BIA 10-2474

composé chimique

BIA 10-2474
Image illustrative de l’article BIA 10-2474
Identification
Nom UICPA N-cyclohexyl-N-méthyl-4-(1-oxydopyridin-1-ium-3-yl)imidazole-1-carboxamide
Synonymes

3-(1-(cyclohexyl(méthyl)carbamoyl)-1H-imidazol-4-yl)pyridin-1-oxyde

PubChem 46831476
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C16H20N4O2
Masse molaire[1] 300,355 6 ± 0,015 6 g/mol
C 63,98 %, H 6,71 %, N 18,65 %, O 10,65 %,
Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Pathologies neurologiques et psychiatriques[2]
Voie d’administration orale

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le BIA 10-2474 est un inhibiteur expérimental du système enzymatique FAAH[3] en phase d'essai jusqu'en par le laboratoire Bial, leader de l'industrie pharmaceutique portugaise. La molécule, testée comme antalgique[4],[5], entre en interaction, au sein de l'organisme humain, avec le système endocannabinoïde[6],[7]. À la suite d'un essai clinique mortel chez son prestataire Biotrial, Bial abandonne définitivement ses recherches sur cette molécule[8].

Structure et action modifier

La structure chimique du BIA 10-2474 est décrite dans le protocole d'essai clinique BIA-102474-101 publié par l'ANSM[9], développée de manière sélective à partir des composés chimiques décrits dans le brevet WO 2010/074588[10].

Le système enzymatique FAAH dégrade des neurotransmetteurs comme l'anandamide[11], ce qui peut influer sur les modes et les rythmes d'alimentation et de sommeil, sur le soulagement de la douleur également[12],[13]. Certains inhibiteurs du FAAH ont été proposés pour toute une gamme d'affections nerveuses, y compris l'anxiété, l'alcoolisme et la douleur. Le laboratoire Bial détient divers brevets concernant les inhibiteurs au système enzymatique FAAH[14],[13]. La molécule testée est décrite sur le site Internet de Bial comme destinée à des « pathologies neurologiques et psychiatriques[2]. »

Essais cliniques modifier

Les essais précliniques sur animaux ont lieu en sur des souris, des rats, des chiens et des singes[15].

Le , le laboratoire Biotrial[16] Rennes, une CRO (« contract research organization »), commence des essais de phase I chez l'homme[17]. 90 sujets, âgés de 28 à 49 ans, se portent volontaires pour absorber la molécule[18]. La première partie de l'essai consiste à administrer une dose unique à chaque sujet, avec huit sujets par palier de dose, six recevant le produit étudié et deux recevant un placebo. Les paliers réalisés comme prévu sont 0,25 mg, 1,25 mg, 2,5 mg, 5 mg, 10 mg, 20 mg, 40 mg et 100 mg. La deuxième partie est une étude sur douze sujets prenant chacun successivement deux fois une dose de 40 mg sans puis avec une alimentation riche. La troisième partie de l'essai consiste à administrer à chaque sujet une dose quotidienne répétée pendant dix jours consécutifs. Comme dans la première phase, il y a des paliers de dose et huit sujets, dont deux reçoivent un placebo par palier de dose. Les cinq doses de cette deuxième partie sont 2,5 mg/j, 5 mg/j, 10 mg/j, 20 mg/j et 50 mg/j chaque fois pendant dix jours. C'est lors du cinquième palier de cette deuxième phase qui débute le , qu'un homme est hospitalisé au CHU de Rennes le , après cinq jours. Les cinq[19],[20] autres volontaires reçoivent une sixième dose le avant que l'essai ne soit arrêté. Le premier patient hospitalisé, considéré en état de mort cérébrale[20],[21],[22], décède le [23].

Le , Bial annonce qu'il abandonne définitivement ses recherches sur cette molécule[8].

Depuis l'accident de Londres avec le TGN1412 en 2006, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a rédigé une recommandation d'administrer chaque nouvelle dose à un seul sujet à la fois[24] mais il semble que l'ANSM, qui indique sur son site : « L'évaluation du protocole par l'ANSM a été réalisée en prenant en compte la recommandation européenne relative aux essais de premières administrations d'un médicament à l'homme. »[25], ignore le contenu de cette recommandation.

Merck (MK-4409 (en))[26],[27] et Pfizer (PF-04457845 (en))[28] ont déjà quant à eux développé et testé cliniquement des inhibiteurs du système FAAH sans essuyer de tels effets indésirables.

Enquêtes modifier

À la suite de l'essai thérapeutique mortel, des enquêtes judiciaires et administratives[29] ont été initiées. En France, une enquête est ouverte pour blessures involontaires[19].

Suites modifier

En , la France modifie sa réglementation en obligeant les promoteurs des essais sur des volontaires à signaler à l'ANSM « sans délai » les effets indésirables graves observés[30].

Notes et références modifier

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. a et b (en) « Bial - Pipeline », sur www.bial.com/en
  3. (en) Reuters Editorial, « BRIEF-Bial says firmly committed to ensure wellbeing of test participants », sur www.reuters.com,
  4. (en) « BIA 10-2474 », sur www.biocentury.com
  5. « BIA 102474 », sur adisinsight.springer.com
  6. (en) Angeline Benoit, Makiko Kitamura, « France Ties Brain-Dead Person to Tests of Bial-Portela Drug », sur www.bloomberg.com,
  7. « France/Monde - Essai thérapeutique : 90 personnes ont pris la molécule », sur www.ledauphine.com,
  8. a et b « Essai de Rennes : fin de partie pour BIA 10-2474 », sur www.lequotidiendumedecin.fr, Société des Éditions Scientifiques et Culturelles, .
  9. (en) « Clinical Study Protocol N° BIA-102474-101 » [PDF], sur ansm.sante.fr
  10. Brevet WO 2010074588 « La présente invention concerne des composés et des compositions destinés à inhiber l'hydrolase d'amide d'acide gras (FAAH), l'utilisation des composés en thérapie et, notamment, pour traiter ou prévenir des conditions dont le développement ou les symptômes sont liés à des substrats de l'enzyme FAAH, et des procédés de traitement ou de prévention utilisant les composés et les compositions », Laszlo Kiss, Bial - Portela et Cie, 2010
  11. (en) Debora Mackenzie, « Six in hospital after French pain relief drug trial goes wrong », sur www.newscientist.com
  12. (en) Otrubova K, Ezzili C, Boger DL, « The discovery and development of inhibitors of fatty acid amide hydrolase (FAAH) », Bioorg Med Chem Lett, vol. 21, no 16,‎ , p. 4674-85. (PMID 21764305, PMCID PMC3146581, DOI 10.1016/j.bmcl.2011.06.096) modifier
  13. a et b « (WO2015012708A1) Imidazolecarboxamides et leur utilisation comme inhibiteurs de FAAH »
    « (WO2015016729) Composés d'urée et leur utilisation comme inhibiteurs de FAAH »
    (en) Kiss Laszlo Erno, Gusm O De Noronha Rita, Rosa Da Costa Pereira Carla Patrícia, Pinto Rui, « WO2015016729 (A1) - Urea compounds and their use as FAAH enzyme inhibitors », publié le 5 février 2015, assigné à Bial.
  14. « Brevet no WO2015016729A1 - Composés d'urée et leur utilisation comme inhibiteurs de l'enzyme FAAH », sur google.com/patents,
  15. « Enquête sur des incidents graves survenus dans le cadre d'un essai clinique », sur www.igas.gouv.fr, p. 21
  16. Biotrial, site officiel.
  17. (en) John Brosky, Cormac Sheridan, « Six hospitalized in Bial clinical trial in France », sur bioworld.com
  18. (en) Matthias Blamont, « French drug trial disaster leaves one brain dead, five injured », sur www.reuters.com/article,
  19. a et b « Ce que l'on sait de l'accident survenu lors d'un essai clinique à Rennes », sur lemonde.fr, (consulté le )
  20. a et b Marion Guérin, « 6 personnes hospitalisées : Essai thérapeutique à Rennes : chronologie d'un drame », sur www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/, (consulté le )
  21. (en) « France clinical trial : 90 given drug, one man brain-dead », sur www.bbc.com/news
  22. (en) Derek Lowe, « In the pipeline : A Clinical Disaster in France », sur blogs.sciencemag.org/pipeline/archives/2016/01/15/, (consulté le )
  23. Marion Guérin, « Essai thérapeutique à Rennes : le patient en état de mort cérébrale est décédé », sur www.leparisien.fr, (consulté le )
  24. (en) « Committee for medicinal products for human use (CHMP) – Guideline on strategies to identify and mitigate risks for first-in-man clinical trials with investigational medicinal products » [PDF], Londres, EMA, (consulté le )
  25. « Essai clinique BIA-102474-101 du laboratoire BIAL : Publication du protocole clinique - Point d'Information », ANSM, (consulté le )
  26. (en) Chobanian HR, Guo Y, Liu P, Chioda MD, DeVita RJ. et al., « Discovery of MK-4409, a Novel Oxazole FAAH Inhibitor for the Treatment of Inflammatory and Neuropathic Pain », ACS Med Chem Lett, vol. 5, no 6,‎ , p. 717-21. (PMID 24944750, PMCID PMC4060928, DOI 10.1021/ml5001239, lire en ligne [html]) modifier
  27. (en) Merck, « Merck Pipeline, Oct 2009 » [PDF], Merck,
  28. (en) Li GL, Winter H, Arends R, Jay GW, Le V, Young T, Huggins JP, « Assessment of the pharmacology and tolerability of PF-04457845, an irreversible inhibitor of fatty acid amide hydrolase-1, in healthy subjects », Br J Clin Pharmacol, vol. 73, no 5,‎ , p. 706-16. (PMID 22044402, PMCID PMC3403198, DOI 10.1111/j.1365-2125.2011.04137.x, lire en ligne [html], consulté le ) modifier
  29. « Enquête sur des incidents graves survenus dans le cadre de la réalisation d’un essai clinique - Rapport définitif », sur www.igas.gouv.fr,
  30. https://www.ouest-france.fr/sante/essais-cliniques-en-cas-d-effet-indesirable-grave-l-essai-doit-etre-suspendu-6702314

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

  • TGN1412 (en), test d'une molécule à Londres en 2006, ayant conduit à l'hospitalisation de 6 personnes.

Liens externes modifier