Arabe dialectal
L'arabe dialectal (ٱلْعَرَبِيَّة ٱلدَّارِجَة, al-ʿarabiyyah ad-dārijah) est un terme qui recouvre les dialectes arabes, résultant d'une interférence linguistique entre la langue arabe et les langues locales ou voisines, à l'issue d'un processus d'arabisation ou d'une influence culturelle quelconque due principalement à la colonisation, aux mouvements migratoires, au commerce, et plus récemment aux médias.
Ils sont en perpétuelle évolution, incluant constamment de nouveaux mots et tournures de phrases, parfois tirés de langues occidentales comme le français, l'espagnol ou l'anglais. Ce sont les dialectes, aux côtés d'autres langues non-arabes, qui sont utilisées pour la communication de tous les jours dans les pays concernés.
Classification
modifierFamille occidentale
modifier- Groupe ibérique :
- Arabe andalou (Andalousie, éteint, « traces » subsistantes dans certains parlers citadins au Maghreb pratiqués par une petite minorité d'origine andalouse) ;
- Groupe maghrébin :
- Arabe marocain « non-hilalien » :
- Parlers citadins (parlers non-hilaliens, fortement influencé par l'arabe andalou) [1],[2]
- Parlers montagnards (pré-hilaliens) [4],[5]
- Parlers judéo-marocains (non-hilalien) [6]
- Arabe marocain bédouin (hilalien et maqilien) :
- Parlers ʿAroubi : parlers mâqiliens des plaines occidentales du Maroc (Doukkala, Abda, Chaouia, Gharb, Tadla, Chiadma, Haouz, Seraghna, Zaers)[7]
- Parlers orientaux : parlers mâqiliens, parlés à Oujda et dans une partie de la région orientale[8],[9]
- Nouveaux parlers urbains du Maroc (koinès urbaines, dominante hilalienne-mâqilienne), résultants des mouvements de migration vers les villes au XXe siècle[1]
- Parlers du Sahara : parlers mâqiliens[10],[11]
- Arabe algérien (Algérie)
- Parlers algériens occidentaux : parlers pré-hilaliens de Tlemcen et Nedroma, parlers mâqiliens, koinés urbaines d'Oran et de Mostaganem, parlers de la vallée du Chélif, parlers des Traras.
- Parlers algériens centraux : parlers d'Alger, parlers de la Mitidja ( Tipaza, Blida... )
- Parlers algériens orientaux : parlers hilaliens et sulaymites des hauts plateaux (Bordj Bou Arreridj, Sétif, Msila...), parlers pré-hilaliens de Jijel, Collo, Mila, de Bejaia, parler de Constantine, parlers de l'extrême est algérien ( Annaba, Souk Ahras, Tébessa, El Kala)
- Parlers algériens méridionaux : Arabe saharien
- Une forte influence de l'arabe andalou notamment dans les parler citadins de Béjaïa, Tlemcen, Nedroma,Mostaganem, Dellys etc.
- Arabe tunisien (Tunisie, Extrême nord-est algérien),
- Parlers pré-hilaliens Nord oriental, régions de Tunis, Bizerte et le Cap Bon
- Parlers pré-hilaliens de la région de Sfax
- Parlers pré-hilaliens sahéliens des régions de Sousse, Monastir, Mahdia.
- Parlers sulaymites Nord occidental ( Nord-Ouest de la Tunisie)
- Parlers hilaliens occidental (Ouest de la Tunisie)
- Parlers sulaymites Sud ( Sud de la Tunisie)
- Maltais, pré-hilalien (Malte)
- Arabe sicilien, pré-hilalien (Sicile, éteint) ;
- Arabe marocain « non-hilalien » :
- Groupe bédouin :
- Arabe libyen ;
- Arabe libyen de Tripolitaine (Tripolitaine),
- Arabe libyen de Cyrénaïque (Cyrénaïque),
- Arabe libyen du Fezzan (Fezzan),
- Arabe tunisien du Sud (Sud tunisien)
- Hassaniya (Mauritanie, Maroc,Sahara occidental, Algérie, Mali, Sénégal)[12]
- Arabe saharien (Sud-ouest algérien, Niger).
- Arabe libyen ;
Famille orientale
modifier- Groupe du Nil :
- Groupe levantin:
- Arabe chypriote maronite
- Arabe levantin septentrional
- parlers du nord-est (Alep, Hama, Homs, Alexandrette)
- parlers centraux (Damas, Liban, Galilée)
- parlers de la côte syrienne (Monts Nusayriya, nord du Liban)
- Arabe levantin méridional
- parlers palestiniens (nord de la Cisjordanie, centre d'Israël)
- parlers du sud-est (sud de la Syrie, Golan, Jordanie, sud de la Cisjordanie)
- parlers du sud (Gaza, Karak)
- Groupe péninsulaire :
- Parlers péninsulaires du sud
- Parlers péninsulaires du nord-est
- Parlers du Golfe
- Parlers du Nejd
- Parlers péninsulaires de l'ouest
- Parlers péninsulaires du nord-ouest : parlers bédouins du Néguev, du Sinaï, du sud de la Jordanie et du nord-ouest de l'Arabie saoudite.
Influences étrangères
modifierOutre l'évolution linguistique naturelle indépendante de chaque région, les différents dialectes se distinguent par les influences d'autres langues :
- Substrat araméen pour les dialectes mésopotamiens, l'irakien ;
- Substrat berbère pour tous les dialectes maghrébins ;
- Substrat punique pour les dialectes maghrébins ;
- Substrat latin pour le maltais ;
- Substrat grec pour le maltais ;
- Superstrat italien pour le maltais et le tunisien ;
- Superstrat espagnol pour le marocain et l'ouest algérien ;
- Substrat égyptien ancien pour l'égyptien ;
- Substrat phénicien pour le syro-libano-palestinien, le tunisien et le maltais ;
- Emprunts français, italiens et espagnols pour les dialectes maghrébins et le libanais ;
- Emprunts turcs pour le syro-libano-palestinien, l'égyptien et pour les dialectes algérien et tunisien.
Cas de l'arabe maghrébin (al-maghribi)
modifierEn tentant de jeter la lumière sur la vie langagière du Maghreb pré-islamique[13], Abdou Elimam découvre que la langue introduite par les Phéniciens en Afrique du nord, le punique, s'avère langue substrat (à hauteur de 50 % en moyenne) dans les parlers contemporains du Maghreb et de Malte (1997), ce qui le conduit à oser un regard renouvelé et critique sur la nature supposée « arabe » des parlers du Maghreb. Son étude assoit la conviction que loin d'être une arabisation (spontanée) de toutes ces contrées, les parlers de Malte et du Maghreb sont des évolutions du punique au contact de l'arabe et du berbère. Rejoignant Charles A. Fergusson et bien des linguistes orientaux, Abdou Elimam nomme maghribi cette identité linguistique polynomique et au substrat punique (1997, 2003)[14].
Exemples dialectaux
modifierExemple d'une même phrase en français, arabe littéral, maltais, dialecte tunisien, dialecte algérien, dialecte marocain, dialecte mauritanien, dialecte égyptien et dialecte libanais :
- Français : Demain, j'irai voir le joli marché ;
- Arabe classique : Ghaden, saʾ adh-habu li-ruʾyati s-suqi'l-jamil ;
- Maltais : Għada, sa mmur nara is-suq is-sabiħ/ il-helu (se prononce 'aada sa mmour nara is-sou' is-sabih/ il-helou) ;
- Arabe tunisien : Ghadwa, maši nara/nšuf as-suq el-helou/ el-meziane/ el-bahi/ el-semħ ;
- Arabe algérien : Ghodwa, nroh nšuf as-suq/sug ash-shabab/az-zine/l-mliħ ;
- Arabe marocain : Ghedda, ghadi/maši nšuf es-suq ez-zine/ez-zwine/l-meziane/l-mliħ/ej-jiyyed ;
- Arabe mauritanien : Ghaden, leihi nguiss es-suq ez-zeine ;
- Arabe égyptien : Bokra, haroh ʾašuf as-suʾ al-gamîl ;
- Arabe libanais : Bukra, ana rayeḥa šuf as-suʾ el-helo.
Écriture
modifierLorsqu'ils s'écrivent, les dialectes utilisent indifféremment un alphabet arabe modifié ou un alphabet latin avec signes diacritiques tel que le maltais.
Grammaire
modifierVoir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Linguistique
- Arabe classique
- Arabe standard moderne
- Diglossie
- Continuum linguistique
- Association Internationale de Dialectologie Arabe (AIDA) ou International Association of Arabic Dialectology
Liens externes
modifier- Documents en arabe littéral et en cinq dialectes (marocain, algérien, tunisien, syro-libano-palestinien et égyptien)
- substrat berbère dans l'arabe dialectal
- Situation de l'arabe dialectal en France
- George Grigore, L'arabe parlé à Mardin. Monographie d'un parler arabe périphérique
- Arabic Varieties: Far and Wide. Proceedings of the 11th International Conference of AIDA Bucharest 2015
- (en) The Center for Advanced Study of Language, University of Maryland, « Arabic Variant Identification Aid (AVIA) »,
Bibliographie
modifierClassement par date d'édition des ouvrages :
- Joseph Desparmet, Enseignement de l'arabe dialectal d’après la méthode directe, (plusieurs volumes) Typographie A. Jourdan, 1907[15] (réimpression en 2010)
- T. F. Mitchell, Colloquial Arabic, collection « Teach Yourself Books (en) », Hodder and Stoughton Ltd, Londres 1962, nombreux retirages, (ISBN 0-340-26519-1)
- Boutros Hallaq, L'arabe pour tous, collection « les langues pour tous », Presses Pocket, 1984, (ISBN 978-2-266-01340-6)
- Michel Neyreneuf et Ghalib Al-Hakkak, Grammaire active de l'arabe, collection « les langues modernes », Le Livre de poche, Paris 1996.
- Thomas Bauer, Arabic Writing, article paru dans The World's Writing Systems, ouvrage collectif sous la direction de Peter T. Daniels et William Bright, Oxford University Press, 1996.
- Toufic Fahd, Études d'histoire et de civilisation arabes, Éditions Isis, 1997, (ISBN 975-428-106-8) version en ligne
- Mathieu Guidère, Arabe grammaticalement correct ! Grammaire alphabétique de l'arabe, Éditions Ellipses, Paris, 2001, (ISBN 2-72980923-6)
- Michel Quitout, Parlons l'arabe dialectal marocain, L'Harmattan 2003 (ISBN 978-2-7475-1135-3)
- Kristen Brustad, Mahmoud Al-Batal, Abbas Al-Tonsi, A Textbook for Arabic: Part Two, Georgetown University, Washington, DC, 2005 (ISBN 978-1589010963), 1re édition 1997, (ISBN 0-87840-350-7)
- Boutros Hallaq, Quarante leçons pour parler arabe, collection « langues pour tous », Univers Poche, Pocket, Paris, 2009, (ISBN 978-2-266-18910-1)
- Dictionnaire Mounged de poche (français arabe ─ فرنسيّ عربيّ), éditions Dar el-Machreq, dixième édition, Beyrouth.
- Melissa Barkat-Defradas, Détermination d'indices acoustiques robustes pour l'identification automatique des parlers arabes, Revue Langues et Linguistique, 2001
Notes et références
modifier- L. Messaoudi, Cahiers de Sociolinguistique no 6 (2001), Variations linguistiques: images urbaines et sociales, p. 87-98
- S. Levy, EDNA no 1 (1996), Reperes pour une histoire linguistique du Maroc, p. 127-137
- M. Elhimer, Cahiers de Sociolinguistique no 6 (2001), Variations linguistiques, images urbaines et sociales, p. 129-143
- S. Levy, EDNA n°1, Reperes pour une histoire linguistique du Maroc (1996), pp.127-137
- L. Messaoudi, EDNA n°1 (1996), Notes sur l'affriquée G dans le parler des Jbala, pp.167-176
- H. Zafrani, Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée n°4 (1967), Les langues juives du Maroc, pp.175-188
- A. Bernard & P. Moussard, Annales de Géographie n°183 (1924), Arabophones et berbérophones au Maroc, pp.267-282
- S. Elbaz, Arabica no 28 (1981), La subordination en arabe d'Oujda, p. 333-344
- P. Behnstedt & M. Benabbou, Zeitschrift für arabische Linguistik no 44 (2005), Données nouvelles sur les parlers arabes du Nord-Est marocain, p. 17-70
- C. Taine-Cheikh, De l'Atlantique à l'Ennedi (Catalogue de l'exposition «Sahara-Sahel»), éd. Centre Culturel Français d'Abidjan (1989), Les langues parlées au sud Sahara et au nord Sahel p. 155-173
- C. Taine-Cheikh, Peuples méditerranéens no 79 (1997), Les hassanophones du Maroc. Entre affirmation de soi et autoreniement, p. 158
- « Hassaniyya », sur Ethnologue (consulté le ).
- Cette langue est désignée par le linguiste Abdou Elimam sous le terme général de maghribi (maghrébin) qui préfère ce nom à l'épithète « dialecte ». Il rejoint en ce sens d'autres linguistes tels que Charles A. Ferguson ou William Marçais.
- Pour plus d'informations, consulter deux ouvrages de Elimam : Le maghribi, langue trois fois millénaire (éd. ANEP, Alger, 1997) et Le maghribi, alias ed-darija, langue consensuelle du Maghreb (éd. Dar El Gharb, Alger, 2004).
- (ar) Joseph Desparmet, Enseignement de l'arabe dialectal d'après la méthode directe, première période, classe de sixième : vocabulaire et lectures, , 205 p. (lire en ligne).