Couteau de Lichtenberg
Le couteau de Lichtenberg est, selon la définition que lui a donnée Georg Christoph Lichtenberg, philosophe et physicien allemand du XVIIIe siècle, « un couteau sans lame, auquel manque le manche ». Cette idée satirique de l'auteur se trouve en tête de liste du « Verzeichniss einer Sammlung von Geräthschaften, welche in dem Hause des Sir H. S. künftige Woche öffentlich verauctionirt werden sollen » (« Liste d’une collection d’ustensiles qui doivent être vendus aux enchères publiques dans la maison de Sir H. S. la semaine prochaine »), paru en 1798 dans l' Almanach de poche de Göttingen, dont Lichtenberg a été plus de vingt ans le rédacteur.
Sigmund Freud a repris cette expression dans Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient et dans Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, où il l'applique notamment à la dissidence de Carl Gustav Jung par rapport à la psychanalyse.
Origine de l'expression
modifierL'expression dite le « couteau de Lichtenberg » est une « idée » satirique de Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), qu'on trouve dans son « Verzeichniss einer Sammlung von Geräthschaften, welche in dem Hause des Sir H. S. künftige Woche öffentlich verauctionirt werden sollen » (« Liste d’une collection d’ustensiles qui doivent être vendus aux enchères publiques dans la maison de Sir H. S. la semaine prochaine »[1], [2]. C'est en tête de liste (numéro 1) que Lichtenberg lui donne la définition suivante : « Ein Messer ohne Klinge , an welchem der Stiel fehlt » (« Un couteau sans lame, dont le manche est manquant »)[2]. Ce texte fut publié pour la première fois dans les Göttingenschen Taschen - Kalender de 1798[3],[4],[note 1].
Psychanalyse
modifierSigmund Freud a affirmé que « la psychanalyse de Jung ressemble au fameux couteau de Lichtenberg : après avoir changé le manche et remplacé la lame, il veut nous faire croire qu'il possède le même instrument, parce qu'il porte la même marque que l'ancien ». Il conclut son texte intitulé Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique (1914) dans ces termes :
« J'aimerais dire pour conclure que Jung a fourni avec sa “modification” de la psychanalyse un pendant au fameux couteau de Lichtenberg. Il a changé le manche et mis une nouvelle lame ; comme la marque y est gravée, nous sommes maintenant censés tenir cet instrument pour celui d'avant »
— Sigmund Freud, Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, 1914[5]
Dans une note de 1912 à son ouvrage Le trait d'esprit et sa relation à l'inconscient, Freud avait également évoqué le « couteau sans lame où il manque le manche » de Lichtenberg[5],[6]. En recourant à cette image du « couteau de Lichtenberg », Freud veut dire en fait que « la nouvelle doctrine [de Jung] qui voudrait se substituer à la psychanalyse signifie un abandon de l'analyse et une dissidence par rapport à celle-ci »[5].
Plusieurs auteurs reprennent aujourd'hui encore cette formule du « couteau de Lichtenberg » appliquée au départ à la controverse de Freud avec Jung dans l'histoire de la psychanalyse[6],[7].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Au dernier chapitre intitulé : « Vers une philosophie non systématique : Lichtenberg » (in Deuxième partie : « La crise philosophique ») du tome I de La genèse du romantisme allemand — Situation spirituelle de l'Allemagne dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le germaniste Roger Ayrault souligne : « Un Almanach de poche paraissait chaque année à Göttingen, et Lichtenberg en a été pendant plus de vingt ans à peu près l'unique rédacteur ».
Références
modifier- (de) « Göttinger Taschen Calender für den Jahrgang 1798 (23) », sur ds.ub.uni-bielefeld.de (consulté le )
- Georg Christoph Lichtenberg, (de) « Verzeichniss einer Sammlung von Geräthschaften, welche in dem Hause des Sir H. S. künftige Woche öffentlich verauctionirt werden sollen » in Lichtenberg's Ideen, Hildburghausen und Amsterdam : Druck und Verlag des Bibliographischen Instituts, 1844, p. 72 [74], [lire en ligne]
- (en) « A knife without a blade, for which the handle is missing », sur www.artandpopularculture.com (consulté le )
- Roger Ayrault, La genèse du romantisme allemand — Situation spirituelle de l'Allemagne dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, tome I, Paris, Aubier / Éditions Montaigne, 1961, p. 347.
- Sigmund Freud, Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, in OCF.P, vol. XII 1913-1914, Paris, PUF, 2005, p. 314.
- Sophie de Mijolla-Mellor, (2002), « Un désaveu de postérité : le couteau de Lichtenberg », Topique, no 79(2), 2002, p. 125-138, [lire en ligne].
- Nicole Beauchamp, « Le couteau de Lichtenberg », Essaim, n° 11(1), 2003, p. 95-100, [lire en ligne].
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Textes de référence
modifier- Georg Christoph Lichtenberg, (de) « Verzeichniss einer Sammlung von Geräthschaften, welche in dem Hause des Sir H. S. künftige Woche öffentlich verauctionirt werden sollen » in Lichtenberg's Ideen, Hildburghausen und Amsterdam : Druck und Verlag des Bibliographischen Instituts, 1844, p. 72 [74], [lire en ligne], [lire en ligne]
- Georg Christoph Lichtenberg, Le Couteau sans lame : et autres textes satiriques, édité et traduit de l’allemand par Charles Le Blanc (Paris, Corti, 1999, présentation sur le site des éditions José Corti [lire en ligne])
Études et commentaires
modifier(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs :)
- Roger Ayrault, « Vers une philosophie non systématique : Lichtenberg » (chapitre, in Deuxième partie : « La crise philosophique »), dans R. Ayrault, La genèse du romantisme allemand — Situation spirituelle de l'Allemagne dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, tome I, Paris, Aubier / Éditions Montaigne, 1961, p. 345-365.
- Nicole Beauchamp, « Le couteau de Lichtenberg », Essaim, n° 11(1), 2003, p. 95-100, [lire en ligne].
- Sigmund Freud, Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, in OCF.P, vol. XII 1913-1914, Paris, PUF, 2005, p. 314.
- Charles Le Blanc, traducteur et éditeur de Georg Christoph Lichtenberg, Le Couteau sans lame : et autres textes satiriques, Paris, Corti, 1999, présentation sur le site des éditions Corti : [lire en ligne].
- Sophie de Mijolla-Mellor, (2002), « Un désaveu de postérité : le couteau de Lichtenberg », Topique, no 79(2), 2002, p. 125-138, [lire en ligne].
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- (de) « Göttinger Taschen Calender für den Jahrgang 1798 (23) », sur ds.ub.uni-bielefeld.de (consulté le )
- (de) « Lichtenberg, Georg Christoph: Lichtenberg's Ideen. Hildburghausen und Amsterdam : Druck und Verlag des Bibliographischen Instituts, 1844, [74] 72 », sur www.e-rara.ch (consulté le )