La chondrocalcinose articulaire (CCA), maintenant renommée rhumatisme à pyrophosphate de calcium (PPC)[1],[2],[3] est une arthropathie microcristalline caractérisée par la précipitation de cristaux de pyrophosphate de calcium dihydraté (en) dans les tissus articulaires et périarticulaires. Elle entraîne une calcification intra-articulaire sous la forme d'un liseré opaque fin, cernant les contours articulaires à quelques millimètres de l'os sous-chondral.

Radiographie du genou droit montrant une chondrocalcinose articulaire (les flèches indiquent la présence de cristaux de calcium au sein de l'articulation fémoro-tibiale).

Historique

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Elle était anciennement appelée « pseudo-goutte »[4], les manifestations ressemblant souvent à cette dernière. Les premières descriptions remontent aux années 1960[5].

Épidémiologie

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C’est une maladie qui touche en général le sujet âgé. Sa prévalence serait comprise entre 4 et 7 % de la population adulte occidentale[6]. Des anomalies radiologiques évocatrices d'une chondrocalcinose sont présentes chez plus de 40 % des patients de plus de 84 ans[7].

Elle est favorisée par un antécédent d'intervention sur l'articulation (par exemple une méniscectomie au niveau du genou[8]).

Dans 90 % des cas, la chondrocalcinose est dite idiopathique, c'est-à-dire sans cause connue.

Mais elle peut aussi être secondaire à l’hyperparathyroïdie ou à l’hémochromatose.

Plusieurs désordres du métabolisme phospho-calcique pourraient favoriser la survenue de la maladie : hypomagnésémie, hypophosphatémie, hyperparathyroïdie[9], même lorsque cette dernière est traitée[10].

Il existe parfois une composante génétique : une mutation sur les gènes CCAL2[11] ou TNFRSF11B[12] peut provoquer des formes familiales.

Contrairement à la goutte, il n'y a pas de facteur alimentaire identifié.

Physiopathologie

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Les cristaux de pyrophosphate de calcium se forment au sein des cellules du cartilage (chondrocytes).

Le pyrophosphate est formé à partir de l'adénosine triphosphate extracellulaire par l'intermédiaire de plusieurs facteurs de croissance[13] et de l'ANKH[14]. Les cristaux formés vont activer l'inflammasome, dont le NLRP3[15], conduisant à la destruction progressive du cartilage.

Clinique

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Il existe cinq formes cliniques différentes :

Forme asymptomatique

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La chondrocalcinose est asymptomatique dans 25 % des cas. La découverte est radiologique. Les articulations les plus touchées sont les genoux, les poignets, et le bassin.

Forme pseudo-arthrosique

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La forme pseudo-arthrosique représente 50 % des cas. Plus sévère que l’arthrose classique, la clinique est marquée par des arthralgies chroniques de types mécaniques et les radiographies montrent des signes classiques d’arthrose associés à des liserés typiques de la chondrocalcinose dans le cartilage et dans le fibrocartilage (les ménisques par exemple). Les articulations les plus souvent touchées sont la scapho-trapézienne, le poignet, les chevilles et les métacarpo-phalangiennes[6].

Pseudo-goutte

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La pseudo-goutte est une mono-arthrite aiguë extrêmement inflammatoire avec parfois des signes généraux (fièvre, frissons, polynucléose et VS/CRP élevées). Les articulations les plus souvent atteintes sont le genou et le poignet, les autres étant plus rarement touchées[6]. Par rapport à la goutte, la crise est plus prolongée, pouvant dépasser plusieurs semaines[6].

Elle peut être provoquée par une maladie intercurrente, un traumatisme, une intervention chirurgicale[6], la prise d'un diurétique de l'anse[16], de filgrastim[17], de pamidronate[18].

Le diagnostic se fait par une ponction articulaire qui permet de mettre en évidence les cristaux de pyrophosphate de calcium (en).

Forme pseudo-polyarthrite rhumatoïde

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La forme pseudo-polyarthrite rhumatoïde : rare, c’est une polyarthrite bilatérale et symétrique simulant une polyarthrite rhumatoïde.

Arthropathies destructrices

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Les arthropathies destructrices : touchent surtout les genoux, les épaules et les hanches.

Traitement

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Tout médicament potentiellement actif contre l'inflammation de la CCA comporte des effets secondaires ; en conséquence, aucun traitement n'est conseillé si l'affection n'est pas à l'origine de douleurs[19]. Pour la pseudo-goutte, les traitements des crises incluent l'injection intra-articulaire de corticoïdes, des corticoïdes par voie systémique, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ou, à l'occasion, de la colchicine à haute dose[19]. De faibles doses de colchicine ou d'AINS pourraient prévenir les crises[19]. Si rien ne fonctionne, l'hydroxychloroquine ou le méthotrexate pourraient apporter un soulagement[20]. La recherche sur l'ablation chirurgicale des calcifications est en cours, mais ceci reste une procédure expérimentale[19].

Références

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  1. « Arthropathie microcristalline », sur www.lecofer.org (consulté le )
  2. Jean-Baptiste FRON, « Rhumatisme à pyrophosphate de calcium (ex chondrocalcinose articulaire) », sur RecoMédicales, (consulté le )
  3. Isabelle Hoppenot, « La chondrocalcinose articulaire, fréquente et méconnue », sur Vidal, (consulté le )
  4. McCarty D Jr, Kohn NN, Faires JS, The significance of calcium pyrophosphate crystals in the synovial fluid of arthritic patients: the “pseudogut syndrome.” 1. Clinical aspects, Ann Intern Med, 1962;56:711-737
  5. Žitňan D, Sit’Aj Š, Chondrocalcinosis articularis. I. Clinical and radiological study, Ann Rheum Dis, 1963;22:142-152
  6. a b c d et e Rosenthal AK, Ryan LM, Calcium pyrophosphate deposition disease, N Engl J Med, 2016;374:2575-2584
  7. Wilkins E, Dieppe P, Maddison P, Evison G, Osteoarthritis and articular chondrocalcinosis in the elderly, Ann Rheum Dis, 1983;42:280-284
  8. Doherty M, Watt I, Dieppe PA, Localised chondrocalcinosis in post-meniscectomy knees, Lancet, 1982;1:1207-1210
  9. Jones AC, Chuck AJ, Arie EA, Green DJ, Doherty M, Diseases associated with calcium pyrophosphate deposition disease, Semin Arthritis Rheum, 1992;22:188-202
  10. Glass JS, Grahame R, Chondrocalcinosis after parathyroidectomy, Ann Rheum Dis, 1976;35:521-525
  11. Williams CJ, Pendleton A, Bonavita G et al. Mutations in the amino terminus of ANKH in two US families with calcium pyrophosphate dihydrate crystal deposition disease, Arthritis Rheum, 2003;48:2627-2631
  12. Ramos YF, Bos SD, van der Breggen R et al. A gain of function mutation in TNFRSF11B encoding osteoprotegerin causes osteoarthritis with chondrocalcinosis, Ann Rheum Dis, 2015;74:1756-1762
  13. Costello JC, Rosenthal AK, Kurup IV, Masuda I, Medhora M, Ryan LM, Parallel regulation of extracellular ATP and inorganic pyrophosphate: roles of growth factors, transduction modulators, and ANK, Connect Tissue Res, 2011;52:139-146
  14. Rosenthal AK, Gohr CM, Mitton-Fitzgerald E, Lutz MK, Dubyak GR, Ryan LM, The progressive ankylosis gene product ANK regulates extracellular ATP levels in primary articular chondrocytes, Arthritis Res Ther, 2013;15:R154-R154
  15. Martinon F, Pétrilli V, Mayor A, Tardivel A, Tschopp J, Gout-associated uric acid crystals activate the NALP3 inflammasome, Nature, 2006;440:237-241
  16. Rho YH, Zhu Y, Zhang Y, Reginato AM, Choi HK, Risk factors for pseudogout in the general population, Rheumatology (Oxford), 2012;51:2070-2074
  17. Ames PR, Rainey MG, Consecutive pseudogout attacks after repetitive granulocyte colony-stimulating factor administration for neutropenia, Mod Rheumatol, 2007;17:445-446
  18. Malnick SD, Ariel-Ronen S, Evron E, Sthoeger ZM, Acute pseudogout as a complication of pamidronate, Ann Pharmacother, 1997;31:499-500
  19. a b c et d (en) Rothschild, Bruce M., Calcium Pyrophosphate Deposition Disease (rheumatology), sur eMedicine.
  20. (en) Emkey G.R., Reginato A.M., All about gout and pseudogout: Meeting a growing challenge, Journal of Musculoskeletal Medicine, 16 octobre 2009.