Les courses de board track (courses sur piste en bois) étaient un type de sport mécanique populaire aux États-unis pendant les années 1910 et 1920. Les compétitions se déroulaient sur des pistes circulaires ou ovales, avec des surfaces composées de planches de bois. Ce type de tracés, appelés motordromes, fut d'abord utilisés pour les motos de compétition avant d'être adaptés pour une utilisation par différents types de voitures de course. La majorité des courses du championnat national américain furent disputées sur ce type de circuits au cours des années 1920.

Équipes sur la grille de départ d'une course au Baltimore-Washington Speedway en 1925.

Ce type de pistes proliféra en partie parce qu'elles étaient peu coûteuses à construire. Cependant elles souffraient d'une usure rapide et nécessitaient beaucoup d'entretien pour rester utilisables. Beaucoup de pistes ont fonctionné moins de trois ans avant d'être définitivement abandonnées.

Avec le début de la Grande Dépression dans les années 1930, les courses sur pistes en bois disparurent rapidement. Cependant, plusieurs de ses aspects les plus notables ont continué à influencer les sports mécaniques américains jusqu'à ce jour : l'aspect technique de la vitesse brute produite par la forte inclinaison de la rampe; une largeur de piste suffisante pour permettre des dépassements réguliers entre concurrents; le développement de vastes tribunes ou de sièges pour spectateurs de style stade entourant de nombreux circuits.

Historique modifier

Construction d'une piste à Uniontown, en Pennsylvanie, en 1916

La première piste de board track pour la course automobile fut la piste circulaire du Los Angeles Motordrome, construite en 1910 dans la région qui deviendra plus tard la ville de Playa del Rey district [1]. Basée sur la même technique que les vélodromes européens utilisés pour les courses de vélos de compétition, cette piste et d'autres comme elles furent construites avec des planches de 51 mm par 102 mm, le plus souvent avec des virages en dévers pouvant aller jusqu'à 45°. Dans certains cas, comme pour la piste de Culver City, la pente était de 50 degrés voire plus [2]. D'autres pistes construites plus tard étaient plus longues, jusqu'à 3 km en 1915, et les temps de passage de vitesses dépassant les 161 km/h étaient monnaie courante [3],[4],[5].

L'intérêt dans les sports mécaniques explosa au cours de cette période et, en 1929, au moins 24 pistes de board track avaient été construites à travers le pays. Pourtant dès 1931, 20 des 24 pistes avaient déjà été fermées ou abandonnées, et à partir de 1932 il n'y avait plus de championnats de courses sur pistes en bois [6],[7]. Ces pistes étaient relativement peu coûteuses à construire par rapport à des installations permanentes. Le coût total de fabrication de la piste de 3 km du Tacoma Speedway était par exemple de seulement de 100 000 $ en 1915, en comparaison des 700 000 $ dépensés en 1909, juste pour paver les 4,0 km de l'Indianapolis Motor Speedway [8],[9].

Motos de course sur un board track en 1911
Barney Oldfield (à gauche), pilotant une voiture sur un board track en 1915
Nom Localisation Longueur
circuit
Années
[7]
Los Angeles Motordrome Playa del Rey, Californie 1,6 km 1910 - 1913
Oakland Motordrome Elmhurst, Californie 0,8 km 1911 - 1913
Speedway Park Chicago, Illinois 3,2 km 1915 - 1918
Des Moines Speedway Valley Junction, Iowa 1,6 km 1915 - 1917
Omaha Speedway Omaha, Nebraska 2,01 km 1915 - 1917
Sheepshead Bay Speedway Brooklyn, New York 3,2 km 1915 - 1919
Tacoma Speedway Tacoma, Washington 3,2 km 1915 - 1922
Uniontown Speedway Hopwood, Pennsylvanie 1,811 km 1916 - 1922
Cincinnati Motor Speedway Sharonville, Ohio 3,2 km 1916 - 1919
Beverly Hills Speedway Beverly Hills, Californie 2,01 km 1920 - 1924
Fresno Speedway Fresno, Californie 1,6 km 1920 - 1927
San Francisco Speedway San Carlos, Californie 2,01 km 1921 - 1922
Cotati Speedway Santa Rosa, Californie 2,01 km 1921 - 1922
Kansas City Speedway Kansas City, Missouri 2,01 km 1922 - 1924
Altoona Speedway Altoona, Pennsylvanie 2,01 km 1923 - 1931
Charlotte Speedway Pineville, Caroline du nord 2,01 km 1924 - 1927
Culver City Speedway Culver City, Californie 2,01 km 1924 - 1927
Rockingham Park Salem, New Hampshire 2,01 km 1925 - 1928
Baltimore-Washington Speedway Laurel, Maryland 1,811 km 1925 - 1926
Fulford - Miami Speedway Fulford, Floride 2,01 km 1926 - 1927
Atlantic City Speedway Hammonton, New Jersey 2,4 km 1926 - 1928
Akron-Cleveland Speedway Northampton Township, Ohio 0,8 km 1926 - 1930[10]
Pittsburgh-Bridgeville Speedway Bridgeville, Pennsylvanie 0,8 km 1927 - 1930
Woodbridge Speedway Woodbridge, New Jersey 0,8 km 1929 - 1931

Les courses sur ces pistes ont souvent attiré de nombreux spectateurs payants. En 1915, une foule de 80 000 personnes fut signalée à Chicago. Trois semaines après seulement, 60 000 avaient assisté à l'Indianapolis 500. Relativement petite et isolée la ville de Tacoma (population de 83 000 habitants en 1910) avait reçu 35 000 personnes venues voir une course un an avant [11],[12]. Pour attirer à la fois des pilotes et des spectateurs, les organisateurs de course offraient ce qui était considéré comme de sensationnelles primes en argent. Un gain total de 25 000 $ n'était pas rare à l'époque de la Première Guerre mondiale [13],[14].

Après la Première Guerre mondiale le conseil d'administration de l'Automobile Association of America reprit et réorganisa le système du Championnat National [15]. À partir du début de la saison 1920 jusqu'à la fin de 1931, l'AAA sélectionna un total de 123 courses de championnat sur 24 pistes de course différentes. 82 de ces courses furent courues sur des pistes en bois (12 le furent sur les briques d'Indianapolis et 29 autres sur des pistes de terre ou sur route) [16].

Sécurité modifier

Voiture ayant couru quelques courses sur piste en bois

La première piste à Playa del Rey était inclinée avec un rapport de 3:1 (environ 20°), mais les pistes suivantes furent construites avec une plus grande inclinaison et certaines pistes moto furent même inclinées jusqu'à 60° [17],[18]. Si aujourd'hui la conception physique d'une telle piste parait évidente, cela n'était pas le cas à cette époque jusqu'à la construction du Beverly Hills track en 1919. C'est seulement à partir de cette date que les constructeurs commencèrent à intégrer les connaissances en ingénierie qui étaient utilisées dans les chemins de fer depuis des décennies. À Beverly Hills, le concepteur Art Pillsbury, qui travailla par la suite sur plus de la moitié des pistes du championnat national, fut le premier à utiliser la courbe de transition de voie et ses effets sur le pilotage. Selon Pillsbury, correctement conçue, cette piste pouvait être conduite sans intervention du pilote sur la direction, la voiture s'orientant d'elle-même, simplement en raison de la géométrie de la piste [17].

Indian Board Track Racer de 1912, exposé au Californie Automobile Museum

Les effets de ces changements furent des vitesses plus élevées en virage et plus de G pour les pilotes, mais pas nécessairement une plus grande sécurité. Les accidents mortels continuèrent d'augmenter sur les pistes dans les années 1920 notamment quatre pilotes vainqueurs de l'Indianapolis 500. Trois sur la piste d'Altoona (une autre piste de Pillsbury) à Tipton, Pennsylvanie, et trois la même année ou ces pilotes avaient remporté Indianapolis. Le vainqueur des 500 miles d'Indianapolis 1919, Howdy Wilcox trouva la mort dans une course le 4 septembre 1923. Le vainqueur ex-æquo de 1924, Joe Boyer, et celui de 1929, Ray Keech, eurent des accidents mortels à l'entrainement la même année que leur victoires à l'Indianapolis 500. L'accident de Keech eu lieu seulement dix-sept jours après sa victoire, le 15 juin 1929. Gaston Chevrolet, le vainqueur des 500 miles d'Indianapolis 1920, trouva la mort cet automne, le 25 novembre 1920, le jour de la course de Thanksgiving à Beverly Hills [19].

Même lorsque les voitures n'avaient pas d'accident, courir sur ces pistes était extrêmement dangereux en raison des éclats de bois, des débris, et de la technologie primitive des pneus de l'époque [20],[21]. Un pilote racontait ces histoires sur des éclats de bois enfoncés dans le visage des pilotes, et les soudaines défaillances des pneus causées par l'état de la piste [22]. Les voitures étaient équipées de dispositifs anti-éclats pour protéger leurs radiateurs [23] mais les autres dispositifs de protection n'avaient pas encore été inventés (ceintures de sécurité, arceau de sécurité ou protection contre l'incendie) [24]. Les pilotes étaient souvent éjectés de leurs voitures, retombant de plusieurs mètres, et souvent même percutés par leur propre voiture ou par un autre concurrent. Pete DePaolo écrivit dans son livre Wall Smacker que les courses sur ces pistes étaient «une grande sensation, se déchirant autour d'une piste de vitesse en esquivant trous et bouts de bois volant».

Sur les Motordromes, la situation était aussi très dangereuse, et le danger était aggravé par l'absence pour les coureurs d'équipement de sécurité appropriés [25]. Les admirateurs étant assis au-dessus de la piste, lorsqu'un coureur perdait le contrôle il pouvait glisser hors de la piste et partir dans la foule. Beaucoup de pilotes tués dans des accidents entraînèrent également la mort de spectateurs. Le motordrome de Nutley, New Jersey, une piste de 1/8 mi (201,168 m) de forme ovale inclinée à 45° (générant des temps au tour de 8 secondes ou moins), et construit à partir de bois de sciage de 1 po × 12 po (25 mm × 305 mm), était "sans conteste le plus meurtrier" [26]. Le 8 septembre 1912, "Texas Cyclone" Eddie Hasha fut tué sur un Motordrome à Newark dans le New Jersey. Cet accident entraina également la mort d'un autre pilote, de quatre spectateurs et en blessa dix de plus. Ces décès firent la une du New York Times [27], et la presse a commencé à appeler les circuits courts de 1/4 et 1/3 de miles des "Murderdromes" [18]. Les courses de championnat moto de 1913 furent courues sur des pistes de terre car cette surface était plus sûre [28]. L'organisation nationale des courses de moto finit par interdire toutes les compétitions sur des pistes en bois plus courtes que 2 km en 1919 [29]. Un à un les fabricants retirèrent leur soutien en raison de la publicité négative.

La fin des courses sur pistes modifier

Les vitesses de qualification au two-mile Tacoma Speedway, ont été parfois plus rapides que ceux d'Indianapolis.

Un contributeur majeur à la disparition des pistes de board tracks fut également le coût élevé de maintenance. À cette époque on ne disposait pas de produit de préservation du bois et, en fonction du climat, les pistes avaient besoin, en moyenne, de nouveaux panneaux de bois tous les cinq ans. Le re-surfaçage nécessitait un million de pieds-planche de nouvelles lattes de bois par 2,01 km de voie, ce qui rapporté au coût actuel, aurait coûté autour de 125 000 $. Ainsi, au cours de la dernière décennie des pistes de board track, des charpentiers réparaient les pistes par-dessous, parfois même au cours d'une course, tandis que les voitures roulaient à plus de 193 km/h.

Un autre facteur est qu'à mesure que la vitesse augmentait, le dépassement devenait plus difficile. La voiture la plus rapide gagnait ainsi presque toujours la course, tant que le véhicule tenait assez longtemps pour terminer la course. Cela conduisit les spectateurs à se détourner de ces courses pour celles moins prévisibles qui avait lieu sur des pistes de terre [30].

Bien que les courses de board track aient disparu de la scène des championnats nationaux en 1932, quelques petites pistes continuèrent à fonctionner pendant quelques années. Comme le Coney Island Vélodrome qui accueilli des courses de midget au moins jusqu'en 1939, et le Castle Hill Speedway dans le Bronx qui faisait également courir des midgets dans les années 1940 [31],[32].

Voir aussi modifier

Références modifier

  1. Sam Gnerre, « Los Angeles Motordrome », South Bay History, (consulté le )
  2. Davidson, Donald, « On the Boards », 2005 Indianapolis 500 Official Program, Indy Publications,‎ , p. 169
  3. Automotive Industries, Volume 35, Chilton Company, Incorporated, , 1097 p. (lire en ligne), « 1916 - A 100 M.P.H. Speed Era »
  4. « Speedway Practice - Feb. 5 », Motor West, vol. 32,‎ , p. 46
  5. Mark Christensen et Tony Thacker, SO-CAL Speed Shop : The Fast Tale of the California Racers Who Made Hot Rod History, MotorBooks International, , 192 p. (ISBN 978-0-7603-2263-5)
  6. Griffith Borgeson, The Golden Age of the American Racing Car, SAE International, , 367 p. (ISBN 978-0-7680-0023-8), « Chapter 3 »
  7. a et b name="borgesonapx">Griffith Borgeson, The Golden Age of the American Racing Car, SAE International, , 367 p. (ISBN 978-0-7680-0023-8), « Apendix II »
  8. Herbert Hunt, Tacoma : Its History and Its Builders; a Half Century of Activity, New York Public Library, S.J. Clarke Publishing Company, , 253 p., « Volume 2 »
  9. name="borgesonpg45">Griffith Borgeson, The Golden Age of the American Racing Car, SAE International, , 367 p. (ISBN 978-0-7680-0023-8), « Chapter 5 »
  10. James A. Martin et Thomas F. Saal, American Auto Racing : The Milestones and Personalities of a Century of Speed, McFarland & Company, , 231 p. (ISBN 978-0-7864-1235-8, présentation en ligne)
  11. (en) Riley Moffatt, Population History of Western U.S. Cities & Towns, 1850-1990, Lanham, Scarecrow, , p.333.
  12. name="tpl_38123">« Collection: Marvin D. Boland Collection Series: SPEEDWAY-011 (Unique: 38123) » [archive du ], Tacoma Public Library - Image Archives, Tacoma Public Library (consulté le )
  13. « Astor Cup will be 250 miles », Automotive Industries, vol. 35,‎ , p. 461
  14. name="borgesonpg11">Griffith Borgeson, The Golden Age of the American Racing Car, SAE International, , 367 p. (ISBN 978-0-7680-0023-8), « Chapter 3 »
  15. Griffith Borgeson, The Golden Age of the American Racing Car, SAE International, , 367 p. (ISBN 978-0-7680-0023-8), « Chapter 3 »
  16. Champ Car Stats
  17. a et b Borgeson, Griffith., The golden age of the American racing car, SAE International, (ISBN 0-7680-0023-8 et 9780768000238, OCLC 37373521, lire en ligne)
  18. a et b « Pioneers of American Motorcycle Racing, Chapter 4 », sur www.statnekov.com (consulté le )
  19. Davidson, Donald, « On the Boards », 2005 Indianapolis 500 Official Program, Indy Publications,‎ , p. 171
  20. Illustrated world, 37, R.T. Miller, Jr. Publisher,
  21. name="lakewood">Steve Dunkelberger et Neary, Walter, Lakewood, Arcadia Publishing, , 73–74 p. (ISBN 978-0-7385-3045-1)
  22. Griffith Borgeson, The Golden Age of the American Racing Car, SAE International, , 24 p. (ISBN 978-0-7680-0023-8)

    « You used to get hit with some terrific blocks and knots of wood. We all came in with pieces of wood bigger than kitchen matches driven into our face and foreheads. They'd go in, hit the bone and then spread out. Then you had to remove them, of course. »

  23. Glick, Shav, « BOARD TRACKS : Before Indianapolis, L.A.'s Toothpick Ovals Were King », Los Angeles Times, (consulté le )
  24. Dick Berggren, « Wall Smacker », Speedway Illustrated,‎ , p. 62–65
  25. Missy Scott, Harley-Davidson Motor Company, , 30 p. (ISBN 978-0-313-34889-1)
  26. Circle Track Magazine, 9/84, p.77..
  27. « Six killed by motor cyclist jumping track », The New York Times,‎ (lire en ligne [PDF], consulté le )
  28. 1918 Indian 8-Valve Racer, Dave Tharp, Retrieved December 10, 2007
  29. Pioneers of American Motorcycle Racing, Daniel K. Statnekov; Chapter 15; Retrieved December 10, 2007
  30. "The Miller Dynasty", Mark L. Dees
  31. Bill Twomey, The Bronx : In Bits and Pieces, Rooftop Publishing, , 63 p. (ISBN 978-1-60008-062-3)
  32. Michael Gabriele, The Golden Age of Bicycle Racing in New Jersey, The History Press, , 106 p. (ISBN 978-1-59629-427-1)

Liens externes modifier