Blanche Cavelli
Blanche Cavelli, de son vrai nom Eugénie Zélia Chevallier, née à Saint-Denis le et morte à Paris (18e) le , est une artiste lyrique et comédienne française.
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Eugénie Zélia Chevallier |
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Elle a interprété des rôles dans des spectacles, opéras et pantomimes mais elle s'est surtout illustrée en France par le premier striptease[1] complet le dans Le Coucher d'Yvette au Concert Lisbonne, salle de spectacle aussi appelée le Divan Japonais au 75 rue des Martyrs.
Ses débuts
modifierFille de Victor Adolphe Chevallier, manouvrier à Gretz en Seine-et-Marne puis employé de la Compagnie des chemins de fer du Nord à Saint-Denis, et de Louisa Désirée Sédille, couturière, Eugénie Zélia Chevallier connait une enfance modeste avec son frère jumeau Victor Louis Antoine, qui reprendra le même métier que son père, sa sœur Marie-Henriette, alias Berthe Cavelli de son futur nom de scène, sa sœur Louise Juliette Adolphine, l'aînée de la famille, et les benjamins jumeaux Henri Paul et Marcel Charles. Elle ne connaîtra pas sa sœur cadette Eugénie Malvina, morte à l'âge de 3 ans[2]. À la fin du XIXe siècle, toute la famille ira vivre chez Blanche au 30 de la rue Simart à Paris dans le 18e, à l'exception de Louise qui se mariera en 1905[3] avec l'ophtalmologue Albert Terson[4] à qui l'on attribuera la découverte du syndrome de Terson[5].
Sans doute repérée pour ses qualités, Blanche[6] joue dès l'âge de 15 ans au Casino de Paris[7] en décembre 1890 dans Cocher, au Casino ![8], fantaisie-revue en 3 actes.
Le , elle campe le personnage de Sosthène au Théâtre des Menus-Plaisirs dans l'Opéra-Bouffe L'Oncle Célestin[9] de Maurice Ordonneau et Henri Kéroul puis elle joue dans Le Coq, opérette de P.Ferrier et Depré sur une musique de V.Roger[10].
En octobre de la même année, au Théâtre Bellecour à Lyon dans le vaudeville en un acte de Charles Mey et Georges Mentelé Un Chien au Biberon[11], elle interprète le rôle d'un gamin avec sa sœur Berthe Cavelli (Marie-Henriette) qui joue une soubrette. Elle jouera encore avec Berthe dans Maître Bovarel de Georges Mentelé en 1891 puis dans l'opéra bouffe d'Offenbach Les Brigands en 1892[12].
En , Blanche joue au théâtre des Fantaisies-Parisiennes de la rue Rochechouart, dans le vaudeville-opérette La Bonne de Chez Duval[13] puis en janvier 1893 dans le vaudeville Vert-Vert[14] de MM. De Leuven et De Forges, pantomimes et tableaux de Guillaume Livet et Charles Aubert, repris de la comédie du même nom créée en 1832 au théâtre du Palais-Royal par Virginie Déjazet et tirée de la pièce de Jean-Baptiste Gresset Vert-Vert ou le Voyage du Perroquet de Nevers (1734).
En 1893, Blanche fait officiellement partie des artistes permanents de la troupe du Théâtre des Nouveautés[15]. En février, elle se produit également au Théâtre-Français de Rouen, dans la Revue des éperlans, pièce lyrique de Hugues Delorme et Paul Delesques[16].
Le coucher d'Yvette
modifierLe succès du premier striptease
modifierDe mars à juin 1894, Blanche Cavelli s'illustre dans Le Coucher d'Yvette appelé aussi Le Coucher de la mariée, pantomime lyrique en un acte de Francisque Verdellet accompagnée d'une musique d'Eugène Arnaud.
« Au XIXe siècle, les cafés-concerts et les music-halls se mettent à produire des pantomimes très légèrement fictionnelles, qui sont en fait les ancêtres du strip-tease [...] L'argument en est fort simple. Yvette, jeune femme, se languit en l'absence de son mari, parti faire ses vingt-huit jours au service de la patrie. Au moment de se coucher, elle se déshabille, en contemplant le portrait de l'absent. Puis, après avoir enlevé ses principaux vêtements - corsage, robe, jupons blancs et roses, pantalon, bas et chemise-, elle écrit une lettre à son époux pour lui faire part de ses sentiments [...] Dans les vingt années suivantes, le motif du "coucher" ou du lever" prospère sur les scènes de music-hall et inspire le cinéma naissant[17]. »
Précédemment refusée par l'Eden-Théâtre, la pièce fait l'objet d'une répétition spéciale pour la censure[18]. Blanche Cavelli procède à l'effeuillage devant M. Bourdon qui donne son aval à condition de quelques remaniements.
C'est donc le qu'a lieu la première représentation[19] de ce spectacle en soirée de gala puis en nocturne sur invitation[20],[21] chez Maxime Lisbonne propriétaire du Concert Lisbonne alias Le Divan Japonais, célèbre cabaret parisien fréquenté par Toulouse-Lautrec. Blanche y reprend l'histoire d'Yvette qui se déshabille pour aller se coucher mais elle ose pour la première fois procéder au déshabillage complet[22], ce qui vaut salle comble pour de nombreuses représentations[23],[24],[25],[26],[27].
« Dans ce "premier déshabillé risqué sur une scène de théâtre", "Yvette défait son corsage, sa jolie robe qui lui va si bien, ses jupons blancs, ses jupons roses. Le pantalon tombe, les bas s’enlèvent, la chemise de nuit remplace la batiste du jour"[28]. "Cette scène muette étonne Sarcey par sa nouveauté, et par la manière dont elle tient le spectateur en haleine, sans pour autant nécessiter aucun coup de théâtre ni péripétie [...] la dramatisation du geste érotique supplante la construction dramatique de l'action[17]. »
Le dessous des dessous
modifierLe spectacle est repris en à l'Alcazar d'été aux Champs-Élysées[29] mais Blanche refuse de s'y produire, tout comme au Théâtre de l'Eldorado de Lyon où elle est remplacée par Louise Willy[30]. En effet, fidèle à Maxime Lisbonne, elle refuse de suivre dans ces établissements M. Verdellet, auteur de la pièce Le Coucher d'Yvette et directeur du Casino de Lyon en 1888. M. Verdellet l'assigne alors en justice pour abus de confiance. Blanche lui rend les "dessous" dont l'étoffe était sa propriété mais garde la robe confectionnée par sa mère couturière Louisa Chevallier[31]. À l'occasion du procès où Maxime Lisbonne, convoqué, fit un scandale politique[32], chaque pièce de vêtements de la petite bourgeoise est évaluée : Une paire de mules roses achetée au Gagne-Petit, avenue de l'Opéra; un costume de drap rouge et jaquette, des bottines en chevreau glacé, un peignoir, jupon et corset achetés au Géant des Mers, rue Marcadet[33]. Le tribunal l'acquitte en appel le 31/1/1896 et elle reçoit des dommages et intérêts pour abus de citation directe[34],[35].
Malgré les déboires du procès Verdellet, Blanche connaît le succès en 1894 aux Folies Bergère de Rouen[36], à l'exposition d'Anvers et à l'Alcazar Royal de Bruxelles où elle se produit avec la troupe de Maxime Lisbonne. Le Coucher venait en seconde partie après la pièce En Famille de Oscar Méténier[37].
À cette même période, le , Blanche donne naissance rue Simart à Yvette (Blanche Germaine) Blavet[38] qu'elle a conçue avec Paul Blavet[39], publiciste, secrétaire du Divan Japonais puis administrateur du Concert Lisbonne, fils de l'homme de lettres et secrétaire général de l'Opéra Émile Blavet[40]. Paul reconnaît en juin 1896 Yvette Blavet[41] mais n'épouse pas Blanche.
Réorientation de carrière
modifierAprès une série de représentations à l'exposition de Budapest (mai à Octobre 1896), Blanche reprend des rôles plus traditionnels.
Elle participe à la pantomime Les Chimères de Xavier Privas et Ch. Aubert sur une musique de M. Arnaud-Picheran au Théâtre du Champ de Foire en 1897[42].
En 1898, elle joue dans La fin de Lucie Pelegrin[43], Paternité, La Gourdelle de Pierre Veber, Franches lippées de Tristan Bernard, Le facteur bien noté de Georges Docquois et Émile Marchais et l'Aventure de M. Tourte comédie de Marsan et Delbost toujours au Théâtre du Champ de Foire[44].
Un nouveau succès l'attend le cette fois au Théâtre de la Bodinière, où Blanche prend le rôle de Colombine auprès du mime Georges Wague qui interprète Pierrot dans la pantomime en un acte Sommeil Blanc de Xavier Privas[45],[46], sur une musique de Louis Huvey[47]. C'est à cette occasion que Blanche fréquente ce compositeur lithographe-artiste peintre.
Celui-ci la prend sous son aile avec sa fille Yvette. (François) Louis Huvey épouse Blanche Cavelli le à Paris (18e) et adoptera Yvette Blavet en 1952 juste avant de décéder[48]. Profitant de la vie familiale, Blanche semble alors arrêter sa carrière lyrique, tout comme sa sœur Marie-Henriette (alias Berthe Cavelli) après son mariage avec Louis Cohn[49]. Xavier Privas évoque cette nouvelle vie dans sa chanson Les Bébés qu'il dédicace en 1906 à Blanche Huvey dans La Chanson Sentimentale[50].
Mais la carrière de la petite Yvette Huvey, elle, ne fait que commencer... Précoce, Yvette n'a que 11 ans en 1906 quand elle est mentionnée jeune pianiste-élève de Jane Franquin, fille de Merri Franquin, professeur au Conservatoire de Paris[51]. En 1933, elle obtient ses diplômes à l'École normale de Musique : Diplôme d'enseignement et Diplôme d'exécution au piano[52]. Elle est élève de Alfred Cortot puis à 22 ans l'accompagnatrice de Georges Wague au Conservatoire de Musique et de Déclamation, poursuivant à sa manière la passion artistique de sa mère.
Blanche Cavelli meurt le , à l'âge de 76 ans à son domicile 1 place Jacques-Froment (18e). Elle est inhumée au cimetière des Batignolles (17e) avec son mari et sa fille[53].
Notes et références
modifier- « vidéo INA sur le striptease avec en introduction des illustrations du Coucher d'Yvette interprété par Blanche Cavelli », sur INA, (consulté le )
- Louise Juliette Adolphine (1870-1961), Eugénie Malvina (1871-1874), Marie Henriette (1873-1952), Victor Louis (1875-1919), Henri Paul (1885-1967), Marcel Charles (7/1885-8/1885)
- acte de mariage du 8/5/1905, avec pour témoins Jean Terson, médecin, Louis Huvey, peintre, David Lahondé géomètre, Frédéric Wenz, artiste peintre ami de Henri de Toulouse- Lautrec
- Chirurgien oculiste (1867-1935)
- (en) syndrome de Terson
- Avec ses sœurs spécifiées dans la composition de la troupe " Mlles...Blanche, Louise et Berthe Cavelly" , revue Le Figaro du 14/12/1890
- En 1890 le Casino de Paris possède deux entrées: 16 rue de Clichy et 13 et 15 rue Blanche, peut-être une inspiration pour le nom de scène d'Eugénie Zélia Chevallier.
- Revue Le Gaulois du 23/12/1890 distribution dans la rubrique courrier des spectacles, page 3. Revues Gil Blas 13/12/1890 et Le XIXe siècle 14/12/1890.
- Édouard Noël et Edmond Stoullig, Les Annales du Théâtre et de la Musique 1891, Paris 1892, page 341. Revue l'Orchestre 3/3/1891
- Revue L'Orchestre, 1/12/1891
- Revues l’Écho de Lyon des 25 et 27/10/1891.
- Revue l'Echo de Lyon 29/9/1891.
- Revue Gil Blas 7/10/1892
- Chronique Artistique 1892-1893 no 3 du 25/12/1892, page p. 98. Le Journal du 3/01/1893, page p. 3, La soirée parisienne. Revue Gil blas du 4/01/1893, page p. 3, Propos de coulisses.
- Annuaire des Artistes et de l'Enseignement Dramatique et Musical de France 1893, page 175.
- Hugues Delorme et Paul Delesques, La Revue des éperlans, revue locale en 5 actes et 8 tableaux, avec prologue, de MM. Hugues Delorme et Paul Delesques, musique nouvelle de MM. R. Lesens, Duvauchelle et Lorjé,... Vers et couplets. [Rouen, Théâtre-Français.], (lire en ligne)
- Ariane Martinez, La pantomime théâtre en mineur 1880-1945, Paris, presses Sorbonne nouvelle, , p60 (ISBN 978-2-87854-416-9)
- Article "L'anniversaire du Nu au théâtre", revue Frou-Frou n°24 du 16/5/1923, page 375.
- Almanach des Spectacles 1894, page 80.
- Le Monde des Artistes du 22/7/1894, page 404.
- Revue Le Grelot du 18/3/1894, vue 49 sur Gallica
- C'est-à-dire pour l'époque sans pantalon, sans bas et sans vêtement de jour, mais avec une chemise de nuit. Le Figaro du 25/2/1896 évoque page 1 à propos du Coucher des" lingeries intimes, flairées par les vieux messieurs et par les potaches" puis "partout des expositions de blanc, de trousseaux nombreux, des assortiments de bretelles et de jarretières".
- Les Déshabillés au Théâtre, Georges Montorgueil, librairie H.Floury, Paris, mai 1896.
- Le Nu au Théâtre depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, G-J. Witkowski et L; Nass, Daragon, Paris 1909, pages 192 et 226; La Vie à Montmartre, Georges Montorgueil, G. Boudet et C. Tallandier, Paris 1899, illustration Pierre Vidal, pp.183-184.
- Mes Mémoires, Jane Avril, Phoebus 2005, page 210.
- Le Banquet des Affamés, roman, Didier Daeninckx, Gallimard 2012.
- La Revue Biblio Iconographique no 31 du 15/5/1896
- Bulletin de la société d'histoire et d’archéologie des 9e et 18e arrondissements 1906-1910, Le Vieux Montmartre, page 92
- En mai 1894, c'est Mlle Holda qui prendra le rôle dans le Coucher d'Yvette à l'Alcazar d'Eté de Paris à la suite du refus de Blanche (Le Figaro 26/5/1894; Le Journal 02/05/1894)
- Journal Le XIXe siècle du 20/06/1894; Le Passe-Temps du 9/2/1896
- Le Gaulois du 1/2/1896
- Le jour du procès, Maxime Lisbonne convoqué par l'avocat de Blanche Cavelli, Me Louis Lagasse (qui fut l'avocat de Ravachol et de Landru), arrive au tribunal dans un fiacre rouge. Les harnais des chevaux sont couleur lie-de-vin et sur la lanterne est figuré le numéro 104, ce qui ne manque pas de déclencher les quolibets des passants. Le numéro 104 était une référence non voilée à la liste des 104 parlementaires accusés d'avoir touché des pots-de-vin pour favoriser la compagnie du canal de Panama lors du scandale. (Journal des Politiques et Littéraires du 1/2/1896, Le Rappel du 6/2/1896, revue Gil Blas du 27/7/1897, supplément de La Lanterne du 15/9/1900).
- Journal des débats du 1/2/1896, Le Petit Parisien du 1/2/1896 et revue Le XIXe siècle des 2 et 6/2/1896.
- Le Gaulois du 17/6/1894
- Le Temps du 1/2/1896.
- Le Travailleur Normand 1/7/1894.
- "Le Monde Artiste" du 22/07/1894, page 404, livre Mes Mémoires, Jane Avril, page 210.
- Archives de la Ville de Paris.
- Paul Blavet, secrétaire administratif du Divan Japonais en 1893 sous la direction d’Édouard Fournier, administrateur du Concert Lisbonne en 1894. Le Courrier Français 5/02/1893, p. 10; 18/03/1894, p. 10
- (1838-1924) Également journaliste et chevalier de la légion d'honneur, né à Courmonterral dans l'Hérault et décédé à Paris.
- Acte de naissance d'Yvette Blavet, Archives de la Ville de Paris 18e.
- Revue La Lanterne 24/12/1897, Revue Le Gaulois 24/12/1897, Les Théâtres Parisiens Disparus 1402-1986 par Philippe Chauveau, éd de l'Amandier/Théâtre, 1999, page 255.
- Le Gaulois du 31/1/1898.
- Le Gaulois du 31/1 et 19/2/1898, Le Figaro du 19/2/1898, La Lanterne 29/3, 25 et 26/4/1898, Le XIXe siècle 25/4/1898, La Justice 28/4/1898.
- Le Figaro du 20/2/1899 et Le Gaulois du 20/2/1899.
- La Chanson des Heures, Xavier Privas, page 207.
- (1868-1954)
- Yvette Blanche Germaine pianiste (1895-1968), d'abord Chevallier puis Blavet en 1896 deviendra Blavet-Huvey par une procédure d'adoption initiée par Louis Huvey en 1952 et transcrite sur l'acte de naissance le 4/1/1953.
- La sœur de Blanche, Marie-Henriette (alias Berthe Cavelli) s'est mariée avec Louis Cohn, publiciste et négociant parisien d'origine juive et polonaise, fils de l'insurgé varsovien Jacques Cohn. Après avoir donné naissance à des jumeaux le 2/6/1894, le couple se marie le 5/12/1894 et s'installe dans le 9e au 171 rue du Faubourg Poissonnière. Sur l'acte de mariage sont cités comme témoins : Wladimir Cohn, courtier, Maurice Truy, consul de France à Santiago de Cuba, Joseph Landau, médecin, Edouard Mernheim, publiciste. Berthe Cavelli semble alors ne plus travailler.
- Xavier PRIVAS La Chanson sentimentale, Paris librairie Léon Vanier, éditeur A. Messein, 1906
- Revue L'Idée du 15/5/1906.
- Journal Le Ménestrel du 28/7/1933.
- tombe 8, avenue des Jardins, Division 31, Ligne 19: Blanche Huvey avec son mari Louis Huvey et sa fille Yvette Blavet-Huvey.