Histoire des bibliothèques aux États-Unis

La première bibliothèque des États-Unis est établie par Benjamin Franklin en 1731 et est réservée aux membres ayant payé un abonnement. Ce n'est qu'au XIXe siècle que les bibliothèques sont rendues publiques.

Histoire des bibliothèques américaines modifier

Proctor Free Library, Vermont

XVIIIe siècle modifier

Benjamin Franklin a établi la Library Company of Philadelphia en 1731. En bibliophile, Franklin était frustré par le prix des livres et la difficulté de les acquérir. Il a suggéré à son groupe de discussion Junto de mettre en commun leurs collections pour créer une bibliothèque de prêt. Le principe c’est que les membres prennent un abonnement pour avoir accès aux livres disponibles. Les livres couvrent divers sujets comme la théologie, la science, la géographie, la littérature, etc. La bibliothèque acquiert régulièrement de nouveaux livres, les usagers pouvant laisser des suggestions de titres dans une boîte dédiée. La bibliothèque s'est agrandie après avoir intégré les contenus de la bibliothèque de l'Union[1].

XIXe siècle : Émergence des bibliothèques publiques modifier

L’émergence des bibliothèques publiques au XIXe siècle peut être attribuée à plusieurs changements sociaux pendant la période, tels que l'inscription obligatoire aux écoles primaires puis secondaires. La recherche avait identifié 484 bibliothèques publiques avant l’année 1876 avec 253 en Nouvelle-Angleterre[2].

La première bibliothèque publique soutenue par les impôts établie aux États-Unis est la bibliothèque municipale de Peterborough avec l’objectif de créer une bibliothèque accessible par tous. Initialement proposée en 1833, la bibliothèque était conçue pour être financée par les citoyens de Peterborough. Ne disposant pas de bâtiment dédié prévu pour un tel usage, la bibliothèque dut déménager plusieurs fois[3].

La bibliothèque publique de Boston, instituée en 1848, est la première grande bibliothèque publique aux États-Unis. Notamment, elle développa son propre réseau de bibliothèques dans plusieurs secteurs de Boston, pour faciliter l’accès aux connaissances et augmenter la portée de la bibliothèque[4].

En 1849, le New Hampshire est devenu le premier état à promulguer le processus pour accorder aux municipalités le choix d’établir des bibliothèques publiques. Créées originellement pour soutenir le mouvement vers l’éducation, les bibliothèques publiques ont amassé le support de la publique[2].

Après un appel dans le Norton’s Gazette en 1852, un congrès a eu lieu en septembre 1853[5]. 82 bibliothécaires se sont réunis à l'Université de New York. Ce groupe prit des résolutions, dont la majorité ne seront pas mises en place[6].  

Recommandations notables :

  • L’installation des bibliothèques populaires [7]
  • Copies des documents publiés par le congrès des États-Unis pour leurs disséminations aux publics par les bibliothèques[8]
  • Création d’un plan de catalogage pour la bibliothèque du congrès [9]
  • Le congrès fonctionne comme la première étape pour la création d’une association des bibliothécaires permanente[10]

En 1876, l'American Library Association est née. Son objectif est la promotion des bibliothèques, le développement du métier, l’amélioration des connaissances des bibliothécaires et les technologies pour gérer les bibliothèques[11].

La ségrégation et les bibliothèques annexes noirs modifier

Bibliothèque mobile, Caroline du Nord

Au XIXe siècle, dans le nord des États-Unis, on assiste à l’apparition des bibliothèques publiques, telle que la bibliothèque publique de Boston fondée en 1848[12]. Quant au sud du pays, ce n’est qu’à partir du XXe siècle qu’on voit l’émergence des bibliothèques publiques[13]. Depuis les lois Jim Crow, les Afro-Américains et les blancs étaient ségrégués[14]. Dans les états du nord la ségrégation n’était pas inscrite dans la loi, mais dans les états du sud elle était ancrée dans la loi, dite jure, c’est-à-dire une ségrégation légale et ceux depuis la fin de l’esclavage[14].

Ces lois ségrégationnistes avaient pour objectifs la séparation des noirs et les blancs dans toutes les institutions publiques et les bibliothèques publiques ne faisaient pas exception à la règle, malgré la nouvelle place que ceux-ci prenaient dans le pays[13]. Durant, la première moitié du XXe siècle, certaines offraient un service ségrégué, soit 83 sur 564 bibliothèques[12], plusieurs autres n’autorisaient pas les Afro-Américains dans les bibliothèques publiques[12].

Plusieurs moyens ont été utilisés pour ségréguer les noirs des bibliothèques publiques, un des exemples le plus communs était le partage d’un édifice abritant « une bibliothèque blanche et une bibliothèque noire, avec des entrées, des salles de lectures et des collections de livres ségrégués »[13].  Pour répondre à cette exclusion et l’inaccessibilité des collections, qui dura durant vingt ans, les dirigeants noirs des mouvements des droits civiques prirent l’incitative de fonder plusieurs bibliothèques annexes accessible pour la communauté noire, dont la Carnegie Negro Library of Greensboro [15].

Cette bibliothèque fondée en 1924 et financée par Andrew Carnegie avait pour objectif de répondre aux « besoins éducatifs, informationnels, sociaux et culturels de la communauté afro-américaine »[15]. En dépit des faibles ressources matérielles, quelques tables et chaises, la bibliothèque perdura jusqu’en 1964[15]. En 1960, elle possède 36 000 volumes[15], ce travail de développement permet à cette bibliothèque publique de devenir un centre intellectuel important pour la communauté noire grâce au travail de la directrice et bibliothécaire Martha J. Sebastian et plusieurs autres bibliothécaires qui ont suivi après[15].

« Sit-in » et la déségrégation des bibliothèques publiques modifier

L’importance que ces différentes bibliothèques ont eue pour la communauté noire n’est pas sans importance. Cependant, à travers le sud des États-Unis, les Afro-américains avaient entamé une série de protestation afin de faire valoir leur droit, pour un accès physique aux bibliothèques publiques « blanches », mais également un accès à l’information égale[16], Pour ce faire, avant plusieurs « sit-in » ont été organisés par le mouvement des droits civiques dans plusieurs bibliothèques publiques, entre les années 1960 et 1964[16].

Le premier « sit-in » s’est tenu en 1961, à la Jackson Public Library au Mississippi, lorsque neufs étudiants noirs, du collège catholique Tougaloo, sont rentrées dans la bibliothèque réservée au blanc avec le chef de file Joseph Jackson Jr. pour solliciter un service, mais ils ont été immédiatement arrêtés[17]. L’action de ces neuf étudiants et de plusieurs autres tels que The St-Helena Four, The Greenville Eigh, The Greensboro Four et les Danville Sixteen ont permis la déségrégation des bibliothèques publiques de leurs manières[17]. Quant à L’American Library Association bien qu’elle ne fût pas ségréguée, celle-ci entreprit trois mesures pour mettre fin à la ségrégation[13] . Ainsi, plusieurs de ses conférences se sont tenus dont des villes du sud ségréguées[18]. Ce qui déplut aux membres afro-américains de l’Association, telle que E.J. Josey[12] , qui se retrouvaient exclus de la conférence de 1964 au Mississippi[18] . Toutefois, après ces élèvements, l’ALA introduit une politique empêchant la tenue de conférence dans les villes ségréguées durant vingt ans[18].

En 1960, l’ALA se positionna, après les pressions du ALA Intellectual Freedom Committee, sur la ségrégation dans les bibliothèques publiques et ses bibliothécaires afro-américains[18]. Dans les années 1950 et 1960, l’Association refusa l’adhésion aux associations des bibliothèques d’État qui appliqués les lois ségrégationnistes[13]. En 1961, Benjamin E. Powell, directeur d'ALA, nomma le comité spécial pour les droits civils, après le sit-in de Greensboro, en Caroline du Nord[18]. Ce comité était chargé d’évaluer la situation dans les bibliothèques publique, en 1963, après ses recommandations, l’ALA décide d'amender le Library bill of Right :

« The rights of an individual to the use of a library should be denied or abridged because of his race, religion, national origins, or political views » [18].

Une des raisons de la prudence de l’Association face à la ségrégation, s’explique par le fait que certains états sudistes étaient déjà en processus de déségrégation de leurs bibliothèques publiques [13].L’ère de la ségrégation Jim Crow dans les bibliothèques publiques fut de courte durée[13] et plusieurs facteurs sont en cause, telle que mentionné plus haut ainsi que les différentes législations passées qui ont permis la déségrégation on peut mentionner Brown v. Boards of Education de 1954 ou encore Brown v. Louisiana (1966)[13].

XXe siècle : Changements sociaux modifier

Pendant la Première Guerre mondiale, l'American Library Association (ALA) et l’armée ont collaboré pour la création du Library War Services. Gérée par l'ALA, les bibliothèques étaient installées dans les bases d’entraînement, bases navales, et ont même livré les livres à l’étranger pour les soldats américains[19].

Dans les bibliothèques dans le Sud des États-Unis, les Afro-Américains et les blancs étaient ségrégués par couleur et les Afro-Américains n'avaient pas le droit d’accéder aux bibliothèques à cause des lois Jim Crow. En 1960, inspirée par les actions des Afro-Américains en Caroline du Nord, la NAACP a planifié une occupation des locaux aux bibliothèques de Petersburg, Virginie. Ils sont restés dans la section réservée pour les blancs, et étaient arrêtés par la police. Des efforts de la NAACP, devant les tribunaux pour avoir accès aux bibliothèques, avaient comme conséquence, dans certains cas, la fermeture des bibliothèques en question[20].

Les occupations ont continué et se sont répandues. Les villes ont commencé à intégrer leurs bibliothèques publiques comme en Savannah et Greenfield. Mais dans quelques endroits, Anniston et Mississippi, en particulier, on était témoin de violences contre la population afro-américaine. La NAACP a continué à se battre devant les tribunaux. La Cour suprême était tiède, mais elle a déclaré que dans Brown v. Louisiana, ceux qui ont participé à l’occupation de cette bibliothèque sont non coupables[20].

XXIe siècle : Bibliothèques actuelles modifier

Selon l'American Library Association, 336 642 personnes travaillent dans une bibliothèque aux États-Unis, dont 166 164 personnes comme bibliothécaires[21], pour un total de 110 450 bibliothèques. Ce total inclut les bibliothèques académiques, publiques, scolaires (des écoles privées et publiques), nationales et les bibliothèques spéciales[22].

Bibliothèques publiques modifier

La bibliothèque du Congrès, Washington D.C. modifier

  • La bibliothèque du Congrès fut fondée en 1800 dans la capitale fédérale. Elle fut détruite par les troupes britanniques en 1814, elle abritait alors 3 000 volumes. L'ancien président Thomas Jefferson vendit sa collection personnelle (environ 6 500 ouvrages) à la bibliothèque du Congrès[23]. Une partie de ces livres venaient d'Europe.
  • Avec ses 29 millions de livres, sans compter les photographies et autres documents (147 millions de documents dont 64,5 millions de manuscrits en 2010)[24], la Bibliothèque du Congrès (Library of Congress en anglais) est la plus importante du monde. Elle assure la fonction de bibliothèque nationale pour les États-Unis.
  • Sa classification s'impose dans le monde malgré des imperfections.
  • Par manque de place, elle développe une vaste campagne de numérisation de ses documents.
  • Elle mène des recherches sur la conservation de ceux-ci et applique en ce moment d'importants moyens à la désacidification du papier de bois produit au XIXe siècle.

Bibliothèques publiques de Chicago modifier

La Harold Washington Library, Chicago.

La Harold Washington Library, ouverte en 1991, compte plus de 9 millions d'ouvrages abrités dans un bâtiment de 68 000 m2 au cœur du centre des affaires de la ville.

Bibliothèques publiques de New York modifier

Fondée en 1848, elle comptait 17 millions de volumes en 2005[25].

Autres bibliothèques publiques modifier

Les États-Unis comptent près de 9 000 bibliothèques publiques, et jusqu'à 16 000 si l'on compte les succursales. Chaque année, elles sont visitées par près de 800 millions de visiteurs et procèdent à 1,5 milliard de prêts[26].

Aux États-Unis, les bibliothèques voient leurs moyens financiers se réduire en raison des nouvelles technologies et du désengagement des États :«  Depuis quelques décennies, les dirigeants politiques, guidés par la logique du marché, prétendent qu’elles seraient devenues obsolètes : mieux vaudrait selon eux investir dans les nouvelles technologies. Dans la plupart des régions, les bibliothèques manquent donc cruellement de ressources et sont abritées dans des bâtiments vétustes. Malgré une fréquentation en hausse, elles ont dû réduire leurs horaires et rogner sur les jours d’ouverture. Le nombre de postes de bibliothécaire n’a cessé de diminuer, tout comme les budgets alloués à l’achat de livres, journaux et films[27]. »

Les principales bibliothèques universitaires modifier

Bibliothèque de l'université Harvard (Cambridge, Massachusetts) modifier

C’est l’établissement le plus ancien des États-Unis (fondée en 1638), elle abrite aujourd’hui près de 15 millions de livres et documents[25] imprimés.

Bibliothèque de l'Université Yale modifier

Elle compte 12 millions[28] d'ouvrages.

Bibliothèque de l'université Stanford modifier

Elle compte 14 millions[25] d'ouvrages.

Bibliothèque de l'université du Michigan modifier

Elle compte 7 millions[25] d'ouvrages.

Bibliothèque de l'université de Californie à Berkeley modifier

Bibliothèque de l'université de Berkeley

Bibliothèque de l'université Columbia à New York modifier

Université Columbia, Low Memorial Library, New York

L'ensemble des bibliothèques de l'université Columbia à New York totalise près de 8 millions de volumes répartis dans plusieurs sites :

Bibliothèques de l'université de New York modifier

La Elmer Holmes Bobst Library est la principale bibliothèque de l'université de New York. Elle constitue le cœur d'un réseau de huit bibliothèques qui mettent en commun leurs 4,5 millions d'ouvrages.

Autres bibliothèques modifier

Notes et références modifier

  1. (en) The Library Company of Philadelphia, « "At the Instance of Benjamin Franklin": A Brief History of the Library Company of Philadelphia » [PDF], sur Library Company of Philadelphia, «date de publication - 2015» (consulté le )
  2. a et b Michael Kevane et William A. Sundstrom, « The Development of Public Libraries in the United States, 1870-1930: A Quantitative Assessment », Information & Culture, vol. 49, no 2,‎ , p. 117–144 (ISSN 2164-8034, lire en ligne, consulté le )
  3. « History and Renovation - Peterborough Town Library », sur peterboroughtownlibrary.org (consulté le )
  4. (en-US) « BPL History », sur www.bpl.org (consulté le )
  5. « The 1853 Conference – American Library Association Archives – U of I Library », sur www.library.illinois.edu (consulté le )
  6. (en) George Burwell Uutley, The Librarians' Conference of 1853: A Chapter in American Library History, Chicago, American Library Association, , 189 p. (lire en ligne), p. 3
  7. (en) George Burwell Utley, The Librarians' Conference of 1853: A Chapter in American Library History, Chicago, American Library Association, , 189 p. (lire en ligne), p. 52
  8. (en) George Burwell Utley, The Librarians' Conference of 1853: A Chapter in American History, Chicago, American Library Association, , 189 p. (lire en ligne), p. 58
  9. (en) George Burwell Utley, The Librarians' Conference of 1853: A Chapter in American Library History, Chicago, American Library Association, , 189 p. (lire en ligne), p. 71
  10. (en) George Burwell Utley, The Librarians' Conference of 1853: A Chapter in American Library History, Chicago, American Library Association, , 189 p. (lire en ligne), p. 84
  11. (en) « About ALA », sur About ALA (consulté le )
  12. a b c et d Marco, Guy A., The American public library handbook, Libraries Unlimited, (ISBN 978-1-59158-911-2 et 1-59158-911-8, OCLC 774295825, lire en ligne)
  13. a b c d e f g et h Stephen Cresswell, « The Last Days of Jim Crow in Southern Libraries », Libraries & Culture, vol. 31, nos 3/4,‎ , p. 557–573 (ISSN 0894-8631, lire en ligne, consulté le )
  14. a et b Rolland-Diamond, Caroline, author., Black America : une histoire des luttes pour l'égalité et la justice (XIXe-XXIe siècle) (ISBN 978-2-348-04181-5 et 2-348-04181-2, OCLC 1100473014, lire en ligne)
  15. a b c d et e Buschman, John. Leckie, Gloria J., The library as place : history, community, and culture, Libraries Unlimited, (ISBN 1-59158-382-9, 978-1-59158-382-0 et 2-00-603374-3, OCLC 429495217, lire en ligne)
  16. a et b Michael Fultz, « Black Public Libraries in the South in the Era of De Jure Segregation », Libraries & the Cultural Record, vol. 41, no 3,‎ , p. 337–359 (ISSN 1932-4855, lire en ligne, consulté le )
  17. a et b Wayne A. Wiegand, « Desegregating Libraries in the American South: FORGOTTEN HEROES IN CIVIL RIGHTS HISTORY », American Libraries, vol. 48, no 6,‎ , p. 32–37 (ISSN 0002-9769, lire en ligne, consulté le )
  18. a b c d e et f Karen Cook, « Struggles Within: Lura G. Currier, the Mississippi Library Commission, and Library Services to African Americans », Information & Culture, vol. 48, no 1,‎ , p. 134–156 (ISSN 2164-8034, lire en ligne, consulté le )
  19. WALTER H. KAISER, « Postwar Standards for Public Libraries », ALA Bulletin, vol. 37, no 8,‎ , p. 267–272 (ISSN 0364-4006, lire en ligne, consulté le )
  20. a et b Stephen Cresswell, « The Last Days of Jim Crow in Southern Libraries », Libraries & Culture, vol. 31, nos 3/4,‎ , p. 557–573 (ISSN 0894-8631, lire en ligne, consulté le )
  21. (en) American Library Association, « Number Employed in Libraries », sur Tools, Publications & Resources, (consulté le )
  22. « IFLA Library Map of the World », sur librarymap.ifla.org (consulté le )
  23. Claude Fohlen, Thomas Jefferson, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1992, p.26
  24. Rapport d'activité 2010 Modèle:P.12 [PDF]
  25. a b c et d La bibliothèque virtuelle et gratuite de Google - Le Monde, 5 mars 2005
  26. Entretien avec Keith Fiels, président de l'American Library Association, dans Livres Hebdo, no 685, 13 avril 2007, p. 71.
  27. Eric Klinenberg, « Facebook contre les lieux publics », sur Le Monde diplomatique,
  28. Site

Bibliographie modifier