Archambaud de Talleyrand-Périgord
Archambaud Joseph de Talleyrand-Périgord, duc de Talleyrand par courtoisie, né le à Paris et mort le à Saint-Germain-en-Laye, est un gentilhomme et militaire français, et le frère cadet du célèbre Talleyrand.
Archambaud de Talleyrand-Périgord | ||
Archambaud de Talleyrand-Périgord, par Joseph Chabord | ||
Naissance | Paris |
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Décès | (à 75 ans) Saint-Germain-en-Laye |
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Origine | Royaume de France | |
Allégeance | Royaume de France (1770-1790) Armée des princes (1790-1798) Royaume de Grande-Bretagne (1794-1796) Royaume de France (1814-1815 Royaume de France (1815-1817) |
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Grade | Lieutenant général des armées du roi[1] | |
Années de service | 1770 – 1817 | |
Faits d'armes | 1795 : Expédition de Quiberon | |
Autres fonctions | Pair de France | |
Famille | Maison de Talleyrand-Périgord | |
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Biographie
modifierFamille
modifierFils de Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord, comte de Talleyrand (1734-1788) et d'Alexandrine de Damas d'Antigny (1728-1809), Archambaud naît dans une famille de haute noblesse et jouissant de charges à Versailles, mais dans une situation économique difficile[2]. Ses parents ont déjà eu deux fils, Alexandre (1752-1757) et Charles-Maurice (1754-1838), et auront après lui deux autres enfants, Boson (1764-1830) et Louise, morte en bas âge en 1771.
Le prénom d'Archambaud lui est donné pour rappeler la lignée des comtes de Périgord constituée de nombreuses personnalités portant ce prénom, respectant ainsi une tradition des grandes familles aristocratiques. Il porte le titre honorifique de comte de Périgord en tant que cadet (son frère ainé étant à cette époque comte de Talleyrand).
Jeunesse
modifierDe par le peu de fortune de ses parents et la vocation de son frère aîné à la prêtrise, Archambaud se retrouve au centre des attentions familiales et récupère le droit d'aînesse au détriment de Charles-Maurice[3], affligé d'un pied bot. Il commence donc une carrière militaire, vocation communément admise pour le chef de famille.
En 1770, alors âgé de 17 ans, il épouse Sabine Olivier de Senozan de Viriville (1764-1794), lointaine cousine de sa mère et riche héritière. Cette union est considérée par certains comme une mésalliance[4], mais la fortune de la promise emporte la décision. La dot promise, comprenand de nombreuses terres et notamment la seigneurie de Rosny, l'autorise désormais à porter le titre de marquis de Rosny[5].
Selon Emmanuel de Waresquiel, cette union aurait été considérée comme un « soufflet » par Charles-Maurice, destitué de ses droits d'aînesse, d'une partie de la fortune familiale au profit du jeune marié, et curieusement absent des réjouissances[6]. Le biographe considère cela comme une démonstration du ressentiment et de la frustration qu'il éprouvait alors, un des nombreux « poids de ses silences »[7] dont le personnage est coutumier.
Dans les années 1780, le comte de Périgord fait partie du groupe des jeunes fashionables de Versailles[8] et est un familier des bals et fêtes de la cour dont il est un membre reconnu et apprécié, plus par son allure que par son intelligence. C'est vers cette époque qu'il se découvre trois vocations : les femmes, le jeu, et les dettes.
Physiquement agréable, charismatique et discret sur ses relations, il connait de nombreuses aventures avec des dames de la haute noblesse. En février 1786, il eut notamment une relation avec Aglaé, duchesse de Guiche mais l'arrivée inopinée de son mari le força à s'échapper par une fenêtre, située au premier étage. Aperçu par un garde, il est arrêté, reconnu et s'en tire avec un genou froissé[9]. L'affaire fait le tour des courtisans qui s'en amusent beaucoup, et arrive aux oreilles de Louis XVI qui déclare : « Puisqu'il faut absolument que nous soyons entouré de catins, au moins qu'on les loge toutes au rez-de-chaussée; on ne courra plus le risque de se casser le cou si, en allant les voir, on est obligé de passer par la fenêtre. »[10]. Un mois après cette affaire, probablement pour l'éloigner de la cour, il est nommé colonel en second du régiment de Provence appartenant à Monsieur, frère du Roi[11].
Ce tempérament volage ne semble pourtant pas avoir empêché une bonne entente avec son épouse, avec qui il eut trois enfants : Louis (1784-1808), Françoise Xavière (1785-1863), et Alexandre Edmond (1787-1872). Le couple aide aussi Charles-Maurice, en lui garantissant un emprunt de près de 135000 livres, destinées à le faire devenir évêque d'Autun[12].
Révolution et émigration
modifierDurant la période révolutionnaire, Archambaud accompagne surtout les actions de son frère. C'est ainsi qu'on le voit participer aux séances de l'Assemblée nationale en tant que député suppléant[13] ou au pied de l'autel lorsqu'officie son frère ainé le jour de la Fête de la Fédération[14]. Résidant dans le faubourg Saint-Germain[15], on le voit parfois en compagnie de Boson ou de Charles-Maurice dans le Club de Valois[16], club politique créé par Sieyès[17]. Dans le même temps, il est fait colonel à la suite du régiments de Chasseur d'Alsace.
En 1792, pressé de partir par son frère qui sent le vent tourner, Archambaud décide d'émigrer et de retrouver l'Armée des Princes à Coblence, laissant sa femme et ses enfants en France afin d'éviter la confiscation de leurs biens. Malheureusement, alors qu'elle cherche à rejoindre son mari en Grande-Bretagne, où il est colonel d'un régiment à son nom, la comtesse est arrêtée et amenée dans la prison Saint-Lazare puis à la Conciergerie, où le tribunal révolutionnaire la condamne à mort. Le 9 thermidor de l'an II (27 juillet 1794), quelques heures avant la chute de Robespierre, elle fait partie de la « dernière charrette » de condamnés. Son corps, ainsi que ceux de nombreuses victimes de la Terreur, est jeté dans une fosse commune du cimetière de Picpus.
Sa mort attriste beaucoup son mari et son beau-frère, ce dernier étant alors aux États-Unis[18]. Archambaud décide donc de rejoindre Londres où se trouve la cour en exil du comte de Provence et du comte d'Artois, et prend part en 1795 à la désastreuse affaire de Quiberon, où son frère Boson est lieutenant-colonel de la Légion du Périgord[19]. Pour autant, n'oubliant pas ses habitudes, Archambaud connait une liaison avec la comtesse de Balbi, favorite du comte de Provence, qui accouchera un peu plus tard de jumeaux[20]. En 1798, il parvient à rentrer en France et se cache à Neuilly sous un nom d'emprunt, puis se fait héberger chez la comtesse de Jarnac, où il retrouve ses enfants.
L'Empire
modifierPendant la période impériale, les Talleyrand sont grandement favorisés par la place importante qu'occupe Charles-Maurice. Grâce à son influence, Bonaparte accordera son pardon à Boson et à Archambaud dès 1801 et les radiera de la liste des émigrés[21]. Cependant ce dernier, calculant qu'il a toujours un arriéré de solde impayé en tant que responsable d'un régiment du gouvernement anglais, part pour Londres pour le récupérer avec la bénédiction de son frère[22]. Cette action énerve profondément Bonaparte, qui décide d'éloigner quelque temps les frères de son ministre pour les installer loin de Paris. Ils ne seront plus guères vu, sauf à l'occasion du mariage de Charles-Maurice avec Catherine Worlee[23].
En 1803, sa fille Françoise Xavière épouse Just de Noailles (elle avait été aussi approchée pour épouser Lucien[24], Louis Bonaparte[25] ou Eugène de Beauharnais, mais son père avait refusé et a dû rester un peu plus longtemps à la campagne) et sera nommée dame du Palais de l'impératice en 1812[26].
Le 18 juin 1808, Louis, le fils aîné d'Archambaud, meurt à Berlin d'une fièvre inflammatoire. C'est un coup dur pour toute la famille... Charles-Maurice, qui fondait beaucoup d'espoir sur ce jeune homme[27] brave, intelligent et apprécié de Berthier, doit se recentrer sur Edmond, qui n'a pas les capacités de son aîné. C'est donc ce dernier qui va épouser la jeune Dorothée de Courlande à la suite des nombreuses tractations de son oncle avec les ducs de Courlande et Alexandre Ier.
Pendant ce temps, Archambaud fréquente les salons parisiens, mais n'exerce aucune fonction officielle car il est écarté de la cour par Napoléon. Sa vie pourrait se résumer à jouer, perdre de grosses sommes[28], et dépenser les restes de la fortune de sa femme.
Restauration et fin de vie
modifierAu début de la première Restauration, alors que Charles-Maurice est le chef du gouvernement provisoire, Archambaud recommence à avoir un léger rôle auprès de son frère. Le 10 avril 1814, dans l'Hôtel de Talleyrand où il est logé, le tsar le reçoit accompagné de sa bru. Le 4 juin 1814, il est fait maréchal de camp par Louis XVIII[29]. Après les Cents-Jours, il est utilisé comme émissaire auprès du Roi pour lui assurer qu'il est impossible de rentrer à Paris sans l'appui de Fouché[30].
Devant succéder à son frère en tant que pair de France et nommé duc de Talleyrand en 1817 par ordonnance royale[31], Archambaud est admis à la retraite la même année en tant que lieutenant général. Il continue de fréquenter le monde et rend souvent visite à son frère dans ses terres de Valençay, notamment pour chasser dans la forêt de Gâtines[32].
Atteint de paralysie dans ses derniers jours[33], il meurt le 28 avril 1838, trois semaines avant son frère aîné. Son corps sera transporté dans la crypte de Valençay[34].
Sources principales
modifierBibliographie
modifier- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p.
- Michel Poniatowski, Talleyrand et l'ancienne france, Paris, Librairie académique Perrin, , 584 p.
Documents accessibles en ligne
modifier- André Beau, Notices biographies sur l'entourage du Prince de Talleyrand, , 17 p. (lire en ligne), p. 13
- Transcription d'une conférence de Georges Lefaivre, Edmond de Talleyrand-Périgord ( 1er Août 1787 - 14 Mai 1872) : Un brillant général à découvrir, , 15 p. (lire en ligne)
- Pierre Jullien de Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français : depuis le onzième siècle jusqu'en 1822, Tome 9, l’Auteur, , 564 p. (lire en ligne), p. 230
Articles connexes
modifierLiens externes
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Notes et références
modifier- Jean de Jaurgain, Notice sur la Maison de Talleyrand-Périgord, Typographie Gaston Nee, , 19 p. (lire en ligne), p. 7
- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., chap. 2 (« Première gifle : la fortune des Chalais »), p. 40-45
- "Ce fut de surcroît, pour Talleyrand, la déchéance de son droit d'aînesse. Une tradition constante, en effet, veut qu'il en ait été dépossédé vers l'âge de treize ans, par un conseil de famille, au bénéfice de son frère Archambaud, son cadet de huit années". Citation tirée de Jacques Vivent, Monsieur de Talleyrand intime, Hachette, (lire en ligne), chap. II (« L'infirmité de Talleyrand »), p. 26
- "Son mariage m'a bien saigné le cœur de voir mon nom si fort abâtardi" : Archives du Château de Commarin, livre de raison de Marie-Judith de Vienne
- « Seigneurie de Rosny », sur francearchives.fr
- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., chap. 3 (« Deuxième gifle : le mariage d'Archambaud »), p. 45-51
- Benjamin Constant, Portraits, mémoires, souvenirs, Paris, Champion, , p. 119
- " (...) il appartenait avant la Révolution, comme Archambaud de Périgord et Félix le Peletier, au groupes des jeunes fashionables parisiens, très à la mode, très en vue, qui copiaient les habitudes anglaises, se passionnaient pour les atellages et les chevaux et menaient un train d'enfer". Citation tirée de Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., p. 293
- Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch (1754-1803), Mémoires de la baronne d'Oberkirch, vol. II, Paris, Bernard de Montbrisson, comte de Léonce, (lire en ligne), p. 197
- Correspondance secrère inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la cour et la ville de 1777 à 1789, publiée par M. de Lescure. Paris, 1860, II, 16, 22 février 1786
- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., p. 49
- "Très rares sont les historiens qui mentionnent le prix d'enregistrement des bulles pontificales par lesquelles le pape intronise les évêques... et remplit les caisses du Saint-Siège." citation et information du prêt tirée de Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., p. 147-148
- Archives Parlementaires de 1787 à 1860, vol. Première série (1787-1799), t. VIII : Du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789, Paris, Librairie administrative P. Dupont, , 731 p. (lire en ligne), p. 35-64
- "Son frère Archambaud la servit, et quoiqu'il eût fortement nié le fait quand il rejoignit les princes à Coblentz, je l'ai vu de mes yeux, en habit brodé et l'épée au côté, au pied de l'autel". Citation tirée de Lucy de la Tour du Pin, Journal d'un femme de cinquante ans (1778 - 1815) : Mémoires de la marquise de la Tour du Pin, Paris, Chapelot, (lire en ligne), p. 246
- Au numéro 127 de la rue Saint-Dominique à proximité de la résidence de sa mère
- Michel Poniatowski, Talleyrand, les années occultées 1789-1792, Paris, Perrin, , 480 p., p. 178
- Augustin Challamel, Les clubs contre-révolutionnaires : cercles, comités, sociétés, salons, réunions, cafés, restaurants et librairie, Paris, Cerf, (lire en ligne), p. 31
- "M. de Talleyrand se réjouissait surtout que Mme Archambaud de Périgord, sa belle-sœur, eût échappé au supplice, lorsque beaucoup plus tard dans la soirée, ayant repris sur la table un journal qu’il croyait avoir lu, il y trouva la terrible liste des victimes exécutées le jour même du 9 thermidor au matin, pendant la séance où l’on dénonçait Robespierre, et dans laquelle elle figurait. Cette mort le frappa bien douloureusement...". Citation de la Marquise de la Tour du Pin tirée de Transcription d'une conférence de Georges Lefaivre, Edmond de Talleyrand-Périgord ( 1er Août 1787 - 14 Mai 1872) : Un brillant général à découvrir, , 15 p. (lire en ligne)
- Louis Gabriel de Villeneuve-Laroche-Barnaud, Mémoires sur l'expédition de Quiberon : précédés d'une notice sur l'émigration de 1791, et sur les trois campagnes des années 1792, 1793, 1794, vol. 1, Paris, Le Normant, Imprimeur-Librairie, , 347 p. (lire en ligne), p. 214
- Joëlle Chevée, La Noblesse du Périgord : Au pays des 1000 châteaux, FeniXX, 376 p. (lire en ligne)
- David Lawday (trad. Valérie Malfoy), Talleyrand, le maître de Napoléon [« A life of Prince Talleyrand »], Albin Michel, (lire en ligne), p. 188
- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., p. 398
- André Beau, Le parcours de Talleyrand (lire en ligne), p. 9
- "Si Archambaud est exilé pour n'avoir pas voulu forcer sa fille à épouser Lucien comme le disent les aristocrates ou si c'est pour avoir été à Londres régler les comptes de son régiment comme le disent les autres ?". Citation tirée d'une lettre de Julie Talma à Benjamin Constant, datée du 30 octobre 1802, tirée de Correspondances 1800-1802, Cecil P. Courtney (lire en ligne), p. 540
- Emmanuel de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène. Présentation et notes de Joël Schmidt. le Seuil, 2 vol., 1968, volume I, p.670
- « Vase étrusque carafe, baptême du roi de Rome », sur napoleon.org (consulté le ).
- "Je suis bien malheureux, je vous assure. Tout l'avenir de ma vie était dans ce beau jeune homme qui avait tant d'âme, tant d'élévation, tant de bon esprit, de la force, de la bonté; qu'elle est donc impitoyable cette cruelle mort qu'aucun de ces avantages ne peut fléchir". Extrait d'une lettre de Talleyrand à son amie la duchesse de Bauffremont, datée du 1er juillet 1808, Valençay
- Chodron, 15 juillet 1817, Dépôt du transfert d'une reconnaissance de dette de 200 000 francs de Louis de Périgord à Charles-Maurice, sur la tête d'Archambaud de Périgord, signé à Varsovie le 31 mars 1807
- Jean-Baptiste-Pierre Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français, vol. 9, (lire en ligne), p. 222
- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le Prince immobile, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 1079 p., p. 662
- Pierre Jullien de Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français : depuis le onzième siècle jusqu'en 1822, Tome 9, l’Auteur, , 564 p. (lire en ligne), p. 230
- André Beau, Les hôtes de Talleyrand à Valençay, (lire en ligne), p. 2
- André Beau, Notices biographies sur l'entourage du Prince de Talleyrand, , 17 p. (lire en ligne), p. 13
- Jacques Vivent, La vie privée de Talleyrand, FeniXX, 272 p. (lire en ligne)