Archermos

sculpteur grec antique
Archermos
Inscription portant le nom d'Archermos sur un fragment de base de statue délienne (dessin de Théophile Homolle, 1881).
Biographie
Naissance
Nom dans la langue maternelle
Ἄρχερμος / Árkhermos
Époque
Activité
Période d'activité
VIe siècle av. J.-C.
Père
Enfants

Archermos (en grec ancien Ἄρχερμος / Árkhermos, en latin Archermus), dit Archermos de Chios, est un sculpteur grec archaïque, né sur l'île de Chios et actif durant la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C.

Mentionné par Pline l'Ancien, il est membre d'une dynastie familiale de sculpteurs et est le père de Boupalos et Athénis. Connu par plusieurs inscriptions et textes, des œuvres conservées lui sont attribuées, en particulier la Niké de Délos.

Sources modifier

Archermos est un des rares sculpteurs grecs de l'époque archaïque connus aussi bien de sources épigraphiques que littéraires[1].

Sources épigraphiques modifier

Face inscrite de la base de statue découverte à Délos portant le nom d'Archermos (dessin de Salomon Reinach, 1883).

Le première mention épigraphique du nom d'Archermos se trouve sur une base de statue délienne[a]. Elle est retrouvée lors de fouilles archéologiques dans les alentours du temple d'Artémis : un premier fragment est découvert en 1880, le second en 1882[2]. Son association avec la Niké de Délos, statue découverte à proximité, fait débat[2].

Une inscription métrique, qui se trouve sur la face avant de la base, mentionne les noms « Archermos » et « Mikkiadès » et fait l'objet de différentes interprétations, en raison de son état lacunaire, pour savoir leur statut (dédicants ou sculpteurs)[2]. Par son écriture, elle semble datée de la fin de la première moitié du VIe siècle av. J.-C.[2].

Colonne-support de l'acropole d'Athènes portant le nom d'Archermos (musée épigraphique d'Athènes).

Une seconde inscription, plus récente, sur une colonne-support cannelée de l'acropole d'Athènes, mentionne également Archermos[b] :

« Ἄρχερμος ἐποίεσεν ὁ Χῖος.
Ἰ[φ]ιδίκε μ' ἀνέθεκεν Ἀθεναίαι Πολιόχοι. »

— Dédicace d'une colonne-support de l'acropole d'Athènes.

« Œuvre d'Archermos de Chios.
Iphidikè m'a consacré à Athéna Poliouchos. »

— Traduction en français[2],[3].

Le chapiteau de la colonne étant perdu, la statue qu'elle portait n'est pas identifiable, bien que certaines korès de l'Acropole soient parfois proposées[2]. Elle est datée du dernier quart du VIe siècle av. J.-C., soit au moment où les fils d'Archermos, Boupalos et Athénis, commencent à être actifs[2].

Une autre signature, sur la partie inférieure d'une colonne-support cannelée trouvée sous le mur nord de l'acropole d'Athènes, est réalisée par un sculpteur chiote : datant de la fin du VIe siècle av. J.-C., elle parait trop récente pour être celle d'Archermos — malgré sa disposition analogue à la précédente — et pourrait être celle d'un de ses fils, qui aurait suivi son père à Athènes[2].

Sources littéraires modifier

Archermos, sa famille et leurs œuvres sont mentionnés par Pline l'Ancien dans l'Histoire naturelle :

« Avant eux [Dipoenus et Scyllis], il y avait déjà eu dans l'île de Chio le sculpteur Mélas, puis son fils Micciadès et ensuite son petit-fils Archermus. Les fils de ce dernier, Bupalus et Athénis, jouirent d'une extrême célébrité dans cet art, à l'époque du poète Hipponax, dont on sait qu'il a vécu lors de la soixantième olympiade[c]. À suivre l'histoire de cette famille de sculpteurs en remontant jusqu'au bisaïeul, l'on s'apercevrait que l'origine de cet art a coïncidé avec le début des olympiades […] Il y eut des œuvres [d'Archermus] à Délos et dans l'île de Lesbos. »

— Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, 11-14[4].

Il est également mentionné dans une scholie aux Oiseaux d'Aristophane :

« Ce n'est que plus récemment que Niké et Éros ont acquis des ailes. En effet, certains disent que c'est Archennos [sic] le père de Boupalos et d'Athénis, d'autres que c'est Aglaophon le peintre thasien qui a rendu Niké ailée, comme le raconte Karystios de Pergame. »

— Scholie au vers 573 des Oiseaux d'Aristophane[1].

Éléments biographiques modifier

Archermos est originaire de l'île de Chios[5]. Il aurait vécu et été actif durant la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C.[6].

Archermos fait partie d'une famille de sculpteurs : selon Pline l'Ancien, son grand-père serait Mélas, son père serait Mikkiadès et ses fils seraient Boupalos et Athénis[7].

Cette généalogie semble néanmoins être en partie erronée et s'appuyer sur une erreur potentielle de Pline l'Ancien. En effet, une inscription sur une base de statue, découverte à Délos, cite Archermos, Mikkiadès et Mélas, mais ce dernier est en fait un ancêtre fondateur de Chios — plus précisément Mélas, fils de Poséidon[8] — désignant ainsi l'île de manière poétique[d],[7],[9].

Production artistique et œuvres attribuées modifier

Archermos est un sculpteur, connu pour ses représentations de figures féminines drapées[7], réalisées d'après Pline l'Ancien à Délos et à Lesbos, en marbre de Paros[6]. Une scholie antique lui attribue la paternité de la première représentation de Niké ailée[7].

Plusieurs œuvres lui sont attribuées (de manière incertaine) : la Niké de Délos, retrouvée sur l'île ; la Korè 675, découverte sur l'acropole d'Athènes ; une tête de cariatide de Delphes, conservée au musée archéologique du site[6]. Deux torses de korai de Chios, datés d'environ , sont également attribués à son atelier[10]. Présentes dans des lieux éloignés, ces différentes sculptures démontrent la mobilité des œuvres et des artistes à l'époque archaïque[6].

La Niké de Délos modifier

La Niké de Délos, datée d'environ , conservée au Musée national archéologique d'Athènes.

La Niké de Délos (ou Niké d'Archermos) est une statue en pied de femme ailée, représentant Niké ou Artémis, réalisée vers d'après son style[7]. Elle est découverte lors de fouilles archéologiques à Délos, un de ses bras ayant été retrouvé plus tard par des chercheurs français[7].

La découverte d'une base de statue près de la Niké, présentant un sommet irrégulier ayant pu supporté le drapé qui pend des jambes de la statue, sur laquelle se trouve une inscription en caractères de Paros, semble faire d'Archermos le sculpteur de la Niké de Délos, dans un atelier situé sur Paros[7].

Le rapprochement entre la base et la statue fait néanmoins l'objet de débats dans l'historiographie[7], et l'attribution de cette œuvre à Archermos n'est pas certaine[11].

La statue de 90 cm adopte une pose courante dans la sculpture grecque de l'époque archaïque, en « course agenouillée »[6],[7]. Elle porte un péplos peint de couleurs vives, par-dessus lequel se place un chitôn[7]. Elle porte sur la tête une couronne, à l'origine sertie de pièces d'orfèvrerie[11].

Sculptures associées à la colonne athénienne modifier

La Korè 675, datée vers , conservée au Musée de l'Acropole d'Athènes.

La Korè 675 (ou Korè de Chios) est une korè, une statue archaïque de jeune femme, retrouvée sur l'acropole d'Athènes[6],[12], datée de et mesurant 55 cm de hauteur[6]. Découverte en plusieurs morceaux — sa tête est retrouvée en 1886 à l'est du Parthénon, tandis que son corps est retrouvé deux ans plus tard au sud de l'édifice — et réassemblée, elle reste en partie incomplète, les extrémités de la statue étant perdues[13]. Elle est surnommée « Korè 675 », d'après son numéro d'inventaire[6], ou « Korè de Chios », à cause de sa ressemblance avec les statues produites sur l'île[13].

Elle est attribuée à Archermos par la découverte d'une colonne dédicacée par une femme nommée Iphidikè et signée par le sculpteur[e],[6],[12] : certains chercheurs théorisent que la colonne a pu soutenir la statue, notamment par rapport au matériau employé et à la dimension des deux pièces[12]. Néanmoins, cette attribution est remise en question par les travaux les plus récents : l'absence de détails sculptés à l'arrière de la statue suggère qu'elle était plutôt positionnée dans une niche ou contre un mur[13].

D'autres korès sont également attribuées à Archermos ou son atelier[réf. nécessaire].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. La base de statue est conservée au musée national archéologique d'Athènes (numéro d'inventaire 21α)[2].
  2. La colonne-support est conservée au musée épigraphique d'Athènes (numéro d'inventaire EM 6241)[2].
  3. La soixantième olympiade correspond à l'année [3].
  4. Muller-Dufeu 2002, p. 124-125, propose deux restitutions du texte :

    « Μικκιά[δηι τόδ' ἄγα]λμα καλόν [ἐργασμένον hὐιõ
    [Ἀ]ρχέρμο σοφ[φ]ίεσσιν hεκηβό[λε δέξαι ἄνασσα]
    [τ]ῶι Χίωι, Μέλα[ν]ος πατρώιον ἄσ[τυ λιπόντι]. »

    « Cette belle statue réalisée par Micciadès, et l'habileté de son fils
    Archermos, reçois-là, Reine qui lance tes traits au loin ;
    car ils ont quitté Chios, la ville ancestrale de Mélas. »

    « Μικκιά[δης τόδ' ἄγ]αλμα καλόν μ' [ἀ[υέθηκεν καὶ υἱὸς]
    Ἄρχερμος θ[υ]σίησι Η(ε)κήβο[λον αὖθ' ἰλάσασθαι]
    οἱ Χῖοι Μέλανος πατρώιον ἄσ[τυ λιπόντες]. »

    « Micciadès a consacré cette belle statue, ainsi que son fils
    Archermos, pour apaiser la déesse qui lance ses traits au loin,
    eux les gens de Chios, qui ont quitté la ville ancestrale de Mélas. »

  5. Muller-Dufeu 2002, p. 124-125 :

    « Ἄρχερμος ἐποίεσεν ὁ Χῖος.
    Ἰ[φ]ιδίκε μ' ἀνέθεκεν Ἀθεναίαι Πολιόχοι. »

    « Œuvre d'Archermos de Chios.
    Iphidikè m'a consacré à Athéna Poliouchos. »

Références modifier

  1. a et b Stewart 1990, p. 243-244.
  2. a b c d e f g h i et j Marcadé 1957.
  3. a et b Muller-Dufeu 2002, p. 124-125.
  4. (la + fr) Pline l'Ancien (trad. Raymond Bloch), Histoire naturelle, Livre XXXVI. Nature des pierres, Paris, Les Belles Lettres, coll. « C.U.F. / Série latine », , 348 p. (ISBN 2-251-01186-2), p. 51-52.
  5. (en) Encyclopædia Britannica (lire en ligne), « Archermus ».
  6. a b c d e f g h et i Le Guen 2019, p. 394-395.
  7. a b c d e f g h i et j Boardman 1994, p. 71.
  8. (de) Annelise Modrze, « Melas 28 », dans Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, vol. XV, 1, (lire en ligne), p. 441.
  9. (en) Bénézit, t. I, (lire en ligne), p. 633.
  10. Muller-Dufeu 2002, p. 123.
  11. a et b (en) « Archaic Period : Marble statue of Nike, found on Delos, Cyclades. ca. 550 BC. », sur namuseum.gr (consulté le ).
  12. a b et c Boardman 1994, p. 88.
  13. a b et c (en) « Statue of a Kore. The "Kore from Chios" », sur theacropolismuseum.gr (consulté le ).

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie centrée modifier

Bibliographie générale modifier

  • [Boardman 1994] John Boardman (trad. Lucie Marignac), La sculpture grecque archaïque, Londres et Paris, Thames & Hudson, , 251 p. (ISBN 2-87811-076-5). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Le Guen 2019] Brigitte Le Guen (dir.), Maria Cecilia D'Ercole et Julien Zurbach, Naissance de la Grèce : de Minos à Solon 3200 à 510 avant notre ère, Paris, Belin, , 686 p. (ISBN 978-2-7011-6492-2). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Muller-Dufeu 2002] Marion Muller-Dufeu, La sculpture grecque : sources littéraires et épigraphiques, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Stewart 1990] (en) Andrew Stewart, Greek sculpture: an exploration, vol. I, New Haven et Londres, Yale University Press, , 380 p. (ISBN 0-300-05208-1, OCLC 708321805, SUDOC 002410281).
    Pour consulter la version en ligne et mise à jour de la partie III de l'ouvrage, voir (en) Andrew Stewart, One Hundred Greek Sculptors, Their Careers and Extant Works (lire en ligne).

Articles connexes modifier

Liens externes modifier