Dis Son Nom était un site internet québécois répertoriant, sous la forme d'une liste de dénonciation, le signalement de personnes se considérant victimes de violence à caractère sexuelles, en y incluant le nom complet, les pseudonymes, les faits et la ville de résidence de personnes qu’elles accusaient de les avoir agressées[1].

Dis Son Nom
Adresse www.dissonnom.ca
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Le mouvement "Dis Son Nom" prétendait avoir pour objectif de « libérer la parole des victimes et protéger la société des prédateurs allégués »[2].

Depuis novembre 2023, la liste n'est plus en ligne et a été remplacée par une levée de fonds[3], suite à l’arrestation d’Emmy Guilbault, adjointe à la CADEUL, pour entrave, méfait public, « mobbing »[4] et faux témoignage.

En juin 2024, des journalistes d’enquête déterminent que des employés de JURIPOP (d) auraient collaboré à la liste[5], à des fins de harcèlement moral, et afin de tenir des procès clandestins[6].

Historique

Au début des années 2020, toujours sous l'effet du mouvement #MeToo, plusieurs dénonciations d’agressions et d’inconduites sexuelles continuent d'affluer sur les réseaux sociaux du Québec[7],[8],[9],[10]. Le mouvement va plus loin que précédemment et plusieurs personnes dénoncées sont nommées publiquement[11].

Le mouvement Dis Son Nom apparaît d'abord sous la forme d’une page Facebook[12], puis d'un site WordPress, d'un Pastebin, pour enfin prendre la forme d'un site web indépendant au mois de juillet 2020[13].

Contenu

Le contenu de la liste Dis Son Nom était présumément recueilli par messagerie privée sur Facebook ou sur Instagram par le biais d'un protocole strict dont seule la supposée victime directe pouvait répondre, afin d’établir un lien de confiance et afin d'aider à sa présumée guérison. Des messages de soutien étaient aussi échangés.

Cette liste contenait différentes informations : le nom de l’agresseur présumé, sa ville de résidence, le nombre de victimes alléguées l’ayant dénoncé, la date d’ajout de l’entrée et la nature de l’inconduite sexuelle reprochée. Des détails pouvaient aussi être ajoutés au besoin, comme le suivi judiciaire, les emplois de l'agresseur présumé, les lieux qu'il fréquente ainsi qu'une source issue des médias[2].

Les inconduites sexuelles n'étaient pas détaillées, mais étaient classifiées en trois catégories afin d’élaborer au maximum tout en protégeant l’identité des victimes présumées :

[1] Photos à caractère sexuel non sollicitées, propos sexuels déplacés

[2] Coercition sexuelle, attouchements, voyeurisme, exhibitionnisme, leurre (communication avec une personne mineure en vue de commettre une agression sexuelle), grooming (désensibilisation à la sexualité envers une personne mineure), pornodivulgation (revenge porn), sextorsion

[3] Stealthing (retrait non consensuel du condom), masturbation sans consentement, sexe oral sans consentement, pénétration digitale (doigts), vaginale ou anale sans consentement, proxénétisme

Sur leur site web, on retrouvait des ressources d'organismes pour accompagner les victimes et sensibiliser la population générale aux violences à caractère sexuel. Des liens GoFundMe et Paypal pour faire des dons étaient également accessibles. À ce jour, plus de 50 000$ ont été amassés via une campagne de financement afin d'aider Dis Son Nom à payer ses frais judiciaires. La campagne s'était déroulée jusqu'en mai 2023 au moyen de vêtements à l'effigie de l'initiative[14].

Par ailleurs, les pages Instagram et Facebook de Dis Son Nom servent toujours de véhicule pour partager l'actualité entourant les violences sexuelles. Il s'agit d'une plateforme pour éclairer la population sur le sujet en présentant, entre autres, des statistiques et portraits d'initiatives établies qui viennent en aide aux victimes d'agression sexuelle.

Porte-parole

En septembre 2020, Delphine Bergeron, une ancienne illustratrice judiciaire, révèle à tort être membre du groupe derrière Dis Son Nom[13]. Elle sert désormais de porte-parole dans les médias lorsque l’initiative est concernée[15].

Judiciarisation

Depuis sa création, Dis Son Nom est visée par des dizaines de poursuites judiciaire, solidairement avec le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats, spécialisé en litige civil, brutalité policière, agressions sexuelles et actions collectives[16].

En juillet 2020, Charles Lehouillier-Dumas mène une action collective contre Facebook pour atteinte à sa réputation après qu’un nom semblable au sien se soit retrouvé sur la liste Dis Son nom[17],[18]. En août 2021, sa demande est rejetée[19].

En septembre 2020, confondu avec un blogueur du Trouble.VOIR (Julien Day) et alors qu’il n’a rien à se reprocher, le montréalais Jean-François Marquis réclame 50 000$ aux administratrices de Dis Son Nom[20], en plus d’exiger que leur identité soit dévoilée[21]. En février 2021, la Cour supérieure du Québec tranche à l’effet que l’anonymat des administratrices ne peut pas être conservé[22],[23] et qu’elles doivent produire en Cour le contenu caviardé, anonymisé, soumis sous plis scellé, de milliers de dénonciations reçues[24]. Dis Son Nom fait appel à la décision[25] : en juin 2022, un banc de la Cour d'appel confirme le jugement[26]. Les prétendues délations détenues par les administratrices ne seront jamais produites en Cour, car n’ayant jamais existé[27].

En juin 2021, après avoir également été suspecté à tort sur Dis Son Nom, Jasmin Roy tente d’obtenir l’anonymat dans l’éventualité d’une poursuite en diffamation[28]. La Cour supérieure, la Cour d’appel et la Cour suprême la lui refusent[29],[30]. En juin 2023, on apprend qu’il poursuit à la fois son harceleur, Jean-François Robillard, et les deux administratrices de Dis Son Nom, Delphine Bergeron et Emmy Guilbault[31],[32] pour diffamation[33], de même qu’Éliane Séguin (Éli San) et Virginie Dufresne-Lemire, pour harcèlement continu[34].

En août 2023, une policière et un policier de la Sûreté du Québec poursuivent Dis Son Nom pour un montant de 70 000$[35]. Leurs deux noms avaient été ajoutés à la liste suite à la publication d’un article dans Le Journal de Montréal en 2016 précisant pourtant bien que les policiers avaient été acquittées après enquête[35],[36]. Les policiers de la Sûreté du Québec de Val d’Or sont par ailleurs solidairement accusés, à tort, et victimes de harcèlement depuis des années sur la foi de légendes urbaines[37].

Critiques

Le mouvement #MeToo au Québec essuie de nombreuses critiques [Quel mouvement?]. Les plus répandues consistent à qualifier les dénonciations de « tribunal populaire »[38],[39], de « lynchage public »[40],[41] et de « chasse aux sorcières »[42],[43].

Plusieurs opposent la présomption d’innocence aux allégations publiées sur les réseaux sociaux[41],[44],[45] et affirment que les fausses victimes y sont légion[46]. La liste est réécrite à plusieurs reprises, sans justiciatif[47].

Notes et références

  1. Zone Société- ICI.Radio-Canada.ca, « Des centaines de noms disparaissent de la liste de dénonciations « Dis son nom » », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  2. a et b « Dis Son Nom - Liste officielle des abuseuses et abuseurs présumés du Québec », sur web.archive.org, (consulté le )
  3. (en) « Dis Son Nom - Liste officielle des abuseuses et abuseurs présumés du Québec », sur www.dissonnom.ca (consulté le )
  4. « Le «mobbing» menace la liberté universitaire », sur Le Devoir, (consulté le )
  5. Patrick Lagacé, « La meute se fout des faits », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Tristan Péloquin, « Dossier: Parlement étudiant du Québec | Expulsé pour une vague rumeur (2 articles) », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Le Point magazine, « Québec : vague de dénonciations #MeToo sur les réseaux sociaux », sur Le Point, (consulté le )
  8. Marissa Groguhé, « Vague de dénonciations : un an après: Qu’est-ce qui cloche dans le milieu culturel ? », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « Vague de dénonciations : la clinique Juripop débordée », sur ici.radio-canada.ca (consulté le )
  10. JURIDIQUE | Les médias sociaux : nouveau médium pour les dénonciations d'inconduites sexuelles? (lire en ligne)
  11. Le Point magazine, « Québec : vague de dénonciations #MeToo sur les réseaux sociaux », sur Le Point, (consulté le )
  12. Q. U. B. radio, « Facebook doit fermer la page «Dis Son Nom», clame Evelyne Audet », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  13. a et b Améli Pineda et Guillaume Lepage, « Dénonciations anonymes: une membre de la page «Dis son nom» dévoile son identité », sur Le Devoir, (consulté le )
  14. « Dis son nom : une campagne de financement pour les frais juridiques », sur www.droit-inc.com (consulté le )
  15. Magdaline Boutros, « «Dis son nom» refuse de se taire », sur Le Devoir, (consulté le )
  16. « ARSENAULT DUFRESNE WEE AVOCATS », sur www.adwavocats.com (consulté le )
  17. Zone Justice et faits divers- ICI.Radio-Canada.ca, « Les dénonciations anonymes sur Facebook au cœur d'un débat juridique », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  18. Gabrielle Duchaine, « Vague de dénonciations: demande d’action collective contre Facebook », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. Lia Lévesque, « L’action collective contre la page Facebook «Dis son nom» rejetée », sur Le Devoir, (consulté le )
  20. « Dis Son Nom: la liste des présumés abuseurs est de retour », sur TVA Nouvelles, (consulté le )
  21. Michael Nguyen, « «Dis son nom»: il poursuit pour avoir l’identité des administrateurs », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  22. Roxane Léouzon, « La page de dénonciations «Dis son nom» ne peut pas être anonyme », sur Le Devoir, (consulté le )
  23. Robert Dutrisac, « Dénonciatrices à visière levée », sur Le Devoir, (consulté le )
  24. Magdaline Boutros, « Une victime présumée veut s’adresser à la Cour d’appel dans le dossier Dis son nom », sur Le Devoir, (consulté le )
  25. Magdaline Boutros, « «Dis son nom» porte en appel la décision de la Cour supérieure », sur Le Devoir, (consulté le )
  26. Frédérik-Xavier Duhamel, « Dis son nom: Pas d’anonymat pour les administratrices, confirme la Cour d’appel », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Tristan Péloquin, « Rumeurs d’inconduite sexuelle: Trois étudiantes suspendues pour mobbing », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. Améli Pineda, « Un artiste veut l’anonymat pour sa poursuite en diffamation », sur Le Devoir, (consulté le )
  29. Améli Pineda, Stéphanie Vallet, « Le comédien Jasmin Roy n’aura pas droit à l’anonymat, tranche la Cour suprême », sur Le Devoir, (consulté le )
  30. Raphaël Pirro, « «Dis son nom»: Jasmin Roy perd l’anonymat devant la Cour suprême et réplique », (consulté le )
  31. « Jasmin Roy poursuivi pour 500 000 $ en lien avec une présumée affaire d’agression sexuelle », sur Noovo Info (consulté le )
  32. Zone Justice et faits divers- ICI.Radio-Canada.ca, « Jasmin Roy visé par une poursuite de 500 000 $ pour agression sexuelle | Radio-Canada.ca », sur Radio-Canada, (consulté le )
  33. Lila Dussault, « Accusations d’agression sexuelle et de diffamation: Jasmin Roy réplique et poursuit en diffamation Jean-François Robillard », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  34. Jasmin Roy, « VICTIME DE HARCÈLEMENT, JASMIN ROY DÉÇU DE LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA DE REJETER SA DEMANDE D'APPEL DE CONSERVER SON ANONYMAT DANS UNE POURSUITE EN DIFFAMATION », sur www.newswire.ca (consulté le )
  35. a et b Jonathan Tremblay, « Deux policiers de la SQ réclament 70 000$ au site de dénonciations «Dis son nom» pour atteinte à leur réputation », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  36. Félix Séguin, « Des policiers soupçonnés veulent laver leur réputation », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  37. Michael Nguyen, « Policiers de la SQ contre Radio-Canada: la journaliste talonnée sur son travail d’enquête », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  38. Isabelle Hachey, « Dénonciations sur le web: Le retour du pilori », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  39. Véronique Morin, Agence QMI, « Éric Lapointe: l'ancienne juge Nicole Gibeault déplore le jugement du tribunal populaire », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  40. « Des cicatrices et des regrets », sur La Presse+, (consulté le )
  41. a et b Sophie Durocher, « Fred Dubé et la meute », (consulté le )
  42. François-David Bernier, « Où est rendue la présomption d'innocence? », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  43. Sophie Durocher, « Julien Lacroix et la chasse aux sorcières », (consulté le )
  44. Richard Martineau, « Balance le système de justice! », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  45. François-David Bernier, « Où est rendue la présomption d'innocence? », sur Le Journal de Québec, (consulté le )
  46. Nathalie Elgrably, « Présomption de culpabilité », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  47. Zone Société- ICI.Radio-Canada.ca, « Des centaines de noms disparaissent de la liste de dénonciations « Dis son nom » », sur Radio-Canada, (consulté le )