épouse, Philippa, pour expertiser les terres données par la comtesse à son ancien rival en échange de l'abandon de ses prétentions. Cette opération coïncide à la fois avec la fin de la guerre de succession de Champagne mais aussi avec la fin de la régence de la comtesse Blanche de Navarre, son fils Thibaut étant désormais âgé de vingt-et-un ans et donc majeur[AJ 9].

Fin de carrière modifier

Sénéchal du comte de Nevers modifier

Photo d'une tour médiévale avec au premier plan une porte fortifiée
La Porte du Croux, avec au premier plan son avant-porte, à Nevers.

Outre ses terres en Champagne, Érard en possède également dans le Nivernais qu'il a reçu de sa mère Mathilde de Donzy. Il est également un proche de son oncle Hervé IV de Donzy, comte de Nevers, de Tonnerre et d'Auxerre, avec qui il est parti pour la cinquième croisade en 1218. C'est probablement après le départ de celui-ci, rentré en Europe pour obtenir les terres de son beau-père décédé, qu'il en serait devenu le sénéchal. Mais Hervé meurt empoisonné en et sa veuve Mathilde de Courtenay préfère s'entourer de ses familiers plutôt que des hommes de son époux[9].

La comtesse de Nevers demande alors à Érard de renoncer au sénéchalat au profit de son parent Gaucher de Joigny, mais ils n'arrivent pas à s'entendre sur le montant de l'indemnité[10]. Ce différend est arbitré en , à Tonnerre, par le roi de Jérusalem Jean de Brienne, avec qui Érard part probablement pour la Terre sainte[Note 6]. Il reçoit alors la somme de 100 livrées de terre assignées à Guerchy, qu'il transmet aussitôt en dot à sa fille Mathilde qui épouse Guy d'Arcis[10],[SP 7]. Cette somme est augmentée en 1231 de 400 livres parisis afin de compenser le montant supérieur que reçoit son successeur lors de son départ de cette fonction et qui n'a reçu que la somme de 320 livrées[11].

Possible divorce avec son épouse Émeline de Broyes modifier

Photo aérienne d'une commanderie templière
La commanderie d'Épailly, située près du village de Courban.

En 1224, Érard vend aux Templiers d'Épailly le village de Courban, sans avoir consulté son épouse, alors qu'il faisait partie de son douaire et qu'elle le réservait pour la dot de sa fille issue de son premier mariage[12],[13].

Lorsqu'elle le découvre, Émeline menace son époux de divorcer et un contrat de séparation de biens est même signé en . Érard s'engage alors à remettre à sa femme Bligny, ce qu'il a acquis à Loches-sur-Ource de Philippe de Plancy, ainsi qu'Essoyes, y compris ce qu'il pourrait y acquérir de son oncle, Jacques de Durnay[14],[SP 8].

Le divorce n'a toutefois probablement jamais été prononcé car Émeline continue de porter le titre de dame de Chacenay, y compris après la mort de son époux[SP 9].

Découverte d'une imposture en Flandre modifier

Photo d'une tour médiévale en ruine et envahie par la végétation
Ruines du donjon du château de Rougemont, situé à environ 70 kilomètres au sud de Chacenay.

En 1225, un ancien trouvère, nommé Bertrand Cordiele, aurait jeté le trouble en Flandre en se faisant passer pour Baudouin de Constantinople, ancien comte de Flandre et de Hainaut, père de la comtesse Jeanne de Constantinople et décédé vers 1205 ou 1206 en Bulgarie. L'usurpateur a fait croire qu'il était resté prisonnier pendant 20 ans et que cette captivité lui aurait fait perdre une partie de sa mémoire. Une fois démasqué par le roi Louis VIII à Péronne, il aurait pris la fuite vers la Bourgogne[15].

Là-bas, alors qu'il séjourne au château de Rougemont où il récite des vers, il est reconnu par Érard de Chacenay qui le fait prisonnier et questionner. L'imposteur révèle alors qu'il est né à Rains, en Champagne, et qu'il est le fils de Pierre Cordiele, un vassal de Clarembaud de Chappes, dont la seigneurie est voisine de celle d'Érard. Il avoue également avoir fait sa richesse en usurpant l'identité du comte de Flandre[15].

Érard l'envoie alors au roi Louis VIII qui le reconnaît également, avant de le donner à son tour à la comtesse de Flandre, qui le fait juger puis promener enchaîné dans toutes les villes du comté avant de le faire pendre à Lille[15].

« Entretant vint une noviele,
A la contesse forment biele,
Que pris estoit li baretère,
Li faus quens, li faus emperère.
Mesire Erars de Cassenai
L'avoit retenut par assai
A Rouge-mons en un ostel
U il cantoit et d'un et d'el.
Et saciès k'il ert manestreus,
En son païs vallans et preus ;
Et moult l'amoient el païs.
S'ot à non Biertrans de Raïs ;
Et s'ot à non Biertrans li Clos.
Pour ses dis et pour ses boins cos,
N'ot tel gilleur jusqu'à Bordiele.
Ses père ot non Pière Cordiele;
S'iert om monsignor Clarembaut
De Capes, ki moult set et vaut. »

— Philippe Mouskes, Chronique rimée, 1240 environ[16].

Un seigneur respecté modifier

Lors de l'ordonnance de Champagne de 1224 sur le partage des fiefs entre enfants mâles et qui regroupe les plus grands seigneurs champenois, Érard n'est pas présent mais s'y fait représenter par son frère Jacques de Chacenay[AJ 10],[CL 8].

Pendant la période de Noël de l'année 1226, il est fait prisonnier par Jean Ier de Chalon mais il est rapidement libéré par le comte Thibaud IV de Champagne en personne, aidé du seigneur de Ramerupt Érard de Brienne, son ancien ennemi lors de la guerre de succession de Champagne, et de Jacques de Durnay, qui détruisent plusieurs châteaux, forçant ainsi le comte de Chalon Étienne II d'Auxonne et son fils à se soumettre[SP 10].

En 1232, il agit en tant qu'administrateur du comté de Brienne pendant l'absence de Gautier IV, en approuvant la vente, faite au Templiers par Bernard de Montcuq, de 120 arpents de la forêt, dite de Bateiz[SP 11], ainsi que celle d'une rente à l'abbaye de Larrivour par Clarembaud VI de Chappes, sous réserve que ces dispositions soient approuvées par Gautier IV de Brienne dans les six mois suivant son retour de la Terre sainte[SP 12].

Puis, en 1235, il fait partie des garants du traité de mariage conclu entre Blanche, fille du comte Thibaud IV, et du duc de Bretagne, Jean Ier. Il est présent lors des cérémonies à Château-Thierry le [SP 12]. De même, en , il compte encore parmi les seigneurs champenois qui soutiennent le comte Thibaud IV contre l'autorité royale[SP 12].

Protecteur des arts et des lettres modifier

Enluminure médiévale représentant un joueur de vièle.
Enluminure d'un joueur de vièle ornant les Cantigas de Santa Maria, XIIIe siècle.

Érard de Chacenay a probablement été le protecteur du trouvère Guiot de Dijon, avec qui il est probablement parti pour la cinquième croisade. Sans doute en récompense de sa protection ou de quelques libéralités, le poète lui dédie les dernières vers d'une de ses chansons[AJ 11],[17] :

« A Chaisenai vai, chanson, sans doutance,
Et di Erairt ke toute sa poissance
Mete en moi, k'elle i est bien asisse
Ceu dist li hon cui fine Amor justice. »

— Guiot de Dijon, Bien doi chanteir quant fine amor m'enseigne, milieu xiiie siècle[18].

Érard est l'un des rares personnages historiques cités par Guiot de Dijon dans ses chansons. Un autre étant « mon seigneur d'Arsie », qui fait très probablement référence à Jean II d'Arcis dont le frère Guy d'Arcis épouse une des filles d'Érard[18].

Fin de vie modifier

Gravure en noir et blanc d'une église monumentale entourée de bâtiments monastiques
Gravure de l'abbaye de Clairvaux datant du VIIIe siècle.

Érard de Chacenay meurt le à l'âge d'environ 53 ans et, est inhumé à l'abbaye de Clairvaux, dans la chapelle des cardinaux blancs[SP 12]. Sur sa tombe, on pouvait lire l'épitaphe suivante :

« Hic jacet bone memorie vir nobilis Erardus,
senior, dominus Chacenaii.
Obiit anna Domini 1236, 16 kalendas julii[CL 9].
 »

Il est alors remplacé à la tête de la seigneurie de Chacenay par son fils aîné Hugues Ier, mais celui-ci meurt entre 1247 et 1249, peut-être durant la septième croisade[1]. C'est alors le second fils d'Érard, également prénommé Érard, qui lui succède, mais il meurt à son tour en 1253 lors de la bataille de Westkapelle[SP 13]. C'est ensuite Alix, la plus jeune des trois filles d'Érard, qui hérite de la seigneurie familiale[SP 14].

Quant à son épouse, Émeline de Broyes, elle ne se remarie pas et continue de porter le titre de dame de Chacenay. Elle décède vers 1248 ou 1249, car en , elle est citée comme « feue noble dame Émeline, mère de noble Érard, seigneur de Chacenay » lors de la résolution d'une contestation de l'abbaye de Mores à propos de la dîme de Bergères[SP 15].

Légendes autour d'Érard de Chacenay modifier

Avec son épouse Émeline de Broyes modifier

Peinture représentant une femme dont la moitié basse de son corps possède une forme de poisson, se baignant nue et est surprise par un homme.
La fée Mélusine, par Julius Hübner.

Avant le départ d'Érard pour la cinquième croisade, son épouse Émeline lui aurait demandé la permission de construire des bains afin de s'y baigner. Mais Érard n'aurait pas voulu céder à la coquetterie et au goût du luxe de son épouse et le lui aurait refusé[LC 4].

Mais, en l'absence de son mari parti pour la Terre sainte, Émeline aurait profité de travaux sur le donjon adossé aux tours Sainte-Parisse du château de Chacenay pour y construire un vaste réservoir en forme de baignoire, à l'image des anciens bains romains[LC 4]. Bien plus tard, rongée par les remords au décès de son mari, elle aurait été condamnée à revenir les nuits suivant sa propre mort, selon les versions, soit vêtue d'une longue robe blanche[LC 4], soit transformée en sirène[19]. Les cris de son âme tourmentée seraient alors entendus par les villageois vivant aux alentours[LC 4].

Cette légende est très probablement une transcription locale de celle de la fée Mélusine, figure légendaire du Poitou et qui serait la tige de la célèbre maison de Lusignan, aidée par la ressemblance phonétique entre les prénoms Émeline et Mélusine[LC 5]. À noter que des variantes de cette histoire sont également présentes dans les proches châteaux de Vendeuvre et de Brienne[20].

Avec sa fille Alix de Chacenay modifier

Dessin en noir et blanc représentant un sceau médiéval montrant une dame richement vêtue montant en amazone un cheval au galop et portant un faucon à la main droite.
Sceau d'Alix de Chacenay[21].

Érard aurait initié sa fille Alix dès son plus jeune âge aux arts des armes et de la chasse et, une fois adulte, celle-ci serait devenue une combattante aguerrie capable de rivaliser avec les hommes[19].

La légende raconte qu'elle aurait par la suite accompagné son père en croisade en Terre sainte. Mais alors que celui-ci était blessé, elle aurait mis son armure et pris sa place pour aller au combat où elle aurait fait preuve d'héroïsme[LC 6],[21].

Toutefois, cette légende est peu probable car Alix aurait au mieux une quinzaine d'années au début de la cinquième croisade. Mais, selon certaines versions, Alix serait la fille d'Érard III de Chacenay qui participe quant à lui, en 1248, à la septième croisade, ce qui rend l'histoire plus cohérente chronologiquement[19].

Famille modifier

Mariage et enfants modifier

D'azur à trois broyes d'or rangées en pal.
Armes de la maison de Broyes : « d'azur à trois broyes d'or rangées en pal ».

En 1205, Érard épouse Émeline de Broyes, fille de Hugues III de Broyes, seigneur de Broyes, et d'Élisabeth de Dreux, dame de Baudement, d'origine capétienne[Note 7], et veuve d'Eudes II de Champlitte[Note 8]. Érard et Émeline ont ensemble cinq enfants[CL 10],[1] :

  • Hugues Ier de Chacenay, ou Huest, qui succède à son père et meurt sans héritier entre 1247 et 1249, peut-être durant la septième croisade ;
  • Érard III de Chacenay, qui succède à son frère avec qui il participe à la septième croisade. Il meurt sans héritier en 1253 lors de la bataille de Westkapelle ;
  • Mathilde de Chacenay, ou Mahaut, qui épouse en 1223 Guy d'Arcis, seigneur d'Arcis, avec qui elle a trois enfants ;
  • Jeannette de Chacenay, seulement connue dans un acte de , probablement morte jeune ;
  • Alix de Chacenay, avant 1278, qui succède à ses frères. Elle épouse en premières noces en 1224 Guigues V, comte de Forez et mort en 1259, mais n'ont pas postérité ensemble. Veuve, elle épouse en secondes noces Guillaume III, vicomte de Melun, mais n'ont pas postérité.

En 1224, il est possible qu'Érard et Émeline aient été proches du divorce car un contrat de séparation des biens à l'amiable a été retrouvé dans le fonds des templiers d'Épailly. Cependant, il n'a probablement pas été appliqué car Émeline continue de porter le titre de dame de Chacenay jusqu'à sa mort[14],[SP 9].

Ascendance modifier

Annexes modifier

Carte postale ancienne en noir et blanc montrant une chaepelle de taille modeste au premier plan avec un château renaissance en fond de plan.
Chapelle castrale Saint-Nicolas du château de Chacenay.

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Lucien Coutant, Notice historique et généalogique de la terre et baronnie de Chacenay, Troyes, Bouquot, imprimeur-libraire, (lire en ligne sur Gallica). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Henri d'Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et comtes de Champagne : 1181 - 1285 (1re et 2e parties), vol. 4a et 4B, Paris, Librairie Auguste Durand, (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Charles Lalore, Les sires et les barons de Chacenay, Troyes, Leopold Lacroix Libraire, (lire en ligne sur Gallica). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Ernest Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, vol. 3, Dijon, Imprimerie Darantière, (lire en ligne sur Gallica). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • René de Lespinasse, Le Nivernais et les contes de Nevers, t. 2, Paris, Librairie Honoré Champion, éditeur, (lire en ligne sur Gallica). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Édouard de Saint-Phalle, « Les seigneurs de Chacenay (1068-1253) », Mémoires de la Société Académique de l'Aube, vol. 135,‎ . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Une dame de Chacenay et sa sœur Gersent, épouse de Hugues, seigneur de Courteron, sont citées dès 1075 lorsqu'elles participent à la fondation de l'abbaye de Molesme. Cette dame de Chacenay est très probablement l'épouse du seigneur de Montréal[SP 1].
  2. Milon de Montréal, seigneur de Montréal et de Chacenay, probablement le fils d'Anséric Ier de Montréal et de la dame de Chacenay, transmet à sa mort la seigneurie de Montréal à son fils aîné Hugues et celle de Chacenay à son fils cadet Anséric, divisant ainsi sa maison en deux branches distinctes, chacune prenant le nom de sa seigneurie respective[SP 2].
  3. Lors de la trêve du , Érard de Chacenay est désigné comme arbitre par Érard de Brienne tandis que le comte de Bar est celui de la comtesse Blanche[AJ 2].
  4. Probablement celle du duc Eudes III de Bourgogne, bien que Lucien Coutant parle à tort d'armée royale[LC 3].
  5. Hervé de Donzy abandonne l'armée croisée sous les murs de Damiette afin de rentrer en Europe lorsqu'il apprend la mort de son beau-père Pierre II de Courtenay afin de prendre possession de ses terres[7].
  6. Jean de Brienne et Érard de Chacenay sont de retour en France avant le , où leur présence est attestée à Paris[SP 7].
  7. Élisabeth de Dreux est la petite-fille de Robert Ier de Dreux, comte de Dreux, lui-même cinquième fils de Louis VI le Gros, roi des Francs, et d'Adélaïde de Savoie.
  8. Émeline de Broyes s'était mariée après 1200 avec Eudes II de Champlitte dit le Champenois, seigneur de Champlitte et veuf d'Agnès de Mont-Saint-Jean, avec qui elle a eu une fille : Eudette de Champlitte. Eudes II de Champlitte, dont le père Eudes Ier était un fils putatif du comte de Champagne Hugues Ier, trouve la mort lors du siège de Constantinople de 1204 durant la quatrième croisade.

Références modifier

  • Lucien Coutant, Notice historique et généalogique de la terre et baronnie de Chacenay, 1851.
  1. Lucien Coutant 1851, p. 10-11.
  2. Lucien Coutant 1851, p. 11-12.
  3. a et b Lucien Coutant 1851, p. 13.
  4. a b c et d Lucien Coutant 1851, p. 9.
  5. Lucien Coutant 1851, p. 10.
  6. Lucien Coutant 1851, p. 18.
  • Charles Lalore, Les sires et les barons de Chacenay, 1885.
  • Ernest Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, tome 3, 1889.
  • Édouard de Saint-Phalle, Les seigneurs de Chacenay (1068-1253), 2011.
  • Autres références
  1. a b c d et e (en) Charles Cawley, « Érard II de Chacenay », sur fmg.ac/MedLands (Foundation for Medieval Genealogy) (consulté le ), Champagne Nobility ; Bar-sur-Aube ; Bar-sur-Seine.
  2. Auguste Longnon, Documents relatifs au comté de champagne et de Brie : 1172-1361, t. 1 : Les fiefs, Paris, Imprimerie nationale, (lire en ligne sur Gallica), p. 91.
  3. Enluminure des Grandes Chroniques de France, vers 1330. Bibliothèque municipale de Chartres, BM 0003, fo 282 vo.
  4. Alexandre Mazas, Vies des grands capitaines français du moyen-âge, t. 1, Paris, Chez Jacques Lecoffre et compagnie, libraires, (lire en ligne), p. 307.
  5. Auguste Longnon, Documents relatifs au comté de champagne et de Brie : 1172-1361, t. 1 : Les fiefs, Paris, Imprimerie nationale, (lire en ligne sur Gallica), p. 437.
  6. Émile Jolibois, La Haute-Marne ancienne et moderne : Dictionnaire géographique, statistique, historique et biographique de ce département, Chaumont, Imprimerie et lithographie la veuve Miot-Dadant, (lire en ligne), p. 504.
  7. René de Lespinasse 1911, p. 94.
  8. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - III. 1188-1291 L'anarchie franque, Paris, Perrin, (réimpr. 2006), 902 p..
  9. René de Lespinasse 1911, p. 149.
  10. a et b René de Lespinasse 1911, p. 114.
  11. René de Lespinasse 1911, p. 151.
  12. (en) Jochen Schen, Templar Families, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-53048-5), p. 194.
  13. (en) Theodore Evergates, The Aristocracy in the County of Champagne, 1100-1300, Pennsylvania, University of Pennsylvania Press, , 415 p. (ISBN 978-0-8122-4019-1, lire en ligne), p. 103.
  14. a et b Ernest Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, vol. 2, Dijon, Imprimerie Darantière, (lire en ligne sur Gallica), p. 460-462.
  15. a b et c Edward Le Glay, Histoire des comtes de Flandre jusqu'à l'avènement de la maison de Bourgogne, t. 2, Bruxelles, Librairie ancienne et moderne A. Vandale, (lire en ligne), p. 38.
  16. Frédéric Auguste Ferdinand Thomas de Reiffenberg, Chronique rimée de Philippe Mouskes, Bruxelles, M. Hayez, imprimeur de la collection royale d'histoire, (lire en ligne), p. 482-483.
  17. Ernest Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, vol. 5, Dijon, Imprimerie Darantière, (lire en ligne sur Gallica), p. 123-124.
  18. a et b Élisabeth Nissen, Les chansons attribuées à Guiot de Dijon et Jocelin, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, (présentation en ligne), p. 11.
  19. a b et c Jean-Claude Czmara, Contes et légendes de l'Aube, Saint-Cyir-sur-Loire, Éditions Alan Sutton, coll. « Provinces Mosaïques », , 224 p. (ISBN 978-2-84910-912-0, présentation en ligne), p. 209.
  20. Jean Durand, Guide de l'Aube mystérieuse, Troyes, Grande imprimerie de Troyes, (ISBN 978-2-87027-024-0, présentation en ligne), p. 14.
  21. a et b Lucien Coutant, « Sceau d'Alix de Chacenay », Société de Sphragistique de Paris, vol. 2,‎ , p. 106 (lire en ligne).