Conventus juridici
Les conventus juridici (au singulier : conventus juridicus[1], littéralement « assemblée juridique » ou « session judiciaire ») sont une forme particulière de l'organisation territoriale de l'Empire romain, une subdivision attestée dans trois parties de l'empire, la Dalmatie, l'Hispanie et l'Asie[2],[3]. Un certain nombre de conventus sont mentionnés dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, qui se réfère à des sources d'époques diverses[2].
Dans les provinces où prévaut la langue grecque, conventus juridicus est traduit par le mot διοίκησις[4].
Origines
modifierDans le système romain de domination impériale, jusqu'au IVe siècle, les subdivisions territoriales sont en général au nombre de deux : les provinces (provinciae), placées sous la direction d'un gouverneur et de son administration, et les cités (civitates), administrées par leur propre sénat décurional.
Les origines et la date de création du système des conventus juridici/διοικήσεις sont discutées par les spécialistes[5]. Une part des auteurs y voit un héritage de la période des Attalides[5], dynastie régnant sur le royaume de Pergame jusqu'à l'annexion par Rome, qui survient en 129 avant notre ère, mais la majorité y voit une innovation romaine[5].
En ce qui concerne la chronologie[6], certains, à la suite de Theodor Mommsen, font remonter ce système à la création de la province d'Asie[6] ; d'autres y voient une initiative plus tardive[6] ; d'autres envisagent plutôt un développement progressif et empirique du système, en réponse à l'augmentation du nombre des citoyens romains dans la province[6].
Rôle
modifierCette subdivision est le ressort d'une cour de justice dont les sessions annuelles sont présidées par le gouverneur de la province, puis, à partir du règne d'Hadrien par un légat juridicus délégué par le gouverneur. Les conventus permettent d'organiser la tournée annuelle que le gouverneur doit effectuer dans sa province et ont l'avantage de rapprocher la justice des administrés.
Il est possible qu'ils aient eu d'autres rôles, mais ceux-ci sont mal connus. Ils concernent peut-être la gestion de la population, la réalisation des recensements, la fiscalité ou les levées de soldats. En Hispanie, on trouve des prêtres du culte impérial au niveau des conventus, qui auraient donc aussi une fonction religieuse[3].
Un rescrit d'Antonin le Pieux est cité dans le Digeste[7],[8], citant Modestin[7],[9] qui cite lui-même le juriste Paul[7],[10]. Selon ce rescrit[4],[11] adressé au conseil[11] de la province d'Asie et relatif à l'exercice des professions libérales[7], les cités d'Asie sont classées en trois catégories :
- cités de premier rang ;
- cités ayant un forum causarum vel loca judiciorum[4] (c'est-à-dire : les chefs-lieux de cité où ont lieu les sessions annuelles du gouverneur) ;
- autres cités.
En fonction de ce classement, les cités peuvent accorder le droit d'exercer à un nombre plus ou moins élevé de médecins, de rhéteurs et de professeurs[11].
Listes de conventus
modifierEn Hispanie
modifierProvince de Bétique
modifierQuatre conventus juridici sont cités par Pline [12], dont les sièges se trouvent à :
Province de Tarraconaise
modifierPline nomme sept sièges de conventus[13]:
- Tarraco (Tarragone)
- Carthago Nova (Carthagène)
- Caesaraugusta (Saragosse)
- Clunia (Alto de Castro)
- Asturica Augusta (Astorga)
- Lucus Augusti (Lugo)
- Bracara Augusta (Braga)
Province de Lusitanie
modifierPline nomme trois trois sièges de conventus en Lusitanie[14]:
En Illyricum (Dalmatie)
modifierEn Asie
modifierPour l'Asie, des conventus nous sont connus par :
- la lettre d'un magistrat romain des années -, peut-être Q. Minucius Thermus (en), connue par des copies de Priène et Milet[18] ;
- Pline l'Ancien[18] ;
- une inscription de Didyme de l'époque de Caligula[18] ;
- une inscription d'Éphèse[19].
Des conventus (ou jurisdictiones[réf. nécessaire]) existent avant le règne d'r(Auguste. D'après l'épigraphie; ils sont au nombre de treize sous Caligula. La dimension de ces circonscriptions n'est pas homogène et les limites étaient fixées en raison des commodités de transport plutôt qu'en fonction de liens entre les cités. L'organisation varia au cours du temps, selon les rivalités entre cités pour avoir l'honneur d'être le siège des assises du gouverneur[2]. Pline en nomme huit :
Notes et références
modifier- Le mot conventus est ici un nom masculin de la quatrième déclinaison (type manus), dans laquelle les nominatifs singulier et pluriel sont identiques. Dictionnaire Gaffiot, page 425 : « conventus, us, m. : 1. (en général) assemblée, réunion. 2; (en particulier) a) assises (des gouverneurs de province), session judiciaire. b) communauté des citoyens romains d'une ville. ».
- Jacques et Scheid 2010, p. 174-175
- Lefebvre 2011, p. 142
- Humbert 1887, II, p. 1496, col. 2.
- Heller 2006, chap. IV, p. 125.
- Heller 2006, chap. IV, p. 125, n. 1.
- Agudo Ruiz 2002, sec. II, § 4, p. 243.
- Digeste, XXVII, 1, 6, 2.
- Modestin, II.
- Paul.
- Rémy et Delrieux 2007, sec. 2, § 2.5, p. 279.
- N.H. III, 7
- «Nunc universa provincia dividitur in conventus VII, Carthaginiensem, Tarraconensem, Caesaraugustanum, Cluniensem, Asturum, Lucensem, Bracarum». (N.H. III, 18)
- «Universa provincia dividitur in conventus tres, Emeritensem, Pacensem, Scalabitanum». (N.H. IV, 117)
- «Conventum Scardonitanum». (N.H. III, 139)
- «Liburniae finis et initium Delmatiae [...] Salona». (N.H. III, 141)
- «Narona colonia tertii conventus». (N.H. III, 142)
- Nicolet 1993, p. 242, n. 29.
- Nicolet 1993, p. 242-243, n. 29.
- «Una appellatur Cibyratica». (Pline l'Ancien, Naturae Historiae, V, 105)
- «Alter conventus a Synnade accepit nomen». (N.H. V 105)
- Cicéron, Ad Atticum, V, 16, 2
- «Tertius Apameam vadit». (N.H. V, 106)
- «Alabanda libera, quae conventum eum cognominavit». (N.H. V, 107)
- «Sardiana nunc appellatur ea iurisdictio». (N.H. V, 111)
- Zmyrnaeum conventum». (N.H. V, 120)
- «Conventum Adramytteos». (N.H. V, 122)
- «Pergamena velut eius tractus iurisdictio». (N.H. V, 126)
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- François Jacques et John Scheid, Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J.-C.260 ap. J.-C.). Tome 1, PUF, coll. « Nouvelle Clio, l'histoire et ses problèmes », (1re éd. 1999), 480 p. (ISBN 978-2-13-044882-2)
- Sabine Lefebvre, L'administration de l'Empire romain d'Auguste à Dioclétien, Paris, Armand Collin, coll. « Cursus Histoire », , 222 p. (ISBN 978-2-200-35575-3)
- [Agudo Ruiz 2002] (en) Alfonso Agudo Ruiz, « Los privilegios de los médicos en el derecho romano » [« Les privilèges des médecins en droit romain »], Ius fugit : revista interdisciplinar de estudios histórico-jurídicos de la Corona de Aragón, nos 8-9 : « - », , p. 205-272 (lire en ligne [PDF]).
- [Heller 2000] Anna Heller, « Le système des conventus juridici dans l'Asie romaine : créations de nouveaux centres ? », Hypothèses, no 3, , p. 181-187 (DOI 10.3917/hyp.991.0181, lire en ligne [PDF]).
- [Heller 2006] Anna Heller, « Les bêtises des Grecs » : conflits et rivalités entre cités d'Asie et de Bithynie à l'époque romaine ( a.C.- p.C.), Pessac, Ausonius, coll. « Scripta antiqua » (no 17), , 1re éd., 425 p., 16,5 × 23 cm (ISBN 2-910023-74-5, EAN 9782910023744, OCLC 71335827, BNF 40208988, DOI 10.4000/books.ausonius.3368, SUDOC 108825639, présentation en ligne, lire en ligne ).
- [Hochard, Blet-Lemarquand et Baux 2019] Pierre-Olivier Hochard, Maryse Blet-Lemarquand et Dominique Baux, « Les conventus de Lydie (fin IIe – IIIe siècle de notre ère) : Louis Robert, Konrad Kraft et les analyses élémentaires », Revue numismatique, 6e série, vol. 176, , p. 139-180 (DOI 10.3406/numi.2019.3451, HAL hal-03026727, lire en ligne [PDF]).
- [Humbert 1887] Gustave Humbert (ill. Paul Sellier), « Conventus », dans Charles Daremberg et Edmond Saglio (dir.), Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, t. Ier, 2de partie : C, Paris, Hachette, , 1re éd., p. 757-1703, in-4o (OCLC 300012044, BNF 34312484, SUDOC 016209230, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]), p. 1496-1497.
- [Nicolet 1993] Claude Nicolet, « Le monumentum Ephesenum et la délimitation du portorium d'Asie », Mélanges de l'École française de Rome : Antiquité, t. 105, no 2, , p. 929-959 (DOI 10.3406/mefr.1993.1824, lire en ligne [PDF]).
- [Rémy et Delrieux 2007] Bernard Rémy et Fabrice Delrieux, « Les médecins dans les inscriptions de la province romaine de Lycie-Pamphylie », dans Patrice Brun (éd. et avant-propos), Scripta anatolica : hommages à Pierre Debord (mélanges), Pessac, Ausonius, coll. « Études » (no 18), , 1re éd., 364 p., 17 × 24 cm (ISBN 2-910023-94-X, EAN 9782910023942, OCLC 470573055, BNF 41182460, DOI 10.4000/books.ausonius.11273, SUDOC 120937891, présentation en ligne, lire en ligne ), 2e partie, chap. 14, p. 261-280.
Textes antiques
modifier- [Digeste] Digeste.
- [Paul] (la) Iulius Paulus, De excusationibus tutelarum.
- [Modestin] (la) Herennius Modestinus, De excusationibus.
Liens externes
modifier- (es) [PDF] Dolores Dopico Caínzos, « Los conventus iuridici. Origen, cronología y naturaleza histórica », Gerión, .
Sources
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « conventus iuridicus » (voir la liste des auteurs).
- (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « conventus iuridicus » (voir la liste des auteurs).