Ahoudemmeh (Aḥudemmeh[1]) est le premier métropolite jacobite de Tikrit et de tout l'Orient, précurseur de la fonction de maphrien, consacré par Jacques Baradée en 559, mort martyr le .

Ahoudemmeh
Biographie
Naissance
Décès
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ܐܚܘܕܐܡܗ‎Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
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Étape de canonisation

Biographie modifier

Une Vie anonyme en syriaque[2] a été conservée dans un seul manuscrit de la British Library (Ms. Add. 14 645, copié en 936). D'autre part, Jean d'Éphèse consacre un chapitre de son Histoire ecclésiastique à un colloque qu'Ahoudemmeh eut avec le catholicos nestorien Joseph devant le roi Khosrô Ier[3]. Bar Hebræus résume aussi sa carrière en un paragraphe dans sa Chronique ecclésiastique[4].

Ahoudemmeh naquit à Balad (actuelle Eski-Mossoul, ville située sur la rive droite du Tigre à environ 35 kilomètres en amont de Mossoul), dans le Beth 'Arbayé (province de Nisibe). Sa famille appartenait à l'Église de Perse, officiellement « nestorienne » depuis 486. Il reçut une formation religieuse, et il semble qu'il exerça d'abord des fonctions importantes (épiscopales ?) dans l'Église nestorienne[5]. « À l'âge mûr » il passa au monophysisme, rompit avec sa famille et se mit à attaquer l'Église nestorienne. Il fut consacré évêque monophysite du Beth 'Arbayé, par le catholicos arménien Christophe Ier (regn. 539-545) selon Bar Hebræus[6].

Il évangélisa les tribus arabes[7] alors païennes de Mésopotamie. Au début, elles ne le laissaient pas approcher de leurs campements, mais il exorcisa la fille d'un chef qui était possédée du démon, et ensuite il eut libre accès auprès de ce peuple. Il établit dans chaque tribu un prêtre et un diacre, et bientôt les Arabes surpassèrent les autres chrétiens en ferveur et en ascétisme. En particulier, ils commençaient le carême une semaine avant les autres. Ahoudemmeh fonda au cœur du Beth Arbayé, dans une localité appelée 'Aïnqenia, un sanctuaire flanqué d'un monastère en l'honneur du martyr saint Serge, afin que les Arabes, qui montraient beaucoup d'attachement pour ce saint, n'aient pas à aller le vénérer à Resafa en territoire byzantin. Mais les nestoriens incendièrent ce sanctuaire, qui fut reconstruit ensuite avec le soutien du roi des Perses.

Selon Jean d'Éphèse, la hiérarchie nestorienne ne cessait de porter devant le roi Khosrô Ier les accusations les plus graves contre les monophysites. Le souverain décida d'organiser en sa présence une confrontation entre les deux partis, pour apprécier lui-même la teneur de leur conflit. Le groupe nestorien était dirigé par le catholicos Joseph lui-même, et l'autre par Ahoudemmeh. Selon l'auteur jacobite, Khosrô put constater que les « orthodoxes » étaient très supérieurs à leurs antagonistes. Il légalisa donc leur Église et leur permit de bâtir des monastères et des édifices de culte. D'après ce récit, c'est à la suite de ce colloque que Jacques Baradée consacra Ahoudemmeh métropolite de tous les monophysites du territoire perse. Selon Bar Hebræus, cette consécration eut lieu en l'an 870 de l'ère des Séleucides (soit entre octobre 558 et septembre 559).

En plus du sanctuaire de 'Aïnqenia, Ahoudemmeh fonda le monastère de Ga'tanî, qui se trouvait près de Tikrit selon Bar Hebræus. Il catéchisa dans Tikrit un grand nombre de Mages, et il accepta de baptiser, dans le monastère d' Apamria, un fils du roi Khosrô qui s'était converti, qui reçut le nom chrétien de Georges, et qui se réfugia ensuite en territoire byzantin. Pour ce dernier acte, Ahoudemmeh fut arrêté en 573 par ordre du roi, fut conduit à Séleucie-Ctésiphon et fut condamné à mourir de faim dans une cellule. Au bout du douzième jour de sa détention, Khosrô se radoucit et ordonna que ses fidèles aient un libre accès auprès de lui. Il passa deux années dans cette prison avec un carcan au cou et des fers aux pieds et mourut le vendredi (an 886 des Séleucides).

Les fidèles réclamèrent son corps. Les gardiens lui coupèrent la tête pour récupérer le carcan avec le sceau du roi, et le leur donnèrent. Il fut d'abord placé dans une église de la capitale appelée église des Rebibé, mais ensuite un de ses disciples le transporta dans le monastère de Beth Asa situé dans un bourg chrétien du nom d'Aqrounta[8]. Des habitants de Tikrit obtinrent ensuite de pouvoir emporter dans leur ville une partie des reliques.

D'après Bar Hebræus, Ahoudemmeh n'eut pas de successeur du vivant de Khosrô Ier (mort en février 579) comme primat des jacobites du territoire perse, mais dès la première année de règne d'Hormizd IV il y eut un certain Qamjésus établi à Séleucie-Ctésiphon, dans une église voisine du palais royal.

Œuvre modifier

Voici la notice que Ébedjésus de Nisibe consacre à Ahoudemmeh dans son Catalogue des livres en vers :

« Ahoudemmeh composa un ouvrage contre les philosophes ; un autre contre les Mages ; des définitions de tout genre ; un ouvrage de rhétorique ; des discours sur la composition de la personne ; deux discours sur le point de savoir si la volonté a pouvoir sur la nature [sur le libre-arbitre ?] ; un ouvrage sur l'âme et sur l'homme microcosme. Il a écrit aussi des enseignements dans un style élégant et clair. »

Dans le Ms. Add. 14 620 de la British Library, on trouve quelques pages d'un traité d'Ahoudemmeh sur l'homme composé d'un corps et d'une âme (sûrement les « discours sur la composition de la personne »)[9]. Ce manuscrit, en plus de traductions syriaques d'anciens auteurs grecs, ne contient comme autre texte original qu'un traité du nestorien David de Beth Rabban, si bien que ce paraît être un manuscrit d'origine nestorienne.

Édition modifier

  • François Nau (éd.), Histoires d'Ahoudemmeh et de Marouta, métropolitains jacobites de Tagrit et de l'Orient (VIe et VIIe siècle), suivies du traité d'Ahoudemmeh sur l'homme (textes syriaques et traductions françaises), Patrologia Orientalis, t. III, fasc. 1, Paris, Firmin-Didot, 1909.

Notes et références modifier

  1. Nom rare et étrange qui signifie en principe « le frère de sa mère ».
  2. Vie attribuée parfois à Marutha de Tikrit, compté comme le premier maphrien de l'Orient à partir de 629.
  3. Jean d'Éphèse, Histoire ecclésiastique, IIIe partie, livre VI, § 20.
  4. Éd. Abbeloos et Lamy, t. II, col. 99-101.
  5. C'est ainsi que François Nau interprète les formules alambiquées de l'hagiographe, qui ne peut pas dire clairement que le saint a d'abord été un évêque nestorien, d'autant plus que l'Église nestorienne passe pour avoir à cette époque persécuté la minorité monophysite.
  6. Cependant François Nau se demande s'il ne faut pas l'identifier à Ahoudemmeh, évêque nestorien de Ninive, qui assista au synode réuni en 554 par le catholicos Joseph (d'autant que le nom Ahoudemmeh est très rare). Dans ce cas, il est possible que ce personnage aurait plutôt été l'un des dissidents nestoriens ayant rompu avec Joseph pendant son pontificat mouvementé, et avec qui Jacques Baradée se serait habilement allié en 559. L'hagiographie jacobite (à commencer par Jean d'Éphèse) aurait corrigé quelque peu l'histoire. Le nestorien Ébedjésus de Nisibe, qui dans son Catalogue ne parle en général pas des auteurs jacobites, donne la liste des œuvres d'Ahoudemmeh, dont le Traité de l'homme est conservé dans un manuscrit qui paraït d'origine nestorienne.
  7. On appelait « Arabes » les Bédouins qui nomadisaient près de la frontière romano-perse. Beth 'Arbayé (nom de la province de Nisibe) signifie en fait « Pays des Arabes ». Les habitants de la péninsule arabique sont plutôt appelés en syriaque Tayayé.
  8. François Nau se demande si ce monastère était nestorien.
  9. Ce qui reste est le début du traité. Le Ms. Add. 14 620, qui date du IXe siècle, était constitué à l'origine de 14 cahiers de 10 feuillets chacun. Il reste le cahier 12 en entier et une partie des feuillets des cahiers 10, 11, 13 et 14, en tout 30 feuillets.

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • Giuseppe Furlani, « La psicologia di Aḫûdhemmêh », Atti della Reale Accademia delle Scienze di Torino. Classe di scienze morali, storiche e filologiche, vol. 61, 1926, p. 807-845.
  • Philippe Gignoux, « Anatomie et physiologie humaine chez un auteur syriaque, Ahūhdemmeh », Comptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, vol. 142, n° 1, 1998, p. 231-240.

Liens externes modifier