Cotisations sociales

prélèvements assis sur les salaires

Les cotisations sociales, souvent appelées charges sociales, sont des prélèvements assis sur les salaires. Les cotisations font partie de la répartition opérée sur la richesse nationale marchande créée au cours de l'année, ou PIB. Elles sont calculées sur la base des salaires super-brut. Elles constitueraient le salaire « indirect » ou « socialisé » selon les auteurs[1], et sont associées au financement des prestations sociales ou de la sécurité sociale.

Une distinction, souvent qualifiée de trompeuse, est faite entre deux types de cotisations sociales[2] :

  • les cotisations sociales salariales, aussi appelées cotisations sociales salariés, qui sont déduites du salaire brut (salaire net = salaire brut − cotisations sociales salariales) ;
  • les cotisations sociales patronales, aussi appelées cotisations sociales employeurs, qui sont déduites du salaire super-brut (salaire brut = salaire super-brut − cotisations sociales patronales) et qui sont en général plus élevées que les cotisations sociales salariales.

Plusieurs auteurs critiquent l’usage du terme « charges sociales » — particulièrement utilisé dans le monde des affaires — qu’ils considèrent comme un glissement sémantique ou une novlangue destinée à faire adhérer le public à une vision libérale de l'économie au détriment des droits des travailleurs.

Description

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Les cotisations sociales sont collectées par des organismes appelés caisses afin d'être redistribuée. Les cotisants bénéficient en contrepartie d’une couverture partielle ou totale de frais divers, engendrés par l'un des grands « risques » que sont le chômage, la vieillesse, la famille, la maladie et les accidents du travail et maladies professionnelles. Cette contrepartie peut être immédiate (risque immédiat), ou différée : le salarié touche une pension à l'âge de la retraite.

Ce système repose sur un principe de solidarité : une partie des salariés payent plus qu'ils ne reçoivent ou qu’ils ne recevront, par exemple s’ils ne connaissent aucun ennui de santé ou aucune période de chômage, si la durée de leur espérance de vie à la retraite est plus faible que la moyenne, si leurs cotisations servent à financer d’autres régimes de retraite. Les organisations patronales militent généralement pour la réduction du montant de ces cotisations, et les auteurs libéraux expliquent que les cotisations sociales étant une partie intégrante du salaire complet, c’est celui-ci qui devrait être versé par l’employeur.

Analyse macroéconomique

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Dans la théorie économique[Laquelle ?], la séparation entre cotisations sociales patronales et cotisations sociales salariés n'est pas pertinente à moyen terme : les cotisations sociales reposent in fine sur les salaires, du fait d'une baisse des salaires ou d'une moindre hausse[3],[4]. Ce qui compte, c'est le coût salarial pour l'employeur (salaire brut + cotisations sociales patronales), c'est le salaire net pour le salarié (le salaire net mesure son pouvoir d'achat effectif) et c'est l'ensemble des droits sociaux acquis (assurance chômage, droits à pension...) lorsque le contrat de travail prendra fin (c'est aussi ce que l'on appelle le salaire différé)[5].

Le niveau des cotisations sociales varie en fonction de l'efficacité des systèmes de sécurité sociale et des gestionnaires (en France, les partenaires sociaux, l'État en Grande-Bretagne[6]). L'État peut également prendre en charge une partie des dépenses. Par exemple, au Danemark, les prestations sont en grande partie payées par l'impôt[7].

Comparaison européenne des cotisations sociales patronales

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Cotisations sociales patronales 2016 par rapport au salaire super-brut. Sur 100 euros de salaire brut les employeurs paient en supplément x Euro de cotisations sociales patronales en pourcentage. La définition étroite est utilisée (coûts indirects engagés par l'employeur en plus du salaire brut versé à l'employé)[notes 1].

Pays Cotisations sociales patronales (en % de salaire brut, en plus du salaire brut)
Drapeau de l’Union européenne Union européenne (EU 28) 31
Drapeau de l’Union européenne Zone euro (EU 19) 34
Drapeau de la Suède Suède 49
Drapeau de la France France 47
Drapeau de la Belgique Belgique 44
Drapeau de la Lituanie Lituanie 40
Drapeau de l'Italie Italie 37
Drapeau de la Grèce Grèce 39
Drapeau de la Tchéquie Tchéquie 37
Drapeau de l'Estonie Estonie 36
Drapeau de l'Autriche Autriche 36
Drapeau de la Slovaquie Slovaquie 36
Drapeau de l'Espagne Espagne 35
Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas 30
Drapeau de la Hongrie Hongrie 29
Drapeau de la Roumanie Roumanie 25
Drapeau de l'Allemagne Allemagne 28
Drapeau de la Finlande Finlande 27
Drapeau du Portugal Portugal 27
Drapeau de la Lettonie Lettonie 26
Drapeau de la Pologne Pologne 22
Drapeau de Chypre Chypre 20
Drapeau de la Slovénie Slovénie 19
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 19
Drapeau de la Bulgarie Bulgarie 18
Drapeau de l'Irlande Irlande 18
Drapeau de la Croatie Croatie 18
Drapeau du Luxembourg Luxembourg 16
Drapeau du Danemark Danemark 16
Drapeau de Malte Malte 9

Source : Calculs de l'Office fédéral de la statistique allemand sur la base des données Eurostat du [8]

En France

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Terminologie et usage

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Cotisations sociales est le terme utilisé dans les textes de loi pour désigner ces prélèvements obligatoires. Il est majoritaire dans les écrits de l'administration et des pouvoirs publics. Dans l'usage courant, ce terme est fréquemment remplacé par l'expression charges sociales, particulièrement dans les domaines de l'économie[9],[10],[11],[12], du monde de l'entreprise et des affaires[13], ces flux financiers correspondant, pour l’entreprise qui les verse, à la définition d’une charge en comptabilité[14]. Le monde politique fait également un usage abondant de cette expression tout comme la presse, y compris dans une moindre mesure celle considérée comme éloignée des idées libérales[15],[16],[17]. Celle-ci est enfin utilisée plus rarement par les pouvoirs publics[18].

L’expression est critiquée par plusieurs auteurs, sociologues, économistes, historiens, spécialistes du discours politique ou du langage, qui considèrent ce glissement sémantique dépréciatif comme le résultat d'une manipulation idéologique du langage qui oriente la conception que l'on se fait désormais du salariat[19],[20],[21],[22],[23].

Selon ces auteurs, le terme charges n'est pas neutre. Il signifie étymologiquement « ce qui pèse », et adopte le point de vue des entreprises. Selon le sociologue Éric Fassin : « Il en va donc, au premier chef, du contrôle du vocabulaire politique. On sait par exemple que tant qu’on continuera de parler, au lieu de « cotisations », de « charges », celles-ci vont immanquablement « peser » ; elles paraîtront forcément « trop lourdes », et la seule politique raisonnable sera, inévitablement, leur « allègement ». »[24]. Le terme leur semble donc marqué idéologiquement ; selon la linguiste Josiane Boutet : « les mots « cotisations » et « charges » renvoient donc à des significations radicalement opposées. Leurs sémantismes sont antagonistes. Dans la langue française, ces deux expressions de « cotisations sociales » et de « charges sociales » ne devraient donc pas pouvoir renvoyer à une même réalité »[25]. La spécialiste de l'analyse du discours Ruth Amossy y voit un exemple de manipulation idéologique du langage : « L'usage abondant de cette expression [charges sociales] par les discours politiques et les médias est une façon de faire adhérer le public à une vision libérale de l'économie, au détriment des droits chèrement acquis des travailleurs. La manipulation est ici celle qu'exerce sur les esprits le discours dominant »[22]. De même, l'économiste Jean Paul Fitoussi, les sociologues Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique, ou encore le journal L'Humanité y voient un exemple de « novlangue »[26],[27],[28].

Données chiffrées

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En France, le volume des cotisations sociales s'élevait en 2017 à 384,5 milliards d'euros, soit 37 % des prélèvements obligatoires[29]. Parmi les États de l'OCDE, la France est en 2015 le pays qui a les cotisations sociales les plus importantes[30],[31]. Selon l'Institut économique Molinari, un think tank libéral franco-belge, elle devancerait en 2015 les autres pays européens pour les cotisations patronales (51 % du salaire brut, ce qui revient à 33,8 % du salaire super brut) et détiendrait également la première place pour les cotisations salariales (25 % du salaire brut). Ainsi, le salaire net (pré-imposition) s'établit à 49,7 % du salaire « super brut »[32],[33],[34],[35],[36],[37].

Source : Pour la France, pour les salaires inférieurs à 3 086  par mois

Au Royaume-Uni

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Notes et références

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  1. Depuis 2004, les statistiques officielles allemandes appliquent la classification habituelle d’Eurostat et de l’Organisation internationale du Travail (OIT) aux salaires et traitements bruts d’une part (coûts de main-d’œuvre directs) et non salariaux (coûts de main-d’œuvre indirects).

Références

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  1. Salaire ou revenu différé ?, Nicolas Castel, Revue française de sociologie 2010/1, p. 61 à 84.
  2. « Cotisations sociales : en finir avec le mensonge... », Les Échos,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Qui paye vraiment les cotisations sociales, Ecopublix, novembre 2007
  4. L'économiste Jonathan Gruber l'établit, à partir d'estimations statistiques, à moyen terme : « I find strong evidence that the incidence of payroll taxation was fully on wages, with no effect on employment. » in The Incidence of Payroll Taxation: Evidence from Chile, 1997
  5. « Charges patronales, définition », sur Alternatives Economiques, (consulté le ).
  6. Rapport sur la protection sociale du service des affaires européennes du sénat français décembre 1995
  7. Le régime danois de sécurité sociale - 2005 ; section Financement, site du Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS)
  8. « EU-Vergleich der Arbeitskosten 2016: Deutschland auf Rang sieben », Statistisches Bundesamt, (consulté le ).
  9. Elisabeth Vlassenko, « Trente pour cent de charges sociales dans les coûts salariaux », Économie et Statistique, vol. 156, no 1,‎ , p. 15–23 (DOI 10.3406/estat.1983.4758, lire en ligne, consulté le )
  10. Andrée Devaux, « L'évolution des charges sociales et des coûts de main-d'œuvre en Europe occidentale et aux États-Unis », Economie et Statistique, vol. 12, no 8,‎ , p. 848–883 (DOI 10.3406/estat.1957.8457, lire en ligne, consulté le )
  11. « Les charges sociales dans les pays de l'O.E.C.E », Economie et Statistique, vol. 6, no 2,‎ , p. 66–100 (DOI 10.3406/estat.1951.9488, lire en ligne, consulté le )
  12. Jean-Marc Germain, « Allégements de charges sociales, coût du travail et emploi dans les modèles d'équilibre : enjeux et débats », Économie et Statistique, vol. 301, no 1,‎ , p. 73–94 (DOI 10.3406/estat.1997.2534, lire en ligne, consulté le )
  13. « Exonération charges sociales pour les nouveaux entrepreneurs », sur Assistance administrative aux professionnels et entreprises I Officéo Pro (consulté le ).
  14. Le règlement ANC no 2014-03 relatif au plan comptable général définit, comme sous-compte du compte 64 « charges de personnel », les comptes 645 « Charges de sécurité sociale et de prévoyance » et 647 « Autres charges sociales ». Pour une entreprise individuelle, les cotisations sont versées sur le compte 646 appelé « Cotisations sociales personnelles de l’exploitant ». [PCG consolidé au  (page consultée le 29/04/2023)]
  15. Les baisses de charges sociales contre la croissance, humanite.fr, 7 septembre 2002
  16. «Si l’on baisse les charges sociales, on favorise l’emploi», liberation.fr, 5 janvier 2012
  17. Les charges sociales sont aussi des impôts, lemonde.fr, 15 janvier 2010
  18. Marie Dancer, La baisse des charges sur les salaires ne soutient pas les exportations, la-croix.com, 15 janvier 2019
  19. Des cotisations sociales aux charges sociales, Josiane Boutet, Silogora.org, mars 2018.
  20. Compétitivité : le choc des mots, Libération, 1er novembre 2012.
  21. Éric Fassin, Gauche, l'avenir d'une désillusion, Éditions Textuel, , 64 p. (ISBN 2845974884).
  22. a et b dans le chapitre « Les avatars du « raisonnement partagé » : langage, manipulation et argumentation » du livre : Laurence Aubry et Beatrice Turpin, Victor Klemperer, repenser le langage totalitaire, CNRS Éditions, , 352 p. (ISBN 227107312X).
  23. Josiane Boutet, « Pratique langagière: », Langage et société, vol. Hors série, no HS1,‎ , p. 281–284 (ISSN 0181-4095, DOI 10.3917/ls.hs01.0282, lire en ligne, consulté le )
  24. Éric Fassin, Gauche, l'avenir d'une désillusion, Éditions Textuel, , 64 p. (ISBN 2845974884).
  25. Josiane Boutet, « Des cotisations sociales aux charges sociales », sur Silogora.org, .
  26. Aline GÉRARD, « ENTRETIEN. « Il y a 30 ans on parlait de salaire indirect. Aujourd’hui, on parle de charges » », sur Ouest-France.fr, (consulté le ).
  27. Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique, « La subjectivité en déroute dans les organisations paradoxantes: », Cliniques méditerranéennes, vol. n° 99, no 1,‎ , p. 43–53 (ISSN 0762-7491, DOI 10.3917/cm.099.0043, lire en ligne, consulté le )
  28. « Chaque époque a sa tendance tyrannique à enrôler le langage - L'Humanité », sur humanite.fr, (consulté le ).
  29. Joël Giraud (rapporteur), Rapport fait au nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255), Tome I, Exposé général, Assemblée nationale (rapport n° 1302), (lire en ligne), p. 45
  30. La France championne des cotisations sociales, lefigaro.fr, 26 juillet 2015
  31. Les prélèvements obligatoires : France et pays occidentaux, vie-publique.fr, 7 juin 2013
  32. En France, pour 100 euros nets, il faut 235 euros de salaire «super brut», lefigaro.fr, 29 juillet 2015
  33. Les coûts salariaux belges et français toujours les plus élevés en Europe, financemanagement.be, 7 décembre 2013
  34. La France détient le record d'Europe des cotisations patronales, econostrum.info, 31 mars 2015
  35. PRÉLÈVEMENTS SUR LE TRAVAIL : l’exception française ?, bdo.fr, 12 septembre 2014
  36. La France détient le record du plus haut niveau de cotisations sociales, economie-finance.info, 2013
  37. Proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l'impôt sur les sociétés et à favoriser l'investissement, Rapport no 428 (2010-2011) de M. Philippe DOMINATI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 avril 2011

Bibliographie

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Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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