Cinna (Corneille)

tragédie de Pierre Corneille

Cinna
ou la Clémence d'Auguste
Frontispice de la première édition de Cinna (1643).
Frontispice de la première édition de Cinna (1643).

Auteur Pierre Corneille
Genre Tragédie
Nb. d'actes 5 actes en vers
Lieu de parution Paris
Éditeur Toussaint Quinet
Date de parution 1655
Date de création en français 1641
Lieu de création en français Paris
Compagnie théâtrale Théâtre du Marais

Cinna (ou la Clémence d’Auguste) est une tragédie de Pierre Corneille écrite au Théâtre du Marais en 1641 et publiée en 1643 chez Toussaint Quinet.

Située à l'époque de la Rome antique, l'action témoigne de préoccupations plus contemporaines, et développe une méditation sur la mise au pas de la noblesse sous le règne de Louis XIII et le gouvernement de Richelieu. Hanté par la question de la Grâce, Corneille ne cesse de se demander comment mettre fin à la spirale de la violence. Sa réponse est une apologie du pouvoir fort, dont la magnanimité est précisément l'un des attributs[1].

Acteurs[2] (Personnages) modifier

  • Octave-César Auguste, Empereur de Rome.
  • Livie, Impératrice.
  • Cinna, petit-fils de Pompée, chef de la conjuration contre Auguste.
  • Maxime, Autre Chef de la conjuration.
  • Émilie, fille de C. Toranius, tuteur d'Auguste, et proscrit par lui durant le Triumvirat.
  • Fulvie, Confidente d'Émilie.
  • Polyclète, Affranchi d'Auguste.
  • Évandre, Affranchi de Cinna.
  • Euphorbe, Affranchi de Maxime.

Résumé modifier

Acte I modifier

L’empereur Auguste a jadis fait exécuter Toranius, le père de la jeune Émilie qu’il considère désormais comme sa fille. Émilie, amoureuse de Cinna, lui demande de sauver son honneur en tuant Auguste, sans quoi elle ne l’épousera pas. Cinna, aidé par son ami Maxime, organise alors un grand complot contre l’empereur afin de l’assassiner...

Acte II modifier

Mais Auguste, lassé d’être le maître du monde romain, demande conseil à Maxime et à Cinna, qu’il adore : doit-il renoncer à l’Empire ? Tandis que Maxime lui conseille d'y renoncer, Cinna le persuade de rester sur le trône, à la tête de l'empire. L’empereur remercie les deux hommes de leurs conseils en leur offrant des postes importants et des terres, et donne Émilie en mariage à Cinna.

Acte III modifier

Or, Maxime aime Émilie. Et quand Cinna lui avoue la raison qu’il avait de persuader Auguste de demeurer empereur, il devient fou de douleur. Tuer un empereur qui leur accorde sa confiance, et ce, afin de satisfaire un rival ? Euphorbe, confident de Maxime, lui conseille de trahir Cinna, mais Maxime n’ose l’écouter. Cinna de son côté a également affaire à un cas de conscience : la bonté d’Auguste amollit sa détermination mais face à la cruelle inflexibilité d’Émilie, il se résigne, désespéré, à tuer Auguste, quitte à sacrifier sa vie ensuite pour sauver son honneur.

Acte IV modifier

Mais Euphorbe, prétendument au nom de Maxime, vient tout révéler à Auguste, atterré. Sa femme, Livie, tente de l’inciter à la clémence, pour attirer sur lui la gloire et le respect. Mais Auguste, apparemment sourd à ses arguments, convoque Cinna. Maxime vient trouver Émilie, lui annonce la trahison d’Euphorbe. Il lui déclare ensuite sa flamme mais la fière Émilie le repousse avec vigueur et l’accuse de perfidie.

Acte V modifier

Émilie vient retrouver Cinna, en accusation devant Auguste ; elle affirme sa culpabilité et veut innocenter Cinna, qu’elle prétend avoir séduit pour en faire l'instrument de sa propre vengeance. Celui-ci nie et tente de convaincre Auguste de l’inverse. Enfin Maxime vient avouer également à Auguste que son repentir a été inventé de toutes pièces par Euphorbe. Auguste, accablé par la haine de tous ceux qui lui sont chers, décide finalement de les gracier. Il propose à ses anciens ennemis de reprendre leur place en paix, avec les mêmes avantages qu’il leur avait promis au début de la pièce ; tous acceptent.

Interprétation modifier

Au début de la pièce, Auguste règne sur l'Empire romain depuis vingt ans. C'est un tyran, qui a obtenu son pouvoir au prix de massacres alors qu'il n'était encore qu'Octave, fils adoptif de César ; il est détesté de tout Rome, ce qui est à l'origine de sa lassitude de régner. Si le dénouement de la pièce semble montrer un certain repentir de la part d'Auguste à travers sa décision pleine de mansuétude, il est en fait un plein retour de son désir de puissance, ravivé. En effet, son pardon n'est aucunement spontané : il est le résultat d'une réflexion intérieure, d'un calcul machiavélien. Sa première réaction face à la solution de la clémence proposée par son épouse Livie est bien le rejet. Ce n'est qu'avec le recul, qu'il comprend qu'elle est dans son intérêt de souverain. Elle lui permet de s'assurer la loyauté de Cinna et Maxime, en jouant sur leur culpabilité puis sur leur reconnaissance, mais surtout de ressortir seul véritable héros. Ainsi, il s'assure un pouvoir encore renforcé, et une gloire éternelle.

Autour de l’œuvre modifier

Racine, en 1669, s'attira la colère d'un Corneille vieilli en faisant jouer la tragédie Britannicus, qui est en quelque sorte une réponse réaliste à la naïveté de la prémisse de Cinna : elle montre la métamorphose par le pouvoir absolu d'un empereur juste et aimé de tous en un tyran et un oppresseur[3].

Parodie modifier

Une parodie de Cinna, intitulée B. Cinna, parodie en 5 actes et en bônois de la tragédie de Corneille «Cinna», est publiée à Aubenas en 1970 par Raymond Rua[4]. Il s'agit d'une réécriture employant des mots de sabir nord-africain. Raymond Rua prolonge lui-même l'humour d'Edmond Brua, auteur d'une parodie du Cid parue à Alger en 1941[5].

Bibliographie modifier

  • (en) Henry Carrington Lancaster, A history of French dramatic literature in the seventeenth century, Part II : The Period of Corneille (1635-1651), New York, Gordian Press, (1re éd. 1932), 804 p.
  • Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France, Paris, A.G. Nizet, , 488 p.

Notes et références modifier

  1. Olivier Chaline et Edmond Dziembowski, in Michel Figeac (dir), État, pouvoirs et contestations dans les monarchies française et britannique et dans leurs colonies américaines (vers 1640-vers 1780), Armand Colin, 2018, p. 79
  2. Au XVIIe siècle, on parlait d'"acteurs" et non de "personnages"
  3. Alain Viala; Racine, la stratégie du caméleon; Paris, Seghers, 1990.
  4. Notice de la parodie de Cinna par Raymond Rua sur le catalogue général de la Bibliothèque nationale de France. Page consultée le 26 novembre 2019.
  5. Moustapha K. Bénouis, "Parlez-vous sabir... ou pied-noir ?", The French Review, volume XLVII, n°3, 3 février 1974, p. 578-582. [lire en ligne]

Article connexe modifier

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