Chemin de fer atmosphérique
Un chemin de fer atmosphérique est un système ferroviaire dont la propulsion est assurée par la pression atmosphérique.
Technique
modifierLe principe de base imaginé et présenté par Denis Papin à la Royal Society de Londres en 1687 consiste à faire le vide le long d'une conduite dans laquelle le véhicule est « aspiré ». Le tube pneumatique en a été une application tout à fait opérationnelle pendant près d'un siècle pour transporter lettres et petits paquets.
Par contre, pour des transports de grande dimension, les systèmes proposés dès 1835 comportaient une voie ferrée standard. Les véhicules moteurs étaient munis d'un piston, fixé sous le train, se déplaçant dans une conduite disposée entre les rails. Dans la conduite, le vide était produit par des pompes à vide stationnaires à l'avant du train et était réinjecté derrière, si bien que la différence de pression faisait avancer le train[1].
Avantages
modifierPar rapport aux trains rivaux traditionnels à vapeur, les trains atmosphériques étaient plus silencieux, plus propres (pas de fumées noires épaisses), et pouvaient grimper de plus fortes pentes[1].
Inconvénients
modifierCette technologie avait un coût : un chemin de fer atmosphérique était presque deux fois plus cher qu'un système de locomotive à vapeur ordinaire[1].
Le point d'achoppement fut évidemment la jonction entre le piston et le véhicule qui nécessitait l'ouverture momentanée de la conduite à l'aplomb du véhicule. Malgré le manque d'étanchéité d'un joint à base de bandes de cuir, plusieurs réalisations furent entreprises en Irlande, Angleterre et France.
Applications
modifierC'est en 1843 que fut mise en service la ligne irlandaise de Kingstown à Dalkey. Comme le système semblait fonctionner, la construction d'une ligne atmosphérique anglaise de Londres à Croydon fut décidée en 1844.
La France ne voulant pas être en reste, la Chambre des députés vota un crédit de un million huit cent mille francs (loi du ) pour l'expérimentation de cette technique, après qu'un industriel français, Alexis Hallette, eut inventé un dispositif améliorant sensiblement l'étanchéité du tube[2]. Peu après, on ordonna la construction d'un chemin de fer atmosphérique entre Nanterre et Saint-Germain-en-Laye (ordonnance du [3]) sur la ligne de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Saint-Germain pour rattraper le dénivelé infranchissable par les locomotives à vapeur à l'époque de l'ouverture de la ligne (1837). Une voie expérimentale d'environ trois kilomètres fut installée dans le parc du château de Saint-Ouen, et donna lieu aux premiers essais, parfois ponctués d'accidents sans gravité[4]. En fait, le dispositif fut limité à la section entre Le Pecq et Saint-Germain, et mis en service en 1847. Son exploitation est arrêtée en 1858 à la suite d'un accident mortel[5].
Le projet le plus ambitieux, la ligne anglaise du South Devon Railway (SDR), construite entre Exeter et Newton Abbot à l'Ouest de l'Angleterre, fut un tronçon de 32 km[1]. Elle suivait la technique proposée par l'ingénieur Isambard Kingdom Brunel, ingénieur en chef au GWR, qui opta pour la solution atmosphérique en raison des trop fortes pentes du nouveau tronçon pour les locomotives classiques.
Il construisit des stations de pompage tous les 4,8 km, conçues pour faire rouler les trains à la vitesse de 112 km/h (à l'époque la vitesse moyenne n'atteignait que 64 km/h)[1].
Mise en service en septembre 1847, elle fut rapidement arrêtée (en septembre 1848) face aux difficultés d'exploitation et au très mauvais rendement global du système[1]. La puissance nécessaire pour assurer le vide sur une conduite « fuyante » de plusieurs kilomètres était sans commune mesure avec la charge ainsi véhiculée. En effet, les matériaux disponibles à l'époque n'étaient pas à la hauteur. Les matières plastiques et le caoutchouc n'existaient pas. Brunel utilisa du cuir pour maintenir l'étanchéité des tubes. Or la ligne avait été construite le long de la côte. Comme la brume chargée d'humidité endommageait les rabats de cuir, il fallait sans cesse les enduire de suif afin qu'ils gardent leur souplesse. Le suif entretenait le cuir, mais intéressait les rats et les souris qui s'en donnaient à cœur joie. Les joints étaient donc régulièrement mangés et l'ensemble du système fuyait constamment. Cela entraînait des retards et des pannes, d'où l'arrêt de la ligne, un an juste après sa mise en service, avec des pertes importantes pour les investisseurs[1].
Pour les mêmes raisons, les autres installations furent reconverties à une traction plus classique. Une renaissance du système de chemin de fer atmosphérique est intervenue à la fin du XXe siècle, pour des trains urbains à courte distance, c'est le train Aeromovel, de conception brésilienne.
Par ailleurs c'est sur le même principe que furent construites les rampes de lancement des avions sans pilote V1 de la seconde guerre mondiale (en utilisant toutefois un cocktail de réactifs chimiques pour produire le gaz propulsant le piston du chariot de lancement).
Les catapultes des porte-avions conventionnels fonctionnent sur le même principe, en utilisant de la vapeur à haute pression destinée à l'alimentation des tubes des catapultes.
Notes et références
modifier- Eric Chaline (trad. de l'anglais), Les pires inventions de l'histoire et ceux qui les ont commises, Sayat, Terres Editions, , 256 p. (ISBN 978-2-35530-153-7), p.106
- Voir un article détaillé sur ce sujet dans Le Siècle du 23 juillet 1844, p. 1.
- Ordonnance du roi relative à l’établissement d’un chemin de fer atmosphérique entre Nanterre et le plateau de Saint-Germain.
- Le Siècle du 15 juillet 1846, p. 3.
- Article du New York Times, 10 novembre 1852
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- César Daly, « Railway atmosphérique », Revue générale de l'architecture, 1842, numéro de mai 1842, 1er article, p. 207 et suiv. et planche 9 in fine, 2e article, numéro de décembre 1842, p. 566 et suiv.
- Ch. Etienne, Chemin de fer atmosphérique de Saint-Germain (notice descriptive des travaux d’art et calculs…), Paris, Mathias, 1846 Lire en ligne
- Mallet, Rapport sur le chemin de fer établi suivant le système atmosphérique de Kingstown à Dalkey, en Irlande, et sur l’application de ce système aux chemins de fer en général, Paris, Carillan-Goeury et Ve Dalmont, 1844 Lire en ligne
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- Le chemin de fer de Saint-Germain, Société d'Histoire du Vésinet
- Paul Smith, Les chemins de fer atmosphériques. Première partie, In Situ n° 10 - 19/05/2009
- Paul Smith, Les chemins de fer atmosphériques. Deuxième partie, In Situ n° 10 - 19/05/2009
- (en) Chemins de fer atmosphériques anglais
- (en) Joseph Brennan, The Atmospheric Road. Explorations in England, Ireland, and France, 2020.