Abraham Bosse

graveur français (1604-1676)
Abraham Bosse
Gravure de la série des Métiers (1635) : le valet.
Naissance
Vers Voir et modifier les données sur Wikidata
ToursVoir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Activités
Maître
Melchior Tavernier (I) (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Lieu de travail
Conjoint
Catherine Sarrabat (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Abraham Bosse, né à Tours entre 1602 et 1604 et mort à Paris le ou le , membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture, fut l'un des meilleurs graveurs français du XVIIe siècle. Théoricien de la gravure, prosélyte des méthodes projectives de Girard Desargues, son œuvre est un emblème de l'art baroque français.

Biographie modifier

Abraham Bosse est le fils de Louis Bosse, tailleur protestant d'origine allemande ayant immigré à Tours, et de Marie Martinet[1].

Il fait son apprentissage auprès du graveur Melchior Tavernier, à partir de 1620[2]. Ses premières gravures d'interprétation, d'après les Jardinières du lorrain Jacques Bellange, datent de 1622. En 1629, il rencontre l'aquafortiste Jacques Callot, de passage à Paris, dont il devient le collaborateur et l'ami, et subit sans aucun doute son influence (emploi du vernis dur, plus exigeant techniquement, mais permettant des tracés plus nets).

Il a épousé Catherine Sarrabat au temple protestant de Tours, le [3].

La rencontre avec Desargues modifier

Abraham Bosse, Manière universelle de M. Desargues pour praticquer la Perspective, Paris 1647

L'architecte et géomètre Girard Desargues avait ouvert à Paris un cours privé pour enseigner aux artisans (tailleurs de pierre, charpentiers, graveurs, fabricants d'instruments) les applications de sa technique de perspective linéaire, qui introduit implicitement (par le fait que les fuyantes parallèles concourent à l'infini) et pour la première fois l'idée d'un point à l'infini.

Bosse fréquente cette institution à partir de 1641, et devient dès lors le propagandiste le plus actif et le plus influent de l'architecte lyonnais. Non content d'utiliser la perspective arguésienne dans ses gravures, il publie une série complète de traités sur cette technique et ses applications multiformes : La manière universelle de M. des Argues Lyonnois pour poser l'essieu & placer les heures & autres choses aux cadrans au Soleil[4], La pratique du trait à preuve de M. des Argues Lyonnois pour la coupe des pierres en Architecture (1643)[5], Manière universelle de M. des Argues pour pratiquer la perspective par petit-pied comme le géométral (1648), Moyen universel de pratiquer la perspective sur les tableaux ou surfaces irrégulières. (1653). Parmi les superbes planches qui illustrent ces traités, celle intitulée Les Perspecteurs[6] est à ce point suggestive de la démarche géométrique qu'elle est aujourd'hui une illustration « classique » des éditions de Descartes, ou des livres de géométrie.

Le bal, tiré de la série Le Mariage à la ville (1633)

La lutte académique modifier

Desargues avait dû lutter durement pour faire admettre ses méthodes auprès des corporations et des architectes, et Bosse, en le relayant sur le champ du dessin et de la peinture, va lui-même devenir cible d'une polémique. Lorsqu'en 1648 Mazarin fonde l'Académie royale de peinture et de sculpture, c’est Abraham Bosse qui est choisi - sur la recommandation de Laurent de La Hyre - pour y enseigner la perspective et la gravure. Mais à partir de 1651, une opposition de méthode sur la finalité de la perspective avec Charles Le Brun et ses séides l'entraîne dans une polémique acerbe. En 1660, un autre membre de l'Académie, Le Bicheur, fait paraître son Traité de Perspective dédié à Charles le Brun. Abraham Bosse l’accuse aussitôt de plagiat[7]. Le peintre Charles Errard accuse à son tour Abraham Bosse de plagiat. Bosse est exclu de l'institution royale en 1661[8]. Il fonde alors une école privée pour y poursuivre l'enseignement des méthodes arguésiennes. Elle est fermée par un arrêt royal du . Abraham Bosse continue toutefois à exposer ses principes théoriques dans ses écrits. C’est ainsi qu’il publie en 1665 les lectures qu’il avait données à l’Académie, le Traité des pratiques géométrales et perspectives enseignées dans l’Académie royale de la peinture et sculpture. Abraham Bosse est remplacé à l'Académie royale de peinture le par Étienne Migon comme professeur de géométrie et de perspective. Étienne Migon avait publié en 1643 la Perspective spéculative et pratique du Sieur Aleaume[9],[10].

Le Brun et Grégoire Huret défendaient l'idée d'un « beau idéal » qui ne peut être l'œuvre que du « génie » propre et de l'imagination de l'artiste ; idée à laquelle Bosse, plus naturaliste et plus technicien, n'adhérait pas.

Le graveur scientifique modifier

Pendant la première partie de sa carrière, Bosse traitait surtout de scènes de genre, voire de thèmes religieux à l'occasion. Fils de tailleur, il était aussi passionné par les costumes, et l'on peut regarder sa production graphique à cette époque comme une forme de « réclame » avant l'heure pour la production familiale.

Le travail qu'il avait effectué auprès de Desargues l'avait toutefois fait connaître d'un nombre croissant d'auteurs et, après la mort de Desargues, sa production graphique concerne essentiellement l'illustration d'ouvrages scientifiques. Il poursuivit aussi son travail didactique sur les arts graphiques et la perspective.

C'est Abraham Bosse qui contribua à diffuser les innovations apportées par Jacques Callot (telles que l'utilisation du vernis dur et de l'échoppe), au travers de son ouvrage : Traicté des manières de graver en taille douce sur l'airin par le moyen des eaux-fortes, de 1645. Cet ouvrage connaîtra une large diffusion dans toute l'Europe, où il sera traduit en une dizaine de langues jusqu'au XIXe siècle[11], telles que l'italien, le hollandais, l'allemand[Note 1], l'anglais[Note 2] et le portugais[Note 3] (auquel il faudrait aujourd'hui ajouter le japonais).

Cependant, à la différence de Callot (qui cherchait dans l'eau-forte le moyen de graver des œuvres pleines de vie et riches en petits détails), le but d'Abraham Bosse était de réussir à obtenir avec l'eau-forte un résultat aussi proche que possible du burin. Ceci l'amena à une adaptation du vernis dur que lui avait fait découvrir Callot.

Son œuvre à l'eau-forte retrouve en effet la rigueur un peu austère du burin, tout en en évitant le côté compassé. Il excelle dans la mise en scène d'hommes et de femmes élégants, souvent situés dans de somptueux intérieurs, et mettant en valeur les costumes portés à l'époque de Louis XIII, pendant laquelle s'exerça la première partie de sa carrière ; mais c'est aussi dans ses gravures décrivant les divers métiers et scènes de la vie quotidienne que l'on découvre son talent.

Œuvres modifier

Estampes et illustrations modifier

Sibille Tiburtine ou Sibylle Tiburtine, de la série des Douze Sybilles, dont la figure est gravée par Gilles Rousselet et l'arrière plan par Abraham Bosse. Metropolitan Museum of Art (New York)
Compère Guillery, Abraham Bosse, édité par Pierre Ier Mariette, 1632-1657, estampe à l'eau-forte, 15.2 x 11.8 cm, Musée des Beaux-Arts de Nancy, inv. TH.99.15.3498. Inscription dans la marge inférieure : C'est le portrait de guillery / qui fut vn grand voleur infame / Iadis il voloit le mary / Maintenant il vole la femme

Ouvrages techniques modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Le traité d'Abraham Bosse sera traduit en allemand dès 1689 ; C.G. Nitzsche en effectuera une traduction en 1765, fondée sur l'édition française de 1745.
  2. C'est le graveur et peintre William Faithorne qui effectuera la traduction anglaise.
  3. Première traduction portugaise publié en 1801, effectuée par le graveur brésilien José Joaquim Vega de Menezes, et fondée sur l'édition française de 1758.

Références modifier

  1. Sophie Join-Lambert, « Repères chronologiques », sur Bibliothèque nationale de France (consulté le ).
  2. José Lothe, « Un document inédit : le contrat d'apprentissage d'Abraham Bosse », Nouvelles de l'estampe, no 130-131, octobre 1993, p. 34-35.
  3. Acte de mariage d'Abraham Bosse, graveur, p. 204, Bulletin de la Société de l'art français, 1878 (lire en ligne)
  4. « Architectura - Les livres d'Architecture », sur architectura.cesr.univ-tours.fr (consulté le )
  5. « Architectura - Les livres d'Architecture », sur architectura.cesr.univ-tours.fr (consulté le )
  6. « Abraham Bosse », sur expositions.bnf.fr (consulté le )
  7. Traité de Perspective, Faict Par un Peintre de l’Académie Royale. Dédié A Monsieur le Brun, Premier Peintre du Roy, Paris, 1660.
  8. Récit de ce qui s'est passé à l'Académie à l'égard de M. Bosse, manuscrit 49 déposé à l'ENSBA, dont le texte a été imprimé dans le livre de Marianne Le Blanc.
  9. Estienne Migon, La Perspective spéculative et pratique, où sont démontrez les fondemens de cet art, et tout ce qui a esté enseigné jusqu'à présent ; ensemble la manière universelle de pratiquer, non seulement sans plan geometral et sans tiers poinct, dedans ni dehors le champ du tableau, mais encore par le moyen de la ligne communément appelée horisontale de l'invention du feu sieur Aleaume, ingénieur du Roy, mise au jour par Estienne Migon, professeur ès mathématiques, Paris, Melchior Tavernier et François Langlois,
  10. Noël-Germinal Poudra, « Aleaume et Estienne Migon », dans Œuvres de Desargues réunies et analysées par M. Poudra, suivies de l'analyse des ouvrages de Bosse, ami et élève de Desargues ; de notices sur Desargues extraites de la vie de Descartes, par Baillet ; et de lettres de Descartes ; de notices diverses sur Desargues, par le P. Colonia, Pernetty, MM. Poncelet et Chasles ; de notices sur la Perspective d'Aleaume et Migon ; sur celle de Niceron ; sur celle de Grégoire Huret ; et d'un recueil très rare de divers libelles publiés contre Desargues, Paris, Leiber éditeur, (lire en ligne), p. 189-192
  11. Ministère de la Culture : Traité d'Abraham Bosse et ses traductions.
  12. Mathieu Guerriaud, « [Abraham Bosse and the dean's engraving] Abraham Bosse et La gravure du Doyen », Revue d'histoire de la pharmacie, vol. LXI,‎ (ISSN 0035-2349, lire en ligne, consulté le )
  13. « Abraham Bosse : Les Cinq Sens, v. 1638 » sur le site expositions.bnf.fr.
  14. Antoine de Jussieu, Mémoire pour l'Assemblée publique. L'Histoire et l'usage que l'on peut faire d'un ouvrage considérable de botanique, coll. « Bibliothèque du Muséum, Ms. 2651 », , p. 11

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

  • (nl) Cornelis de Bie, Het Gulden Cabinet, 1662, p. 508
  • Elisabeth Lavezzi, « Gravure et conception coloriste de la peinture », Dix-huitième siècle, vol. n° 51, no 1,‎ , p. 205–217 (ISSN 0070-6760, DOI 10.3917/dhs.051.0205, lire en ligne, consulté le )
  • M.-L. Blumer, « Bosse (Abraham) » dans Dictionnaire de biographie française, vol. 6, Paris, [détail des éditions] , col. 1146–1147
  • S. Join-Lambert, J.-P. Manceau, Abraham Bosse, graveur et sçavant (1995), CRDP de la région Centre, (ISBN 978-2-903769-15-4)
  • S. Join-Lambert, M. Préaud et al., Abraham Bosse, savant graveur (2004), BNF-Musée des Beaux-arts de Tours, diffusion éd. du Seuil. (ISBN 978-2-7177-2283-3)
  • Dhombres, Sakharovitch et al., Desargues en son temps (1994), libr. Albert Blanchard, Paris
  • J. Lieure, L'école française de gravure. XVIIe siècle, La Renaissance du Livre, Paris, ill., index, 201 p.
  • Les Artistes célèbres — Abraham Bosse sur Gallica par Antony Valabrègue, édition L. Allison (Paris), 1892
  • Marianne Le Blanc, D’Acide et d’Encre : Abraham Bosse (1604?-1676) et son siècle en perspectives, Paris, Édition CNRS, , 322 p. (ISBN 978-2-271-06222-2)

Articles connexes modifier

Liens externes modifier