Bordeaux (couleur)
Le bordeaux, également appelé bourgogne au Québec[1], est un champ chromatique qui regroupe des teintes rouge sombre. C'est à l'origine, à la fin du XIXe siècle, le nom commercial d'un colorant de synthèse, donnant un rouge violacé, adopté en référence à la teinte des vins rouges du Bordelais. Le champ des nuances désignées par le terme bordeaux déborde cependant largement de celui des couleurs des vins.
Historique
modifierLe terme bordeaux, au sens de couleur, n'est attesté que depuis 1884[2]. Les premières occurrences décrivent les couleurs obtenues avec les colorants ou pigments azoïques (naphtol), récemment inventés ; il semble que Bordeaux ait été le nom commercial d'un de ces colorants, « dont la nuance tire sur le violet », breveté en 1878 par la maison Meister, Lucius et Brüning[3]. C'est aussi la définition donnée par l'Oxford English Dictionary[4].
Quelques années auparavant, on était plus explicite : « —Mais enfin, s'écria le directeur, expliquez-moi au moins ce que c'est que votre velours-cardinal ? — C'est du velours rouge, du velours couleur de vin de Bordeaux[5] ». Cette association au mot « velours » n'est sans doute pas le fruit du hasard. Au XIXe siècle, Chevreul situe les couleurs les unes par rapport aux autres et aux raies de Fraunhofer. Passe-velours est une couleur de teinture de l’ancienne Instruction générale pour la teinture des laines de 1671. Elle se fait par mélange de rouge de garance et de bleu. Chevreul l'évalue à 5 violet 13 ton[6]. Le 5 violet est contigu au violet-rouge.
La période de création du nom de couleur bordeaux est celle de l'essor de la chimie des colorants. Les nouveaux rouges et violets bien plus soutenus que ce que les teintures naturelles permettaient ont connu un succès commercial immédiat. « L'essayiste américain Thomas Beer a donné jadis à la décade 1890-1900 le nom de décade mauve[7] ». Les teinturiers britanniques vendirent ces nouvelles couleurs sous des noms commerciaux français, exotiques et « chics » pour leurs clients[8] ; il en résulte que les noms de couleur des gammes entre le violet et le pourpre désignent fréquemment des nuances différentes en anglais et en français. La couleur bordeaux se désigne en anglais par maroon ou par burgundy (« bourgogne »)[9].
Définition et nuances
modifierLa norme AFNOR NF X 08-010 « Classification méthodique générale des couleurs » (annulée le 30 août 2014) donnait des limites pour le champ chromatique des « bordeaux ». Selon cette classification, ils couvrent l'ensemble des teintes rouges, du rouge-orangé au rouge-pourpre et même au pourpre-rouge pour les plus sombres ; la clarté est faible ; la chromaticité est moyenne. Plus clairs, les bordeaux deviennent des roses ; avec un apport de jaune, ils deviennent marron[10]. La teinte lie de vin, bien attestée depuis le XIXe siècle en France, y désigne un bordeaux tirant sur le violet.
Le Répertoire des couleurs de la Société des chrysantémistes donne parmi les rouges quatre tons de la couleur « Vin de Bordeaux » ; la conservation des couleurs imprimées ne permet pas de se faire une idée de la nuance, un peu plus sombre que « Gros vin » ; cependant le ton 4 est celui de la « betterave rouge cuite, en tranches minces »[11].
Nuanciers commerciaux
modifierOn trouve sous le nom de Bordeaux des couleurs étonnamment différentes, compte tenu de la définition adoptée par l'AFNOR à la suite des travaux du Groupe Permanent pour l'Étude des Marchés des Peintures et Vernis dans les années 1960 et 1970.
Nous avons ainsi un pastel bordeaux 13 [12] une peinture laque bordeaux 3133[13].
Le nuancier de papier mi-teintes Canson donne un bordeaux, n° 116. Celui des couleurs huile studio Caran d'Ache donne bordeaux, n° 085[14], celui de Winsor & Newton Maroon, n° 657[15]. Leroux propose un « Violet cardinal » sous-titré « Bordeaux d'alizarine »[16].
Synonymes
modifierLes dictionnaires français renvoient en général sur grenat[17].
Au Québec, on dit aussi bourgogne[18], peut-être par effet du bilinguisme ; « burgundy », comme « maroon », désignent les nuances bordeaux[19].
Beaux-arts
modifierTrois pigments organiques de synthèse de couleur bordeaux s'utilisent dans les beaux-arts :
- le rouge de naphtol (Colour Index PR12) ;
- le rouge de pérylène PR179 (aussi vendu comme nuance — c'est-à-dire imitation — d'Alizarine);
- le rouge de quinacridone PR206 (aussi vendu comme Garance brune).
Annexes
modifierBibliographie
modifier- Annie Mollard-Desfour, Le Rouge : Dictionnaire des mots et expressions de couleur. XXe et XXIe siècles, CNRS éditions, coll. « Dictionnaires », (1re éd. 2000)
- Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, Encyclopédie de la peinture : formuler, fabriquer, appliquer, t. 3, Puteaux, EREC, , p. 308-309 « Rouges (pigments) — Naphtols AS »
Articles connexes
modifierNotes et références
modifier- Traduction de l'anglais "burgundy" (Bourgogne).
- « Fabrication de matières colorantes tétrazoïques (…) Préparation des couleurs bordeaux, par l'action du diazoazoxylène sur les sulfonaphtols », « Le moniteur scientifique », sur bnf.gallica.fr.
- Adolphe Kopp, « Naphtaline (couleurs de) », dans Ad. Wurtz, Supplément au Dictionnaire de chimie pure et appliquée, 1892-1908 (lire en ligne), p. 1049.
- « Bordeaux (2). A shade of red produced by any of several red azo-dyes derived from beta-naphtol » (une nuance de rouge produite par une entre plusieurs teintures azoïques dérivées du béta-naphtol), attesté en Angleterre en 1904.
- Arnold Mortier, Les soirées parisiennes, Paris, Dentu, (lire en ligne) (publié auparavant dans Le Figaro).
- Michel-Eugène Chevreul, « Moyen de nommer et de définir les couleurs », Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, t. 33, , p. 122 (lire en ligne).
- André Maurois, « Les écrivains anglais contemporains: Aldous Huxley », La Revue hebdomadaire, Paris, , p. 60-82 (81) (lire en ligne). Thomas Beer (en) a publié « The Mauve Decade » en 1926.
- Philip Ball (trad. Jacques Bonnet), Histoire vivante des couleurs : 5000 ans de peinture racontée par les pigments [« Bright Earth: The Invention of Colour »], Paris, Hazan, , p. 310-311.. Selon cet auteur, p. 306 la « décade mauve » commence à la fin des années 1850.
- L'Oxford English Dictionary n'enregistre pas burgundy dans cet usage. Le Harrap's compact, dictionnaire français-anglais, l'indique. Le Colour Index connaît, surtout dans le champ PR (rouge) et un peu dans le champ PV (violet), peu de dénominations commerciales de colorant burgundy en comparaison avec bordeaux, et pas de bourgogne. Le PR275 se vend comme maroon ou comme burgundy.
- Robert Sève, Science de la couleur : Aspects physiques et perceptifs, Marseille, Chalagam, ;
Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, Encyclopédie de la peinture : formuler, fabriquer, appliquer, t. 2, Puteaux, EREC, , p. 159. - Henri Dauthenay, Répertoire de couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs, des feuillages et des fruits : publié par la Société française des chrysanthémistes et René Oberthür ; avec la collaboration principale de Henri Dauthenay, et celle de MM. Julien Mouillefert, C. Harman Payne, Max Leichtlin, N. Severi et Miguel Cortès, vol. 1, Paris, Librairie horticole, (lire en ligne), p. 167 ; le vol. 2 donne les classements par ton.
- « Les pastels à la cire Manley », sur www.oz-international.com.
- « finitions », sur www.comus-marine.com.
- « Toutes les couleurs de Caran d'Ache », sur carandache.com (consulté le )
- « Huile extra-fine », sur winsornewton.com (consulté le ). L'intitulé traduit l'anglais maroon, qui correspond plus au bordeaux français qu'au marron (« brownish-crimson or claret colour », une couleur particulière brun-cramoisie ou couleur de vin [de Bordeaux], OED). La présentation des « Nouvelles couleurs », sur www.winsornewton.com indique « 657 (…) Bordeaux à pigment simple » (Benzimidazalone PBr25).
- « Nuancier Leroux », sur couleursleroux.fr.
- Dictionnaire Robert, Trésor de la langue française.
- Office Québécois de la langue française, « Liste d'adjectifs de couleur » ; [1].
- Le Grand dictionnaire terminologique de l'office québécois de la langue française, « Bourgogne » indique que le bourgogne est « rouge foncé tirant légèrement sur le violet, qui rappelle la couleur du vin rouge (…) Au Québec, c'est le terme bourgogne qui est couramment utilisé pour qualifier un objet de couleur rouge vin, tandis qu'en France, c'est le terme bordeaux qui est utilisé dans la langue courante pour désigner cette même couleur. Bien que les vins de Bourgogne et les vins de Bordeaux aient généralement une teinte légèrement différente, cette distinction n'est pas prise en compte dans le langage courant et ne semble pas être à l'origine de cette différence d'appellation ». Il note aussi l'influence possible de Burgundy mais que les bourgogne et bordeaux sont tous les deux acceptables.