Compagnie fermière du chemin de fer de Montpellier à Nîmes

ancienne compagnie ferroviaire française

La Compagnie fermière du chemin de fer de Montpellier à Nîmes exploita à bail un chemin de fer entre ces deux villes.

Compagnie d'exploitation du chemin de fer
de Montpellier à Nîmes
Création 1845
Disparition 1852
Fondateur(s) Molines, Surville et Delacorbière
Successeur Compagnie du chemin de fer de Lyon à la MéditerranéeVoir et modifier les données sur Wikidata

Forme juridique société anonyme
Siège social Nîmes
Drapeau de la France France

Construit sous la monarchie de Juillet, le chemin de fer entre Montpellier et Nîmes forme le complément du Montpellier-Sète et du chemin de fer du Gard.

Après une première tentative infructueuse, en 1838, et afin de relancer la confiance de l’initiative privée dans les chemins de fer, l’État se charge de la construction de la ligne qui s’étalera de 1840 à 1844.

À l’issue d’une adjudication, l’exploitation du chemin de fer est confiée, en 1844, à une entreprise privée en contrepartie du versement d’un loyer.

Ne pouvant faire face à ses obligations, la société d’exploitation trouve son salut dans une fusion, en 1852 sous le Second Empire, avec d'autres compagnies pour donner naissance à la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Méditerranée qui dessert tout le sud-est du pays à partir de Lyon.

L’origine du projet

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Au XIXe siècle, Montpellier et Nîmes sont deux villes d’importance du Languedoc, au riche passé historique et culturel ; à la fin des années 1830, la première compte 36 000 habitants, la seconde 43 000. Toutes deux sont tête de lignes des premiers chemins chemin de fer de la région ; Montpellier - Sète inauguré en et Nîmes - Beaucaire inauguré en juillet de la même année. En outre, la lignes Nîmes - Alès ouverte en est prolongée à la Grand’Combe en 1841. La voie ferrée entre Montpellier et Nîmes représente le « maillon manquant » d’un réseau régional reliant le Rhône au port de Sète.

Antérieurement au chemin de fer, la distance entre les deux villes, était parcourue par des voitures de postes en six heures avec un relais à Lunel. Pour l’année 1842, on dénombre près de 85 000 voyageurs tant par la route que par le canal[1].

À cette époque, où la doctrine officielle n’est pas encore arrêtée quant à savoir s’il faut confier à l’initiative privée ou à l’administration le soin de construire et d’exploiter les lignes de chemins de fer, plusieurs solutions sont envisagées, à savoir :

  • construction et exploitation par l’État ;
  • concession à des compagnies avec ou sans l’aide de l’État ;
  • construction par l’État et exploitation par des compagnies fermières.

Le chemin de fer de Montpellier à Nîmes relève de la dernière catégorie[2].

Un projet de loi autorisant la concession d’un chemin de fer de Montpellier à Nîmes est examiné par le parlement en 1838[3] mais, à la suite d’un changement apporté dans le cahier des charges par la Chambre des députés, la compagnie demanderesse s’est retirée. La continuité entre le Rhône et Sète est compromise. Pour y remédier, le ministre des Travaux publics, Jean-Baptiste Teste, présente un projet de loi autorisant l’État à exécuter le chemin de fer et d’y consacrer la somme de 14 millions. La loi est votée le [4].

La construction

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La construction est confiée à l’ingénieur en chef des ponts et chaussées du Gard, Charles Didion, camarade de promotion et collaborateur de Paulin Talabot[5].

Carte du chemin de fer de Paris à la mer publiée en 1838.
Viaduc du chemin de fer à Nîmes montrant, au loin en partie inférieure dans la courbe, « l’embarcadère ».

La ligne a une longueur de 52,200 kilomètres. Elle est construite dans une plaine mais comporte plusieurs ouvrages d'art ; un viaduc qui permet de traverser la ville de Nîmes sur lequel est construit « l’embarcadère », un viaduc au Grand-Gallargues, un pont au-dessus du Vidourle, une tranchée dans Montpellier. La ligne est construite à cheval sur deux départements ; 23,95 km dans le Gard et 28,250 dans l'Hérault[6].

La dépense totale fut supérieure au devis initial de 14 millions. C'est pourquoi, en 1846, la Chambre des députés vote un crédit de 500 000 F au budget du ministère des Travaux publics pour la liquidation des dépenses engagées par les entreprises intervenant pour la construction du chemin de fer[7]. Cependant, ce montant ne fut pas suffisant et, en 1849, l’Assemblée nationale vote un crédit de 371 000 francs supplémentaires (loi du )[8].

La ligne est achevée dès la fin du mois d' ; le a lieu un premier essai entre Nîmes et Montpellier reliées en deux heures, eu égard aux nombreux arrêts pour inspecter la voie, et le retour en une heure et demie. Le a lieu un second essai. Enfin, dans l’attente de l’adjudication de l’exploitation, Didion offre aux notabilités des deux villes, pendant l’été 1844, le plaisir de se transporter en chemin de fer de l’une à l’autre pour des visites de courtoise. Le , il offre un voyage gratuit en « train de plaisir » aux fonctionnaires de la préfecture de l'Hérault et à leur invités (300 personnes réparties entre huit voitures). Il y a foule à Nîmes à l’arrivée du train car Paulin Talabot organise également des « trains de plaisir » au départ d’Alès et de Beaucaire[9].

La compagnie fermière

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Opuscule en faveur d’un débarcadère dans le faubourg de Lattes à Montpellier.
Opuscule en faveur d’un débarcadère dans le faubourg de Lattes à Montpellier.

Trois jours après ces festivités, le [10], se déroulent à la préfecture du Gard à Nîmes les opérations d’adjudication de l’exploitation du chemin de fer en application de la loi du autorisant l’affermage de la ligne[11] ,[12]. La durée du bail est prévue pour douze ans[13] et le loyer (bail) est fixé à 150 000 F. pour chacune des quatre premières années, 250 000 F. pour les quatre suivantes et 350 000 F. pour les quatre dernières[14]. L’adjudication sera accordée au plus offrant et dernier enchérisseur.

Cinq concurrents se présentent[15] ;

  • la société nîmoise d’Agénor Molines, banquier, Félix de Surville[16], banquier, et Emile Delacorbière, négociant et président de la chambre de commerce ;
  • la société de Monnier fils cadet, Bonnaud et Baragnon ;
  • la société montpellièraine d’Arthur Roche[17] ;
  • Breittmayer[18], Bardet et Brouzet de Lyon ;
  • Gilbert Courbeyron, commissionnaire en roulage à Lyon dont on savait qu’il était le prête-nom des Montpelliérains Achille Durand, Charles Huc et Tissié-Sarrus.

L’adjudication est remportée par la société Molines, Surville et Delacorbière qui offre 131 000 F de plus annuellement que le minimum exigé. Elle est confirmée par une ordonnance du [19].

La société dispose d’un capital de 2 millions de francs, divisé en 4 000 actions de 500 F ; les fondateurs ayant souscrits eux-mêmes 2 000 actions[20]. Après avis du Conseil d'État, la société anonyme dénommée Compagnie d’exploitation du chemin de fer de Montpellier à Nîmes[21] est constituée le [22].

La compagnie fermière s’engage à reprendre le matériel roulant acquis par l’État à hauteur de 900 000 F remboursable progressivement avec un intérêt de 1 %[23]. En 1845, le parc du matériel roulant livré par l'État à la compagnie fermière se compose de 7 locomotives, 32 voitures et 8 wagons à bagages[24].

L’ouverture au public

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Après deux derniers voyages de courtoise des édiles des deux villes, le les nîmois à Montpellier et le 1er décembre les montpelliérains à Nîmes[25], la ligne est ouverte au public le . Malgré le mauvais temps ce jour-là, l’affluence est grande et se poursuit les jours suivants. À l’ouverture, le trafic se limite à deux trains par jour avec un arrêt à Lunel. Dans le courant du mois de février, les quatorze stations intermédiaires sont ouvertes et le trafic passe à quatre trains dans chaque sens[réf. nécessaire]. La durée du voyage est de deux heures pour un prix de 6 F. en place de luxe, 5 F. en première, 3,50 F. en deuxième classe et 2,80 F. en troisième classe[26].

L’épilogue

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Charles Didion, en poste dans le Gard depuis douze ans, est nommé secrétaire du conseil général des ponts et chaussées en .

La société fermière fit de mauvaises affaires ; elle ne put appeler que 1,2 million de francs sur son capital et ne put jamais payer le prix du bail.

La crise de 1847 frappe la société aux premières années de son existence[27].

Au mois d’, la société fermière sollicite de l’administration soit la résiliation du bail soit une réduction du fermage. La Commission centrale des chemins de fer juge préférable de réunir en une seule exploitation ce chemin de fer avec celui de Montpellier à Sète et celui de la Compagnie du chemin de fer de La Grand’Combe à Beaucaire[28].

Le développement des chemins de fer et les luttes d’influence pour constituer des réseaux nationaux homogènes se traduit, dans le sud-est, par l’émergence d’un groupe ferroviaire animé par Paulin Talabot qui après avoir obtenu la concession du Lyon-Avignon constitue, en 1852 autour de cette dernière, la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Méditerranée par le rachat des diverses compagnies du sud-est : Marseille-Avignon, La Grand’Combe-Beaucaire, Montpellier-Nîmes et Montpellier-Sète.

Pour son rachat, la compagnie fermière reçoit une indemnisation de 500 000 F. en 625 obligations du Lyon-Avignon rapportant chacune 40 F d’intérêt annuel garanti par l’État durant 50 ans remboursable en 99 ans à compter du [23],[29].

Matériel roulant

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Le matériel roulant comprend :

  • 12 locomotives, 54 voitures, 34 wagons plats et 196 wagons de marchandises.

Si la traction a été sous-traitée à un entrepreneur[30], la construction et l'entretien du matériel reste à la charge de la compagnie qui dispose de ses propres ateliers[31].

Souvenir

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La numismatique ferroviaire compte une médaille de la Compagnie fermière du chemin de fer de Montpellier à Nîmes :

  • viaduc de Nîmes (1842)[32].

Notes et références

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  1. L.-J. Thomas, page 173.
  2. Tout comme les lignes de Lille et de Valenciennes à frontière belge, pour les mêmes raisons. Voir F. Caron, page 143 et suiv. : « La crise économique de 1838-1839 brisa brutalement l’essor, à peine esquissé, des entreprises ferroviaires ». Aussi, est-ce pour redonner confiance à l’initiative privée, que l’État se décide à construire par lui-même deux lignes de chemins de fer.
  3. Le projet de loi autorise MM Farel, Tissiè-Faurris, Bros, Bérard, Auguste Fajon et Émile Castelnau à construire ce chemin de fer concédé pour une durée de 80 ans Procès-verbaux de la chambre des députés, Paris, 1838. James de Rothschild était intéressé à l'affaire ; « Rothschild le 4 novembre 1837 avait fait part du projet, copié sur le Paris-Saint-Germain et le Paris-Versailles [RD] ; le 8 il adressait l'acte à la Société générale [de Belgique] pour qui il réservait 15 % du capital. » La capital de 10 MF était réparti entre « 5,5 MF à Paris (de Rothschild frères, J.Ch Davillier et Cie, Thurneyssen et Cie, Louis d'Eichtal et fils, J. Lefebvre), 2 MF à Montpellier (Paulin, Farel etc.), 1 MF à Nîmes, 1,5 MF à émettre au pair à Paris... » (Levy-Leboyer, Les banques européennes et l'industrialisation internationale, Paris, PUF, 1964, p. 637 note 22). Il est à noter que Henri et Mellet, concessionnaires en 1836 du chemin de fer de Montpellier à Sète, avaient adressé en 1838 une demande de concession de ce chemin de fer (Voir La France industrielle, année 1837-1838, Paris, 1838)
  4. A. Picard T1 ; projet de 1838 : pages 149, 151-152 Lire en ligne; projet de 1840 : pages 200, 207 et 215 Lire en ligne. Voir également G. Ribeill, page 28.
  5. Sur les liens d’amitié et professionnels liant Didion et Talabot, voir G. Ribeill, page 206. Sur le parcours professionnel de chacun voir J. Chaintreau et autres, page 17.
  6. Ministère des Travaux publics, Situation des travaux au 31 décembre 1841, Paris, avril 1842 Lire en ligne, Annuaire Chaix 1847-1848 et Hector Rivoire, Statistique du département du Gard, tome premier, Nîmes, 1842 Lire en ligne.
  7. Procès-verbaux de la Chambre des députés, session de 1846, Paris, 1846 et Recueil des lois, décrets… Paris, 1846
  8. Bulletin des lois de la république française, Paris, juillet 1849 et Journal des chemins de fer, huitième année, 1849.
  9. L.-J. Thomas, pages 173 à 181.
  10. Avis du préfet du Gard (6 août 1844) annonçant l'adjudication du chemin de fer et procès-verbal de l'adjudication du chemin de fer le 18 septembre
  11. A. Picard T1, pages 365, 370-378, 382 et 384 Lire en ligne.
  12. Loi du 7 juillet 1844 et cahier des charges Annales des Ponts et Chaussées, 1844
  13. À l’origine, le bail avait été fixé à dix ans, mais en contrepartie de la reprise par la compagnie fermière du matériel déjà acquis par l’Etat, la durée du bail est fixée à douze ans. Voir A. Picard, T1, page 365
  14. A. Picard T1, page 386.
  15. L.-J. Thomas, page 184.
  16. Voir généalogie GeneaNet
  17. Arthur Roche faisait partie de la « Société des études du chemin de fer de Montpellier à Cette » à l'origine de ce chemin fer.
  18. Sans doute s’agit-il de Jean-Jacques Breittmayer (1801-1865), Genevois installé à Lyon, initiateur des grandes compagnies de navigation sur le Rhône, en relation avec le milieu saint-simonien (Arlès-Dufour) et les promoteurs des chemins de fer (Seguin, Talabot) (voir F. Rivet, pp. 122 et 165).
  19. Ordonnance approuvant l'adjudication du 18 septembre 1844
  20. L.-J. Thomas, page 183.
  21. Voir les statuts de la société Bulletin des lois du royaume de France, Paris, 1845. Un tableau joint en fin des statuts donne le nom, la qualité, le domicile, le nombre d'actions et le montant de chaque fondateur et souscripteur de la société.
  22. A. Picard Tome 1, page 386 Lire en ligne.
  23. a et b J. Chaintreau et autres, page 19
  24. Palau, page 112.
  25. L.-J. Thomas, pages 185 et 186.
  26. L.-J. Thomas, page 189. Voir également ouvrage de Richard, Guide classique du voyageur en France, Paris, L. Maison, 1849.
  27. D’origine agricole en 1846, la crise pris toute son ampleur en 1847 par les difficultés rencontrées dans le secteur ferroviaire qui connaissait un « boom économique » depuis les années 1841-1842. La crise dans le secteur ferroviaire était due à l’engouement inconsidéré des investisseurs et épargnants dans les valeurs mobilières des compagnies de chemin de fer toujours plus nombreuses au détriment des valeurs des autres secteurs d’activité, à l’incapacité de l’industrie à répondre à l’afflux de commandes de biens d’équipement (rail, locomotive, charpente…) alors que les importations étaient freinées par une politique protectionniste, et à l’imprévision des devis des ingénieurs des Ponts & Chaussées qui avaient déterminé la durée des concessions (F. Caron, page 191 et suiv.). Voir également Ribeill, page 34 et suiv.
  28. A. Picard, T2, page 29 Lire en ligne et G. Roselli, page 137.
  29. Procès-verbaux des séances du Corps législatif, session 1852, Paris, 1852 et Annales des Ponts & Chaussées, Paris, 1852.
  30. Chaix 1847-1848.
  31. G. Ribeill, p. 224.
  32. Description de la médaille sur Numisrail

Bibliographie

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Voir aussi

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Articles connexes

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