Barcoding moléculaire

technique scientifique

Le barcoding moléculaire, ou codage à barres de l'ADN[1], est une technique de catalogage et d'identification moléculaire permettant la caractérisation génétique d'un individu ou d'un échantillon d'individu à partir d'une courte séquence d'ADN (marqueur distinctif) choisie en fonction du groupe étudié. À la fin des années 2010, des séquenceurs d'ADN rapides, portables et bon marché apparaissent sur le marché permettant par exemple de travailler en pleine mer ou en pleine jungle où des millions d'espèces sont encore à identifier[2].

Principes du barre-codage de l'ADN

Cette technologie contribue aussi bien à classer des individus d'espèces inconnues qu'à distinguer de nouvelles espèces ou détecter l'origine et l'identité d'un échantillon. Paul Hebert, de l'Université de Guelph au Canada, inventeur du concept, a estimé qu'on l'on pourra un jour suivre l'évolution de la vie comme on suit aujourd'hui la météo[2]. « La science de la biodiversité entre dans un âge d'or », selon Hebert, alors qu'il fallait des décennies, voire des siècles, pour identifier de nouvelles espèces et les positionner dans l'arbre de la vie. Il devient ainsi possible de détecter rapidement des milliers d'espèces « nouvelles » à partir d'un seul échantillon, dans des délais et avec des coûts toujours plus bas[2].

Le métabarcodage a été présenté comme pouvant aider à améliorer l'inventaire du vivant plus vite que les espèces ne disparaissent, palliant dans une certaine mesure à « l'obstacle taxonomique », c'est-à-dire le manque de taxonomistes pour identifier et classer les espèces et autres taxons vivant sur la planète. Il fait cependant l'objet de limitations importantes : l'exploitation des résultats du barcoding moléculaire repose nécessairement sur des bases de références construites à l'aide de spécimens identifiés par des taxonomistes compétents, des débats existent pour décider des marqueurs pertinents selon les organismes, le « barcoding gap » — distance génétique, seuil supposé discriminer les espèces — est une chimère dans de nombreux groupes, plusieurs espèces peuvent partager un même code-barres, plusieurs codes-barres peuvent exister au sein d'une espèce, etc.

Utilisations

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Par exemple, les biologistes peuvent ainsi :

Le métabarcodage

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Le métabarcodage désigne l'étude de tout un assemblage de populations (de bactéries par exemple) dans un échantillon environnemental (ex : échantillon de sol, sédiments, excréments…). Il est particulièrement approprié à l'étude de la faune du sol, généralement cryptique et très mal connue des naturalistes, malgré sa diversité et son importance fonctionnelle. Il permet également d'étudier les micro-organismes du microbiote intestinal (barcoding de l'ADN microbien), ou encore les larves de poissons coralliens autour d'un récif corallien[5].

C'est la technique actuellement la plus rapide d'évaluation environnementale de la biodiversité de systèmes écologiques riches en espèces inconnues ou difficiles à déterminer. Elle permet aussi des comparaisons rapides entre sites à partir d'assemblages complexes d'espèces, sans avoir besoin de les connaître a priori.

Gènes utilisés

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Des gènes en nombre restreint sont utilisés comme marqueurs conventionnels pour référencer le code-barre moléculaire des organismes non microbiens[6].

Chez les animaux :

  • gène mitochondrial CO1 (Cytochrome oxidase de type 1) : Il a l'avantage d'être présent en de nombreuses copies, facilitant le séquençage. De plus, il « présente un niveau de variabilité intéressant : les différences entre les séquences de ce gène chez différents individus, apparues par mutations au cours du temps, sont faibles entre les individus d’une même espèce et élevées entre des individus d’espèces différentes[7]. »

Chez les plantes :

  • gène rbcL (grande sous-unité de la ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase/oxygénase, ou Rubisco)
  • gène MatK (Maturase K)

Chez les champignons :

  • région ITS (Internal Transcribed Spacer Region)[8]

Historique

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Dans le monde

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En 2003, Paul Hebert, zoologiste à l'Université de Guelph, suggère le concept de code-barre ADN, une espèce animale pouvant être distinguée en séquençant moins de 1000 bases d’ADN mitochondrial à partir d’un échantillon[9],[10]. Avec d'autres passionnés, il construit une base de données de code-barres d'espèces connues. En 2010, il crée à Guelph un consortium appelé iBOL (International Barcode of Life) et obtient 80 millions de dollars pour la 1re grande bibliothèque de référence de séquences d’identification (7,3 millions de codes à barres déjà réunis à la mi-2019, chaque espèce pouvant en avoir plus d’un)[2].

À la mi-2019, l'Université de Guelph lance un effort mondial (180 millions de dollars) pour inventorier plus de 2 millions de nouvelles espèces (organismes multicellulaires) et de nombreux biologistes commencent à utiliser le barcoding. iBOL va (sur 7 ans) conduire un projet, « BIOSCAN », sur les espèces et leurs interactions écologiques dans 2500 sites, envisageant de collecter 15 millions d’enregistrements de codes à barres, dont 90 % devraient concerner des espèces encore non décrites[2].

En France

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Le métabarcodage est notamment développé en écologie alpine, depuis les années 2000 par le LECA (université de Grenoble)[11],[12],[13].

Le barcoding a changé les pratiques de recherche en taxonomie et de mise en collections d'histoire naturelle dans les muséums comme celui de Paris[14].

Séquenceurs d'ADN

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Des modèles miniaturisés apparaissent, dont le « MinION », qui, en 2019 n’est pas plus grand qu’un téléphone portable et coûte moins de 1 000 dollars. Il identifie les bases de l'ADN et séquence des milliers de bases en une fois. Oxford Nanopore Technologies, son concepteur, a produit une version autonome utilisable en pleine jungle sans connexion internet, qui tient dans une valise[2]. Pour 1 $ par spécimen, ils permettent la collecte, la préservation, l'extraction de l'ADN, le séquençage et l'analyse de suivi. Ce coût pourrait encore diminuer et passer à 0,02 dollar par spécimen[2].

Rudolf Meier, biologiste à l'Université nationale de Singapour, a abandonné les approches traditionnelles de barcoding pour se tourner vers ces séquenceurs d'ADN de taille réduite. Avec des étudiants de premier cycle et des bénévoles, Meier et son équipe avaient, en 2018, déjà compilé environ 200 000 codes-barres d’insectes, soit environ 10 000 espèces, dont plus de 70 % étaient inconnues de la science[2].

Les insectes collectés par un seul entomologiste dans un unique piège à filet du parc national de Kibale (Ouganda) ont ainsi révélé un très grand groupe de mouches Phoridae, difficiles à identifier visuellement. Le barcoding d’un tiers seulement du lot d’insectes (qui en totalisait 8700) a permis de détecter 650 espèces de Phoridae nouvelles pour la science, soit plus que tous les Phoridae alors connus dans toute l’Afrique tropicale. À l'université de Stockholm, Emily Hartop, spécialiste des diptères, a confirmé 90 % de ces cas[2].

Collecte biologique d'ADN environnemental

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Pour faciliter et rendre moins coûteux les inventaires de la biodiversité subaquatique, Stefano Mariani, écologue spécialiste des milieux marins à l'Université de Salford, a eu l'idée d'utiliser des organismes filtreurs, car pour se nourrir ils doivent filtrer l'eau ambiante. Ce faisant, ils concentrent une grande quantité de matériel génétique dispersé dans l'eau[15]. Après quelques tests faisant qu'il n'a pas retenu les bivalves qui se ferment quand ils sont stressés, ou les crustacés qui choisissent leur nourriture, il a retenu les éponges comme échantillonneurs « haut débit ». Ainsi, parce qu'elles sont de puissants filtres (« une éponge de la taille d'un ballon de football peut filtrer presque une piscine en une journée »), et parce qu'à la différence de la plupart des autres animaux, elles ne font pas de discrimination dans la nourriture et les particules qu'elles absorbent, les éponges pourraient servir de capteurs d'ADN environnemental (forme abrégée « ADNe » en français)[16].

Il a ainsi isolé, à partir d'éponges de l'Antarctique et de la Méditerranée, l'ADN de 31 types d'organismes métazoaires[17], dont des mammifères (par exemple le phoque de Weddell), des oiseaux (manchot à jugulaire par exemple) et des poissons (morue)[15]. Certes, les éponges ne vivent pas en haute mer ni dans la colonne d'eau, mais rien n'empêcherait de cultiver des éponges sur des bouées, des véhicules sous-marins téléopérés, des planeurs sous-marins ou autres véhicules subaquatiques pour des campagnes d'inventaire de la biodiversité dans divers milieux. Et de simples citoyens pourraient intégrer des campagnes de science participative et collecter de petits morceaux d'éponge pour une étude[15]. Les éponges ont encore un petit défaut pour cet usage : elles filtrent l’eau à des vitesses variant selon l'espèce, l'âge, la température de l'eau, ce qui empêche de comparer des collections d’ADN environnemental venant d'éponges différentes. Paul Hebert imagine cependant que des techno-éponges biomimétiques pourraient un jour sillonner les mers (ou être fixées et filtrer l'eau que le courant leur amène) tout en collectant des données environnementales[15]. À l'inverse, cette technique pourrait permettre de déterminer d'où provient une éponge, par exemple trouvée dans un chalut, en étudiant l'ADN environnemental qu'elle contient.

Références

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  1. (en) Elizabeth L. Clare, Frédéric J.J. Chain, Joanne E. Littlefair, Melania E. Cristescu et Kristy Deiner, « The effects of parameter choice on defining molecular operational taxonomic units and resulting ecological analyses of metabarcoding data », Genome, vol. 59, no 11,‎ , p. 981–990 (DOI 10.1139/gen-2015-0184).
  2. a b c d e f g h i et j (en) Elizabeth Pennisi (2019) $180 million DNA ‘barcode’ project aims to discover 2 million new species Publié le 6 juin dans: Science, Biologie DOI 10.1126/science.aay2877
  3. (en) Chih-Hsiang Tzeng et Tai-Sheng Chiu, « DNA barcode-based identification of commercially caught cutlassfishes (Family: Trichiuridae) with a phylogenetic assessment », Fisheries Research, Amsterdam, Elsevier, vol. 127-128,‎ , p. 176-181 (ISSN 0165-7836, DOI 10.1016/j.fishres.2012.01.022, résumé).
  4. (en) Ahmed Abdelfattah, Antonino Malacrinò, Michael Wisniewski et Santa O. Cacciola, « Metabarcoding: A powerful tool to investigate microbial communities and shape future plant protection strategies », Biological Control, vol. 120,‎ , p. 1–10 (DOI 10.1016/j.biocontrol.2017.07.009, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Nicolas Hubert, Erwan Delrieu-Trottin, Jean-Olivier Irisson, Christopher Meyer et Serge Planes, « Identifying coral reef fish larvae through DNA barcoding : A test case with the families Acanthuridae and Holocentridae », Molecular Phylogenetics and Evolution, Amsterdam, Elsevier, vol. 55, no 3,‎ , p. 1195-1203 (ISSN 1055-7903, DOI 10.1016/j.ympev.2010.02.023, résumé).
  6. Agnès Dettaï, « Le code barre moléculaire », Biofutur, Paris, Éditions Lavoisier, vol. 31, no 328 « Systématique : réorganiser le vivant »,‎ , p. 48 (ISSN 0294-3506, lire en ligne [PDF]).
  7. Nicolas Puillandre, Qu’est-ce qu’un barcode moléculaire ?, Institut français de l'éducation, mission SANTO 2006.
  8. (en) Conrad L. Schoch, Keith A. Seifert, Sabine Huhndorf et Vincent Robert, « Nuclear ribosomal internal transcribed spacer (ITS) region as a universal DNA barcode marker for Fungi », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 109, no 16,‎ , p. 6241–6246 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 22454494, PMCID PMC3341068, DOI 10.1073/pnas.1117018109, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Paul D. N. Hebert, Alina Cywinska, Shelley L. Ball et Jeremy R. deWaard, « Biological identifications through DNA barcodes », Proceedings of the Royal Society of London, Londres, Royal Society, b: Biological Sciences, vol. 270, no 1512,‎ , p. 313-321 (ISSN 0962-8452 et 1471-2954, PMID 12614582, PMCID PMC1691236, DOI 10.1098/rspb.2002.2218, résumé).
  10. (en) Paul D. N. Hebert, Sujeevan Ratnasingham et Jeremy R. deWaard, « Barcoding animal life : cytochrome c oxidase subunit 1 divergences among closely related species », Proceedings of the Royal Society of London, Londres, Royal Society, b: Biological Sciences, vol. 270, no Suppl. 1,‎ , S96-S99 (ISSN 0962-8452 et 1471-2954, PMID 12952648, PMCID PMC1698023, DOI 10.1098/rsbl.2003.0025, résumé).
  11. (en) Pierre Taberlet, Eric Coissac, François Pompanon, Christian Brochmann et Eske Willerslev, « Towards next‐generation biodiversity assessment using DNA metabarcoding », Molecular Ecology, Hoboken (New Jersey), Wiley Online Library, vol. 21, no 8 « Environmental DNA »,‎ , p. 2045-2050 (ISSN 0962-1083 et 1365-294X, DOI 10.1111/j.1365-294X.2012.05470.x, résumé).
  12. (en) Alice Valentini, François Pompanon et Pierre Taberlet, « DNA barcoding for ecologists », Trends in Ecology & Evolution, Cambridge (Massachusetts), Cell Press, vol. 24, no 2,‎ , p. 110-117 (ISSN 0169-5347, DOI 10.1016/j.tree.2008.09.011, résumé).
  13. (en) Tiayyba Riaz, Wasim Shehzad, Alain Viari, François Pompanon, Pierre Taberlet et Eric Coissac, « ecoPrimers : inference of new DNA barcode markers from whole genome sequence analysis », Nucleic Acids Research, Oxford, Oxford Academic, vol. 39, no 21,‎ , e145 (ISSN 0305-1048 et 1362-4962, DOI 10.1093/nar/gkr732, lire en ligne).
  14. Nicolas Puillandre, « La « Révolution » ADN : Impact sur les collections des muséums et sur les pratiques en taxonomie », Techniques & Culture, Paris, Éditions de l’EHESS en ligne sur OpenEdition Journals, vol. 59, no 2 « Itinéraires de coquillages »,‎ , p. 338-345 (ISBN 978-2-7351-1534-1, ISSN 0248-6016 et 1952-420X, DOI 10.4000/tc.6764, lire en ligne).
  15. a b c et d (en) Elizabeth Pennisi (2019) Networks of sponges could capture DNA to track ocean health ; News de la revue Science, publié le 3 juin dans : Océanographie / Plantes & Animaux ; DOI 10.1126/science.aay2394
  16. Claude Miaud, Pierre Taberlet, Tony Dejean, Eric Coissac, Christian Miquel, François Pompanon et Alice Valentini, « ADN « environnemental » : un saut méthodologique pour les inventaires de la biodiversité », Sciences Eaux & Territoires, Antony, Irstea, no 06 « Les invasions biologiques en milieux aquatiques »,‎ , p. 92-95 (ISSN 2109-3016 et 1775-3783, DOI 10.14758/SET-REVUE.2012.6.16, résumé, lire en ligne [PDF]).
  17. (en) Stefano Mariani, Charles Baillie, Giuliano Colosimo et Ana Riesgo, « Sponges as natural environmental DNA samplers », Current Biology, Cambridge (Massachusetts), Cell Press, vol. 29, no 11,‎ , R401-R402 (ISSN 0960-9822, DOI 10.1016/j.cub.2019.04.031, lire en ligne).

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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