Aníbal Cavaco Silva
Aníbal Cavaco Silva [ɐˈniβɐɫ ɐ̃ˈtɔɲu kɐˈvaku ˈsiɫvɐ][1], né le à Boliqueime (Algarve), est un homme d'État portugais. Membre du Parti social-démocrate, il est Premier ministre de 1985 à 1995 et président de la République de 2006 à 2016.
Ministre des Finances et du Plan dans le gouvernement de Francisco Sá Carneiro entre 1980 et 1981, il est élu président du Parti social-démocrate (PPD/PSD) en 1985. Il met alors fin à la grande coalition avec le Parti socialiste (PS) et remporte les élections législatives anticipées, ce qui l'amène à devenir le chef d'un gouvernement minoritaire. Il est Premier ministre pendant dix années, son parti obtenant la majorité absolue aux scrutins parlementaires de 1987 et de 1991.
Candidat à l'élection présidentielle de 1996, il recueille 46 % des suffrages et s'incline face à l’ancien maire socialiste de Lisbonne Jorge Sampaio. Cet échec le convainc de se mettre en retrait de la vie politique pour un certain temps.
Il fait son retour en se présentant à l'élection présidentielle de 2006, qu'il remporte dès le premier tour avec 50,5 % des voix. Il devient ainsi le premier chef de l’État issu du centre droit depuis la révolution des Œillets de 1974. Il est reconduit pour un second mandat à l’issue de l'élection présidentielle de 2011, recueillant 53 % des suffrages au premier tour. Il quitte la présidence du pays en 2016, ne pouvant légalement briguer un troisième mandat.
Situation personnelle
modifierÀ l'âge de dix ans, Aníbal Cavaco Silva est envoyé travailler dans une ferme par son grand-père, qui souhaite ainsi le punir de ses mauvais résultats scolaires. Aníbal Cavaco Silva retourne à l'école quelques années plus tard et se distingue comme un élève particulièrement brillant.
Il part ensuite vivre dans la capitale, Lisbonne, où il intègre l'Institut supérieur de sciences économiques et financières (ISCEF) de l'université technique (UTL), dont il sort licencié en 1964. Cette même année, il épouse Maria Alves da Silva, une professeure de philologie allemande avec qui il aura deux enfants.
Devenu professeur assistant à l'ISCEF en 1966, il quitte le Portugal deux ans plus tard pour travailler à l'université d'York, au Royaume-Uni ; il y obtient un doctorat en économie en 1973. Il retourne dans son pays natal en 1974, et obtient de nouveau un poste de professeur assistant à l'ISCEF, avant de devenir professeur à l'université catholique portugaise (UCP) l'année suivante.
À partir de 1979, il est professeur extraordinaire à la nouvelle université de Lisbonne, puis obtient le poste de directeur du bureau des études de la Banque du Portugal ; il y fait son retour entre 1996 et 2004, comme consultant pour le comité directeur.
Par la suite, il est professeur à l'Institut supérieur d'économie et de gestion (ISEG), qui a succédé à l'ISCEF.
Parcours politique
modifierMinistre des Finances et du Plan
modifierPeu après la révolution des Œillets, il rejoint le Parti populaire démocrate (PPD) de Francisco Sá Carneiro. Quand ce dernier accède au poste de Premier ministre le , il nomme Aníbal Cavaco Silva ministre des Finances et du Plan dans le VIe gouvernement constitutionnel.
À ce poste, il se forge une réputation de libéral, démantelant les régulations qui, selon lui, mettent un frein au développement de la libre entreprise. Il n'est toutefois pas reconduit dans le gouvernement formé par Francisco Pinto Balsemão en , un mois après la mort de Sá Carneiro.
Président du Parti social-démocrate
modifierLe , la gauche portugaise remporte nettement les élections législatives avec 54 % des voix et 138 sièges à l'Assemblée de la République. Toutefois, le Parti socialiste (PS) de Mário Soares décide de faire alliance avec le Parti social-démocrate (PSD) au sein d'une grande coalition, le « Bloc central », à laquelle Cavaco Silva refuse de prendre part.
À la suite de son élection à la tête du PSD le , il met fin au Bloc central, forçant le président António Ramalho Eanes à convoquer des élections législatives anticipées le .
Premier ministre pendant dix ans
modifierSon parti ayant remporté le scrutin à la majorité relative avec 88 sièges sur 250, Aníbal Cavaco Silva est nommé Premier ministre le [2]. Sa situation parlementaire est alors précaire : il peut compter sur le soutien des 22 députés du Centre démocratique et social (CDS), ce qui lui assure 110 voix, contre 95 à la gauche, mais pas sur celui des 45 élus du nouveau Parti rénovateur démocratique (PRD).
Durant les deux premières années de son mandat, le PRD s'abstint très fréquemment, permettant à Cavaco Silva de gouverner. Mais en 1987, l'Assemblée de la République vote une motion de censure à l'encontre de son gouvernement, obligeant le président Mário Soares à organiser de nouvelles élections législatives le .
Le jour du scrutin, le PSD s'impose largement avec 50,22 % des suffrages et 148 députés sur 250. C'est la première fois depuis la révolution des Œillets qu'un parti remporte la majorité absolue au Parlement. Le 18 août, Cavaco Silva est reconduit dans ses fonctions, et forme son second gouvernement, qui sera le premier depuis la révolution des Œillets à se maintenir en fonction tout au long de la législature.
Candidat à un troisième mandat aux élections législatives du , il réussit à conserver sa majorité absolue en obtenant 50,6 % des voix et 135 députés sur 230. Son troisième cabinet entre en fonction le 31 octobre.
Son mandat à la tête du gouvernement, le plus long de l'histoire démocratique portugaise avec neuf ans, onze mois et vingt-deux jours, a été marqué par une politique de baisse d'impôts et de dérégulation économique. Au cours de cette période, le Portugal a connu une croissance économique à la fois forte et ininterrompue, et a adhéré à l'Union européenne, ce qui lui a permis d'être bénéficiaire de fonds communautaires.
Toutefois, la crise économique européenne de 1993, qui fait remonter le chômage au Portugal, et l'usure du pouvoir finissent par avoir raison de sa forte popularité. Il renonce alors à disputer les législatives du , qui sont finalement remportées par le Parti socialiste (PS) d'António Guterres.
Échec à l’élection présidentielle de 1996
modifierAníbal Cavaco Silva se présente à l'élection présidentielle de 1996 face au candidat du Parti socialiste, l’ancien maire de Lisbonne Jorge Sampaio, qui l’emporte avec 53,9 % des suffrages exprimés contre 46,1 % pour l’ancien chef du gouvernement. À la suite de cette défaite, Aníbal Cavaco Silva se retire de la vie politique.
En retrait de la vie politique active
modifierDans le cadre de la campagne électorale pour les élections législatives anticipées de 2005, il refuse d’apporter son soutien au dirigeant du PSD et Premier ministre sortant, Pedro Santana Lopes.
Victoire à l’élection présidentielle de 2006
modifierLe , il annonce son intention de se présenter à l'élection présidentielle du , qu'il remporte dès le premier tour avec 50,6 % des suffrages[3].
Président de la République
modifierRapports compliqués avec José Sócrates
modifierAyant prêté serment le , Aníbal Cavaco Silva devient le dix-neuvième président de la République du Portugal et le premier issu du centre droit depuis la révolution des Œillets du .
Son mandat était initialement marqué par sa volonté d'entente mutuelle avec le gouvernement socialiste de José Sócrates, le chef de l'État ayant fait référence à la nécessité d'une « coopération stratégique » entre eux. Il a par la suite encouragé au dépassement des clivages partisans, au nom de l'intérêt national, et ce alors que le Parti socialiste détenait la majorité absolue au Parlement.
Toutefois, certains moments de sa présidence furent clairement marqués à droite. Ainsi, en , le Parlement adopte une résolution pour l'organisation d'un référendum légalisant l'interruption volontaire de grossesse. Cavaco Silva saisit alors le Tribunal constitutionnel sur la constitutionnalité du scrutin et de la question posée. La participation ne s'étant élevée qu'à 42 % des inscrits, le résultat était facultatif. Il décida toutefois de ne pas mettre son veto à la loi votée ensuite par l'Assemblée de la République.
Il a également refusé d'approuver la loi relative aux unions de fait, alertant sur « le risque d'une tendance à égaliser deux réalités différentes »[4], celle réformant le régime juridique du divorce, au motif que « il est important de ne pas faire abstraction de la vie matrimoniale du Portugal contemporain »[5], ainsi que le nouveau statut politico-administratif de la Région autonome des Açores.
Le , il annonce, lors de la prise de fonction du second cabinet Sócrates, désormais minoritaire à l'Assemblée de la République, vouloir être « une référence de stabilité » et réaffirme sa promesse de « coopération stratégique » avec l'exécutif[6]. Un peu plus de quatre mois plus tard, le , il demande au Tribunal constitutionnel de contrôler la conformité de la loi autorisant le mariage homosexuel avec la Constitution[7]. Ce recours, qui ne concernait pas l'interdiction d'adopter, est rejeté par le tribunal le 8 avril[8]. Il attend toutefois le 17 mai, veille de la date limite, pour promulguer le texte, regrettant qu'il n'ait pas fait l'objet d'un consensus parlementaire[9].
Réélection pour un second mandat en 2011
modifierLors d'un discours au Centre culturel de Belém, le , il se déclare candidat à l'élection présidentielle de 2011. Il en profite alors pour faire le bilan de son mandat, se posant en rassembleur de la classe politique face à la crise économique mondiale et défendant désormais l'exercice d'une « magistrature active », en opposition à la « magistrature d'influence » de son premier mandat, tout en rappelant que « le président ne doit ni gouverner, ni légiférer ». Il annonce en outre que ses dépenses de campagne ne dépasseront pas la moitié du minimum légal, fixé à environ quatre millions d'euros[10].
Le , il est réélu au 1er tour avec 53,14 % des voix[11] pour un nouveau mandat de cinq ans, face à cinq autres candidats, dont le socialiste Manuel Alegre qui obtient 19,8 % et qu'il avait déjà battu en 2006. Il prête serment le 9 mars et entame ainsi son second mandat de cinq ans.
Soutien aux gouvernements Passos Coelho
modifierÀ peine deux semaines plus tard, le 23 mars, il doit affronter une crise politique liée aux difficultés budgétaires du Portugal, qui conduit à la démission du Premier ministre, José Sócrates[12]. La veille, il avait affirmé, lors d'un déplacement à Porto, que la rapidité avec laquelle la crise évoluait avait « réduit sa marge de manœuvre »[13]. Il annonce, le 31 mars la dissolution du Parlement et la convocation d'élections anticipées pour le 5 juin, après avoir réuni le Conseil d'État dans l'après-midi[14].
Le scrutin ayant été nettement remporté par les partis du centre droit, il nomme, le 15 juin, le président du Parti social-démocrate, Pedro Passos Coelho, au poste de Premier ministre.
Le 19 août, Anibal Cavaco Silva émet des réserves quant à une inscription dans la Constitution portugaise d'une « règle d'or » visant à contrôler les déficits, comme l'ont proposé le président de la République française, Nicolas Sarkozy, et la chancelière fédérale allemande, Angela Merkel. « Cela reflète un énorme manque de confiance des décideurs politiques par rapport à leur propre capacité à conduire de bonnes politiques budgétaires » affirme le chef de l'État, alors que la situation économique du Portugal est jugée préoccupante par des agences de notation et par des institutions mondiales comme le FMI. Le président Cavaco Silva prend la situation « d'inscrire dans la Constitution une variable endogène telle que le déficit budgétaire, qui ne peut être directement contrôlée par les responsables politiques, théoriquement très étrange »[15].
Après la présidence
modifierDécorations
modifier- Grand cordon de l'ordre du Ouissam alaouite (1988)[16].
- Commandeur grand-croix de l'ordre royal de l'Étoile polaire
Références
modifier- Prononciation en portugais du Portugal retranscrite selon la norme API.
- « M. Cavaco Silva chargé de former le gouvernement. L'irrésistible ascension d'un austère professeur », Le Monde, 22 juillet 1987.
- « Anibal Cavaco Silva a remporté la présidentielle portugaise dès le 1er tour », Le Monde, 22 janvier 2006.
- (pt) « Les évêques appuient le veto de Cavaco Silva », Agência Ecclesia, le 24 août 2009.
- (pt) « Cavaco Silva met son veto à la loi sur le divorce », Diário IOL, le 20 août 2008.
- (pt) « Cavaco insiste sur la « coopération stratégique » et promet d'être « une référence de stabilité » » Público, le 26 octobre 2009.
- (pt) « Cavaco envoie le texte sur le mariage homosexuel au Tribunal constitutionnel », Público, le 10 mars 2010.
- (pt) « Le Tribunal constitutionnel dit que le mariage gay est constitutionnel », Público, le 8 avril 2010.
- (pt) « Cavaco Silva promulgue la loi permettant le mariage homosexuel », Público, le 17 mai 2010.
- (pt) « Cavaco Silva a évoqué le travail fait au cours des cinq dernières années », Público, le 26 octobre 2010.
- Résultats officiels de l'élection présidentielle de 2011, commission nationale des élections
- (pt) « Sócrates désire et va aux élections », Público, le .
- (pt) « Cavaco dit qu'il se retrouve avec peu de marges de manœuvre pour agir », Diário de Notícias, le .
- (fr) « Portugal : élections anticipées le 5 juin, sous la forte pression des marchés », L'Express, le .
- (fr) « Le président portugais émet des doutes sur l'utilité de la « règle d'or » », Le Parisien - Aujourd'hui en France, .
- « SM le roi reçoit le premier ministre portugais et le décore du grand cordon du ouissam alaouite », sur maparchives.ma (consulté le )
Annexes
modifierArticles connexes
modifier- Liste des chefs du gouvernement portugais
- Liste des présidents de la République portugaise
- Xe, XIe et XIIe gouvernements constitutionnels portugais
- Élections législatives portugaises de 1985, 1987 et 1991
Liens externes
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- Site officiel
- Ressource relative à la vie publique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Biographie sur le site de la présidence de la République portugaise