Retenue d'eau

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Une retenue d’eau ou réservoir d'eau est une surface en eau lentique, d'origine anthropique, et, par extension, toute installation ou ouvrage permettant de stocker de l'eau captée dans le milieu naturel avant sa distribution dans un réseau. Les retenues peuvent être différenciées selon leur mode d'alimentation (par un cours d'eau, une nappe, un canal, une résurgence karstique ou par ruissellement) ou leur finalité (agricole, soutien à l'étiage, alimentation en eau potable, maintien de la sécurité des personnes, autres usages économiques) ou le mode de restitution au milieu aquatique. Les citernes, châteaux d'eau, bassins de rétention, bassins d'orage, plans d'eau, étangs, retenues collinaires, retenue de substitution et lacs de barrage sont des retenues d'eau.

Les différents impacts potentiels de l’implantation d'une retenue ou d'un ensemble de retenues sont de trois ordres : quantitatifs (modifications de l'hydrologie et des débits des cours d’eau ainsi que du bilan hydrique pouvant amener une augmentation des sécheresses), qualitatifs (modifications hydromorphologiques, impacts physico‐chimiques et biologiques) et économiques et sociétaux (conflits d'usage, guerre de l'eau). Des pistes de solution existent néanmoins pour limiter leur impact, voire pour avoir une approche différente de la gestion quantitative et qualitative de la ressource en eau.

Histoire

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Retenue d'eau en pierre à Musafirkhana, Inde
Exemple de trop-plein de réservoir captant l'eau de surface et la réoxygénant

Depuis l'Antiquité, on a cherché à stocker l'eau, notamment pour l'irrigation, en construisant des barrages sur les cours d'eau. Ces retenues ont souvent aussi joué un rôle de vivier et depuis le XXe siècle de nombreux grands réservoirs ont fait l'objet d'aménagement ou de gestion piscicoles (dont en zone tropicale[1]). Cette activité connexe a parfois contribué à l'introduction et à la dispersion d'espèces envahissantes. Lors des vidanges de réservoirs des opérations de récupération du poisson sont parfois organisées.

Vers 3000 av. J.-C., les cratères de volcans éteints en Arabie étaient utilisés comme réservoirs par les agriculteurs pour l'irrigation[2].

Le climat sec et la rareté de l'eau en Inde (en) conduisirent au développement précoce de puits étagés (Bâoli) et de techniques de gestion des ressources en eau, compris la construction d'un réservoir à Girnar en 3000 av. J.-C.[3]. Des lacs artificiels datant du Ve siècle ont été découverts dans la Grèce antique[4]. Le lac artificiel Bhojsagar dans l'actuel État indien du Madhya Pradesh, construit au XIe siècle, couvrait 650 km2 de surface.

Le royaume de Koush inventa le Hafir, un type de réservoir, pendant la période méroïtique. 800 hafirs anciens et modernes sont enregistrés dans la ville méroïtique de Butana[5]. Les Hafirs captent l'eau pendant la saison des pluies afin de s'assurer que l'eau est disponible pendant plusieurs mois pendant la saison sèche, pour fournir de l'eau potable, irriguer les champs et abreuver le bétail. Le Grand Réservoir près du Temple du Lion à Musawwarat es-Sufra est un hafir notable à Kush[6].

Au Sri Lanka, de grands réservoirs furent créés par les anciens rois cinghalais afin d'économiser l'eau pour l'irrigation. Le célèbre roi sri-lankais Parākramabāhu I du Sri Lanka déclara qu'il ne fallait laisser aucune goutte d'eau s'infiltrer dans l'océan sans qu'elle profite à l'humanité. Il créa le réservoir Parakrama Samudra (mer du roi Parakrama). De vastes réservoirs artificiels furent également construits par divers royaumes anciens du Bengale, de l'Assam et du Cambodge.

Typologie selon alimentation et usages

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Il existe une grande variété des types de retenues, selon qu’il s’agisse des usages qui leur sont associés, de leur mode d’alimentation, de leur mode de restitution de l’eau, de la qualité de l’eau qu’elles collectent, ou d’autres caractéristiques de leur environnement. Les typologies suivantes sont issues du « rapport préliminaire en vue de l'expertise collective sur l'impact cumulé des retenues », établi publié par l’IRSTEA et lONEMA en [7].

Typologie selon le mode d'alimentation

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Type d'alimentation Ouvrage Commentaires[7]
Pompage dans la nappe. Château d'eau - retenue de substitution Cette réserve est déconnectée du réseau hydrographique superficiel, alimentée strictement par pompage dans un aquifère proche.
Pompage dans la rivière. citerne temporaire ou permanente (pour l'alimentation animale ou l'irrigation) - Retenue de substitution Comme dans le premier cas, cette réserve est déconnectée du réseau hydrographique superficiel, et alimentée strictement par pompage dans la rivière. Ces deux types de réserves peuvent avoir des échanges avec la nappe si elles ne sont pas étanches.
Ruissellement et alimentation gravitaire. Retenue collinaire - citerne - plan d'eau - Étang - bassins divers (bassin de rétention, d'orage, de décantation, etc) Ces retenues sont alimentées par ruissellement et normalement déconnectées du réseau hydrographique. Parce qu’elles sont situées dans des talwegs de manière à intercepter plus de ruissellement, il s’avère que des ouvrages considérés comme des retenues collinaires peuvent être installés sur des sources ou drainées des nappes.
Retenue en dérivation. Étang Dans le principe, une telle retenue s’apparente à une retenue alimentée par pompage dans la rivière, mais l’alimentation est ici gravitaire. Toutefois, la déconnexion de la retenue une fois celle-ci remplie est rarement complète, et souvent seul un débit minimum, parfois busé depuis l’amont de la retenue, assure la continuité du cours d’eau.
Retenue en barrage. Lac de barrage - plan d'eau Ce type de retenue est situé sur un cours d’eau : sauf dispositif particulier de débit minimum (avec prise de l’eau en amont), toute l’eau qui rejoint le cours d’eau à l‘aval a transité par la retenue.

Au-delà de ces cinq principaux modes d'alimentation issus de l'expertise scientifique collective animée par l'Office français de la biodiversité, il est apparu, en décembre 2016, postérieurement à la parution du premier rapport, nécessaire de prendre en compte d’autres modes d'alimentation (drainage, eaux usées épurées, pompage en canal…), mais aussi les modalités de restitution de l'eau de la retenue, ainsi que ses périodes d'alimentation ou de restitution d’eau au milieu. Ceci conduit à un panel de 23 catégories de retenues[8].

Typologie selon le mode de restitution au milieu aquatique

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On peut notamment distinguer les retenues selon[7] :

  • La restitution ou non d’un débit minimum ;
  • Le dispositif de restitution au milieu : vanne de fond, surverse, moine, tour de prise d’eau étagée ;
  • La périodicité de la vidange totale ou son absence.

Certains équipements peuvent venir nuancer l'influence que peut avoir la retenue : zone de décantation à l’amont, bassin de tranquillisation à l’aval, dispositif d’oxygénation de l’eau restituée au milieu.

Typologie selon les usages

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Consommation ou pas d'eau Usages Influence sur les cours d'eau ou milieux aquatiques[7]
Ne consomment pas d’eau. Usages de loisirs (attrait paysager, baignade, loisirs nautiques, pêche, mares de chasse) - pisciculture Les apports en eau sont restitués tout au long de l'année mais leur qualité peut varier[réf. nécessaire].
Ne consomment pas d'eau à l’échelle annuelle mais influencent les débits. Hydroélectricité Le régime des débits des cours d'eau peut significativement être influencé par le stockage et le déstockage des flux entrants.
Consomment effectivement de l'eau. Eau potable, irrigation, réalimentation / restitution, abreuvement du bétail, neige de culture. L'eau n'est pas restituée directement au cours d'eau.

Grandes retenues

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Les lacs de barrage sont alimentés par le ruissellement des eaux et la confluence de cours d'eau situés en amont. Ils peuvent être répartis selon le volume des eaux maintenues et donc selon la classe de taille du barrage qui retient les eaux, selon leur usage ou selon le type de construction du barrage.

Grands barrages

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Selon la commission internationale des grands barrages (CIGB), est considéré comme grand barrage tout barrage d’une hauteur supérieure à 15 mètres, des fondations les plus basses à la crête, ou tout barrage dont la hauteur est comprise entre 5 et 15 mètres et qui retient plus de 3 millions de mètres cubes d’eau[9].

Typologie selon les usages

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Sur les 58 713 grands barrages enregistrés dans la base mondiale de la CIGB en avril 2020, une ou plusieurs fonctions ont pu être affectées à 39 110 d’entre eux. 49 % avaient une fonction unique, 17,6 % étaient des barrages polyvalents. Les barrages avec une fonction unique se décomposaient comme suit :

  • Irrigation (13 580 ouvrages) - 49,7 %
  • Hydroélectricité (6 115) - 22,4 %
  • Approvisionnement en eau (3 376) - 12,4 %
  • Contrôle des crues (2 539) - 9,3 %
  • Loisirs (1 361) - 5 %
  • Pisciculture/navigation/stériles (241) - 0,9 %
  • Navigation (96) - 0,4 %

Typologie selon le mode de construction du barrage

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Le type d'ouvrage le plus répandu dans le monde entier est le barrage en terre ou en enrochements à noyau en terre, qui représentaient 78 p. 100 des grands barrages recensés en 2020. Leur champ d'application est immense, car ils s'adaptent facilement à l'utilisation des matériaux et des moyens locaux, ainsi qu'à une grande diversité de fondations. C'est le type d'ouvrages le plus ancien et on en trouve des traces dans les civilisations les plus reculées[9].

Les barrages-poids représentent 14 % des grands ouvrages[9]. Très lourd, ce type de barrage hydraulique résiste à la poussée de l’eau par la seule force de son poids. Massif, il s’appuie intégralement sur le sol[10],[9].

Les barrages-voûtes représentent 4 %[9]. L’arc bétonné, dont la partie bombée est orientée vers le lac d’accumulation, permet de concentrer la force de poussée de l’eau vers les rives rocheuses du fleuve. Grâce à cela, la puissance est dirigée vers les flancs, où se trouvent les points d’appui du barrage[10].

Les barrages à contreforts se composent d’un mur plat, qui repose sur des contreforts venant soutenir la surface orientée vers le lac d’accumulation[10]. Ils représentent 0,8 % des grands ouvrages[9].

Grands lacs de barrage

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Les cinq plus grandes retenues d'eau de types lacs de barrage, en termes de superficie, sont les suivantes :

Nom Pays Superficie
(km²)
Volume
(millions de m³)
Cours d'eau Mise en
service[11]
1 Lac Volta Drapeau du Ghana Ghana 8 482 153 000 Volta 1966
2 Réservoir de Kouïbychev Drapeau de la Russie Russie 6 450 58 000 Volga 1955
3 Réservoir Smallwood Drapeau du Canada Canada 5 698 28 500 Fleuve Churchill 1971
4 Lac Kariba Drapeau du Zimbabwe Zimbabwe
Drapeau de la Zambie Zambie
5 580 180 600 Zambèze 1959
5 Réservoir Boukhtarmal Drapeau du Kazakhstan Kazakhstan 5 490 49 800 Irtych 1959

Les cinq plus grandes retenues en termes de volumes sont les suivantes :

Nom Pays Superficie
(km²)
Volume
(millions de m³)
Cours d'eau Mise en
service[11]
1 Lac Kariba Drapeau du Zimbabwe Zimbabwe
Drapeau de la Zambie Zambie
5 580 180 600 Zambèze 1959
2 Réservoir de Bratsk Drapeau de la Russie Russie 5 426 169 270 Angara 1960
3 Lac Nasser Drapeau de l'Égypte Égypte
Drapeau du Soudan Soudan
5 248 165 000 Nil 1964
4 Lac Volta Drapeau du Ghana Ghana 8 482 153 000 Volta 1966
5 Réservoir Manicouagan Drapeau du Canada Canada 1 942 141 852 Rivière Manicouagan 1970

Moyennes et petites retenues

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Typologie

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Les retenues de petite taille ont souvent une vocation agricole, et servent principalement pour l'irrigation et l’abreuvement du bétail. Ces retenues collectent et stockent l'eau de pluie pour sécuriser les moyens de subsistance et augmentent les rendements des cultures. Elles se sont avéré des outils essentiels pour surmonter les aléas du climat et ainsi stabiliser les rendements des cultures[12].

Il existe une grande variété des types de moyennes et petites retenues, selon qu’il s’agisse des usages qui leur sont associés, de leur mode d’alimentation, de leur mode de restitution de l’eau, de la qualité de l’eau qu’elles collectent, ou d'autres caractéristiques de leur environnement. Si on extrait les citernes, châteaux d'eau et autres bassins, les retenues collinaires et les réserves de substitution sont les principales, selon le « rapport préliminaire en vue de l'expertise collective sur l'impact cumulé des retenues », publié par l’IRSTEA et lONEMA en [7].

Type de retenue Source d'alimentation Période d'alimentation
Retenue de substitution Cours d'eau ou nappe alluviale Hors période d'étiage
Pompage dans une nappe
Retenue collinaire Eaux de ruissellement uniquement Toute l'année

Retenues collinaires

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Réserves de substitution

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Cadre législatif et réglementaire

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Réglementation liée à l'environnement

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Le cadre législatif environnemental des retenues s’inscrit dans celui plus général de l’eau et est supra-national. En Europe, la Directive-cadre sur l'eau, adoptée le , constitue la pièce législative centrale dans laquelle sont regroupées les principales obligations concernant la gestion de l’eau de l’Union européenne. Elle marque une évolution conceptuelle importante des textes européens : le passage d’une approche orientée « usages » à une approche axée sur la préservation des milieux. L’objectif initial était d’atteindre, à l’horizon 2015, un bon état de toutes ces eaux, ce qui signifie un bon état écologique et un bon état chimique des eaux de surface, ainsi qu’un bon état qualitatif et quantitatif des eaux souterraines. Elle a ensuite été complétée par diverses autres directives et l'échéance de 2015 a été repoussée[13],[14].

Ces directives européennes sont déclinées dans chaque État membre notamment au travers lois transposant les directives et de dispositifs réglementaires spécifiques. En France, la Directive-cadre a été transposée en 2004[13]. Un nouveau cadre règlementaire pour la gestion de l'eau a ainsi été mis en place en 2021 pour prendre en compte les changements climatiques. Le décret du 23 juin 2021 sur la gestion quantitative de la ressource en eau vise à mieux organiser la gestion des crises liées à la sécheresse. Il renforce notamment le cadre des projets territoriaux de gestion de l’eau (PTGE), actuellement au nombre de 43 (100 prévus d'ici à 2027). Ces derniers incluent notamment les économies d'eau, les pratiques agricoles ou encore le stockage de l'eau dans des retenues[15].

Réglementation liée à la sécurité des retenues

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Les retenues d’eau servent à retenir temporairement une quantité plus ou moins grande d’eau pour différents usages et accumulent donc des quantités importantes, voire considérables d’énergie. La libération fortuite de cette énergie par rupture soit du barrage pour un lac de barrage, soit de la digue périphérique ou de la paroi extérieure pour toute autre retenue, est une source de risques importants[16]. Chaque pays définit une classification des ouvrages en fonction de l’importance des risques et des enjeux, qui impose certaiunes actions de surveillance ou d'auscultations périodiques pour chque classe.

En France, un décret de 2007 prévoyait quatre classes de barrages, de A (pour les ouvrages les plus importants) à D. Il est remplacé par un décret de 2015 qui prévoit désormais trois classes de barrages, de A (pour les ouvrages les plus importants) à C[16].

Au Canada, la loi sur la sécurité des barrages, modifiée en 2022, définit les obligations de maintenir les barrages dans un état de fonctionnement tel qu’ils ne soient pas susceptibles de compromettre la sécurité des personnes ou des biens. Elle différencie trois types de barrages : à faible, moyenne et forte contenance[17],[18].

Impacts sur les ressources en eau et les milieux aquatiques

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Les différents impacts potentiels de l’implantation d'une retenue ou d'un ensemble de retenues sont de trois ordres : quantitatifs (modifications de l'hydrologie et des débits des cours d’eau ainsi que du bilan hydrique pouvant amener une augmentation des sécheresses), qualitatifs (modifications hydromorphologiques, impacts physico‐chimiques et biologiques) et économiques et sociétaux (conflits d'usage, guerre de l'eau).

Impacts quantitatifs

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Impacts sur l'hydrologie

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De façon générale, le bilan hydrique d'une retenue est influencé par des flux en entrée (écoulements en entrée de la retenue, précipitations directes, apports par la nappe ou par fluxe de condensation) et en sortie (liées à des pertes par infiltration, par évaporation, des prélèvements dans la retenue ou des débits en sortie de la retenue).

Selon une étude de 2013 de L. Roger faisant une synthèse des connaissances sur les retenues collinaires, les impacts cumulés d’un ensemble de petites retenues sur un bassin versant ou un ensemble de bassins est important sur les apports en eau du bassin versant. En effet, les plans d’eau en série interceptent la totalité des apports en eau. Il s’agit d’une véritable disparition d’un tronçon du cours d’eau. Les retenues collinaires ont une alimentation non maîtrisée et interceptent la totalité des eaux pluviales ainsi que des sources lorsqu'elles captent des sources, entrainant plusieurs effets[19],[20] :

  • L’épuisement des nappes d’accompagnement et donc la hausse des étiages,
  • La diminution de l’impact bénéfique des pluies estivales qui participent au regonflement des rivières,
  • La diminution des débits d’étiage due à l’impact cumulé des ouvrages en tête de bassin.

L’intensité des impacts est assez variable, d'une part sur un même bassin, en fonction des conditions climatiques de chaque année, les diminutions des débits étant systématiquement plus importantes les années sèches que les années humides, et d’autre part, d’un bassin à l’autre. La variabilité entre deux bassins peut s’expliquer par la différence d’équipement en retenues des bassins, leur situation dans le bassin, et/ou par leur utilisation[21].

Les retenues, dont la durée de vie est en général de plusieurs décennies, constituent des capacités de stockages conséquentes, et leur volume à l’échelle planétaire est du même ordre de grandeur que celles des grands barrages. Ainsi dans les régions où les projections climatiques conduisent à une augmentation des sécheresses, il faut s’attendre à ce que l’impact des retenues existantes sur l'hydrologie augmente[21].

Impacts sur le bilan hydrique

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Selon la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (2007), sur un plan d’eau, l'absence de courant favorise le réchauffement des eaux. Il en résulte un accroissement de l’évaporation. Pour le sud‐est de la France, l’évaporation est évaluée en moyenne à 0,55 litre par seconde et par hectare, pendant les trois mois d’été, des chiffres cohérents avec les estimations fournies par le CNRS pour les milieux tempérés de 2 à 3 mm d’évaporation par jour, correspondant à 2 à 3 litres par m2 de plan d’eau. Ainsi un plan d'eau de 10 000 m2 connaît une évapotranspiration de 2 700 m3 sur les trois mois d'été[22].

La notion de sécheresse « anthropique » a été développée par Van Loon et al. en 2016 en comparant les courbes de débits observés avec celles des débits naturels simulés. Leur étude fait ressortir l’existence d'épisodes secs « dus aux prélèvements et à la gestion par des réservoirs, indépendamment des conditions climatiques ». Les exemples emblématiques en sont l’assèchement de la Mer d'Aral et celui du Lac Tchad. Wada et al. (2013) font quant à eux ressortir une intensification des sécheresses entre 1960 et 2010 à l’échelle du globe (+ 27 %) et en Europe (+ 20 %). Ils montrent par exemple que les prélèvements humains ont intensifié la sécheresse de 2003 de 40 à 300 % sur l’Europe entière et notamment dans le pourtour méditerranéen[23].

Impacts qualitatifs

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Impacts hydromorphologiques

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La présence de barrages de toutes tailles au sein d'un bassin versant perturbe le mouvement des sédiments, dénommé transport solide, par piégeage dans des réservoirs, réduisant ainsi le flux total de sédiments à l’exutoire d’un bassin. Le volume total des sédiments déposés dans un réservoir dépend de l'érosion brute en amont du bassin, de la proportion de sédiments arrivant au réservoir et des caractéristiques de sédimentation des sédiments à l'intérieur du réservoir[24],[20].

Dans la mesure où les retenues modifient les débits liquides et stockent des sédiments, il est logique qu’elles modifient le fonctionnement morphologique des tronçons fluviaux situés en aval. Selon les scénarios liés au volume de sédiments stockés et aux débits, les impacts consisteront en une incision du chenal aval, la sédimentation latérale contribuant à la construction de nouvelles terrasses dont l’altitude est inférieure aux précédentes, réduisant ainsi la largeur du chenal[25].

Aux États-Unis, l’effet cumulé des millions de petites retenues artificielles, ainsi que des dizaines de milliers de grands barrages installés sur les petits et grands cours d’eau, a profondément modifié le paysage hydrologique du pays ainsi que les conditions de transport de sédiments. Cette altération n’a fait que s’accroître sur la période 1950-2000. Ainsi, les réservoirs ont continué à piéger les sédiments, bien que certains aient vu leur capacité de stockage se réduire par sédimentation[26].

En France, une étude a été réalisée en 2000 sur l’envasement des retenues sur l'ensemble du département de la Haute-Garonne afin de préconiser des solutions touchant la gestion des retenues collinaires en les intégrant dans le bassin versant concerné. Près de 70 % des 240 retenues inventoriées présentaient des problèmes d’envasement et il est apparu qu'à l'origine, les aménageurs n'avaient pas prévu cet envasement des ouvrages, ni dans la conception (absence de bassin de décantation, développement des cultures de printemps qui favorisent l’érosion en climat à orages de printemps), ni dans le choix du site (en aval des zones à risque d'érosion)[26].

Impacts physico-chimiques

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La « qualité physico-chimique » d’une eau est une notion associée à la gestion environnementale des milieux aquatiques. Elle exprime les effets attendus de sa composition sur les divers usages de l’eau et le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Elle intervient en particulier dans l’évaluation de l’état écologique d’une masse d’eau de la Directive-cadre sur l'eau. Elle s’apprécie à travers un ensemble de paramètres physiques et chimiques divers (température, pH, turbidité, concentrations dissoutes et particulaires, minérales et organiques, macro ou micropolluants, etc.), plus ou moins interdépendants et comparés à des normes environnementales basées sur des exigences relatives aux usages ou des connaissances sur la réponse des écosystèmes aquatiques[27].

Un grand nombre de lacs dans le monde présentent une stratification thermique. La plupart des grands lacs, mais aussi des lacs de taille moyenne et des petits lacs, n’ont pas de recirculation suffisante pour permettre une homogénéisation de la colonne d’eau. Cette stratification permanente a un impact décisif sur la distribution des éléments dissous comme les nutriments et l’oxygène détermine donc la dynamique de la biocénose dans le lac[28]. Par ailleurs les plans d’eau (essentiellement ceux en série et moyennement ceux en dérivation), exercent une élévation de la température sur les cours d’eau en aval en période estivale et peuvent créer un refroidissement en été lors des lâchures[Note 1] par moine[Note 2] ou en hiver. De manière générale, l’impact thermique des plans d'eau ne va pas au‐delà du kilomètre, sauf dans les cas de lâchure des lacs de barrages importants qui peuvent impacter sur plusieurs dizaines de kilomètres[29].

Le fonctionnement de chaque retenue vis-à-vis des variables physico-chimiques dépend des caractéristiques des flux entrants. C’est par exemple le cas de la dénitrification qui dépend de la charge en nitrate dans l’eau d’alimentation. Or ces flux entrants peuvent être déjà influencés par le passage dans d’autres retenues[30].

Impacts biologiques

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Les principaux impacts biologiques concernent les populations d’invertébrés benthiques et les populations piscicoles vivantes en amont, dans et en aval des retenues. Les lacs de barrage constituent notamment un obstacle à la libre circulation et à la dispersion des espèces, modifient les conditions biotiques et abiotiques, induisent une diminution des espèces rhéophiles[Note 3] et favorisent l’implantation d’espèces invasives[31].

Une retenue induit également l’installation d’un nouveau milieu, susceptible d’abriter un nouveau cortège d’espèces, distinct de celui du cours d’eau, et qui pourra alors coloniser le réseau hydrographique et interagir avec les espèces en place. Sur les retenues jouant le rôle de réservoir biologique, l’utilisation des volumes stockés peut engendrer des marnages importants susceptibles de détériorer le milieu et les espèces en présence[31],[29].

Impacts économiques et sociétaux

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Impacts sur les pratiques agricoles

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Les effets indirects des retenues, en particulier, sur l’évolution de l’occupation des sols et des pratiques agricoles ne sont généralement pas pris en compte dans les études. Or ces effets peuvent être non négligeables et sources de conflits. Ainsi, l’irrigation se traduit généralement par une intensification des cultures qui peut alors potentiellement consommer plus d’eau pluviale et réduire ainsi la part des écoulements. A l’inverse, l’irrigation peut générer des pertes qui peuvent contribuer aux débits des sous-bassins. L’impact de la modification de l’occupation des sols varie donc certainement selon les bassins en fonction des pratiques et de l’occupation des sols avant et après la création des retenues[21].

Analyse économique des projets

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Selon le rapport du préfet Bisch sur la « gestion de la ressource en eau, agriculture et changement climatique » en France, publié en 2018, l'analyse économique des projets de retenues et de leurs impacts socio‐économiques à travers une analyse coûts/bénéfices semble jusqu’alors rarement menée sur les projets de retenues et peut parfois être taxée de subjective lorsqu'elle existe[32],[33].

Conflits d'usage

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La question de la hiérarchisation des usages et de la privatisation de l’eau est posée avec la création de retenues, notamment en France où elles elles peuvent être financées pour certaines à hauteur de 70 % par de l’argent public. Elles privilégient en effet certains propriétaires/usagers face aux autres acteurs et activités à l'échelle d'un bassin versant, souvent par ailleurs dans des bassins présentant un déséquilibre entre les ressources en eau disponibles et les usages qui en sont faits[21].

En France, pour compléter les SDAGE, outils d'analyse globale de la gestion de l'eau à l'échelon des grands bassins, et les SAGE, lorsqu'ils existent, qui permettent sur la base des grandes orientations du SDAGE de construire un programme global cohérent à l'échelle du bassin concerné et de coordonner cette mise en œuvre, les projets de territoires ont été créés en 2015 pour anticiper ces conflits d'usage. Ces contrats territoriaux ont pour objectif une gestion équilibrée de la ressource en eau, sans détériorer la qualité chimique et écologique des milieux aquatiques, et doivent être le fruit d’une concertation associant tous les acteurs du territoire. Le nombre de projets qui a pu aboutir est, en 2018, année de publication du rapport du préfet Bisch, relativement faible. L’un des principaux sujets de discorde sur le territoire tient aux critères qui permettent d’évaluer la ressource disponible et en particulier à la question de l'historique des 15 ans qui donne des références basées sur des pratiques anciennes et parfois moins documentées, et décalées par rapport aux évolutions liées au changement climatique[33].

Guerre de l'eau

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A un échelon plus global, dépassant la question locale des retenues, l'eau peut devenir un enjeu géopolitique, les États cherchant à contrôler les ressources hydriques, ce qui entraîne des tensions internationales pouvant déclencher des « guerres de l'eau ». C'est le cas par exemple au Moyen-OrientIsraël et ses voisins, Syrie et Jordanie, se disputent les eaux du Jourdain (qui prend sa source au Liban), du Golan et des nappes aquifères profondes[34], ou de la Turquie, la Syrie et l'Irak qui se partagent l'eau d'un même fleuve, l'Euphrate[35]. Des conflits similaires existent en Asie, en Afrique et en Amérique.

Limitation des impacts et alternatives aux retenues

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Limitation des impacts

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Plusieurs solutions existent pour limiter les impacts[31] :

  • une bonne connaissance à l'échelle nationale des retenues est un préalable nécessaire : typologie des retenues, volumes concernés (stockage) et usages associés (prélèvements) (une étude de 2013 fait le point sur les inventaires et bases de données existantes et insiste sur la nécessité d'un inventaire national exhaustif[36]) ;
  • des pratiques de gestion optimisées : respect des débits réservés pour les retenues en barrage, meilleure gestion des vidanges (volumes et tranches d’eau évacués), limitation des rejets d’espèces invasives, installation de ripisylve, aménagement des berges selon les usages, suppression des retenues délaissées, si elles n’ont plus d’usages et ne constituent pas des réserves de biodiversité prioritaires ;
  • des conditions de remplissage adaptées : déconnexions des retenues collinaires en étiage (en stoppant leur alimentation par les eaux de ruissellement), mise en place de bras de contournement sur les retenues en cours d’eau, récupération des eaux de drainage ;
  • la mise en place de projet de territoires dans les zones à forte tensions sur les prélèvements est également nécessaire pour accompagner les projets de retenues.

Alternatives aux retenues

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Plusieurs pistes peuvent être explorées[37],[31] :

  • éviter la construction même des retenues, avec des propositions crédibles visant à baisser au maximum la demande en eau sur l’ensemble des usages ;
  • apprécier l’opportunité économique des projets au stade de leur autorisation, en tenant compte des projections climatiques ;
  • exiger de la part des acteurs bénéficiant d’un accès sécurisé à l'eau des contreparties réciproques substantielles (économie, approche agro-écologique), faisant l’objet de contrôle et de sanction en cas de non-respect.

Risques liés aux retenues

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Risque de rupture de barrage

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Risques sanitaires

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Notes et références

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  1. Une lâchure est une évacuation contrôlée ou forcée d'eau stockée dans une retenue.
  2. Le moine hydraulique est un système de vidange et de gestion du niveau d’eau d’un plan d’eau. Il permet de prélever l’eau en profondeur et de contrôler le débit d’évacuation, par l’enlèvement successif de planches amovibles.
  3. Une espèce rhéophile est un organisme qui aime évoluer dans les zones de courant, comme les torrents et les eaux rapides, et ces organismes aquatiques vivent dans les milieux où existe un courant important, des écoulement rapides.

Références

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  1. Lessent, P. (1980). L’aménagement piscicole des retenues artificielles en Afrique Occidentale. Revue Bois et Forêts des Tropiques, 193(57), n0.
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Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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  • Rapport préliminaire en vue de l’expertise collective sur l’impact cumulé des retenues., Paris, IRSTEA & ONEMA, , 125 p. (lire en ligne [PDF])
  • Pierre-Étienne Bisch, Cellule d'expertise relative à la gestion quantitative de l'eau pour faire face aux épisodes de sécheresse., CGEDD & CGAAER, , 247 p. (lire en ligne [PDF])
  • Syndicat interdépartemental de gestion de l’Alagnon et ses affluents, Les retenues d’eau comme solution d’adaptation au changement climatique ? - Synthèse bibliographique et retours d’expériences., , 39 p. (lire en ligne [PDF])

Liens externes

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