Affaire Tiphaine Véron

disparition d'une Française au Japon en 2018

Disparition de Tiphaine Véron
Tiphaine Véron disparait dans la ville touristique de Nikkō, non loin du sanctuaire Tōshō-gū.
Tiphaine Véron disparait dans la ville touristique de Nikkō, non loin du sanctuaire Tōshō-gū.

Pays Japon
Ville Nikkō
Date 29 juillet 2018
Jugement
Statut Enquête ouverte

Tiphaine Véron est une touriste française disparue au Japon le 29 juillet 2018. Alors âgée de 36 ans et partie seule en vacances au Japon, elle disparaît dans la ville de Nikkō, une cité touristique fréquentée située dans la préfecture rurale de Tochigi et à 150 kilomètres de Tokyo, après avoir été vue pour la dernière fois dans son hôtel alors qu'elle prenait son petit-déjeuner. Son histoire illustre des différences d'approche dans la recherche de disparus au Japon et en Europe.

En janvier 2023, l'affaire est reprise par le Pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non élucidées, aussi connu sous le nom de pôle « Cold cases » de Nanterre, qui prévoit de se rendre à Nikkō début 2024.

Contexte modifier

Tiphaine Véron modifier

Tiphaine Véron
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Biographie
Naissance
Disparition
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 36 ans)
Nationalité
Domicile
Poitiers (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata

Tiphaine Véron naît en juillet 1982 à Rennes. Elle habite Poitiers dès 1984.

Passionnée d'art et de langues étrangères, elle obtient une licence en histoire de l'art et s'initie à la pratique du russe et du japonais[1].

Alors qu'elle commence sa vie professionnelle, elle développe divers problèmes de santé en raison d'une épilepsie réfractaire aux traitements habituels. Après quelques années, un traitement s'avère efficace et lui permet une vie normale[1]. À l'époque de son voyage au Japon, elle travaille dans deux écoles de Poitiers comme assistante de vie scolaire auprès d'enfants handicapés[2].

Culture des disparitions au Japon modifier

Au Japon, la disparition inexpliquée d'une personne majeure, en l'absence d'une trace évidente d'origine criminelle, n'est pas considérée comme un élément suffisant dans la procédure pénale nippone. De surcroît, la loi japonaise rend difficile le traçage des données personnelles des individus[3].

Chaque année, environ cent mille personnes disparaissent au Japon dont une grande proportion est composée de disparus volontaires[4]. Communément dénommés « jōhatsu » (évaporés), ce phénomène s’est accentué ces dernières années, notamment en raison de la conjoncture économique, certains Japonais préférant disparaître plutôt que de subir l'affront de l'endettement. Le sujet est souvent considéré comme tabou pour la population japonaise et les enquêtes de police sont souvent très succinctes comparées à ce qui peut être pratiqué en Europe[5], la police n'intervenant que lorsqu'il y a crime ou accident[6].

Chronologie des évènements modifier

Tiphaine Véron atterrit à l’aéroport international de Tokyo[Lequel ?] le . Elle doit passer trois semaines de vacances dans le pays, voyage minutieusement étudié et planifié comme en témoignent les notes manuscrites qu'elle a prises sur les sites à visiter. Elle passe une première nuit à Tokyo[2].

Le pont Shinkyo, croisement touristique de Nikkō, que Tiphaine Véron a filmé la veille de sa disparition.

Le , elle se rend à Nikkō en train, puis rejoint son hôtel à pied, comme en témoignent plusieurs images de caméra de surveillance. Elle prend notamment des vidéos au niveau du pont Shinkyo, dans lesquels s'entendent des vents violents, probablement dûs au typhon Jongdari[2]. Elle arrive entre 16h00 et 16h30[2] à l'hôtel Turtle Inn d'où elle envoie via WhatsApp une série de photos à sa famille[1], ; elle se dit notamment enthousiasmée par l'accueil que lui réserve la femme à la réception, et juge l'hôtel « mignon ». La journée est trop avancée pour ressortir visiter les sites touristiques alentour, aussi reste-t-elle au calme[2].

Le lendemain matin, , Tiphaine Véron prend son petit-déjeuner à l'hôtel. L'aubergiste estime qu'elle reste dans la salle à manger entre 8h30 et 9h30 ; sa présence est confirmée par une photographie prise par un autre client à 8h41[2].

Ensuite, les témoignages de témoins et les indices identifiés ne se recoupent plus et ne permettent pas d'établir avec fiabilité ce qu'il est arrivé à la disparue. Le gérant de l'hôtel prétend qu'elle aurait quitté le Turtle Inn vers 9h53 ou 9h54, vraisemblablement en direction de points d'intérêts touristiques, mais le portable de Tiphaine Véron borne encore quelques heures dans sa chambre d'hôtel et indique qu'elle l'utilisait pour faire des recherches[2].

Le à 10h30, alors que la réservation de la Française est censée prendre fin, le propriétaire de l'hôtel ouvre sa chambre et découvre ses affaires encore défaites et son passeport sur la table. Sans nouvelle de sa cliente, il prévient la police[2].

Pistes de recherche modifier

Pistes criminelles modifier

Parmi les possibilités envisagées figurent l'implication d'un tiers, la région de Nikkō ayant été le théâtre de nombreux meurtres parfois inexpliqués au cours des récentes décennies. Entre autres suspects, le profil du gérant de l'hôtel est étudié : il est la dernière personne à avoir vu Tiphaine Véron en vie, ses déclarations sur l'heure de départ de l'hôtel de la jeune femme se contredisent, et de grandes éclaboussures de sang sont découvertes dans la chambre de Véron à l'aide de luminol[2].

Pistes accidentelles modifier

Tiphaine Véron a aussi pu être la victime d'accidents naturels, comme une chute dans le cours d'eau qui traverse Nikkō, ou une mauvaise rencontre avec des animaux dans les bois[2].

Historique des recherches modifier

Première enquête (2018-2019) modifier

Le 1er août 2018, la famille est prévenue par l'ambassade de France au Japon. La sœur et les deux frères de Tiphaine se déplacent alors au Japon le 6 août et participent aux recherches avec les policiers nippons. Rapidement, Anne Désert, sa mère, adresse un courrier au président de la République, Emmanuel Macron, pour « réclamer plus de moyens de recherches ».

Le 9 septembre, Sibylle Véron, sa sœur, lance un appel aux touristes à Nikkō pour savoir s’ils disposent de photos. Elle interpelle Emmanuel Macron dans la cour de l’Élysée le 17 octobre à l’occasion de la visite du Premier ministre japonais, Shinzo Abe.

La mobilisation débute en France et près de 500 citoyens participent à une marche à Poitiers « pour retrouver Tiphaine » le 10 novembre 2018, débutant ainsi une campagne d'information.

Du 7 au 17 mai 2019, une mission de recherches est organisée au Japon avec des spécialistes du secours en montagne, mais ne donne aucun résultat. Un autre séjour de la famille a lieu fin juillet 2019 pour organiser une manifestation à Nikkō, un an jour pour jour après sa disparition.

Début août 2019, de nouvelles recherches sont menées autour de l’hôtel avec Damien Véron, cinq bénévoles et sept chiens de Japan Rescue Dog, mais sans donner de résultat.

Position de la famille modifier

Après d’importantes recherches menées au mois de mai 2019, la famille déclare ne pas croire à la thèse de l’accident et prépare de nouveaux déplacements pour poursuivre leur enquête. Elle doute également sur le fait que le dossier remis aux autorités françaises soit complet.

Elle considère notamment que les auditions menées par les enquêteurs japonais sont incomplètes et extrêmement contradictoires autour du départ de l’hôtel de Tiphaine. La famille de Tiphaine a longuement travaillé sur les données du compte Google Maps de Tiphaine Véron. Les points GPS ont permis de suivre les déplacements dès son arrivée au Japon et jusqu'au dimanche 29, 11h40, où sa trace disparaît (fin de la connexion wifi).

Les proches évoquent un « manque d’expérience » de la police japonaise dans la recherche des disparus.

Initiatives de la famille et mobilisations publiques modifier

Les proches de Tiphaine ont créé l'association « Unis pour Tiphaine ».

Xavier Niel, fondateur de l'opérateur de téléphonie mobile Free, a répondu à une interpellation de la famille et a contribué au volet technique de l'enquête[7]. Il permettra notamment d'établir que le téléphone portable de Tiphaine Véron n'a pas été éteint de manière habituelle mais a été coupé de façon violente (la batterie a été arrachée ou le téléphone brisé)[8].

En juillet 2020, pour commémorer les deux ans de la disparition de Tiphaine Véron, un appel est lancé sur les réseaux sociaux par l'humoriste Élie Semoun[9].

L'enquête bénéficie également du support local de Kazunari Watanabe, retraité japonais ayant multiplié ses visites à Nikkō[10] (plus d'une quarantaine) afin d'assister la famille dans ses recherches.

Reprises de l'enquête subséquentes (à partir de 2019) modifier

L'allée touristique de Kanmangafuchi, bordée de statues de bouddhas en pierre, à quelques centaines de mètres de l'hôtel où la disparue a été vue pour la dernière fois.

En juillet 2020, le cabinet Dupond-Moretti est chargé de la reprise du dossier[11] et dit être en train d'identifier le meilleur « levier » au Japon pour de prochaines actions[12].

Une juge d'instruction a été nommée à Poitiers[7], l'enquête demeure ouverte en France pour « enlèvement et séquestration », thèse privilégiée par la famille, persuadée qu'il ne s'agit pas d'un accident[13].

Fin 2020, la famille annonce qu'elle engage Jean-François Abgrall[14], un ancien gendarme et enquêteur privé notamment reconnu pour avoir été à l'origine de l'arrestation de Francis Heaulme, un tueur en série français.

Le frère de Tiphaine Véron se rend au Japon en décembre 2022 pour poursuivre les recherches et rencontrer la police locale, afin de signaler des similitudes avec d'autres affaires criminelles[15].

Une reprise de l'enquête est prévue début 2024, avec le déplacement à Nikkō de l'avocate Corinne Herrmann et de Sabine Kheris, juge du Pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non élucidées[2].

Notes et références modifier

  1. a b et c Sonya Lwu, « la disparition de TIPHAINE VERON »
  2. a b c d e f g h i j et k Denmat 2023.
  3. Philippe Mesmer, « Le Japon, au pays des « disparus des volontaires » » : « En l’absence de soupçon de crime, la police n’ouvre pas d’enquête sur les cas de disparition volontaire. »
  4. Paul de Ryck, « Sur les traces des « évaporés du Japon » »
  5. (en) Alina Simone, « Japan's 'evaporated people' have become an obsession for this French couple » Accès libre
  6. (en) « The companies that help people vanish »
  7. a et b France Bleu, « 18 mois après la disparition de la Poitevine Tiphaine Véron au Japon, sa famille ne croit plus à l'accident »
  8. DNA, « Tiphaine Véron, disparue depuis deux ans : Elie Semoun lance un appel » : « Aujourd'hui, ses proches sont persuadés qu'il s'agit d'un enlèvement, d'autant que, grâce à l'opérateur Free, ils ont appris que son téléphone portable avait été éteint de façon violente, soit à la suite d'une chute, soit après que la batterie a été arrachée. »
  9. France Bleu, « Disparition de Tiphaine Véron au Japon : l'humoriste Elie Semoun lance un appel dans une vidéo »
  10. Le Parisien, « Disparition de Tiphaine Véron : «J’ai visité la ville 47 fois pour la rechercher», témoigne un Japonais »
  11. France 3 Aquitaine, « Disparition de Tiphaine Véron : la famille fait appel au cabinet de Dupond-Moretti pour relancer les investigations »
  12. Le Parisien, « Disparition de Tiphaine Véron : «La solution viendra de la France», estime son frère »
  13. Paris Match, « Disparition de Tiphaine Véron au Japon : Elie Semoun lance "une bouteille à la mer" »
  14. France-Info, « Disparition de Tiphaine Véron : la famille fait appel à Jean-François Abgrall, un célèbre détective privé », sur francetvinfo.fr
  15. Karyn Nishimura, « Quatre ans après la disparition de Tiphaine Véron au Japon, sa famille veut «résoudre l’énigme» »

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Théo Denmat, « L'Évaporée de Nikko », Society,‎ , p. 22-41 (ISSN 2426-5780).
  • Damien Véron, Sibylle Véron, Tiphaine où es-tu ? à la recherche de notre soeur, Robert Laffont, 2022.

Articles connexes modifier

Lien externe modifier