Classes de Thom-Boardman

En mathématiques et plus particulièrement en topologie différentielle, les classes de Thom-Boardman sont un outil pour l'étude des singularités des applications différentiables.

Historique

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Introduites par René Thom en 1956, et généralisées par John Michael Boardman (en) en 1967, elles permettent de distinguer les singularités selon la dimension des noyaux d'une application différentiable et de certaines de ses restrictions. Elles ont une importante application dans le calcul des caustiques de l'optique géométrique.

Définition (Thom, 1956)

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Étant donnée une application (indéfiniment) différentiable , on définit en tout point le rang de comme étant le rang de l'application tangente .

On définit aussi le corang à la source comme m – r, et le corang au but comme n – r. Le corang à la source est aussi la dimension i du noyau de  : i = m – r.

Un point est dit régulier si son rang prend la valeur maximale possible :

Il est dit singulier ou critique dans le cas contraire.

L'ensemble des points singuliers est noté ∑(f).

Les classes de Thom-Boardman décrivent la structure de ∑(f).

Un point est dit de classe i si le noyau de est de dimension i. On note i(f) l'ensemble des points de classe i.

Le cas général est défini inductivement en posant, pour toute famille d'entiers  :

On a les inclusions

Exemples de calculs

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Points réguliers

Soit , .

Sa dérivée n'est jamais nulle. La fonction n'a que des points réguliers : 0(f) = ℝ.

Le pli

Soit la fonction .

Sa dérivée est 2x. On a donc 0(f) = ℝ\{0} et 1(f) = {0}.

L'unique point critique est appelé pli.

La fronce

Soit l'application ,

On calcule le déterminant jacobien

On trouve

Alors 1(f) est obtenu en écrivant soit

C'est une parabole.

Pour trouver , nous devons écrire la restriction de à 1(f). En utilisant, l'égalité on trouve La dérivée ne s'annule qu'à l'origine.

On a donc La singularité à l'origine s'appelle fronce.

La queue d'aronde

Soit l'application , .

Le déterminant jacobien s'écrit

Alors 1(f) est obtenu en écrivant soit C'est une surface régulière de ℝ3.

Pour trouver nous devons écrire la restriction de à 1(f). En utilisant l'égalité on trouve On calcule la matrice dérivée La condition caractérisant est obtenue en annulant les 3 mineurs d'ordre 2, ce qui mène à

est donc une courbe régulière de ℝ3, d'équation : Cette équation nous permet d'écrire la restriction de à  : Alors est obtenu en écrivant que est nul, soit La singularité à l'origine s'appelle queue d'aronde.

Les ombilics

Soit l'application , .

On calcule comme précédemment 1(f) et

Pour trouver 2(f), on calcule la matrice jacobienne

On remarque que les deux premiers vecteurs-colonnes et forment un plan vectoriel. On écrit donc que les deux autres vecteurs-colonnes sont contenus dans ce plan, ce qui fournit 8 annulations de déterminants de mineurs d'ordre 3.

On trouve finalement 2(f) = (0, 0, 0, 0).

La singularité à l'origine s'appelle ombilic : ombilic hyperbolique pour le signe + et ombilic elliptique pour le signe –. Les ombilics hyperbolique et elliptique appartiennent à la même classe de Thom-Boardman 2(f).

L'ombrelle de Whitney-Cayley

Soit l'application , .

On calcule la matrice jacobienne :

1(f) est obtenu en annulant les 3 mineurs d'ordre 2 soit : Par conséquent 1(f) = (0, 0). La singularité à l'origine s'appelle ombrelle de Whitney-Cayley.

Application à l'optique géométrique

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Les caustiques de l'optique géométrique sont modélisées mathématiquement en tant que singularités, ou plus exactement en tant que singularités lagrangiennes.

La théorie des singularités lagrangiennes montre qu'il existe cinq types génériques de points caustiques dans notre espace physique : les plis A2, les fronces A3, les queues d'aronde A4, les ombilics hyperboliques D4+ et les ombilics elliptiques D4.

Le lien avec les singularités d'applications différentiables vient de la remarque suivante.

Considérons un ensemble (ou congruence) de rayons lumineux. Chaque rayon est défini par deux paramètres qui sont par exemple les coordonnées du point Q du front d'onde W d'où est issu le rayon.

Pour décrire tous les points P du système des rayons, on ajoute aux coordonnées et une troisième coordonnée le long du rayon, par exemple la distance QP mesurée le long du rayon On définit ainsi une application qui fait correspondre au triplet le point de l'espace physique, situé à la coordonnée (distance) le long du rayon Dire que les rayons « se croisent », c'est dire que n'est pas injective. La non-surjectivité de exprime l'existence de zones d'ombres. La caustique K du système de rayons est l'ensemble singulier ∑ de , ou plus exactement son image dans l'espace physique :

Cette modélisation des rayons par une application différentiable explique que la caustique se compose d'une surface-pli A2 = 1(f), de lignes-fronces et de points queues d'arondes Elle n'explique cependant pas la présence des ombilics = 2(f) qui, dans la théorie générale, sont de codimension 4.

La caractérisation des points caustiques par les classes de Thom-Boardman permet leur calcul effectif dans la plupart des applications.

Classes I (Boardman, 1967)

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On doit à Boardman une extension intéressante des classes I(f). Ces classes, notées I, où sont définies indépendamment de toute fonction Ce sont des sous-ensembles de l'espace des jets que nous n'expliciterons pas ici. Le rapport entre les deux définitions des classes s'exprime par désigne l'extension à -jet de La relation exige pour être vraie certaines conditions de transversalité.

Codimension de I

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La codimension de I, où est donnée par la formule de Boardman :

est le nombre de suites d'entiers vérifiant les conditions :

 ;
pour tout tel que

avec

Tableau des classes pour les petites dimensions

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On donne ici les classes non vides pour les petites valeurs de et Pour chaque classe, on écrit entre crochets sa codimension et sa dimension : On note Reg l'ensemble des points réguliers : Reg = M\∑.

Sources

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