Caméra intelligente
Une caméra intelligente (ou caméra augmentée) est un système de capture vidéo, éventuellement industriel ou militaire, parfois très compact ou miniaturisé, qui capture des images et les interprète. Ces dispositifs sont équipé de logiciels d'intelligence artificielle de plus en plus sophistiqués, et éventuellement compatible avec la réalité augmentée. Ces caméras, associées à la reconnaissance automatique de visage et de plaque d'immatriculation, contribuent à l'émergence d'une société de la surveillance (en Chine notamment où ces caméras alimentent aussi le système de crédit social).
En France, la CNIL a plusieurs fois rappellé les risques induits pour les libertés individuelles et qu'hors du cadre légal expérimental et temporaire autorisé pour les Jeux olympiques 2024 (jusqu'au 31 mars 2025), l'utilisation de caméras augmentées en temps réel est interdite. Seule lutilisation de logiciels d'analyse automatique d'images déjà enregistrées est autorisée, et uniquement dans le cadre d'enquêtes judiciaires, de manière strictement encadrée. "Compte tenu des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes et la préservation de leur anonymat dans l’espace public", la Cnil conclut en indiquant qu'elle restera "vigilante quant à l'utilisation qui est faite par les pouvoirs publics ainsi que les collectivités des caméras 'augmentées' ou tout autre logiciel d'analyse vidéo"[1],[2].
Description
modifierUne caméra intelligente est une caméra numérique dans laquelle est ajoutée une électronique permettant le traitement d'image direct et de communiquer avec les systèmes environnants : réseau, automates, opérateurs, etc.[3]
Ces systèmes sont construits autour d'un microprocesseur, aux commandes du capteur d'images et de l'ensemble des circuits d'interface. Le microprocesseur, associé à de la mémoire, remplit les mêmes fonctions qu'un ordinateur mais en plus compact, éventuellement augmentées par l'Intelligence artificielle (deep learning, etc.).
Utilisation
modifierDepuis quelques années[Quand ?], la vente de ces systèmes a supplanté la vente des systèmes de vision classiques — les caméras traditionnelles dont le signal est ensuite traité par ordinateur — en nombre de systèmes installés. Cette évolution est due en partie au coût des équipements, de l'ordre de deux fois inférieur aux systèmes classiques, mais peut-être plus encore au matériel et aux logiciels qui peuvent désormais rivaliser avec les systèmes basés sur un poste informatique pour des applications simples.
Dans l'industrie, les caméras intelligentes peuvent être vues globalement comme des capteurs s'intégrant facilement dans les processus de contrôle automatisé. En outre, celles-ci présentent l'avantage d'être compactes et de ne pas nécessiter la présence de multiples périphériques d'interface. Enfin, pour des applications nécessitant plusieurs captures asynchrones, elles sont la plupart du temps mieux adaptées qu'un système informatique traditionnel. Pour des applications très complexes, elles sont parfois utilisées avec d'autres caméras au sein d'un système informatique.
le cinéma utilise aussi des caméras intelligentes, pilotées par ordinateur, éventuellement portées par un drone.
Caractéristiques techniques
modifierLes caméras intelligentes se caractérisent par :
- le type de capteur (CCD/CMOS, noir et blanc ou couleur, taille et résolution, sensibilité, type d'obturateur, etc.) ;
- les performances du processeur ;
- la quantité de mémoire embarquée (image, programme et data) ;
- le type de monture pour l'objectif ;
- les interfaces entrée/sortie, bus terrain, réseau ;
- les possibilités d'affichage et résolutions supportées ;
- le ou les logiciels disponibles.
Applications typiques
modifierLes applications sont pratiquement aussi nombreuses qu'il existe de produits à contrôler. Toutefois, plusieurs applications que l'on peut qualifier de standard ont prouvé leur efficacité.
- contrôle de conformité (nombres d'éléments et leurs positions) ;
- mesures sans contact ;
- identification et tri ;
- lecture et vérification de marquage (caractères, code barres, data matrix) ;
- contrôles de processus continu (extrusion de plastique, vérification de tissu ou de soudure) ;
- commande de systèmes robotiques (détection de position et d'orientation 2D et 3D) ;
- vidéosurveillance ;
- biométrie.
De nos jours, la majorité des fabricants de caméras industrielles proposent aussi des caméras intelligentes.
Critiques et controverses relatives à la vidéosurveillance automatisée
modifierLes caméras de surveillance s'inscrivent dans une société de surveillance, du signalement[4], du soupçon[5], qui fait l'objet de diverses critiques[6].
Elles sont, dans les années 2000-2020, devenues courantes en milieu urbain (où elle peut notamment contribuer à la bureaucratie des données[7], à la privatisation de certains quartiers et de certaines informations)[8]. On les trouve aussi en milieu rural, industriel, domestique, dans certains bâtiments publics, etc. avec des résultats souvent mitigés concernant certains problèmes de sécurité ; et avec des usages liberticides par des dictatures, des systèmes totalitaires (en Chine pour la surveillance et le crédit social, notamment)[9] ou hors de l’État de droit. Des logiciels de détection et analyse automatique, d'annotation, etc. leurs sont de plus en plus associés (détection et comptage de véhicules, de personnes, reconnaissance faciale[10] et de comportements "anormaux"...), ce qui interroge les aspects financiers, environnementaux (empreinte carbone et énergétique des serveurs et de l'IA), éthiques et moraux de leur généralisation.
A l'heure de la marchandisation quasiment non régulée de la donnée personnelle[11] et de l'émergence d'une police prédictive[12], et alors que l'IA peine à être régulée[13] et que l'éthique de l'IA est une discipline à peine émergente[14], leur déploiement à grande échelle n'a pas fait l'objet de véritables débats publics sur leur efficacité et la gestion des risques pour les libertés individuelles et collectives[15], notamment pour la reconnaissance faciale[16].
Bibliographie
modifier- Maghin Victor (2024) Thèse en sociologie : Les angles morts de la caméra intelligente: filtres scientifiques, débat confiné et marché discret (Thèse de Doctorat, Université Paris-Est) ; résumé ; Université Paris-Est, 2024. Français. .NNT : 2024PESC2005.. .tel-04678472.
- (en) Imed Bouchrika, John N. Carter et Mark S. Nixon, « Towards automated visual surveillance using gait for identity recognition and tracking across multiple non-intersecting cameras », Multimedia Tools and Applications, vol. 75, no 2, , p. 1201–1221 (ISSN 1380-7501 et 1573-7721, DOI 10.1007/s11042-014-2364-9, lire en ligne, consulté le )
Notes et références
modifier- Cnil, position sur les conditions de déploiement, « Caméras dites « intelligentes » ou « augmentées » dans les espaces publics », juillet 2022
- « Caméras augmentées et logiciels d'analyse vidéo : la Cnil met en demeure le ministère de l'Intérieur et six communes », sur www.banquedesterritoires.fr, (consulté le )
- (en) Ahmed Nabil Belbachir, Smart Cameras, New York, Springer, , 404 p. (ISBN 978-1-4419-0952-7, LCCN 2009937051)
- Chambon Jean-Baptiste (2021) « Ce que les données de signalement font aux pouvoirs urbains. Enquête sur l’application DansMaRue de la Ville de Paris. », Workin Paper, Chaire « Villes et Numérique », Sciences-Po
- Florent Catagnino (2019) « Rendre “intelligentes” les caméras, déplacement du travail des opérateurs de surveillance et redéfinition du soupçon »
- Florent Castagnino, « Critique des surveillances studie s. Éléments pour une sociologie de la surveillance », Déviance et Société, vol. Vol. 42, no 1, , p. 9–40 (ISSN 0378-7931, DOI 10.3917/ds.421.0009, lire en ligne, consulté le )
- Jean-Baptiste Chambon, « Des bureaucraties transformées par les données ? », Gouvernement et action publique, vol. VOL. 12, no 4, , p. 9–30 (ISSN 2260-0965, DOI 10.3917/gap.234.0009, lire en ligne, consulté le )
- Isabelle Baraud-Serfaty, La nouvelle privatisation des villes, vol. Mars/avril, , 149–167 p. (ISSN 0014-0759, DOI 10.3917/espri.1103.0149, lire en ligne)
- Séverine Arsène, « Le système de crédit social en Chine », Réseaux, vol. N° 225, no 1, , p. 55–86 (ISSN 0751-7971, DOI 10.3917/res.225.0055, lire en ligne, consulté le )
- Baichère, Didier. « Note n°14 : La reconnaissance faciale ». Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 07/19.
- Barraud De Lagerie, Pauline, et Emmanuel Kessous. « Chapitre 7. La mise en marché des « données personnelles » ou la difficile extension du marché à la personne ». In Marchés contestés : Quand le marché rencontre la morale, par Philippe Steiner et Marie Trespeuch, 219-50. Socio-logiques. Toulouse: Presses universitaires du Midi, 2020. http://books.openedition.org/pumi/8136.
- Bilel Benbouzid, « Des crimes et des séismes: La police prédictive entre science, technique et divination », Réseaux, vol. n° 206, no 6, , p. 95–123 (ISSN 0751-7971, DOI 10.3917/res.206.0095, lire en ligne, consulté le )
- Bilel Benbouzid, Yannick Meneceur et Nathalie Alisa Smuha, « Quatre nuances de régulation de l’intelligence artificielle: Une cartographie des conflits de définition », Réseaux, vol. N° 232-233, no 2, , p. 29–64 (ISSN 0751-7971, DOI 10.3917/res.232.0029, lire en ligne, consulté le )
- Valérie Beaudouin et Julia Velkovska, « Enquêter sur l’« éthique de l’IA »: », Réseaux, vol. N° 240, no 4, , p. 9–27 (ISSN 0751-7971, DOI 10.3917/res.240.0009, lire en ligne, consulté le )
- Maghin V (2024) Thèse : Les angles morts de la caméra intelligente: filtres scientifiques, débat confiné et marché discret (Thèse de Doctorat, Université Paris-Est) ; résumé ; PDF, 325 pages.
- Breton Xavier (2021) création d’un débat public préalablement à toute expérimentation en matière de reconnaissance faciale, Pub. L. No. N° 3993