Adolphe Schloss

collectionneur d'art français
Adolphe Schloss
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nationalité
Activité
Conjoint
Lucie Haas Schloss (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Marguerite Schloss (d)
Henri Schloss (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Distinction

Adolphe Schloss, né le à Fürth en royaume de Bavière, et mort le à Paris, est un consultant en commerce extérieur et collectionneur d'art français. Les 333 tableaux constituant sa collection, principalement issus du XVIIe siècle hollandais, ont été spoliés durant la Seconde Guerre mondiale.

Biographie modifier

Adolphe Schloss est le fils de Lazarus Schloss et Babette Schloss. Il a 7 frères et sœurs, Leopold Jakob, August, Franziska, Joseph, Carolina Cornelia Friedländler, Rosa et William (Wilhelm) Schloss[1].

Adolphe choisit la nationalité française en 1871, au moment du conflit franco-prussien. En , il forme la société en commandite « Adolphe Schloss et Cie, commissionnaires exportateurs », au 53 boulevard de Strasbourg[2]. La société déménage ensuite au 4 rue Martel[3].

Il épouse Mathilde Lucie Haas (1858-1938).

Le couple rassemble 333 œuvres originaires des Pays-Bas qui deviennent une collection renommée dès avant la Première Guerre mondiale[4]. L'un des marchands d'art et conseiller avisé des Schloss est François Kleinberger[5], installé à Paris depuis 1880, et réputé pour son sérieux[6]. Ils ouvrent à certains visiteurs une partie de leur collection, dans leur hôtel particulier au 38 avenue Henri-Martin à Paris. On y compte des Rembrandt et des Rubens, et des maîtres un peu moins connus[7],[8].

Adolphe Schloss est décrit en 1908 comme membre du Comité français du commerce extérieur et du bureau français des Expositions internationales. Ses efforts ont été récompensés, entre autres, par la Légion d'honneur[9].

Il meurt à Paris le [10].

Une collection spoliée modifier

L'affaire modifier

Après le décès d'Adolphe Schloss en 1910, la garde des œuvres revient à sa femme Mathilde. En 1938, à la mort de cette dernière, ce sont leurs enfants, Marguerite (1879-1959), Lucien, Henry et Juliette Schloss qui en héritent en indivis. Afin de protéger les tableaux, les enfants prennent durant l'été 1939 la décision de déplacer la collection au lieu-dit Le Chambon à Laguenne, non loin de Tulle, dans la propriété de la banque néerlandaise Jordan, qui y a fait bâtir des salles fortes en sous-sol du temps de l'invasion allemande de 1914[11]. Par ailleurs, la société Adolphe Schloss et fils est placée sous le contrôle de l'administrateur judiciaire Alexandre-Paul Monnot des Angles, dès le mois de [12], dans le cadre des lois sur le statut des Juifs du régime de Vichy.

Le , le préfet de la Corrèze Fernand Musso[13] donne l'autorisation à trois fonctionnaires de Vichy, dont Jean-François Lefranc, expert parisien en tableaux, nommé administrateur de biens juifs de haute valeur par Darquier de Pellepoix, commissaire général aux questions juives, de perquisitionner le domaine de Chambon. L'information avait été fournie aux autorités de Vichy par le chauffeur qui avait transporté les œuvres en 1939[14]. Musso et ses gendarmes tentent de retarder le départ des tableaux, qui sont enlevés par un Allemand et deux miliciens, appartenant à la Gestapo française de la rue Lauriston. Le , 56 caisses sont stockées dans une caserne allemande située à Limoges, puis dans les coffres de l'agence de la Banque de France[15]. Cependant, Abel Bonnard finit par autoriser les autorités allemandes à les exporter vers Munich le  : entre-temps, la collection transite par les coffres de la banque Dreyfus à Paris et Bonnard fait en sorte que le musée du Louvre préempte 49 tableaux. Finalement, 230 tableaux partent pour le musée Hitler et 22 pour les collections privées de Goering. Les tableaux restant furent vendus à un mystérieux marchands hollandais nommé Buittenweg, soit 32 toiles[16]. Un mystère demeure sur le sort de certaines toiles. Grâce aux notes scrupuleuses de Rose Valland, qui voit arriver les dites toiles au Jeu de Paume en , on connaît l'inventaire avant le départ vers l'Allemagne ; elle prend soin également de noter que les tableaux destinés à Goering ont été refusés par lui[17].

Ce pillage est à mettre sur le compte de Bruno Lohse, responsable du Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) et d'Erhard Goepel (1906-1966), chargé de mission au service du musée Hitler section « peinture hollandaise ». Une fois à Munich, les toiles sont enregistrées par Hermann Voss (1884-1969), conservateur en chef du dit musée, dont une partie des locaux est dévastée par les Armées alliées en 1945[18].

Des restitutions modifier

Rembrandt van Rijn, Le Juif au bonnet de fourrure (détail, 1660 ?), de la collection Adolphe Schloss (restitué)[19].

Après la guerre, toutes les œuvres sont considérées comme perdues mais, progressivement, 162 (dont les 49 toiles du Louvre dès 1945) ont pu être restituées aux ayants droit, qui vont procéder à des ventes partielles entre 1949 et 1954, via la galerie Charpentier (Paris)[20], sous le marteau de Maurice Rheims assisté de Robert Lebel. Ainsi, le , les héritiers décident de procéder à une vente au cours de laquelle le musée du Louvre peut acquérir, en toute légalité cette fois, Les Lamentations du Christ attribuée au cercle de Petrus Christus[17].

En 1977, un tableau de Jan van de Cappelle, Mer calme, retrouvé en Allemagne, est restitué à la famille Schloss, moyennant remboursement de l'indemnité versée par la RFA après 1961. Les œuvres de Rembrandt, Vieillard à la barbe blanche coiffé d'une toque noire, et de Dirk van Delen, Nature morte à la tulipe, ont été restituées dans le courant de l'année 1999. Marie de Médicis de Rubens, achetée par un marchand d'art de New York à Christie's, a été restituée en . Autre exemple plus récent, le , la peinture intitulée Le Juif au bonnet de fourrure attribuée à Rembrandt qui avait été signalée à la Galerie nationale de Prague, a été restituée aux héritiers[17].

En , un portrait à l'huile de la main de Bartholomeus van der Helst réapparaît lors d'une vente aux enchères en Autriche[21]. L'Alchimiste de David Teniers le Jeune (1610-1690) est toujours en possession d'un collectionneur privé américain, alors qu'il a été formellement reconnu comme appartenant à la collection Schloss.

Saisi en 2018 à New York alors que sa propriétaire chilienne tentait de le vendre aux enchères chez Christie's, le tableau Savant aiguisant sa plume de Salomon Koninck[22], a été restitué aux héritiers d’Adolphe Schloss, par le FBI. La cérémonie officielle de restitution s'est tenue le dans les locaux du consulat de France à New York, en présence du ministre français des Affaires Étrangères, Jean-Yves Le Drian[23].

Les œuvres non restituées modifier

En 2018, 171 tableaux étaient toujours manquants[24]. En 2019, 166 œuvres n'ont pas été restituées mais certaines d'entre elles, reconnues dans des musées étrangers ou dans des ventes, font ou ont fait l'objet d'actions en justice ou de demandes de restitution par voie diplomatique[17].

Adam Williams, un marchand récalcitrant modifier

Le Britannique Adam Williams, marchand d'art pour le compte d'une galerie américaine, décide en 1990 de mettre en vente le Portrait du pasteur Adrianus Tegularius de Frans Hals sur le marché français. Cette toile avait déjà changé de propriétaire quatre fois et avait été vendue aux enchères dans des maisons de ventes telles que Sotheby's et Christie's, ce qui lui conférait un pedigree respectable.

Sur l'intervention de Jean Demartini, chargé des intérêts des héritiers Schloss, la toile est saisie. Demartini était sur sa piste depuis 1967. Williams est alors arrêté par la police française pour recel de biens volés, mais est acquitté par la cour d'appel de Paris. Il entame ensuite une série de poursuites en appel qui aboutissent à une décision de la cour de cassation le . Williams est finalement condamné à une peine de probation, au paiement d'une amende et à la restitution de la peinture à Jean Demartini. Le tribunal a estimé que le commerçant n'a pas fait preuve d'un minimum de diligence raisonnable et ne pouvait écarter sa responsabilité en affirmant qu'il n'avait jamais eu connaissance de l'origine de ce tableau[25],[26].

Notes et références modifier

Références modifier

  1. « Adolf Adolphe Schloss », sur geni_family_tree (consulté le ).
  2. Archives commerciales de la France : journal hebdomadaire, Paris, 24 novembre 1878, p. 1490 — sur Gallica.
  3. Le Gil Blas, 5 juin 1907, p. 2 — sur Gallica.
  4. Lire par exemple l'extrait de l'article dans L'Art flamand et hollandais. Revue mensuelle illustrée, janvier 1908, p. 47 — sur Gallica.
  5. Notice biographique de François Kleinberger, sur le catalogue général de la BnF.
  6. La Renaissance : politique, littéraire et artistique, Paris, janvier 1914, p. 26 — sur Gallica.
  7. « Vue d'une des pièces de l'hôtel particulier d' Adolphe Schloss (collectionneur) au 38, avenue Henri-Martin (Paris), Paris, France, 2e quart 20e siècle », Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Autre vue de la collection au 38 avenue Henri-Martin, document des collections du Musée d'art et d'histoire du judaïsme (Paris).
  9. « Express-Portrait : Adolphe Schloss », in La Justice, du 24 octobre 1908 — sur Gallica.
  10. Faire-part de deuil dans Le Matin, du 1er janvier 1911, p. 4 — sur Gallica.
  11. « Laguenne. Hold-up nazi sur une fabuleuse collection », par Jean-Louis Mercier, en 4 parties, in La Montagne, du 2 janvier 2015 — d'après les Archives départementales de la Corrèze.
  12. Annonce au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 8 décembre 1940, p. 726 — sur Gallica.
  13. Fernand Musso est ensuite nommé préfet du Jura, puis d'Indre-et-Loire avant d'être arrêté puis condamné en août 1945 à quatre ans de prison — Musée de la Résistance en ligne, notice de Paulina Brault.
  14. La Montagne (janvier 2015), Acte I, art. cit.
  15. La Montagne (2015), Acte III, art. cit.
  16. La Montagne (2015), Acte IV, art. cit.
  17. a b c et d Collection Schloss : Introduction historique, ministère des Affaires étrangères, dossier sur diplomatie.gouv.fr
  18. Marie Hamon-Jugnet, Collection Schloss : œuvres spoliées pendant la Deuxième Guerre mondiale non restituées, 1943-1998, Paris, ministère des Affaires étrangères, Direction des Archives et de la Documentation, 1998, p. 7.
  19. Sans doute le portrait de Jan van Leyden, prédicateur protestant du XVIe siècle, réfugié à Münster, en Allemagne. Il existe une autre version de cette toile à la Gemäldegalerie Alte Meister (Cassel).
  20. Voir par exemple Collection de feu M. Adolphe Schloss (deuxième vente) tableaux anciens dont la vente aux enchères publiques aura lieu à Paris, Galerie Charpentier, 5 décembre 1951, sur worldcat.org.
  21. « Autriche : un tableau volé par les nazis réapparaît à l'occasion d'une vente aux enchères » sur 20minutes.fr, 20 avril 2016.
  22. (en) « Old Master Pictures - Amsterdam - 6 May 2008 : Salomon Koninck (Amsterdam 1609-1656) A scholar sharpening his quill », sur christies.com, (consulté le ).
  23. Sabine Gignoux, « Un tableau spolié de la collection Schloss restitué à New York », sur la-croix.com, (consulté le ).
  24. « Le fantôme de L'Alchimiste de Teniers hante un musée américain », par Philippe Sprang, in Le Journal des arts, 27 avril 2018, p. 12.
  25. (de) Michael Anton, Zivilrecht – Guter Glaube im internationalen Kunsthandel, Berlin, De Gruyter, 2010, p. 473.
  26. Le Parisien, du 7 juillet 2001.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Marie Hamon-Jugnet, Collection Schloss : œuvres spoliées pendant la Deuxième Guerre mondiale non restituées, 1943-1998, Ministère des affaires étrangères, Direction des archives et de la documentation, , 186 p..
  • Hector Feliciano, Le Musée disparu : enquête sur le pillage des œuvres d'art en France par les nazis, Éditions Austral, , 250 p..
  • Stephan Klingen: Beute bleibt Beute, in: Süddeutsche Zeitung, 15. April 2017, S. 21

Articles connexes modifier

Liens externes modifier