Clarice Lispector
Clarice Lispector, née le à Tchetchelnyk (actuellement en Ukraine) et morte le à Rio de Janeiro, est une femme de lettres brésilienne.
Naissance | Tchéchelnik, Ukraine |
---|---|
Décès | |
Nom de naissance |
Хая Пинхасiвна Лиспектор |
Pseudonymes |
Helen Palmer, Terelu |
Nationalité | |
Domiciles |
Maceió (- |
Formation | |
Activité | |
Fratrie |
Elisa Lispector (en) |
Conjoint |
Maury Gurgel Valente (d) (de 1943 à 1959) |
Site web | |
---|---|
Distinction |
Reconnue internationalement pour ses romans novateurs, mais aussi grande nouvelliste et journaliste de renom, elle est considérée comme un des auteurs brésiliens les plus importants du vingtième siècle (bien que le mot « écrivain » ait un féminin en portugais, Clarice Lispector a toujours refusé son utilisation, assurant « appartenir aux deux sexes »)
Issue d'une famille ashkénaze ukrainienne, elle est décrite par Benjamin Moser, prix Pulitzer 2020 pour son autobiographie de Susan Sontag, comme « l'écrivain juif le plus important depuis Kafka »[1].
Biographie
modifierOrigines familiales et formation
modifierChaya Pinkhasovna Lispector naît à Tchéchelnyk, un shtetl d’Ukraine alors que sa famille se prépare à partir pour le Brésil, fuyant la persécution des juifs en Ukraine[2] après la Révolution de 1917[3].
Elle est la plus jeune des trois filles de Pinkhas et Mania Lispector[réf. nécessaire]. Sa mère aurait été violée durant un pogrom, contractant la syphilis lors de cette agression[4].
Elle a seulement deux mois quand la famille arrive au Brésil, s'installant d’abord à Maceió (Alagoas), où sa mère a des parents, plus tard à Recife (Pernambouc), où Clarice fait sa scolarité et où elle écrit ses premiers essais. Après la mort de la mère de Clarice en 1929, son père décide que sa famille doit revenir vivre à Rio de Janeiro, alors que la jeune fille a déjà 14 ans. À Rio, elle étudie le droit[3].
Mariage et séjours en Europe (1943-1959)
modifierEn 1943, elle épouse un camarade de classe, Maury Gurgel Valente.
Son mari se lance dans une carrière diplomatique, qui les conduit dans différents pays, les États-Unis, l'Italie, la Suisse et l'Angleterre. En Italie, pendant la Seconde Guerre mondiale, le couple accompagne la Force expéditionnaire brésilienne qui combat au sein de la 5e armée américaine[5].
Ils voyagent ainsi pendant une quinzaine d'années. Deux fils naissent pendant cette période. Clarice Lispector se sépare de son mari en 1959, et retourne avec ses enfants au Brésil[3].
Carrière d'écrivain et de journaliste
modifierElle parle couramment le français, mais aussi l'anglais et maîtrise convenablement plusieurs autres langues, en particulier l’italien et l’allemand. Ses compétences lui permettent de traduire des livres de l'anglais et du français.
Elle entend parler le yiddish à la maison jusqu'à la mort de sa mère, mais affirme que le portugais est la langue de son cœur et n'a jamais écrit dans une autre langue.
En 1944, elle publie son premier roman Près du cœur sauvage (Perto do coração selvagem). Des critiques croient déceler dans ses publications l'influence des œuvres de Virginia Woolf et de James Joyce[6],[7],[8], mais elle n’a alors lu ni l’un ni l’autre. Ce roman, comme toutes les œuvres à venir, est marqué par une focalisation intense sur les états intérieurs, l'introspection, les émotions les plus profondes, la foi et la solitude interne. Mais elle ne s'abandonne pas à l'introspection et ne se laisse pas abattre, concluant Près du cœur sauvage par cette affirmation : « De toute lutte ou repos, je me lèverai forte et belle comme un jeune cheval ».
Bâtisseur de ruines est le deuxième roman traduit en français, l'histoire d'un homme qui explore la solitude et réapprend le langage après avoir tué sa femme. La Passion selon G. H., un de ses derniers ouvrages, décrit avec minutie et un luxe de commentaires, l'expérience initiatique d'une femme, la narratrice, qui découvre dans sa répulsion fascinée pour un cafard une image d'elle-même[3],[9],[10],[11],[12].
Elle écrit aussi pour la presse, rédigeant notamment, d' à , des chroniques souvent drôles pour l'édition du weekend d'un quotidien national, O Jornal do Brasil[8].
Son dernier roman, L'Heure de l'étoile (A hora da estrela), raconte la vie d'une femme misérable de Rio de Janeiro, humiliée dans son intimité la plus intime[3]. Le narrateur s'appelle Rodrigo S.M., un auteur fictif. Écrit vers la fin de sa vie, ce dernier roman diffère nettement des précédents, en se consacrant très directement et explicitement à la pauvreté et à la marginalité au Brésil. Parmi ses meilleurs commentateurs en français, il faut citer Hélène Cixous[13] et Claire Varin[14].
Clarice Lispector, dont les œuvres ont pour thème l'univers féminin, a également publié plusieurs textes de littérature d'enfance et de jeunesse où elle s'efforce de battre en brèche les stéréotypes de genre. Traductrice, elle signe le texte portugais du roman policier Hercule Poirot quitte la scène d'Agatha Christie.
Mort et funérailles
modifierElle meurt d’un cancer en 1977, la veille de son 57e anniversaire. Elle est enterrée au cimetière juif de Caju à Rio de Janeiro.
Hommages
modifier- Le , Google fête le 98e anniversaire de sa naissance avec un Google Doodle[15].
Œuvres
modifierRomans
modifier- Perto do Coração Selvagem (1944) Publié en français sous le titre Près du coeur sauvage, traduit par Denise-Teresa Moutonnier, Paris, Plon, coll. « Roman », 1954 (BNF 32388422) ; réédition sous le même titre dans une nouvelle traduction de Regina Helena de Oliveira Machado, Paris, Des femmes, 1982 (ISBN 2-7210-0218-X)
- O Lustre (1946) Publié en français sous le titre Le Lustre, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1990 (ISBN 2-7210-0390-9)
- A Cidade Sitiada (1949) Publié en français sous le titre La Ville assiégée, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1991 (ISBN 2-7210-0352-6)
- A Maçã no Escuro (1961) Publié en français sous le titre Le Bâtisseur de ruines, traduit par Violante Do Canto, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1970 (ISBN 2-07-027179-X) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « L'imaginaire » no 424, 2000 (ISBN 2-07-075935-0)
- A Paixão Segundo G.H. (1964) Publié en français sous le titre La Passion selon G.H., traduit par Claude Farny, Paris, Des femmes, 1981 (ISBN 2-7210-0193-0)
- Uma Aprendizagem ou O Livro dos Prazeres (1969) Publié en français sous le titre Un apprentissage ou Le Livre des plaisirs, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1978 (ISBN 2-7210-0136-1)
- Água Viva (1973) Publié en français sous le titre Água Viva, traduit par Regina Helena de Oliveira Machado, Paris, Des femmes, 1978 (ISBN 2-7210-0136-1)
- A Hora da Estrela (1977) Publié en français sous le titre L'Heure de l'étoile, traduit par Marguerite Wünscher, Paris, Des femmes, 1985 (ISBN 2-7210-0270-8)
- Um Sopro de Vida (Pulsações) (1978) Publié en français sous le titre Un souffle de vie, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1998 (ISBN 2-7210-0470-0)
Recueils de contes et nouvelles
modifier- Alguns Contos... (1952)
- Feliz Aniversário (1960)
- Laços de Família (1960) Publié en français sous le titre Liens de famille, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1989 (ISBN 2-7210-0384-4)
- A Legião Estrangeira (1964)
- Felicidade Clandestina (1971) Publié en français sous le titre Corps séparés : contes et nouvelles, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1993 (ISBN 2-7210-0444-1)
- A Imitação da Rosa (1973)
- A Via Crucis do Corpo (1974) Publié en français sous le titre Passion des corps, précédé de La Belle et la Bête, traduit par Claude Farny, Paris, Des femmes, 1984 (ISBN 2-7210-0263-5) ; réédition dans une traduction révisée par Sylvie Durastanti, Paris, Des Femmes/A. Fouque, 2012 (ISBN 978-2-7210-0623-3)
- Onde Estivestes de Noite (1974) Publié en français sous le titre Où étais-tu pendant la nuit ?, traduit par Geneviève Leibrich et Nicole Biros, Paris, Des femmes, 1985 (ISBN 2-7210-0285-6)
Ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse
modifier- O Mistério do Coelho Pensante (1967) Publié en français sous le titre Le Mystère du lapin pensant, précédé de La Vie intime de Laura, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 2004 (ISBN 2-7210-0495-6)
- A Mulher que Matou os Peixes (1968) Publié en français sous le titre La Femme qui tuait les poissons, suivi d'une interview de l'auteure, traduit par Séverine Rosset et Lúcia Cherem, Paris, Ramsay-de Cortanze, 1990 (ISBN 2-85956-843-3) ; réédition de la même traduction sous le titre La Femme qui a tué les poissons, illustrations de Gabriella Giandelli, Paris, Seuil, 1977 (ISBN 2-02-028244-5)
- A Vida Íntima de Laura (1974) Publié en français sous le titre La Vie intime de Laura, suivi de Le Mystère du lapin pensant, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 2004 (ISBN 2-7210-0495-6)
- Quase de Verdade (1978)
- Como Nasceram as Estrelas: Doze Lendas Brasileiras (1987) Publié en français sous le titre Comment sont nées les étoiles : douze légendes brésiliennes, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 2005 (ISBN 2-7210-0511-1)
Ouvrages posthumes
modifier- A Bela e a Fera (1979), recueils de contes et nouvelles inédits
- A Descoberta do Mundo (1984), anthologie de chroniques parues dans le Jornal do Brasil entre et Publié en français sous le titre La Découverte du monde : 1967-1973, traduit par Jacques et Teresa Thiériot, Paris, Des femmes, 1995 (ISBN 2-7210-0452-2)
- Como Nasceram as Estrelas (1987), contes inédits pour enfants
- Cartas Perto do Coração (2001)
- Correspondências (2002) Publié en français de façon partielle sous le titre Lettres près du coeur, traduit par Claudia Poncioni et Didier Lamaison, Paris, Des femmes/Antoinette Fouque, 2016 (ISBN 978-2-7210-0660-8)
- Aprendendo a Viver (2004) Publié en français sous le titre Le Seul Moyen de vivre : lettres, traduit par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, Paris, Payot & Rivages, coll. « Bibliothèque Rivages », 2009 (ISBN 978-2-7436-2035-6) ; réédition, Paris, Payot & Rivages, coll. « Rivages poche. Petite bibliothèque » no 743, 2012 (ISBN 978-2-7436-2331-9)
- Outros Escritos (2005), recueils de textes divers
- Correio Feminino (2006), recueils de textes féministes écrits dans des journaux des années 1950 et 1960
- Entrevistas (2007), recueil d'entretiens accordés dans les années 1960 et 1970 Rencontres brésiliennes comporte plusieurs entretiens accordés par Clarice Lispector à la presse brésilienne, présentés et traduits en français par Claire Varin, avec en regard plusieurs extraits de textes et documents iconographiques, 2e édition, Montréal, Triptyque, 2007 (ISBN 978-2-89031-608-9)
- Minhas Queridas (2007), correspondance Publié en français sous le titre Mes chéries : lettres à mes sœurs 1940-1957, traduit par Claudia Poncioni et Didier Lamaison, Paris, Des femmes/Antoinette Fouque, 2015 (ISBN 978-2-7210-0644-8)
- Só para Mulheres (2008), recueil de textes féministes écrits dans des journaux des années 1950 et 1960
- De amor e amizade: crônicas para jovens (2010), recueil de chroniques journalistiques
- Todos os Contos (2016), édition complètes des contes et nouvelles Publié en français sous le titre Nouvelles, Paris, Des femmes, 2017 (ISBN 978-2-7210-0676-9)
Bibliographie
modifier- (fr) Patrick Autréaux, Le livre placenta, in Zone Critique & NRF, printemps 2023
- (en) Benjamin Moser (ed.). The Complete Stories by Clarice Lispector. Translated by Katrina Dodson, New Directions: New York, 2015
- (pt) Yudith Rosenbaum. Metamorfoses do mal: uma leitura de Clarice Lispector. Edusp: São Paulo, 1999.
- Collectif, « Clarice Lispector. Le souffle du sens »,
- Langues de feu. Essai sur Clarice Lispector, par Claire Varin, illust., Laval, éd. TROIS, 1990.
- Jean Larose, « Le temps d'une voix », Études françaises, vol. 17, nos 3-4, , p. 87-96 (lire en ligne).
- Études françaises, numéro préparé par Maria Do Carmo Campos et Michel Peterson, vol. 25, n° 1, 1989, 142 p. (http://revue-etudesfrancaises.umontreal.ca/volume-25-numero-1/)
- Clarice Lispector. Rencontres brésiliennes, par Claire Varin, livre d'entretiens et de documents divers, illust., Montréal, Triptyque, 2007, 1ère édition, Laval, éd.TROIS, 1987.
Notes et références
modifier- (en) Larry Rother, Life's Details, Observed With Existential Dread. Book Of The Times. The Complete Stories by Clarice Lispector, Edited by Benjamin Moser, traduction de Katrina Dodson. 645 pages. New Directions. The New York Times, 12 août 2015, p. C1 & C5, p. C5.
- (en) Lucas Iberico Lozada, « Clarice Lispector 1920-1927 », The New York Times, , p. D8 (lire en ligne ).
- Wilton José Marques, « Lispector, Clarice [Tchetchelnik, Ukraine 1920 – Rio de Janeiro 1977] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions Des femmes, (lire en ligne), p. 2587-2588
- Marc Weitzmann, « Le paradoxe Lispector », Le Monde, (lire en ligne)
- (pt) « Clarice Lispector », sur educacao.globo.com
- (en) « Clarice Lispector, the Brazilian James Joyce? », The Sunday Times, (lire en ligne)
- (en) Gregory Rabassa, If This Be Treason: Translation and Its Dyscontents, New Directions Publishing, (lire en ligne), p. 70
- (en) Julie Salamon, « An Enigmatic Author Who Can Be Addictive », The New York Times, (lire en ligne)
- Hubert Juin, « Clarice Lispector, le cœur battant de la pensée », Le Monde, (lire en ligne)
- Hubert Juin, « L'œuvre déroutante de Clarice Lispector », Le Monde, (lire en ligne)
- Brigitte Legars, « L'autoportrait de Clarice Lispector », Le Monde, (lire en ligne)
- C. F., « Les leçons sartriennes de Clarice Lispector », Le Monde, (lire en ligne)
- Hélène Combis, « Clarice Lispector, saisir l'étrangeté d'être au monde », sur France Culture,
- Matthieu Garrigou-Lagrange, « Clarice Lispector - La chose en soi », sur France Culture,
- « 98e anniversaire de la naissance de Clarice Lispector » (consulté le )
Voir aussi
modifierLiens externes
modifier- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressources relatives à la littérature :
- Bonnes nouvelles de Clarice Lispector - Clarice Lispector sur le site books.fr
- Clarice Lispector sur le site des éditions des Femmes
- Biographie année par année sur releituras.com