Radioactivité β

émission d'électron rapide par un atome radioactif
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La radioactivité β, radioactivité bêta ou émission bêta (symbole β) est, à l'origine, un type de désintégration radioactive dans laquelle une particule bêta (un électron ou un positon) est émise. On parle de désintégration bêta moins) ou bêta plus+) selon qu'il s'agit de l'émission d'un électron (particule chargée négativement) ou d'un positon (particule chargée positivement).

Différents modes de désintégration radioactive : radioactivités α, β et β+, capture électronique ε, émission de neutron n et émission de proton p.

L'émission β est notamment ce qui permet la conversion d'un neutron en proton, par exemple dans les cas de transmutation comme du tritium (3T+) qui se transforme en hélium 3 (3He2+) :

3
1
T+
3
2
He2+
+ e + νe.

Aujourd'hui, la désintégration β se généralise à toutes les réactions nucléaires impliquant les neutrinos ou anti-neutrinos se résumant par la relation suivante :

1
1
p+
+ e    1
0
n
+ νe.

Dans cette dernière relation, un électron ou un neutrino se transforme en son antiparticule par son passage de l'autre côté de la double flèche. Toutes ces réactions sont régies par la force nucléaire faible et sont possibles si le bilan énergétique le permet.

Histoire

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Découverte et premiers résultats

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En 1896, Henri Becquerel découvre la radioactivité en observant les traces laissées vraisemblablement par des rayons β émis par du minerai d'uranium et qui traversent son emballage pour impressionner une plaque photographique[1],[a]. En 1898, Ernest Rutherford découvre que la radioactivité émise par un minerai d'uranium est un mélange de deux phénomènes se distinguant par leur capacité à pénétrer et ioniser la matière : il les appelle radioactivité α et radioactivité β[1],[b]. En 1899, Friedrich Giesel, Stefan Meyer (en), Egon Schweidler (en) et Henri Becquerel montrent indépendamment que certains rayonnements sont déviables par un champ magnétique[1],[c]. Pierre et Marie Curie montrent que les rayonnements déviables sont les rayons β, et que leur charge est négative[1]. Becquerel puis, en 1902, Walter Kaufmann mesurent indépendamment le rapport entre la charge et la masse des particules β, et constatent qu'il est égal à celui obtenu pour les électrons : on en déduit que le rayonnement β est une émission d'électron à grande vitesse[1].

Caractéristiques du spectre β

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Spectre en énergie de la particule bêta.

Les physiciens du début du XXe siècle cherchent à étudier les caractéristiques du rayonnement β, notamment la vitesse des électrons émis. Les premiers articles publiés à ce sujet par Lise Meitner et Otto Hahn aboutissent à la conclusion que l'énergie, et donc la vitesse, de l'électron émis est propre à la substance émettrice[2]. Cette conclusion est cependant remise en cause en 1911 par Jean Danysz puis par James Chadwick, qui concluent tous deux à une variabilité de l'énergie des électrons émis par une unique substance, l'origine de la divergence étant expliquée a posteriori par la manière dont les expérimentateurs développent les plaques photographiques impressionnées par les électrons[2]. La controverse est conclue après la Première Guerre mondiale par Charles Drummond Ellis (en), qui montre que l'échauffement d'un échantillon de radium sous l'effet de la radioactivité β correspond à une énergie moyenne des électrons émis compatible avec les conclusions de Chadwick et Danysz, mais pas avec celles de Meitner et Hahn[2]. La validité de l'expérience n'est pas contestée par la suite, mais elle semble impliquer un cas de non-conservation de l'énergie[2].

Hypothèse de l'existence du neutrino

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La distribution de l'énergie des particules β, pour un type de désintégration donné, suit une loi de probabilité (contrairement au rayonnement α)[d]. L'énergie moyenne de la particule bêta est à peu près 40 % de cette énergie maximale, ce qui semble contraire au premier principe de la thermodynamique. Pour résoudre ce paradoxe, Wolfgang Pauli propose, en 1931, que l'énergie « manquante » était emportée par une autre particule, non encore découverte, qu'il baptise neutron, mais qui sera renommée par la suite en neutrino[2]. Les neutrinos ne seront pas observés expérimentalement avant 1956.

Modèle explicatif de la radioactivité β

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En 1933, Enrico Fermi donne un cadre théorique à la radioactivité β et à l'existence des neutrinos en forgeant le concept d'interaction nucléaire faible[3]. Cela permet notamment de lier quantitativement la période radioactive d'un isotope et l'énergie maximale des électrons émis[3].

Voici ce que permet d'expliquer la présence du neutrino :

  • Le spectre d'énergie d'émission des particules bêta est continu. Ceci s'explique facilement si l'énergie se partage entre trois corps.
  • La quantité de mouvement doit être conservée, or du fait d'un système à trois corps, la particule bêta ne part pas de façon opposée au noyau.
  • Le neutrino permet de conserver le nombre leptonique : la création d'un lepton s'accompagne de celle d'un anti-lepton (paires électron/anti-neutrino électronique ; positron/neutrino électronique).

Principe

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Diagramme de Feynman de la décroissance bêta
Diagramme de Feynman de la décroissance β⁻.

La radioactivité β découle de l'échange d'un boson W entre un proton, un neutron (ou plus exactement un de leurs quarks de valence), un électron et un neutrino. Toutes les variations autour de cet échange sont possibles (sous réserves de conditions énergétiques satisfaisantes), à condition que la conservation des nombres quantiques soit satisfaite (en particulier la conservation de la charge électrique et du nombre leptonique).

Les premières théories sur la radioactivité β violaient, en apparence, le principe de conservation de l’énergie. Dans une lettre de [4], Wolfgang Pauli propose une solution à ce paradoxe en supposant l'existence d'une particule de charge neutre et de masse très faible ou nulle : le neutrino, dont l'existence ne sera confirmée qu'en 1956.

Désintégration β

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Un neutron est converti en proton par l'intermédiaire de la force nucléaire faible, et une particule β (un électron) et un antineutrino sont émis :

1
0
n
1
1
p+
+ e + νe.

En fait, le neutron (udd) n'est pas une particule élémentaire, mais est composé d'un quark up et de deux quarks down. C'est un de ses quarks down qui interagit dans la radioactivité β, en se transformant en quark up, formant alors un proton (uud). Au niveau le plus fondamental, l'interaction faible change la saveur d'un simple quark :

du + W,

réaction immédiatement suivie par la désintégration du boson W :

We + νe.

Le spectre d’énergie (nombre de particules émises en fonction de leur énergie cinétique) des β (électrons) est continu, en raison du partage de l'énergie entre les trois corps. Il n'y a pas d'énergie minimale.

La réaction est énergétiquement possible à la seule condition que le noyau atomique fils soit moins massif que le noyau père.

Exemple d’une réaction β pour l’isotope radioactif cobalt 60 (60Co) qui se transforme en nickel 60 (60Ni) stable :

60
27
Co
60
28
Ni
+ e + νe.

On note dans cet exemple que l'ion nickel produit échappe aux orbitales cristallines habituelles, surtout si le cobalt était sous forme cristalline, où l'atome de nickel va devoir se réarranger en captant des électrons voisins. Comme l'électron bêta émis se déplace dans le cristal en provoquant des ionisations sur son parcours, les orbitales des autres atomes du cristal sont réarrangées le long de son parcours. L'électron bêta peut être finalement capté par le cristal lui-même sans pouvoir s'en échapper, cédant alors toute son énergie cinétique au cristal, sous forme de chaleur.

Comme le spectre d'énergie d'émission est continu, nombre de désintégrations bêta se produisant au cœur d'un cristal métallique de cobalt 60 ne s’en échappent pas, et on ne détecte éventuellement, à l'extérieur du cristal, que les neutrinos émis (qui sont très difficiles à capter et à détecter) ou des électrons très ralentis le long de leur parcours. Mais l'ion nickel produit par la désintégration va aussi entrer en collision avec les atomes voisins du cristal, et provoquer une onde de choc se propageant dans tout le cristal (le cobalt à la surface du cristal peut se sublimer). Par contre, près de la surface du cristal, on détectera la moitié des émissions d'électrons bêta.

Par contre, si le neutrino est émis avec une énergie faible, l'électron bêta et l'ion nickel vont être propulsés à haute vitesse dans des directions quasi-opposées, le premier traversant facilement tout le cristal, et l'ion frappant fortement les atomes cristallins voisins : l'électron est émis alors d'un côté du cristal, et on observe une sublimation de cobalt gazeux de l'autre côté du cristal, sublimation amplifiée par la température. Sur une source très enrichie et jeune de cobalt 60, de nombreuses désintégrations ont lieu, et le cristal émet en continu un mélange de cobalt 60 gazeux (encore radioactif), de neutrinos et d'électrons bêta, dont certains possèdent des énergies très importantes.

Désintégration β+

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Un proton est converti en neutron par l'intermédiaire de la force nucléaire faible, et une particule β+ (un positron) et un neutrino sont émis :

1
1
p+
1
0
n
+ e+ + νe.

En fait, le proton (comme le neutron) n'est pas une particule élémentaire, mais est composé de deux quarks up et d'un quark down (uud). C'est un de ces quarks up qui interagit dans la radioactivité β, en se transformant en un quark down, formant un neutron (udd) :

ud + W+,

réaction immédiatement suivie par la désintégration du boson W+ :

W+e+ + νe.

Le spectre d'énergie (nombre de particules émises en fonction de leur énergie cinétique) des β+ (positrons) est continu, ce qui est dû au partage de l'énergie entre les trois corps. Nous remarquons cependant une vitesse minimale des positrons. Celle-ci est due à la répulsion coulombienne de ce dernier avec le noyau.

Cette réaction ne peut avoir lieu que si la masse du noyau fils, additionnée à deux fois la masse de l'électron, est inférieure à celle du noyau père.

Exemple d'une réaction β+ pour le fluor qui se transforme en oxygène :

18
9
F
18
8
O
+ e+ + νe.

Capture électronique

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Un proton est converti en neutron par la capture d'un électron par le noyau. L'électron peut être lié, il appartient alors aux couches K, L, M... du cortège électronique de l'atome et l'on parle de capture électronique orbitale :

1
1
p+
+ eb1
0
n
+ νe,

où eb indique un électron lié. Cette réaction est une réaction à deux corps avec émission d'un neutrino mono-énergétique. Dans des conditions extrêmes, par exemple lors de la formation d'étoiles à neutrons, des électrons libres peuvent être également capturés par le noyau.

Désintégration β liée

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Pour des questions énergétiques, le nombre d'électrons a une influence sur le taux des désintégrations β. Par exemple des atomes stables peuvent devenir instables lorsqu'ils sont dépouillés de leurs électrons. Certains canaux de désintégrations peuvent s'ouvrir et d'autres se fermer. La désintégration β liée, qui est formellement le processus inverse de la capture électronique orbitale, illustre ce phénomène dans lequel un atome hautement ionisé subit une désintégration β. L'électron issu de la désintégration, au lieu d'être libre, se place directement dans une couche K, L ou M :

1
0
n
1
1
p+
+ eb + νe,

où eb indique un électron lié.

Il s'agit là aussi d'une réaction à deux corps, dans lequel l'état final est constitué de l'ion (noyau et électrons liés) et de l'émission d'un antineutrino mono-énergétique. Ce phénomène n'apparaît pas dans les atomes neutres, car le principe d'exclusion de Pauli interdit cette réaction ; les premières couches électroniques étant déjà remplies.

Utilisations

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La radioactivité β induite par ces particules présente des caractéristiques faisant qu'on l'utilise depuis plusieurs décennies en autoradiographie, en expérimentation animale[5] ou chez l'Homme pour le marquage radioactif et traçage radioactif de molécules dans des organismes ou mécanismes biologiques (biologie moléculaire, génie génétique et physiopathologie pour ce qui concerne par exemple les liaisons, l'hybridation in situ ou encore l'immunohistochimie)[6].

L' imagerie β utilise de moins en moins de film ou d'émulsions photographiques au profit de radio-imageurs performants et plus pratiques (ex : phosphorimager, le β-imageur et le μ-imageur)[6]. Tous les émetteurs (β-,β--γ et β+) sont détectables ainsi que les traceurs γ de médecine nucléaire « grâce aux électrons de faible énergie libérés au cours de l'émission γ. Le phosphor-imageur est bien adapté aux traceurs de forte énergie et aux grandes séries de mesures. Les radio-imageurs temps réels (β-imageur et μ-imageur) sont préférés pour la vérification des conditions d'expérience. Le β-imageur et le μ-imageur sont souvent complémentaires, l'un offrant un grand champ d'analyse avec une résolution moyenne et l'autre une excellente résolution, mais avec une surface d'analyse faible. »[6]

Notes et références

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  1. Les notions de radioactivités α et β ne sont pas connues à l'époque, Becquerel a en fait constaté l'existence d'un phénomène nouveau de rayonnement dû au minerai d'uranium.
  2. Il y en a également d'autres qui seront découverts plus tard, comme la radioactivité γ ou la fission spontanée.
  3. La déviation des particules α par un champ magnétique, plus faible, a été découverte plus tard.
  4. L'énergie indiquée dans les tables pour les désintégrations bêta est l'énergie maximale (sauf indication contraire)

Références

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  1. a b c d et e Bernard Fernandez, De l'atome au noyau : Une approche historique de la physique atomique et de la physique nucléaire, Ellipses, , 597 p. (ISBN 978-2729827847), partie I, chap. 4 (« L'émanation du thorium »).
  2. a b c d et e Bernard Fernandez, De l'atome au noyau : Une approche historique de la physique atomique et de la physique nucléaire, Ellipses, , 597 p. (ISBN 978-2729827847), partie IV, chap. 3 (« Une enquête à rebondissement : la radioactivité β »).
  3. a et b Bernard Fernandez, De l'atome au noyau : Une approche historique de la physique atomique et de la physique nucléaire, Ellipses, , 597 p. (ISBN 978-2729827847), partie V, chap. 8 (« L'école de Rome »).
  4. Marie-Christine de La Souchère, « La saga des neutrinos », Bibnum,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. Domenech, R. J., Hoffman, J. I., Noble, M. I., SAUNDERS, K. B., HENSON, J. R., & SUBIJANTO, S. (1969). Total and regional coronary blood flow measured by radioactive microspheres in conscious and anesthetized dogs. Circulation research, 25(5), 581-596.
  6. a b et c Barthe, N. (2007) L’imagerie bêta haute résolution. Médecine nucléaire, 31(4), 193-201 (« résumé »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?))

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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