Bataille de Mazagran (1558)

La bataille de Mazagran — ou bataille de Mostaganem — est une bataille opposant la régence d'Alger à l'Empire espagnol, le . Dans l'historiographie espagnole elle est qualifiée de « désastre de Mostaganem ». Elle est le fruit d'une expédition espagnole vers Mostaganem (ville voisine de Mazagran) menée par le comte d'Alcaudete, Martín Alonso Fernández, gouverneur d'Oran, et constitue la troisième expédition sur la ville (après celles de 1543 et 1547).

Bataille de Mazagran

Informations générales
Date au
Lieu Mostaganem, Mazagran, Régence d'Alger
Issue Victoire décisive de la régence d'Alger
Belligérants
Régence d'Alger Empire espagnol
Commandants
Hassan Ibn Kheireddine Comte Alcaudete
Dom Martin
Forces en présence
15 000 hommes
  • 10 000 arabes
  • 5 000 turcs

7 000 cavaliers

  • 1 000 spahis
  • 6 000 cavaliers
10 000 à 11 000 hommes
1 200 soldats d'Oran
Pertes
Inconnues 5 à 6 000 prisonniers
5 à 6 000 morts

Coordonnées 35° 56′ 00″ nord, 0° 05′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Algérie
(Voir situation sur carte : Algérie)
Bataille de Mazagran

Déroulement

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Forces en présence

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Le comte d'Alcaudete effectue des préparatifs en Espagne pour recruter des troupes suffisantes à son expédition. Il recrute beaucoup de soldats dans la noblesse espagnole. Il est à la tête d'une armée de 10 à 11 000 hommes[1],[2] en partie inexpérimentés (il avait reçu l'autorisation d'en recruter 8 000)[3] auxquels s'ajoutent les 1 200 soldats expérimentés de la place d'Oran et de l'artillerie, quelques pièces de campagne et de siège[1]. 6 000 hommes regroupés à Carthagène sous les ordres du comte et 5 000 hommes sous les ordres de l'un de ses fils, don Martin, s’embarquèrent à Malaga[4].

Dans le même temps Hassan Pacha rentre d'une campagne indécise menée sur Fez au mois de mars-avril 1558 quand il apprend les préparatifs d'un raid espagnol à partir d'Oran[5].

Pour contrer les Espagnols, l'armée que Hassan Pacha s'élève alors à 15 000 hommes : 5 000 Turcs et renégats, 1 000 spahis[6] auxquels s’ajoutèrent 6 000 cavaliers, et 10 000 fantassins arabes et selon B. de Moralès 8 000 soldats aguerris, beaucoup de fantassins maures et 10 000 cavaliers. Le tableau général des forces tribales engagées du côté d’Alger donne à la bataille un caractère « algérien »[7].

En effet, un rassemblement de forces s'est constitué pour faire front, contre un ennemi commun. Parmi ces troupes, on compte les Janissaires, épaulés par les Maghraouas, les Banu Suwayd, les Abdelouadides, les Béni Rached, des Zouaouas, des Beni Ameurs et les Raïs originaires d'Alger, ainsi que les caïds et gouverneurs ottomans de Constantine de Buna. Même les combattants de l'ex-caïd Mansur Bughanim, qui dirigeait le dernier clan zianide, ont été intégrés à la coalition[8],[9]

Préparatifs

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Martín Alonso Fernández s'est rendu en Espagne pour obtenir l'appui et l'accord du conseil royal de Castille. Il obtient cet accord mais on lui adjoint Fray Nicolo, chargé de divers négociations avec la régence[10]. Ils embarquent, en juillet, à Carthagène pour revenir à Oran[11]. Arrivé le à Oran, il enlise son armée dans des campagnes mineures dans la région d'Oran, avec des objectifs variables. Il veut d'une part faire une démonstration de force pouvant inciter les différentes tribus de le rejoindre et roder son armée inexpérimentée aux manœuvres[12]. En raison notamment du désordre dans ses troupes, ces deux objectifs ne sont pas atteints. Alcaudete perd encore plus de temps de retour à Oran fin juillet et début août car il ne veut pas partir pour Mostaganem avant le 14 août, date similaire à laquelle les Algériens ont attaqué Oran par le passé[13]. Tous ces retards sont néfastes à Alcaudete, en plus de montrer l'impréparation de ses troupes, elles consommaient des vivres que les Espagnols avaient réunis pour l’expédition[14]. Malgré l'opposition du colonel don Francisco de Venavides, commissaire du roi, qui déconseille à Alcaudete de lancer ses troupes déjà affaiblies dans cette campagne, Alcaudete s'entête et part d'Oran le à la tête de son armée[15]. Le comte prend avec lui six jours de provisions, le reste devant être convoyé par la mer au camp qu'il veut établir devant Mostaganem[16]. Le mouvement des Espagnols est lent, il n'arrivent à Mazagran que le . Ces semaines laissent le temps à Hassan Pacha de rassembler son armée. Les caïds de Tlemcen et de Mostaganem le pressent de venir les secourir[17]. Hassan Pacha prend donc la tête de son armée et part d'Alger le . Il donne l'ordre à la garnison de Tlemcen de se mettre en mouvement vers Mostaganem[18]. Alcaudete arrive enfin à Mazagran avec ses troupes le après avoir fait un détour, il a fait marche au Sud, les salines d'Arzew atteintes[19].

La bataille de Mostaganem

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Le à 10 h, les Espagnols arrivent sous les murailles de Mostaganem. Une garde de Maures et de Turcs sort pour les repousser mais ils sont battus par l'avant-garde. Il s'enfuient laissant les portes de la ville ouvertes. Un sergent lance alors l'assaut qui est stoppé net sur ordre de Martín Alonso Fernández qui s'entête à entreprendre un siège régulier. Cette stratégie apparaît comme hasardeuse, la ville pouvait être prise mais contre toute attente Alcaudete fit arrêter ce sergent qui fut puni de sa bravoure[6],[17]. Quand toutes les troupes furent réunies ont installa un camp sur les hauteurs hors de portée des défenseurs et l'on prépara la défense en creusant un fossé et en installant une batterie de campagne[1] pendant que les armées de Tlemcen et d'Alger convergent à marche forcée vers la position.

Le à midi on annonce l'arrivée du beylerbey d'Alger à proximité de Mostaganem et le soir il sera sur place. Alcaudete envoie son fils pour s'assurer de la situation. Le soir, au conseil, on soupesa une attaque surprise du camp du beylerbey permettant à la troupe de se ravitailler mais il ne fut rien décidé. Le comte veut attendre de pied ferme les troupes de la régence et les affronter sur place[16]. Cependant un événement vient bouleverser sa stratégie. Alcaudete attend toujours les munitions et les vivres nécessaires par la mer mais il ne les aura pas. Un vaisseau et quatre brigantins avec 600 hommes à leurs bords ont été armés mais le vaisseau ayant fait demi-tour, les quatre brigantins sont attaqués et pris par cinq galères turques[2],[20]. Sans vivres et sans munitions, Alcaudete comprend qu'il ne peut ni tenir tête aux troupes de la régence d'Alger, ni soutenir le siège contre Mostaganem. Alcaudete prend, durant la nuit, la décision de battre en retraite. La situation est périlleuse, face aux troupes de Hassan Pacha et entouré par une population de Maures hostiles, il doit effectuer le repli de ses troupes épuisées[21].

Le repli sur Mazagran

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L'ordre est donné au milieu de la nuit et à minuit les troupes commencent la retraite. Ses ennemis se rendent compte du mouvement de Martín Alonso Fernández grâce à leur espion. La garnison de Mostaganem attaque les soldats blessés laissés derrière. La raison en était qu'Alcaudete ne voulut point se séparer de ses canons[21]. Hassan Pacha prévenu se met en marche. Il ne perd pas de temps dans son mouvement ce qui fait qu'il arrive pratiquement en même temps que les Espagnols à Mazagran[22].

Le , Don Martin, fils d'Alcaudete, à la tête de l'arrière garde, tente de couvrir la retraite des troupes en vain. Il est blessé et mis hors de combat par une arquebuse[22]. Les capitaines eux-mêmes fuient, ce qui augmente le désordre. L'avant garde atteint Mazagran et se retranche dans le village. Alcaudete dispose l'artillerie sur l'enceinte et avec ses vieux soldats d'Oran, plus expérimentés, ils couvrent alors la retraite des troupes[22].

Alcaudete combat avec des petits groupes de 100, 200 ou 500 hommes[23]. Vers 15 h, un autre événement terrible vient frapper les Espagnols ; le feu fait exploser des barils de poudre et tue plusieurs centaines d'hommes dont le major-général de l’armée, Navarrete. Les soldats en dehors des retranchements veulent y converger, ce qui provoque un mouvement de foule[23]. C'est à cet instant que périt le comte Alcaudete. Plusieurs versions divergent sur les circonstances de sa mort : il serait mort dans Mazagran piétiné par ses soldats[6] ou par son cheval pris dans la foule qui se serait cabré et l'aurait écrasé[24]. Une autre version affirme qu'il serait mort sous le tir accidentel de ses soldats en chargeant l'ennemi sous les murs[24] ; ou encore qu'il serait mort de deux coups d'arquebuse ennemies[24].

Le moral des Espagnols est au plus bas, les combats intenses depuis le matin, la faim et la soif pèsent sur les troupes. Hassan Pacha capture le fils Don Martin ainsi que de l'essentiel des survivants[6],[25]. Au coucher de soleil, l'armée décide de se rendre[24].

Les pertes

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Hassan Pacha mit des gardes aux portes de la ville mais dut céder 800 captifs aux Arabes, ses alliés, qui les emmenèrent à l’écart de Mazagran pour les tuer délibérément[26]. Il emmena avec lui à Alger probablement 5 à 6000 captifs[27],[28]. Le bilan est de 10 000 tués et 9 000 prisonniers d'après le poète Sidi Lakhdar Ben Khlouf[29] mais cela parait bien trop élevé. D'après Goodman, les prisonniers s’élèvent à près de 12 000 Espagnols[30] ce qui est aussi trop élevé compte tenu des forces engagées et des pertes.

Conséquences

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Cette bataille met fin à le gestion du Préside d'Oran par Martín Alonso Fernández, et clôt définitivement une période où l'Espagne intervenait dans les affaires oranaises. Cet épisode, qualifié de désastre, marque la fin des prétentions territoriales espagnoles sur l'ouest algérien[6], correspondant à l'ancien domaine des sultans zianides de Tlemcen. Mançûr b. Bûghânim un caïd zianide qui s'était joint aux Espagnols, et qui était de toutes les luttes pour tenter une restauration de la dynastie zianide, change de camp et renonce à la suite de la bataille[7]. Les Espagnols renoncent dès lors, aux grandes expéditions terrestres dans l'ouest algérien et se concentrent sur le maintien de leurs positions à Oran et Mers el-Kébir. Désormais tout le littoral leur échappe ; les ports de Bône, Béjaïa, Cherchell, Ténès et Mostaganem servent de base à la marine turque[7].

Cette défaite de Mazagran marque le début d'un processus d'unification, c'est une victoire « algérienne »[7] qui sonne le glas des principautés et des anciens royaumes ; les dynasties locales sont dès lors obligées de reconnaître l'autorité d'Alger[7].

Littérature

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La bataille a inspiré le poète Sidi Lakhdar Ben Khlouf qui y aurait pris part et qui est l'objet d'un de ses poème, Qassat Mazagrân[31].

Référencement

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Notes et références

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  1. a b et c Ruff 2016, p. 166
  2. a et b de Grammont 2002, p. 90
  3. Ruff 2016, p. 158.
  4. Ruff 2016, p. 162-163.
  5. Abun-Nasr 1987, p. 159.
  6. a b c d et e de Grammont 2002, p. 91
  7. a b c d et e Merouche 2007, p. 95
  8. Collectif coordonné par Hassan Ramaoun, Dictionnaire du passé de l’Algérie: de la préhistoire à 1962, Oran, CRASC Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, , 630 p. (ISBN 978-9931-598-01-5), p. 358
  9. Lemnouar Merouche, Recherches sur l'Algérie à l'époque ottomane: La course, mythes et réalités, Bouchene, (ISBN 978-2-912946-95-9, lire en ligne)
  10. Ruff 2016, p. 159.
  11. Ruff 2016, p. 162.
  12. Ruff 2016, p. 163.
  13. Ruff 2016, p. 164.
  14. Ruff 2016, p. 165.
  15. Ruff 2016, p. 165-166.
  16. a et b Ruff 2016, p. 169-170
  17. a et b Ruff 2016, p. 168
  18. Ruff 2016, p. 167.
  19. Ruff 2016, p. 166-167.
  20. Ruff 2016, p. 170.
  21. a et b Ruff 2016, p. 171
  22. a b et c Ruff 2016, p. 172
  23. a et b Ruff 2016, p. 173
  24. a b c et d Rueff 2016, p. 174
  25. Belhamissi 1999, p. 189.
  26. Ruff 2016, p. 175.
  27. Ruff 2016, p. 176
  28. Parmi lesquels, Martin de Córdoba qui sera emprisonné en tant qu'esclave chrétien jusqu'à ce qu'il soit échangé contre une rançon de 23 000 escudos.
  29. Merouche 2007, p. 89.
  30. Goodman 2002, p. 247.
  31. Benallou 2002, p. 182.

Sources

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  • (en) Jamil M. Abun-Nasr, A History of the Maghrib in the Islamic Period, Cambridge University Press, , 455 p. (ISBN 978-0-521-33767-0, présentation en ligne)
  • Moulay Belhamissi, Alger, l'Europe et la guerre secrète : 1518-1830, Editions Dahlab, , 221 p. (ISBN 978-9961-6-1173-9, lire en ligne)
  • Lamine Benallou, L'Oranie espagnole : approche sociale et linguistique, Éditions Dar el gharb, (lire en ligne)
  • (en) David C. Goodman, Power and Penury : Government, Technology and Science in Philip II's Spain, Cambridge University Press, , 288 p. (ISBN 978-0-521-52477-3, présentation en ligne)
  • Henri-Delmas de Grammont, Histoire d'Alger sous la domination turque. 1515 - 1830, Saint-Denis, Bouchène, coll. « Histoire du Maghreb », , 328 p. (ISBN 2-912946-53-0, lire en ligne Inscription nécessaire)
  • Lemnouar Merouche, Recherches sur l'Algérie à l'époque ottomane, Saint-Denis, Bouchene, , 353 p. (ISBN 978-2-912946-95-9, lire en ligne Inscription nécessaire)
  • Paul Ruff, La domination espagnole à Oran sous le gouvernement du comte d’Alcaudete, coll. « Histoire du Maghreb », (lire en ligne Inscription nécessaire), « Chapitre XIII : Le désastre de Mostaganem »

Annexes

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Bibliographie

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  • Moulay Belhamissi, Les captifs algériens et l'Europe chrétienne : 1518-1831, Enterprise Nationale du Livre, (lire en ligne)
  • Auguste Cour, L'établissement des dynasties des Chérifs au Maroc et leur rivalité avec les Turcs de la Régence d'Alger, 1506-1830, Bouchene, coll. « Histoire du Maghreb », (lire en ligne Inscription nécessaire)
  • Diego de Haëdo (trad. de l'espagnol par Grammont Henri-Delmas), Histoire des Rois d’Alger, Saint-Denis, Bouchène, coll. « Histoire du Maghreb », , 238 p. (ISBN 2-912946-04-2, lire en ligne Inscription nécessaire)

Articles connexes

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