Bagne de la Guyane française

ensemble de pénitenciers situés en Guyane
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Le bagne de la Guyane française (ou bagne guyanais) est un ensemble de camps et pénitenciers situés en Guyane, utilisés entre 1795 et 1953, ancienne colonie pénale devenue département et région d'outre-mer français.

Bagne de la Guyane française à Cayenne
Image de l'établissement
L'intérieur de la prison du Bagne, sur l'île royale.
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Région Drapeau de la Guyane Guyane
Coordonnées 5° 16′ 59″ nord, 52° 34′ 59″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Guyane
(Voir situation sur carte : Guyane)
Bagne de la Guyane française à Cayenne
Architecture et patrimoine
Propriétaire Drapeau de la France État français
Installations
Type Bagne
Fonctionnement
Date d'ouverture créé officiellement en 1854
Statut actuel Fermé définitivement (d)
Date de fermeture

Histoire du bagne guyanais

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Dès la Révolution française, dans le cadre de la réaction thermidorienne, des députés conventionnels (comme Billaud-Varenne et Collot d'Herbois en juillet 1795 ou les 65 déportés de Fructidor en septembre 1797[1]), des journalistes, des monarchistes et des prêtres sont déportés à Cayenne et à Iracoubo. Au total, on recense plus de 330 déportations durant cette période[1]. Cependant, les bagnes de Guyane ne sont officiellement dédiés aux travaux forcés qu’en 1852.

La transportation massive de milliers de forçats s’adosse à deux utopies liées à l’émergence de la modernité politique et sociale à partir des années 1830 : celle de la régénération des individus par le travail et celle de la colonisation des marges de l’Empire par l’exil forcé[2]. Une série de décrets en 1852 et 1853 complétés par une loi de Transportation en 1854 fondent la réponse du Second Empire à l’inquiétude grandissante de la population française au sujet des problèmes sanitaires et sécuritaires liés à la concentration de milliers de forçats dans les bagnes portuaires (Toulon, Rochefort, Brest, etc.). Cette loi organise la peine des Travaux forcés à accomplir hors du territoire métropolitain pour les prisonniers de droit commun. La Guyane est choisie tant pour extraire du corps social sa frange « contaminée et contaminante » que pour offrir une voie de réhabilitation par le travail au grand air. Cette première époque du bagne se transforme en une véritable hécatombe humaine due à une administration défaillante, aux nombreuses épidémies et aux mauvais traitement infligés aux prisonniers[3].

Mais une autre loi va conduire à la mise en place de l’internement des délinquants multirécidivistes, autrement dit va pénaliser les petits larcins de la misère, ces « bas-fonds »[4] redoutés par la République conservatrice. La loi du 27 mai 1885 portant relégation des récidivistes, entraîne « l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises » des délinquants et criminels multirécidivistes. […] Cette loi établit une « présomption irréfragable d’incorrigibilité », c’est-à-dire qu’elle fixe un nombre de peines, une quantité d’infractions au-delà de laquelle un individu est déclaré totalement inamendable par la pénalité classique » [5]. Cette loi distingue, dans une logique criminologique, les délinquants par accident des délinquants « par nature ». Elle répond au sentiment d’insécurité croissant de la population française et repose sur les constats pseudo-scientifique de la criminologie naissante autour de l’Italien Lombroso : la criminalité est un « mauvais gène », la misère son « bouillon de culture »[6]. Elle instaure de surcroît le principe de la « double peine » (ou « doublage ») : tout individu condamné à moins de huit années de travaux forcés est tenu, à l’expiration de sa peine, de résider pendant un temps égal à la durée de sa condamnation[7]. Si la peine est supérieure à huit ans, il doit y résider à vie.

À ces deux types d’internement s’ajoute une déportation des opposants politiques et des condamnés pour haute trahison – à l’exemple du capitaine Dreyfus qui arrive au bagne sur l'île du Diable le 12 mars 1898. Les bagnes de Guyane deviennent ensuite des outils de répression dans les mouvements d’indépendance des sociétés coloniales. Les Indochinois succèdent aux Algériens dans les années 1930[8].

Il faudra des années de témoignages pour abolir le bagne. Par exemple, le journaliste Albert Londres se rend au bagne de Cayenne en 1923, et en tire un reportage indigné sur les horreurs commises[9]. Son reportage suscitera de vives réactions dans l'opinion mais aussi au sein des autorités pour l'amélioration des conditions de détention. Des campagnes de dénonciations comme celle menées par la Ligue des Droits de l’Homme ou l’Armée du Salut de Charles Péan militent pour que la loi sur la Transportation disparaisse du Code Pénal français. L'officier Charles Péan publie à ce propos l'ouvrage Terre de bagne en 1933. Il installe une ferme pour les détenus libérés autour de la colline de Montravel (Rémire-Montjoly) dotée d'une pêcherie, d'un poulailler, d'animaux de boucherie, de vergers (agrumes, bananes) et d'espace de maraîchage. Cette ferme alimente un hospice et un restaurant à Cayenne réservés aux libérés. Les libérés travaillant sur la ferme reçoivent chaque mois un petit pécule qui facilite leur retour par bateau vers l'Hexagone, une fois le doublage terminé. Les bananes sont exportées vers l'Hexagone. La réquisition de ces navires lors de la seconde guerre mondiale fait s'écrouler ce système.

Un décret-loi du Front populaire, proposée par le député guyanais Gaston Monnerville, alors Sous-Secrétaire d'État aux colonies, abolira officiellement le bagne en 1938 [3]. Cependant, si les convois vers la Guyane cessent, les prisonniers déjà présents sont sommés de finir leur peine, et une nouvelle hécatombe verra le jour sous le régime de Vichy, années d’horreurs où les difficultés matérielles se superposent à de nouvelles logiques concentrationnaires[10]. Les derniers bagnards rapatriés quittent la Guyane le . Au total, plus de 3 000 rapatriés ont quitté la Guyane entre 1946 et 1953 par groupes de 200 à 300 sur le navire affrété par l’Armée du salut.

Par la suite, selon des estimations, quelques centaines d'anciens bagnards décidèrent de rester. En 1956, la journaliste Ingeborg de Beausacq écrit :« Parmi les anciens bagnards qui sont demeurés en Guyane, la plupart ont trouvé du travail. Ils cherchent à oublier et à faire oublier leur passé. D’autres n’ont pas eu cette chance : trop âgés ou trop malades pour subvenir à leur entretien, ils ont été hospitalisés dans des hôpitaux dont ils n’ont aucun espoir de sortir un jour. Oubliés par leurs familles, indésirables, ils rêvent d’un asile français d’une infirmière française, de la douce France qu’ils ne reverront jamais… ». Certains d’entre eux sont néanmoins parvenus à s’insérer économiquement dans la société guyanaise et y ont fondé des familles. Mais selon Robert Vignon, premier préfet de la Guyane en 1947 et maire de Maripasoula de 1969 à 1976, affirme « qu’il est possible de compter sur les doigts d’une seule main ceux qui ont acquis une certaine aisance ». En 1960 et 1963, deux reportages de l'émission Cinq colonnes à la une se penchent sur leurs cas. Ils relèvent que les expressions créoles « pòpòt » (popote) et « vyé blanng » (vieux blanc) sont toujours employées en Guyane pour désigner des « Blancs » qui en sont natifs. Toutefois, le sens de ces expressions était bien plus péjoratif lorsqu’elles étaient employées dans les années 1960 à l’encontre des anciens bagnards. Au début des années 1980, le journaliste Jean-Claude Michelot affirme qu’il n’y reste plus qu’une trentaine d’anciens forçats, tous âgés de 75 à 85 ans[11].

Liste des camps et pénitenciers

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Plusieurs pénitenciers flottants se trouvaient au large de Cayenne et Kourou et se nommaient La Chimère, Le Grondeur et La Truite.

Il existait aussi des fermes pénitentiaires (à l'image du camp de la crique Passoura, dans la région de Kourou).

Les bagnards lépreux étaient regroupés dans des zones de quarantaine (île de la Quarantaine à Saint-Laurent-du-Maroni, Léproserie de l'Acarouany, Cayenne).

Détenus célèbres

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Alfred Dreyfus en 1903.

Notes et références

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  1. a et b Louis-José Barbançon, « Aux origines de la guillotine sèche. La déportation dans les Assemblées révolutionnaires », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, lire en ligne, consulté le )
  2. Marc Renneville, « Les bagnes coloniaux : de l’utopie au risque du non-lieu », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Michel Pierre, « Le siècle des bagnes coloniaux (1852 - 1953) », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Dominique Kalifa, Les bas-fonds, Seuil, (ISBN 978-2-02-110463-9, lire en ligne)
  5. Jean-Lucien Sanchez, « La relégation (loi du 27 mai 1885) », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, lire en ligne, consulté le )
  6. Charles A. Ellwood, « Lombroso's Theory of Crime », Journal of the American Institute of Criminal Law and Criminology, vol. 2, no 5,‎ , p. 716–723 (ISSN 0885-4173, DOI 10.2307/1132830, lire en ligne, consulté le )
  7. Jean-Lucien Sanchez, « La relégation des récidivistes en Guyane française. Les relégués au bagne colonial de Saint-Jean-du-Maroni, 1887-1953. », Thèse, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS),‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Danielle Donet-Vincent, « Les « bagnes » des Indochinois en Guyane (1931-1963) », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, lire en ligne, consulté le )
  9. Albert (1884-1932) Auteur du texte Londres, Au bagne (Ed. nouv. rev. et corr.) / Albert Londres, (lire en ligne)
  10. Jean-Lucien Sanchez, « L'abolition de la relégation en Guyane française (1938-1953) », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, lire en ligne, consulté le )
  11. Los presidios coloniales, Ceux qui sont restés : les anciens forçats en Guyane après l’abolition du bagne. Jean-Lucien Sanchez, (2022).OpenEdition Journals
  12. « Mystères d’archives », sur Programmes ARTE (consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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  • Linda Amiri, « Exil pénal et circulations forcées dans l’Empire colonial français », L’Année du Maghreb, no 20,‎ , p. 59–76 (ISSN 1952-8108, DOI 10.4000/anneemaghreb.4514, lire en ligne)
  • Patrick Chamoiseau et Rodolphe Hammadi, Guyane: traces-mémoires du bagne, Caisse nationale des monuments historiques et des sites, coll. « Collection Monuments en parole », (ISBN 978-2-85822-123-3)
  • Christèle Dedebant, Le Bagne des Annamites : Les derniers déportés politiques en Guyane, Actes Sud, 2024 (ISBN : 978-2-330-18950-1 https://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-humaines-et-sociales-sciences/le-bagne-des-annamites)
  • Olivier Delesalle, Les bagnards indochinois de la Guyane: du milieu de la décennie 1860 à 1963, L'Harmattan, (ISBN 978-2-14-049614-1, lire en ligne)
  • Danielle Donet-Vincent, De soleil et de silences : Histoire des bagnes de Guyane, Paris, La Boutique de l'Histoire, , 551 p. (ISBN 9782910828264).
  • Antoine Fabre, « Rendre les travaux forcés profitables pour l’État : le calcul de coût dans les bagnes de Guyane au XIXe siècle », Comptabilités, no 14,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Philippe Lartin et Stéphane Blot, Mémorial du bagne de la Guyane, Éd. Orphie, (ISBN 978-2-9502099-1-7, 978-2-9502099-2-4 et 978-2-9502099-3-1)
  • Jean-Claude Michelot, La guillotine sèche : Histoire du bagne de Cayenne, Paris, Fayard, 1981, 361p. (ISBN 2-2130-1105-2)
  • Michel Pierre, La terre de la grande punition : histoire des bagnes de Guyane, Paris, Ramsay, coll. « Document », , 322 p. (ISBN 978-2-85956-255-7).
  • Michel Pierre, Le temps des bagnes, 1748-1953, Tallandier, 2017.

Films -Documentaires

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Liens externes

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