Alexandre Paulikevitch
Alexandre Paulikevitch (arabe : الكسندر بوليكيفيتش ; né le 20 février 1982 à Beyrouth) est un artiste libanais vivant à Beyrouth. Il est l'un des rares danseurs arabes masculins à pratiquer le baladi, chorégraphie arabe associée à des danseuses féminines. Il est connu pour aborder des problèmes sociaux à travers son art[1],[2].
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Jeunesse et formation
modifierA. Paulikevitch naît au Liban où il grandit dans un quartier arménien de Beyrouth. Il révèle son homosexualité à son entourage à l'âge de 16 ans[1].
Sa vocation artistique naît à Paris où dès 2000 il suit des études de droit à l'Université de Paris VIII, et parallèlement s'initie au tango, au modern jazz ; mais alors qu'il allait suivre un cours de flamenco dans le Marais, il aperçoit des danseuses orientales et décide alors de changer d'orientation[3].
Il se forme à la danse au sein de la compagnie de la Tunisienne Leïla Haddad à Paris de 2002 à 2004[4].
De retour à Beyrouth en 2006, où il réside depuis lors de manière permanente, il se spécialise dans la danse populaire Baladi, dont il donne une interprétation contemporaine, qu'il a créée[5]. Il « crée également des espaces de réflexion sur la danse du Moyen-Orient à travers son travail de chorégraphe, de pédagogue et d'interprète »[6].
Androgynie et genre
modifierLe travail de Paulikevitch redéfinit « les rôles de genre à travers la danse orientale »[7] . En tant que danseur de Baladi, il utilise son corps pour remettre en question les stéréotypes de genre[8], dès son premier spectacle en solo à Beyrouth, en 2009, « Mouhawala Oula » (en arabe pour « Première tentative »)[7]. Il danse vêtu d'une robe, cheveux longs et maquillé[9],[10].
En tant qu'homme à l'apparence androgyne, et au comportement catégorisé socialement comme « féminin », il peut être la cible de cris désobligeants lorsqu'il est en public. Un de ses premiers spectacles personnels, intitulé Tajwal, est parsemé de propos insultants énoncés en arabe pendant que le danseur évolue sur scène[11].
Décolonisation de la danse
modifierAlexandre Paulikevitch travaille aussi à « déconstruire et questionner des représentations orientalisantes »[12].
L'une des principales missions que Paulikevitch revendique est de lutter contre ce qu'il décrit comme « l'appellation coloniale » de « danse du ventre ». Il vise à récupérer la signification indigène et l’appellation égyptienne originale Baladi – en arabe,« mon pays » ou « ma terre ». Sa principale critique est que le terme « danse du ventre » a été créé par le regard colonial pour érotiser cette danse, la présentant comme féminine et suggestive[13],[10]. En tant que danseur arabe au sein de cette tradition, il combat ces stéréotypes, récupérant ainsi une place pour une figure masculine dans un monde aujourd'hui exclusivement féminin[1].
Selon les historiens, aux 18e et 19e siècles, les danseurs masculins de baladi étaient nombreux[12]. « C’est par assimilation des normes et valeurs puritaines coloniales que les hommes ont majoritairement cessé de danser le baladi »[14]. En effet la séduction a été rangée du côté de la féminité exclusivement, et la binarité de genre est devenue la norme depuis l'époque coloniale[12].
Danse Baladi
modifierBaladi est le nom donné en Egypte à la danse orientale[15].
« Danseur baladi masculin le plus célèbre »[16], Paulikevitch est perçu de ce fait comme un pionnier[17]. Ses spectacles sont souvent inspirés par des expériences personnelles de traumatismes et ont été accueillis par le public et la critique avec un grand succès[18]. Il est l'un des rares danseurs arabes de baladi à se produire sur les scènes internationales et dans le cadre de grands festivals de danse. En 2022, sa performance "Cabaret Welbeek" a été sélectionnée comme spectacle à voir au Festival LEGS, et a été décrite comme "l'apogée d'un mélange ludique entre joie, poésie et subversion"[19].
Un autre danseur arabe de Baladi est le Tunisien Radhouane El Meddeb qui crée notamment un spectacle en 2014 pour quatre hommes intitulé Au temps où les Arabes dansaient[20].
Dans les médias
modifierPaulikevitch a été présenté dans de nombreux médias locaux et internationaux : dans un épisode de la série Netflix We Speak Dance, animé par Vandana Hart[21] et filmé à Beyrouth ; dans un article du New York Times, « Coming Out in Lebanon » sur les individus ouvertement queer et transsexuels au Liban[5], dans un documentaire de la BBC Culture, The Male Belly Dancer Fighting Gender Stereotypes[13] ; dans un court documentaire sur ses techniques de cuisson et de conservation des aliments intitulé "Tastes of Loss" par Romy Lynn Attieh[22].
Activisme
modifierAu-delà de sa pratique de la danse, Paulikevitch est un membre actif de la société civile libanaise et participe à de multiples marches et manifestations pour les droits civiques. Lors des manifestations libanaises de 2019-2020, également connues sous le nom de Révolution d'Octobre, Alexandre a été violemment arrêté et détenu par la police anti-émeute en janvier 2020. Il a été convoqué devant un tribunal militaire, créant ainsi un précédent dans une série de convocations devant un tribunal militaire pour les citoyens arrêtés lors des manifestations[23]. L'expérience de l'arrestation et de la détention de Paulikevitch a inspiré son spectacle "A'alehom", au cours de laquelle il exprime son chagrin personnel et l'année difficile qu'a été 2020 [24]. Son travail a été décrit comme un « appel à la révolution »[25] et il a été surnommé le « danseur militant »[26].
Il appelle à un monde accueillant envers les homosexuels[10].
Œuvres choisies
modifierSpectacles personnels
modifier- « Mouhawala Oula » (arabe : محاولة اولة), début : 2009 [7]
- Tajwal (arabe : تجوال), début : 2011 [27]
- ELGHA (arabe : إلغاء), débuts : 2013 [3]
- Baladi ya Wad (arabe : بلدي يا واد), début : 2015 [28]
- A'alehom (arabe : عليهم), début : 2020 [29]
- Cabaret Welbeek (arabe : كاباري والبيك), Début : 2022 [30]
Spectacles en collaboration
modifier- Séance d'affiches / école - Festival d'Avignon, une collaboration avec des danseurs/chorégraphes : Christine De Smedt, Simone Forti, Xavier Le Roy, Mette Ingvartsen ; réalisateurs : Jan Ritsema et Cyril Teste ; rappeur : DGIZ ; auteur et dramaturge : Bojana Cvejic ; essayiste : Charlotte Nordmann ; et directeur de l'École supérieure d'art d'Avignon (ESAA) : Jean-Marc Ferrari, Débuts : 2011 [31]
- SKINOUT, une collaboration avec Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Ylva Falk, Elisa Yvelin, Naïs Haidar, Alex Mugler, Début : 2012 [32]
- Palais de Femme, une collaboration avec Joelle Khoury et Chaghig Arzoumanian, Début : 2014 [33]
- Dresse le Pour moi (arabe : فأدِّبْهُ لي), une collaboration avec Nancy Naous, Début : 2018 [34]
- The Last Distance, une collaboration avec Leen Hashem, début : 2018 [35]
Références
modifier- « How Alexandre Paulikevitch — Beirut's singular male belly dancer — breaks barriers with his art », CBC, .
- Menta, « Male "belly dancer" uses baladi to defy sexism and homophobia in Lebanon », Newsweek, .
- « A l’IMA, Alexandre Paulikevitch mêle féminin et masculin », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- https://www.lorientlejour.com/article/633785/Une_audacieuse_%253C%253C%2BMouhawala_oula%2B%253E%253E.html
- « Coming Out in Lebanon », The New York Times, (lire en ligne)
- « Alexandre Paulikevitch - NAWF Women Entrepreneurs », nawforum.com.
- « Redefining gender roles through oriental dance », now.mmedia.me.
- « Alexandre Paulikevitch in "Elgah": Watch me Move Resistance! », .
- (en-US) Tous ses articles, « Journées chorégraphiques de Carthage: entre rupture et libération », sur Nawaat, (consulté le ).
- « Le message politique du “Cabaret Baladi” d'Alexandre Paulikevitch : “On ne lâche rien !” | Les Inrocks », sur lesinrocks.com (consulté le ).
- Beatrice Boldrin, « De la « danse orientale » aux influences contemporaines : artification et décolonisation de l’imaginaire des danses issues du monde arabe », Recherches en danse, no 5, (ISSN 2275-2293, DOI 10.4000/danse.1474, lire en ligne, consulté le )
- Stéphanie Dadour, « Il fera bon y vivre, demain. La notion de décentrement et ses appropriations par Sirine Fattouh, Alexandre Paulikevitch et Randa Mirza », Les Cahiers du Musée National d’Art Moderne, no.122, hiver 2012/2013, pp. 70-89.
- Galer, « The male belly dancer fighting gender stereotypes », bbc.com.
- Le propos est de la journaliste Victoire Jaquet, « Alexandre Paulikevitch « Pratiquer le baladi relève aujourd’hui du combat » - MaCulture.fr », sur maculture.fr (consulté le ).
- https://www.lorientlejour.com/article/1244112/alexandre-paulikevitch-sensible-et-culotte.html
- Martella, « Artistes libanais: "C'est maintenant que mon pays a besoin de moi" », Libération, .
- Bruers et Platon, « Alexandre, danseur libanais », rtbf, .
- « A'alehom d'Alexandre Paulikevitch », Scene Web, .
- Colin, « LEGS 2022: tout dans les jambes! », L'echo, .
- « Les danseuses n'ont pas le monopole du ventre », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « We Speak Dance », .
- « A Taste of Home OR A (gushing) love letter to Alex P. »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), .
- « Lebanese Male Dancer on Trial For 'Twirl' During Protests », Al Bawaba, .
- Zalzal, « Alexandre Paulikevitch, sensible et... culotté », L'Orient Le Jour, .
- « Alexandre Paulikevitch exorcise ses traumatismes sur scène », TV5 Monde, .
- Bruers et Platon, « Alexandre, danseur libanais », rtbf, .
- « Tajwal, Alexandre Paulikevitch », Institut du monde arabe, .
- Fache, « " Tra-Tra-Tra-Houuuum-Ha ! " ordonne Alexandre Paulikevitch », L'Orient-Le Jour, .
- Ghali, « " Dance performance born in crises packs a punch " - Maghie GHALI »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), The Daily Star Lebanon, .
- « "Cabaret Welbeek" », Brussels Dance, .
- « Poster Session / School », Festival Avignon, .
- « Dans le collimateur de Francois Chaignaud + Cecelia Bengolea », À Vous Poitiers, .
- Metni, « Palais de femmes. La femme au sein de l'art- Natasha Metni », Magazine Le Mensuel, .
- « Dresse le Pour moi », Le Thêatre Saint Nazaire, .
- « The Last Distance »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Outburst Arts, .
Bibliographie
modifier- Stéphanie Dadour, « Il fera bon y vivre, demain. La notion de décentrement et ses appropriations par Sirine Fattouh, Alexandre Paulikevitch et Randa Mirza », Les Cahiers du Musée National d’Art Moderne, no.122, hiver 2012/2013, pp. 70-89.