Condition des femmes en Guinée

La condition des femmes en Guinée est particulièrement mauvaise. Aux limitations s'appliquant à toutes les personnes vivant sous un régime de junte, s'ajoutent les inégalités de genre spécifiques, pour lesquelles la Guinée figure dans les derniers rangs des classements internationaux[4]. Malgré un arsenal juridique se voulant égalitaire et une participation significative à la vie économique, la prégnance du droit coutumier et l'image dévalorisée des femmes aboutissent à des mariages forcés et précoces, et à des violences et des mutilations sexuelles touchant la quasi-totalité d'entre elles (85 % sont touchées par les violences conjugales, 92 % par des violences basées sur le genre et 97 % par les excisions)[5],[6] . Leurs tentatives pour faire valoir leurs droits, freinées par un faible taux d'alphabétisation, se heurtent à l'hostilité de la société et à la corruption fréquente des forces de l'ordre et des magistrats[7].

Condition des femmes
en Guinée
Description de cette image, également commentée ci-après
Citadines à Konakry, en 2006.
Démographie (Guinée)
AnnéeR #
Population 2024[1] 14,75 millions
Femmes 2024[1] 7,45 millions
Place des femmes dans la société
(Guinée)
AnnéeR  %
Éd. secondaire 1.4[2] NC
Emploi ----[réf. souhaitée] NC
Représentation des femmes au parlement
(Guinée)
DateR %
Conseil national de transition [3] 29,6 %
Indices de genre des Nations unies
(Guinée)
Indice AnnéeR Valeur Rang
IIG 2022[2] NC 181e / 193
IEG ns NC nc / NC

Représentation et histoire du rôle des femmes

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Dans la combat pour l'indépendance de la Guinée, les femmes ont été activement présentes[8]. Jusque là peu considérées, sinon comme des esclaves selon les dires de l'une d'entre elles, nombreuses sont celles à apprécier les propos émancipateurs de Sékou Touré, qui dit vouloir répondre à leurs revendications de plus d'infrastructures et de services, insatisfaites sous la colonisation française. Elles adhèrent en nombre à son parti, le Rassemblement démocratique africain (RDA), et se montrent très actives pour dénoncer en 1954 l'élection truquée de son adversaire Barry Diawadou, en créant des chants et des danses, meilleur vecteur alors pour propager leurs idées au sein d'une communauté féminine peu alphabétisée. Mafory Bangoura, considérée comme la responsable de l'introduction des femmes au sein du RDA, est la première à former une des milices 100 % féminines, qui n'hésitent pas à s'en prendre physiquement à leurs adversaires politiques. Avec Nabya Haidara, une guerrière métisse soussou-libanaise, elles marquent les mémoires[9].

Le mariage est considéré comme quasiment l'unique moyen d'acquérir un statut social, et en 2013, seules 0,2 % des femmes de la tranche d'âge 45-49 ans sont célibataires (11 % chez les 25-29 ans). Lorsqu'une femme mariée meurt, ses sœurs subissent une forte pression sociale pour que l'une d'elles se marie au veuf. Qu'elles soient célibataires, divorcées ou veuves, très peu vivent seules, un statut considéré comme dangereux et en butte à la réprobation sociale[10].

Indicateurs socio-démographiques

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Espérance de vie, taux de masculinité, santé

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Accès à l'éducation

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.En 2021, le ratio de filles par rapport aux garçons est respectivement de 0.88 en primaire, 0.74 dans le secondaire inférieur et de 0.79 dans le secondaire supérieur[11].

En 2002, la Guinée a adhéré à un programme international multipartite en vue de d'accélérer l'atteinte des objectifs du millénaire. Il a notamment promis le développement d'écoles et de sanitaires parmi celles existantes, attribué des bourses, et intégré un code de conduite à l'intention des enseignants proscrivant les abus sexuels sur les filles. Ces mesures ont entraîné une légère amélioration de la scolarisation des filles sur les cinq premières années[12].

Pour tenter d'augmenter la scolarisation des filles, l'UNICEF et le gouvernement ont d'autre part lancé des écoles informelles, les « écoles NAFA » dites aussi « écoles de la seconde chance » visant en particulier les jeunes non scolarisés ou déscolarisés. Ces écoles étaient présentées comme un axe stratégique en 2007 et comptait 186 écoles. Elles touchaient alors moins de 1 % de la population concernée, avec des ambitions revues à la baisse en raison d'un manque d'implication financière du gouvernement et des communautés locales, et les manques de professeurs et de locaux en découlant[12]. Les effectifs sont de 3 165 élèves dont 2 719 filles pour 92 établissements en 2020[13].

Par contre, aucune mesure spécifiques visant les filles employées comme domestiques n'était prévue en 2007[12].

Accès à la santé

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Problématiques sociales

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Traite et travail domestique des enfants

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La traite et le travail des enfants sont légalement interdits. Toutefois, la traite des enfants et adultes est une réalité en Guinée et dans les pays limitrophes, et le travail domestique des filles est considérée comme un fait social admis[12].

Excision et mutilation

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Mariages précoces

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Outre que les Guinéennes se marient jeunes, avec 3 femmes sur 5 mariées avant 17 ans en 2015, les mariages précoces et forcés sont nombreux dans la plupart des groupes ethniques et religieux du pays[10].

Polygamie

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Violence basée sur le genre

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Le souvenir des massacres du 28 septembre 2009, avec plus de 100 femmes retenues en esclavage sexuel ou victimes de viols de masse est encore dans les mémoires[14]. Le procès, achevé en 2024, n'a pas permis pour Kadiatou Konaté, figure de la nouvelle génération féministe et cofondatrice du Club des jeunes filles leaders de Guinée, d'ouvrir un vrai débat sur la question des violences de genre : « Lors des audiences, des accusés ont suscité des rires car ils faisaient leur show. On a regardé ces audiences comme un divertissement sans s’interroger sur les questions de fond et celles des droits des femmes »[15].

Participation à la vie politique et publique

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Le taux de participation des femmes aux instances parlementaires a été successivement de 22.81 % en 2020, de 16.71 % en 2021 et monte à 29.61 % en 2022[16], après désignation par le chef de la junte des membres du Conseil national de transition, dont la date de fin n'est pas annoncée.

En 2018, lorsque le gouvernement Ibrahima Kassory Fofana ne retient que 4 femmes dans son équipe, soit 10 %, des femmes manifestent leur colère en ligne et en font le reproche à Alpha Condé[17] :

« le Professeur Alpha Condé, s’est engagé solennellement à dédier son mandat à la cause des couches les plus vulnérables de la société guinéenne, notamment les femmes et les jeunes. Sept ans et demi après, et à 31 mois de la fin de son second mandat, force est de constater que ses promesses sont et demeurent des déclarations d'intentions. Les femmes, en particulier, sont faiblement représentées dans l'appareil d'État. Dans la classe politique, elles sont quasiment confinées aux seconds rôles. [...] Bref, les femmes ne tiennent pas les leviers de décisions comme elles le mériteraient dans ce pays. »

73 d'entre elles forment le collectif «  #PasSansEllesGN » pour dénoncer le double discours du président[17].

Deux députées soutenues par 80 parlementaires déposent alors une proposition de loi visant la parité[17], loi qui est adoptée l'année suivante[18] mais en 2024, alors que le nouveau Premier ministre Amadou Bah Oury s'engage à composer un gouvernement comportant au moins 30 % de femmes, elles ne sont finalement que six sur les 29 ministres nommés, soit environ 20 %[19].

Si les femmes sont peu élues ou nommées à des postes à responsabilité, elles sont présentes dans la vie publique et n'hésitent à manifester pour faire part de leurs revendications. En 2018, une manifestation spontanée de femmes proteste contre les 101 morts décomptées dans des manifestations depuis l'arrivée au pouvoir d'Alpha Condé[20]. Bien que ces manifestations soient moins nombreuses depuis qu'elles ont été interdites en 2022 par la junte arrivée au pouvoir l'année précédente avec à sa tête le général Mamadi Doumbouya, des habitantes bloquent l'accès à Conakry en février 2024. Elles protestent initialement contre les promesses non tenues d'indemnisation après l'explosion du principal dépôt d’hydrocarbures de Guinée en décembre ayant fait 25 morts, des centaines de blessés, et de nombreux dégâts aux habitations. Leurs revendications s'élargissent avec notamment des protestations contre le prix élevé des produits de première nécessité, la répression de l'opposition et la censure d'Internet[21].

La vie professionnelle fait l'objet d'une forte ségrégation, avec des emplois à salaires moindres pour les femmes, et celles-ci sont surreprésentées dans le secteur informel[10].

Hadja Idrissa Bah.

Féminisme et luttes féminines

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Les mouvements locaux en faveur de la réduction des inégalités de genre sont particulièrement soutenus par les ONG internationales, qui y voient un levier pour le développement du pays[22].

Pionnières

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Références

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  1. ONU, Annuaire statistique - 2024 édition, (lire en ligne), p. 22
  2. a et b PNUD, Rapport sur le développement humain 2023-2024 (lire en ligne), p. 290
  3. Rédaction, « Guinée : Mamadi Doumbouya nomme Dansa Kourouma à la tête du CNT », sur jeuneafrique.com, Jeune Afrique, (consulté le )
  4. « Une priorité pour la Guinée : améliorer le statut des femmes et filles - résumé », sur World Bank (consulté le )
  5. « Tierno Monénembo – Guinée, un enfer pour les femmes », sur Le Point, (consulté le )
  6. Wafrica Guinée, Tostan, ONG Korassy pour l’autonomisation des femmes en Guinée et Coalition nationale pour le droit et la citoyenneté des femmes, Droits des femmes en Guinée - Rapport de la société civile pour le 3ème cycle de l’EPU de la Guinée (lire en ligne)
  7. Catherine Choquet et Hélène Kokolou Zogbélémou, « Femmes d'ici et d'ailleurs - De l’« infériorité » des femmes en Guinée », Hommes et Liberté, no 185,‎ (lire en ligne [PDF])
  8. Céline Pauthier, « Tous derrière, les femmes devant ! Femmes, représentations sociales et mobilisation politique en Guinée (1945-2006) », Perspectives historiques sur le genre en Afrique, Cahiers Afrique, no 23,‎ , p. 219-238
  9. « Le rôle des femmes dans l'indépendance de la Guinée », sur www.nofi.media, (consulté le )
  10. a b et c Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, « Guinée : information sur les femmes célibataires et sans soutien familial, y compris sur la possibilité qu'ont ces femmes de vivre seules et de se trouver un logement et un emploi sans avoir besoin de l'approbation d'un homme (2013-mars 2015) », sur webarchive.archive.unhcr.org, (consulté le )
  11. ONU, Annuaire statistique - 2024 édition, (lire en ligne), p. 98
  12. a b c et d Au bas de l'échelle- Exploitation et maltraitance des filles travaillant comme domestiques en Guinée, Human Rights Watch, (lire en ligne), p. 113 et suivantes
  13. République de Guinée - Ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation, « Annuaire statistique des centres NAFA 2020-2021 » (consulté le )
  14. « Guinée: une mobilisation pour dénoncer les violences dont sont victimes les femmes guinéennes », sur RFI, (consulté le )
  15. « En Guinée, la difficile reconstruction des femmes survivantes des viols du 28 septembre 2009 », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. ONU, Annuaire statistique - 2024 édition, (lire en ligne), p. 88
  17. a b et c Marie Valleray et Sylvie Brabant, « En Guinée, les femmes se battent contre l'absence de parité dans le gouvernement », sur information.tv5monde.com, (consulté le )
  18. « La Guinée adopte la loi sur la parité, assurant une représentation égalitaire pour les femmes sur les listes électorales », sur ONU Femmes, (consulté le )
  19. « Les Guinéennes déçues par la promesse non-tenue de parité dans le gouvernement », sur RFI, (consulté le )
  20. « Des femmes guinéennes protestent contre les violences », sur BBC News Afrique, (consulté le )
  21. « En Guinée, les femmes élèvent la voix face à Doumbouya », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  22. Doumbouya 2008, p. 17-19.

Bibliographie

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  • Nieves,Carmen De Paz, Miriam Muller, Alina Mykytyshyn et Didier Yelognisse Alia, Libérer le Potentiel des Femmes et des Filles - Le Statut des Femmes et des Filles par Rapport aux Hommes et aux Garçons en Guinée, Banque mondiale, , 124 p. (lire en ligne) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Kristien de Boodt et Lisette Caubergs, Femmes pionnières de Guinée: dix ans d'appui aux groupements d'autopromotion de Bangouya, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-86537-837-1, lire en ligne)
  • Oumar Sivory Doumbouya, La situation sociale des femmes en Guinée: de la période précoloniale à nos jours, L'Harmattan, (ISBN 978-2-296-06766-0, lire en ligne) Document utilisé pour la rédaction de l’article