Bombardement de Damas (1945)

Le bombardement de Damas désigne les opérations militaires menées à Damas par la France contre la République syrienne lors de l'insurrection syrienne de 1945. Le , le général Oliva-Roget, délégué français à Damas, profite d'un incident franco-syrien pour faire prendre d'assaut le Parlement de Damas. S'ensuit un bombardement par l'artillerie française et le pillage de la ville par les troupes françaises, jusqu'au .

Bombardement de Damas
Image illustrative de l’article Bombardement de Damas (1945)
Ruines à Damas après le bombardement

Date -
Lieu Damas
Victimes Syriens
Type Bombardement à l'arme lourde et pillages
Morts plusieurs centaines
Auteurs Drapeau de la France Armée du Levant
Drapeau de la Syrie Troupes spéciales
Motif Émeutes antifrançaises
Guerre Insurrection syrienne de 1945
Coordonnées 33° 31′ 05″ nord, 36° 17′ 35″ est
Géolocalisation sur la carte : Syrie
(Voir situation sur carte : Syrie)
Bombardement de Damas (1945)

Cet épisode conduit les Syriens à demander une intervention britannique, laquelle force les troupes françaises à évacuer définitivement la Syrie en 1946.

Contexte

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En juin 1941, le général Catroux, délégué général de la France libre au Levant, s'engage à mettre un terme au mandat français en Syrie et à accorder l'indépendance aux Syriens[1].

Toutefois les autorités françaises insistent pour imposer à la Syrie un traité prévoyant une présence militaire au Levant au-delà de la fin du mandat[1]. Le général de Gaulle en particulier juge que cette présence militaire peut perdurer dans la région ; il ne redoute pas de révolte et ordonne même l'envoi d'un bataillon supplémentaire de tirailleurs sénégalais, malgré les mises en garde contre le risque d'exaspérer les populations[1].

Historique

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La tension indépendantiste monte à Damas à partir de l'annonce du débarquement de renforts français à Beyrouth le 5 et le 17 mai[2]. Des manifestations commencent dans toutes les grandes villes syriennes le 18[3]. En réponse, l'Armée française fait patrouiller des blindés et des avions du groupe de bombardement I/17 Picardie survolent la ville. Des émeutiers syriens attaquent des Français[2],[4]. Une insurrection générale est déclenchée dans la nuit du 27 au 28[3],[5].

Le 29 mai à 19 h, un incident éclate lorsque les gendarmes syriens gardant le Parlement refusent de saluer le drapeau bleu-blanc-rouge hissé à l'état-major français[4],[3]. Une grenade éclate ; les Français utilisent leurs armes lourdes : les gendarmes syriens sont visés par des mortiers, des canons de 75 et des chars. Les tirailleurs sénégalais donnent ensuite l'assaut[3]. 28 des 30 défenseurs syriens du Parlement sont tués, certains massacrés à l'arme blanche après leur capture[4]. Les parlementaires parviennent à s'échapper mais les soldats français saccagent le bâtiment[3],[5].

L'assaut se poursuit sur les postes de police syriens et les bâtiments gouvernementaux syriens[3]. L'artillerie cible la citadelle de Damas, le Sérail (place Marjeh (en)) et l'hippodrome, puis les tirs se déplacent sur l'hôtel de ville, la direction de la Police, la Banque de Syrie, l’immeuble de l’office des céréales panifiables, l’hôtel Grumayad, l’Orient Palace et la gare du Hedjaz. Le groupe de bombardement Picardie largue trois bombes sur la citadelle tenue par les troupes du gouvernement syrien[5].

Les combats se calment le lendemain matin puis reprennent lorsque les Syriens contre-attaquent et reprennent le Parlement, l'hôtel de ville, la direction de la Police et la Banque de Syrie. Le 30 au soir, le Parlement est à nouveau perdu[3].

Le général Oliva-Roget continue de faire tirer les canons français jusqu'au 31 au matin. Les Syriens commencent alors à capituler, installant des drapeaux blancs tandis que certains gendarmes se rendent. Les troupes françaises, sénégalaises et le 7e bataillon du Levant entrent alors dans les souks de Damas et commencent à piller les commerces[3]. Des inspections britanniques dans les casernes françaises découvrent début juin de nombreux objets volés lors du pillage de la ville, malgré les dénégations du général Oliva-Roget[2].

Dans la nuit du au , le commandement français donne l'ordre de cesser le feu sous la pression des Britanniques. À l'aube, une importance colonne de la 9e armée pénètre dans Damas. Dans l'après-midi, les forces françaises sont consignées dans leurs casernes[3].

Pertes humaines

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Les estimations des pertes syriennes (civils et insurgés) sont de plusieurs centaines de morts[6] (selon les sources 480 morts et 1 500 blessés[7], voire 600 morts et 1 500 blessés selon le premier ministre syrien de l'époque[4] ou encore 800 morts[8]). Le chiffre de 2 000 morts, mentionné par Winston Churchill[3] et parfois repris comme bilan du bombardement[9], correspond à une estimation donnée pour l'ensemble de la Syrie[3],[5].

Références

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  1. a b et c Journoud, P. (2018), «De la contribution des colonisés à l’effort de guerre métropolitain à la répression brutale des insurrections anticoloniales par la métropole 1940-1945». Dans Drévillon, H. et Wieviorka, O. (dir.), Histoire militaire de la France II. De 1870 à nos jours. ( p. 485 -503 ). Perrin. https://doi.org/10.3917/perri.drevi.2018.01.0485 (voir en particulier «La fin du dessein français au Moyen-Orient»)
  2. a b et c Anne Bruchez, « La fin de la présence française en Syrie : de la crise de mai 1945 au départ des dernières troupes étrangères », Relations internationales, vol. 122, no 2,‎ , p. 17–32 (ISSN 0335-2013, DOI 10.3917/ri.122.0017, lire en ligne, consulté le )
  3. a b c d e f g h i j et k Henri de Wailly, « La Honte », dans 1945, l'Empire rompu: Syrie, Algérie, Indochine, Éditions Perrin, (ISBN 978-2-262-04032-1, lire en ligne)
  4. a b c et d « 29 أيار - اكتشف سورية », sur www.discover-syria.com (consulté le )
  5. a b c et d Maurice Albord, « Chapitre V. L’échec de la France au Levant : 1945 », dans L’Armée française et les États du Levant : 1936-1946, CNRS Éditions, coll. « Moyen-Orient », (ISBN 978-2-271-07859-9, lire en ligne), p. 273–316
  6. Vincent Lemire, « France-Syrie, un passé qui ne passe pas », sur www.lhistoire.fr (consulté le )
  7. Qāsim Sallām, Le Ba'th et la patrie arabe, Editions du Monde arabe, (ISBN 978-2-86584-006-9, lire en ligne), p. 130
  8. James Barr (trad. de l'anglais par Johan Frederik Hel Guedj), « Le moment de marquer le coup », dans Une ligne dans le sable : Le conflit franco-britannique qui façonna le Moyen-Orient [« A Line in the Sand »], Éditions Perrin, coll. « Domaine étranger », (lire en ligne), p. 337–354
  9. Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud, « Chapitre 1. Les violences territoriales:La force pour imposer la géographie », Nouveaux Débats,‎ , p. 17–59 (lire en ligne, consulté le )