Alexandre Gurita

artiste français

Alexandre Gurita, né le 27 septembre 1969 à Brasov (Roumanie), est un artiste français d’origine roumaine. Il vit et travaille à Paris.

Alexandre Gurita
Alexandre Gurita par Florent Bailleul. Paris, 2017
Biographie
Naissance
Nationalité
Française
Formation
1994-1999 : École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA)
1992-1994 : Université nationale d'art de Bucarest
Activité
Autres informations
Maîtres
Représenté par
Genre artistique
Influencé par
Œuvres principales
Mariage diplôme à l’ENSBA, le 23 juin 1999
Captation de la Biennale de Paris, 2001
Invention du terme art invisuel, 2004
Réactivation de l'Iheap (Institut des hautes études en arts plastiques), 2012
Captation de la Revue de Paris, 2020

Enfance et jeunesse roumaines, art visuel classique modifier

Alexandre avec sa mère Elena, 1970.
Alexandre Gurita, 1980.

Alexandre Gurita commence ses études d’art en suivant des cours de peinture à l’huile, de dessin et de sculpture à l’École Populaire de la Culture de Brasov. En 1992, il reçoit de la part du Premier Ministre roumain la commande d’un monument commémorant la répression d’une manifestation d’étudiants par le régime communiste en 1958[1]. De 1990 à 1992 il étudie à l’université nationale d’art de Bucarest (UNA).

Paris, art visuel moderne et contemporain modifier

De 1994 à 1999, Alexandre Gurita fait ses études à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba) où il obtient son diplôme de fin d’études d’une manière controversée, en présentant son mariage comme œuvre d’art[2]. Pendant cette période, il expérimente des pratiques de l’art du XXe siècle, tels que l’installation, l’objet, la performance, la vidéo et le son.

Transition de l’art visuel vers l’art invisuel modifier

En 1998, après avoir exploré diverses pratiques artistiques, Gurita abandonne totalement la production d’œuvres d’art, estimant qu'elles ne lui permettent plus d’être créatif, autrement dit artiste. En s’affranchissant de l’œuvre d’art, il s’affranchit aussi de l’art visuel lui-même. Il déclare : « L’objet d’art est une manifestation résiduelle de l’être et en ce sens il est devenu sous artistique[3]». L’objectif de l’artiste est de sortir de la pratique unique pour trouver sa singularité artistique.

Au cours des années 90, à Paris, Gurita a l'opportunité d'observer des pratiques artistiques similaires à la sienne que la terminologie alors existante de l’art ne pouvait qualifier. Il invente alors, en 2004, le concept et le terme d'« art invisuel »[4], seuls adaptés à de telles pratiques. Selon lui, l’art invisuel désigne un genre d’art qui existe autrement que sous la forme d’œuvre d'art, matérielle ou immatérielle[5].

En octobre 1998, il crée l’Association pour la propriété intellectuelle de l’être sur lui-même qui avait pour objectif de considérer l’être humain comme une œuvre d’art en devenir.

L’artiste invisuel considère que l'écosystème de sa pratique fait partie de la pratique elle-même. En même temps qu'il crée cette pratique, il en formule le modèle économique, la stratégie, la terminologie, ses modes de diffusion et ses publics, ainsi que sa dimension écologique et collaborative[6].

Selon Gurita, la finalité de la pratique artistique est de modifier l’idée de l'art, comme l'histoire de l'art l'a déjà montré[7]. Au sein de l’art invisuel, il développe des axes de recherche tels que la captation institutionnelle, l’économie transversale, l'horizontalité, la multimodalité[8], ou encore le travail en intelligence collective.

Cérémonie du mariage de Clarisse et Alexandre Gurita, le 23 juin 1999, dans la chapelle de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA), officié par le curé de la paroisse de Saint-Germain-des-Prés. Témoins : Ghislain Mollet-Viéville, Claudio Locatelli et Ricardo Mbarak.
Certificat Protecrea attestant du dépôt de la vie d'Alexandre Gurita en tant qu’œuvre d’art pour une durée de cinq ans, de 1999 à 2004.

La vie comme une œuvre d’art modifier

Le 3 mars 1999, Alexandre Gurita dépose sa vie comme une œuvre d’art auprès de Protecrea[9], un service d’assurance et de certifications d’œuvres d’art, pour une durée de cinq ans, déclarant qu'« entre l’artiste qui a une idée, l’idée qui génère l’objet et l’objet qui est vu existent des ambiguïtés et des incompréhensions qui incitent au repoussement. Une proposition spéculative comme alternative au vécu n’est plus une solution pour l’art »[10].

Mariage-diplôme aux Beaux-Arts de Paris modifier

Le 23 juin 1999, Alexandre Gurita présente son mariage réel comme œuvre d’art et projet de diplôme de fin d’études à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA), ce qui provoque une controverse au sein de cette institution, entre les membres du jury, les professeurs et la direction. Alors que la remise des diplômes était jusqu'alors inaccessible au public, elle devient désormais publique. Malgré la controverse, Gurita obtient son diplôme, et, en 2000, il fera l’objet d’un film documentaire qui accessible à la Bibliothèque nationale de France. Corina Chutaux Mila déclare dans son ouvrage Esthétique de l’art invisuel : « Ainsi, lorsqu’Alexandre Gurita a présenté pour son diplôme son propre mariage avec sa femme, célébré dans l’enceinte de l’école, il ne s’agissait pas d’art conceptuel, de performance ni de happening, mais bien d’art invisuel, puisqu’il n’y avait pas d’œuvre d’art, juste un événement de la vie quotidienne auquel l’artiste attribue le statut d’art. »[11].

L’art invisuel modifier

Art sans œuvre mais art public modifier

Art sans œuvre mais avec public - Document attestant la réparation d’un radiateur comme pratique artistique, Paris, octobre 1999

Le 15 août 1999, Gurita répare à titre de pratique artistique, un radiateur au domicile de Ricardo Mbarkho dans le but d’améliorer ses conditions de vie. Cette activité a été authentifiée par un certificat signé de la main du bénéficiaire[5], comme une invitation à la découverte du réel. Cette action est présentée par Ghislain Mollet-Viéville, agent d’art, dans Galerie Mode d’Emploi, entre août et septembre 1999 à Paris[12]. Cette action a été reprise en 2000, quand Alexandre Gurita a invité le public qui sortait de l’exposition Carnegie International Exhibition 2000 à participer à une action dénommée Entrer dans la vie. La même action est menée à Paris à la Galerie Yvon Lambert. À travers de telles actions, Gurita affirme que l’art commence en sortant des expositions[13].

Paris/Côte-Ouest modifier

En janvier 2000, Gurita organise une éco-exposition avec les artistes Laurent Massena, Thierry Théolier et Ricardo Mbarkho, qui consiste en un nettoyage de plages infestées par la marée noire à la suite du naufrage du pétrolier Erika, au Pouliguen (Bretagne).

Auto-exposition modifier

En février 2001, à Paris, Alexandre Gurita et Ricardo Mbarkho présentent une exposition de ce qui s’expose de soi. Le butr de cette action est d'illustrer que tout existe et qu’il n’y a rien d’autre à ajouter.

Biennale de Paris modifier

En 2001, l’artiste capte la Biennale de Paris tombée dans le domaine public en 1985, après avoir été abandonnée par l’État[14]. L’idée de sa captation n'est pas de refaire une biennale ou une exposition, mais plutôt de créer une para-institution, comme stratégie de changement[15]. Comme l'explique l'historien de l'art Eric Monsinjon, le concept de captation institutionnelle tel qu'il a été créé par Alexandre Gurita, désigne le fait de capter des institutions pour les mettre au service de tout ce qui peut faire évoluer l’art[16]. La Biennale de Paris est devenue une biennale sans objets d’art, sans exposition, sans spectateurs, sans commissaires d’exposition et sans marché de l’art[17]. Elle est qualifiée par certains comme un « organe stratégique de liberté » au service des artistes qui expérimentent de nouvelles approches de l’art ou qui développent des démarches en dehors des conventions de l’art[18]. Elle redéfinit l’art tout en refusant de participer au monde conventionnel de l’art[19],. Dans un article paru le 24 octobre 2010 dans le journal Politis (Chypre), Cristina Lambrou décrit la Biennale de Paris comme un « monde de l’art parallèle, souterrain et hors-la-loi[20]».

Ecosystème de l'art invisuel modifier

Économie de l'art invisuel modifier

Estimant que l’économie et l’enseignement sont les facteurs d'influence les plus importants sur le devenir de l’art, Gurita crée plusieurs projets dans cette optique. Il invente le concept d’« économie transversale », spécifique aux pratiques artistiques invisuelles et développe des projets sur la formulation de modèles économiques alternatifs au marché de l’art, tels que le Forum Mondial des Économies de l’Art (FOMEA)[21].

Enseignement modifier

En 2012, Alexandre Gurita créé l’ENDA, l’École nationale d'art de Paris, et en 2016, la Foire des écoles d’art alternatives (AASF) à New York, au centre artistique de Red Hook Pioneer Works[22].

Multimodalité modifier

Pendant la période Covid (2020 – 2022) et les confinements à répétition, Alexandre Gurita développe la notion de multimodalité, à savoir la capacité de l'artiste à s’adapter à l’environnement, à l’image d’un liquide qui change de forme mais qui garde sa composition intacte[8].

Conférences, expériences, ateliers modifier

Alexandre Gurita a mené des ateliers et donné des conférences, dont certaines ont suscité des controverses, car leur thématiques et la manière de les aborder allaient à l'encontre des conventions de l'art.

Alexandre Gurita au lancement du livre Esthétique de l'art invisuel de Corina Mila Chutaux. Avec l'auteure du livre et l'historien d'art contemporain Eric Monsinjon. Palais de Tokyo, (novembre 2021).

Parmi ces conférences, en rapport avec l'économie de l'art, on trouve, par exemple, celle qui s'est déroulée à Bethanien à Berlin (mai 2009), intitulée « Quelles alternatives économiques au marché de l’art ? Quels nouveaux formats ces alternatives permettent-elles ? », ou encore celle de la FIAC d'octobre 2012 qui s'est tenue au Grand Palais à Paris, ayant pour titre « Peut-on pratiquer une activité artistique sans être subordonné au marché de l’art ? » Dans certaines interventions, Gurita aborde la relation entre art, politique, institution et pouvoir, comme pendant le débat « La Force de l’art : puissance ou pouvoir ? », qui s'est déroulé dans le cadre de la deuxième édition de « La Force de l’art » au Grand Palais (mai 2006). Ces questions sont aussi posées lors de la conférence intitulée « La Biennale de Paris, une stratégie au service des pratiques désobéissant au régime normatif de l’art » au 1646 à La Haye (avril 2010), et à NYU (New York University), avec le titre suivant : « La Biennale de Paris, un monde de l’art souterrain et hors-la-loi »(septembre 2011).

« Art Invisuel : Doxa et Paradoxe », premier colloque international sur l’art invisuel, avec Alexandre Gurita, Eric Monsinjon et Corina Mila Chutaux. La Sorbonne, Paris, le 17 juin 2022.

Gurita aborde l'art par le prisme de la collection d'art, à travers des pratiques artistiques invisuelles a priori incollectionnables, par exemple, lors de la conférence intitulée « Decollection ? », au Queens Museum of Art de New York (septembre 2011) ou « Décollectionner l’art » lors du forum « Quelle collection d’art pour le futur ? » au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, (mars 2015)[23].

Il interroge aussi le statut de l'artiste lors de la conférence-débat intitulée « Pour un nouveau statut de l'art » du Musée Guggenheim de Bilbao, (novembre 2005), en compagnie d'Yves Michaud, Jacques Serrano et Francesco Masci.

Publications modifier

  • Catalogue de la XIVe Biennale de Paris, Éd. Biennale de Paris, 548 pp., ill., 21 cm x 29 cm, format vertical, français, anglais, allemand, env. 300 reproductions en noir et blanc, 2004, Paris, préface par Paul Ardenne.
  • Catalogue de la XVe Biennale de Paris, Éd. Biennale de Paris, 1200 pp, ill. noir et blanc, 21 cm x 29 cm, format vertical, français, diffusion Paris Musées, 2007 (ISBN 978-2-900176-00-9)
  • Journal de Paris, (en collaboration avec David d’Equainville), Éd. NBE, 2012.
  • Catalogue de « Alternative School Art Fair », 19-20 novembre 2016, Éd. Biennale de Paris, 298 pages, 2016, New York.

Notes et références modifier

  1. (ro) Doina Ioanid, « Locuitorul contează mai mult decît locul », sur Observator Cultural, (consulté le )
  2. Barbé Ségolène, « Mon mariage pour un diplôme », sur L'Express, (consulté le )
  3. Marie Julie, « Les ambitions et les limites des dimensions sociologiques de l’art invisuel et son dépassement », sur Revue de Paris, (consulté le )
  4. Eric Monsinjon, « L’art invisuel, qu’est-ce que c’est ? », sur Revue de Paris, (consulté le )
  5. a et b Barbara Legras, « Interview : Il existe des multitudes de pratiques artistiques de nature invisuelle », sur artistikrezo.com, (consulté le )
  6. cf. Fabien Franco, « Alexandre Gurita dans L'Art à Genève », sur artageneve.com (consulté le )
  7. (en) cf. Claudia Moscovici, « Shaking Things Up in the Art World: The Biennale de Paris and the Salon des Refusés », sur Fineartebooks's Blog, (consulté le )
  8. a et b Eric Monsinjon, « L’artiste multimodal, Entretien avec Alexandre Gurita », sur Revue de Paris, (consulté le )
  9. « Protécréa, défenseur des artistes numériques », sur Les Echos, (consulté le )
  10. « Gurita Alexandre », sur imagoart.e-monsite.com (consulté le )
  11. Corina Chutaux Mila, Esthétique de l'art invisuel, Paris, Les Éditions du Panthéon, (ISBN 978-2-7547-5604-4)
  12. Ghislain Mollet-Viéville, « Biographie 1999-2001 », sur conceptual-art.net (consulté le )
  13. Claude Guibert, « Alexandre Gurita : l’art et après.. », sur Chroniques du chapeau noir, (consulté le )
  14. Jean-Claude Moineau, Pour un art invisuel, inouï, inesthétique, inoeuvré, inidentitaire, pluriel, Paris, , p. 57
  15. « La Biennale de Paris à Beyrouth pour secouer l’art et l’imagination », sur Agenda Culturel, (consulté le )
  16. Eric Monsinjon, « Ghislain Mollet-Viéville, personnage conceptuel », sur Mediapart, (consulté le )
  17. (en) « Art and Social Entrepreneurship / Biennale de Paris in Beirut, 2016 », sur lebtivity.com (consulté le )
  18. « Commetre de l'art », sur PHAKT - Centre Culturel Colombier (consulté le )
  19. « Grace Exhibition Space | Live Performance Art in New York City », sur grace-exhibition-space.com (consulté le )
  20. « Institut ACTE | Labo - Institut ACTE », sur institut-acte.pantheonsorbonne.fr (consulté le )
  21. Ghislain Mollet-Viéville, « Comment l’art peut repenser l’économie », sur Revue de Paris, (consulté le )
  22. (en-US) « The Alternative Art School Fair at Pioneer Works », sur Temporary Art Review, (consulté le )
  23. cf. Sophie Lapalu, « Alexandre Gurita : stratège dans le secteur de l'art », sur sophielapalu.blogspot.com, (consulté le )

Lien externe modifier