Construction des octonions basée sur le corps à 8 éléments

Cet article de mathématiques décrit une construction de l'algèbre des octonions utilisant le corps à huit éléments.

Cette construction de l'algèbre est une alternative à celle de Cayley-Dickson appliquée aux quaternions, permettant une vérification moins ardue et plus élégante des propriétés de la base canonique des octonions[1]. Pour justifier l'affirmation qu'on obtient bien ainsi la même algèbre (à isomorphisme près), la preuve de cet isomorphisme est donnée à la fin (cf. corollaire 2 ).

Définition de l'algèbre

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On part d'un espace vectoriel V de dimension 8 sur dont on indexe une base par les éléments du corps fini à 8 éléments F8. La base en question sera donc notée (ex) où x parcourt ce corps. On fait de V une algèbre (non nécessairement associative ni commutative) sur en définissant le produit de deux éléments de base par la formule suivante, où x et y sont des éléments quelconques de F8 :

(*) h(x,y) = Tr(x6y)

Ici, Tr désigne la fonction Trace TrF8/F2 de F8 sur le corps fini F2 (ou Z/2Z). C'est l'application de F8 dans F2 définie par :

Tr(x) = x + x2 + x4

En effet, F8 étant une exension galoisienne finie sur F2, Tr(x) est la somme des s(x) où s parcourt le groupe de Galois de F8 sur F2. Ce groupe est engendré par l'automorphisme de Frobenius , et les éléments de G sont les automorphismes , et .

Premières conséquences

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Compte tenu du fait que x7 = 1 pour tout x non nul dans F8 (car le groupe des éléments non nuls de F8 est d'ordre 7), on a :

La fonction Tr est une forme linéaire non nulle sur F8 considéré comme espace vectoriel de dimension 3 sur F2. Son noyau H est donc de dimension 2 et contient trois éléments non nuls w qui vérifient donc w + w2 + w4 = 0, d'où 1 + w + w3 = 0, c'est-à-dire w3 = w + 1 (on est en caractéristique 2). On vérifie qu'un tel w engendre le groupe multiplicatif F8*. Ainsi F8 = F2[w] et (1, w, w2) est une base de F8 sur F2. Dans cette base, Tr vérifie Tr(1) = 1, Tr(w) = 0, Tr(w2) = 0, d'où :

H = F2w + F2w2 = {0, w, w2, w + w2}

w + w2 = w4. Les éléments de trace 1 sont ceux de :

F8\H = 1 + H = {1, 1 + w, 1 + w2, 1 + w + w2} = {1, w3, w6, w5}

puisque 1 + w2 = (w + w3)/w = 1/w = w6 et 1 + w + w2 = (w3 - 1)/(w - 1) = w/w3 = w-2 = w5.

Symétries des éléments de base

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De la définition du produit (*) résulte une symétrie circulaire des éléments de la base choisie de V autres que 1, comparable à celle des quaternions i,j,k. Comme x6y = y/x si x est non nul, on a h(zx,zy) = h(x,y) pour x, y, z dans F8 tels que z soit non nul. Par suite, pour z dans F8*, l'endomorphisme uz de V tel que uz(ex) = ezx pour x dans F8 est un automorphisme d'algèbre de V. Si on pose pour , alors uw transforme im en im+1 pour m<6, i6 en i0 et e0 en lui-même.

L'automorphisme de Frobenius de F8 fournit un autre automorphisme d'algèbre de V puisque Tr(t(x)) = Tr(x): celui-ci transforme ex en et(x) et est d'ordre 3.

Propriétés fondamentales de la multiplication des éléments de base

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1) e0 est élément unité de V.

2) Pour tout x dans F8*, ex2 = - e0

3) Pour x, y dans F8, ey ex = +/- ex ey où le signe moins est à prendre si et seulement si x et y sont linéairement indépendants dans l'espace vectoriel F8 sur le corps F2.

4) Pour x, y, z dans F8, (ex ey) ez = +/- ex (ey ez) où le signe moins est à prendre si et seulement si x, y et z sont linéairement indépendants dans l'espace vectoriel F8 sur F2.

Conséquences

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Corollaire 1

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Si x et y sont deux éléments de F8 linéairement indépendants sur F2, et S le sous-espace vectoriel de F8 qu'ils engendrent, alors est une base d'une sous-algèbre W de V isomorphe à l’algèbre des quaternions sur . En outre, par transport de structure (en), e0 est son propre conjugué et celui de ez pour z non nul dans S est - ez.

Corollaire 2

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V est isomorphe à l'algèbre des octonions 𝕆.

En effet, soit (x,y,z) une base de F8 sur le corps F2 et définissons W et S comme dans le corollaire 1. Posons . L'application :

est évidemment un isomorphisme d'espaces vectoriels sur . Les éléments de V peuvent ainsi être mis en correspondance avec un couple de quaternion. Il suffit alors de prouver que le produit dans V correspond au produit des octonions comme couple de quaternions et vérifier que :

,
,
pour tout dans W.

Notes et références

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  1. (en) Tathagata Basak, « The Octonions as a Twisted Group Algebra », Finite Fields and Their Applications, no 50,‎ , p. 113--121 (lire en ligne).