Abraham Moles

chercheur en sciences de l'information et de la communication

Abraham Moles, né le à Touzac et mort le à Strasbourg[1], est l'un des précurseurs des études en sciences de l'information et de la communication en France (il est l'auteur de la préface de l'œuvre canonique de Weaver et Shannon). Professeur, il a enseigné à la Hochschule für Gestaltung d'Ulm et à l'Université de Strasbourg. Son étude sur le kitsch a fait date. Il est également l'inventeur du morphophone (en collaboration avec Jacques Poullin), l'une des premières chambres d'écho électroniques[2].

Abraham Moles
Portrait de Abraham Moles
Conférence d'Abraham Moles en 1972.
Biographie
Naissance
Touzac
Décès (à 71 ans)
Strasbourg
Nationalité Drapeau de la France France
Thématique
Formation Université Grenoble-AlpesVoir et modifier les données sur Wikidata
Profession ingénieur, chercheur, universitaire
Employeur Université de Stuttgart et université de Strasbourg (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Intérêts théorie de l'information, psychologie, esthétique, physique
Idées remarquables le kitsch

Biographie

modifier

Jeunesse et études

modifier

Abraham Moles a suivi des études d'ingénieur en électricité et en acoustique à l’université de Grenoble, en même temps qu'une licence en sciences.

Il suit également les cours d'Aimé Forest et de Jacques Chevalier en philosophie à l’Université de Grenoble, puis ceux de Gaston Berger à l’Université d'Aix et Gaston Bachelard à la Sorbonne.

En 1952, il soutient en Sorbonne une thèse de doctorat d’État sur La structure physique du signal musical et phonétique (sous la direction de René Lucas, Edmond Bauer, Henri Pieron et du physiologiste Alexandre Monnier).

Parcours professionnel

modifier

Il est nommé assistant au Laboratoire de physique de métaux, dirigé d’abord par Félix Esclangon, puis par Louis Néel. Il s'initie aux techniques de la métallurgie, à la manipulation de l’appareillage électrique et électronique, et rédige des rapports d’essais de matériaux ou d’analyses techniques. À la fin de la guerre, il entre au CNRS, au Laboratoire d’acoustique et de vibrations à Marseille, et au CRSIM (Centre de recherche scientifique industriel et maritime), héritier d’un Laboratoire de la Marine nationale (futur Laboratoire d’études mécaniques du CNRS).

Il participe aux travaux du Centre d’études de la radio-télévision (Jean Tardieu, dir.), rue de l’Université, organisme de recherche de la Radiodiffusion française, et en particulier de l’équipe réunie autour de Pierre Schaeffer, créateur de la musique concrète.

Mais sa situation professionnelle est précaire. Il reçoit deux bourses de la Fondation Rockefeller qu'il met à profit au cours d'un séjour à l'université Columbia (au Département de musique dirigé par Vladimir Ussachevsky).

En 1954, il soutient en Sorbonne une seconde thèse de doctorat d’État, en Lettres (Philosophie) cette fois-ci, intitulée La création scientifique, thèse menée sous la direction de Bachelard. Il obtient le grade et publiera peu de temps après ses travaux en 1957.

De 1954 à 1960, avec de nombreuses interruptions, Abraham Moles occupe la charge de directeur du Laboratoire d’électroacoustique Scherchen, situé dans le petit village de Gravesano en Suisse italienne, sous la direction du chef d’orchestre Hermann Scherchen, l’un des pionniers de Radio Berlin jusqu’en 1933 qui avait révélé des compositeurs aussi fameux que Luciano Berio, Iannis Xenakis, Bruno Maderna, Luigi Nono.

Simultanément, Abraham Moles enseigne à l’Université de Stuttgart (dans le département de Max Bense), ainsi qu'à l’Université de Bonn, à Berlin et à Utrecht. Il obtient enfin un poste de professeur régulier à la Hochschule für Gestaltung à Ulm, fondée après la guerre par Max Bill, héritière en Allemagne de la tradition du Bauhaus de Weimar.

À partir de 1966, il donne des cours à l’Université de Strasbourg (dans le Département dirigé par Henri Lefebvre), d'abord en sociologie puis dans la Chaire de psychologie sociale. Il y crée en 1966 un Institut de psychologie sociale des communications qu'il dirige jusqu'en 1987, appelé communément l'École de Strasbourg par les anciens étudiants devenus universitaires dans le monde entier et aujourd'hui réunis dans l'Association internationale de micropsychologie et de psychologie sociale des communications.

Le 26 octobre 1966[3], les étudiants situationnistes le prennent pour cible[4] et interrompent son cours à coups de tomates[5] pour caricaturer son rôle d'automate ou de « robot conforme » voué à la « programmation des jeunes cadres »[4]. La consigne « Tomatez Moles ! » avait été donnée dès 1963 en interne chez les situationnistes[3]. Moles avait envoyé une « lettre ouverte au groupe situationniste » datée du 16 décembre 1963 où il proposait « l' axe de la technologie » comme lieu de recherche de « situations nouvelles ». Le numéro 9 de l'I.S. la publie sous le titre « Correspondance avec un cybernéticien », suivie d'une réponse insultante de Guy Debord datée du 26 décembre, adressée à « Petite tête » – très certainement en se référant au tour épistolaire employé par Lautréamont quand il évoquait « les Grandes-Têtes-Molles », expression familière des surréalistes que Moles évoque dans sa lettre ouverte. Et en mars 1967, des admirateurs parisiens des situationnistes vont de nouveau l'interrompre à coups de tomates, lors de sa venue au Musée des Arts décoratifs (Paris) où il est accueilli par Jean-Jacques Lebel[3].

Son ouvrage Art et ordinateur (1971) transpose en esthétique les théories de Shannon et s'inspire des pratiques de l'Oulipo, dont il est l'invité d'honneur en 1970.

Il co-fonde l'Académie Nationale des Arts de la Rue (ANAR) en 1975 avec notamment Marcel Bleustein-Blanchet, Jacques Dauphin, Christian Chavanon, Paul Delouvrier, Georges Elgozy, Roger Excoffon, Maurice Cazeneuve, ou encore André Parinaud[6].

Il a présidé la Société française de cybernétique, fondée par Louis Couffignal.

Textes en ligne

modifier

Captation de conférence

modifier

Œuvres

modifier
  • 1952. Physique et technique du bruit, Paris, Dunod
  • 1957. La création scientifique, Genève, Kister
  • 1961. Musiques expérimentales, Zurich, Cercle d'art
  • 1963. Communications et langages (en collaboration avec B. Vallancien), Paris, Gauthier-Villars
  • 1966. Phonétique et phonation (en collaboration avec B. Vallancien) Paris, Masson
  • 1969. L'affiche dans la société urbaine, Paris, Dunod
  • 1970. Créativité et méthodes d'innovation, Paris, Fayard
  • 1971. Art et ordinateur, Paris, Casterman; Réédité sous une forme augmentée, sous la direction et avec la participation d'Abrah, am Moles, Paris, Editions Blusson, 1990.
  • 1971. Psychologie du kitsch, Paris, Denoël
  • 1971. La communication, Les dictionnaires du savoir moderne (ouvrage collectif sous la direction d'Abraham Moles et Claude Zeltmann)[7], Paris
  • 1972. Théorie des objets, Paris, Éditions universitaires
  • 1972. Psychologie de l'espace (en collaboration avec Élisabeth Rohmer), Paris, Casterman
  • 1973. Théorie de l'information et perception esthétique, Paris, Denoël
  • 1973. Sociodynamique de la culture, Paris, Mouton
  • 1973. La communication, Paris, Marabout
  • 1976. Micropsychologie et vie quotidienne (en collaboration avec Élisabeth Rohmer), Paris, Denoël
  • 1977. Théorie des actes (en collaboration avec Élisabeth Rohmer), Paris, Casterman
  • 1981. L'image, communication fonctionnelle, Paris, Casterman
  • 1982. Labyrinthes du vécu, Paris, Klincksieck
  • 1986. Théorie structurale de la communication et société, Paris, Masson
  • 1990. Les sciences de l'imprécis (en collaboration avec Élisabeth Rohmer), Paris, Seuil
  • 1998. Psychosociologie de l'espace (en collaboration avec Élisabeth Rohmer), textes rassemblés, mis en forme et présentés par Victor Schwach, Paris, L'Harmattan

Notes et références

modifier
  1. Notice d'autorité personne sur le site du catalogue général de la BnF.
  2. Cf. Martial Robert, 1999, p. 138. Pierre Schaeffer, des transmissions à Orphée. Paris, L'Harmattan, 416 p.
  3. a b et c Vie et mort de Guy Debord par Christophe Bourseiller, en 1999 puis réédité en 2016 aux Éditions Plon [1].
  4. a et b Henri Lefèbvre et la critique radicale par Michel Trebitsch, chercheur à l’IHTP et animateur avec Nicole Racine d'un groupe de recherche sur l’histoire des intellectuels, en 1997 [2].
  5. Le mythe brisé de l'Internationale situationniste, par Fabien Danesi, en 2008, page 241.
  6. [3] L'Ilec.
  7. catalogue.bibliothequedesociologie.cnrs.fr.

Liens externes

modifier