Disputation de Tortosa

Disputation judéo-chrétienne du Moyen-Âge
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La disputation de Tortosa ou disputatio ou dispute de Tortosa est la plus longue et la plus difficile des disputations judéo-chrétiennes. Elle a lieu entre le et le [1] à Tortosa en Espagne et se termine par un affaiblissement de la communauté juive d'Espagne et des conversions en grand nombre, plusieurs décennies avant le décret de l'Alhambra[2].

Historique

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Quelques années après les massacres en 1391 de communautés juives d'Espagne, la disputation se déroule au long de soixante-neuf séances sous la présidence active de Pedro de Luna, autrement dit l'antipape Benoît XIII, entre environ vingt personnalités juives dont plusieurs rabbins (Zerahia Ha-Levi ben Isaac Saladin (probablement appelé également rabbi Ferrer[3]), Astruc ha-Levi (en), Josef Albo, Mossé ben Abbas de Saragosse, Profiat Duran, Josue Messie (ou Massies[3]) ou Mattathias ha-Yiẓhari[4], en tant que représentant de la communauté juive de Saragosse, Bonjuha de Gérone[3]) convoqués par l'antipape, et le dominicain Vincent Ferrier connu pour son art de la persuasion ainsi que le converse Jerónimo de Santa Fe (auparavant appelé Josué ha-Lorki et rabbin d’Alcañiz converti par Ferrier), qui déclenche de nombreuses conversions des Juifs[5].

Jerònimo de Santa Fe, l'apostat, avait apparemment incité à la tenue de cette disputation[5]. Précédemment, il avait écrit vers 1412 son Tractatus contra perfidiam Judaeorum où il citait des passages de la Bible hébraïque pour montrer qu'ils avaient attesté la venue de Jésus comme messie. Il écrit aussi De judaieis erroribus ex Talmud adressé à Benoît XIII. Ces deux traités servent de base doctrinaire pendant la disputation de Tortosa. Santa Fe argumente sur le thème de la « perversité » du Talmud : les Juifs n’ont pu anéantir le peuple chrétien en tuant le Christ ; ils ont voulu le bafouer par la rédaction du Talmud, un tissu d’horreurs anti-chrétiennes.

Pour contre-argumenter, le philosophe et rabbin Isaac Nathan ben Kalonymus écrit plusieurs textes condamnant les interprétations de la Bible hébraïque devant prouver que Jésus serait le messie[6].

Intérieur de église archipresbitérale de Sant Mateu à Castellón qui vit la clôture de la disputation et la conversion de milliers de Juifs

Très rapidement, la disputation sur le messie est bloquée. Pour les rabbins, le messie reste un personnage secondaire qui ne pouvait pas changer la Torah, la Loi, source de la vie spirituelle. Cette position était incompatible avec le point de vue catholique qui fait de Jésus le Verbe incarné. Dans une dernière réunion, en 1415, les rabbins présents affirment que leur foi est la véritable foi[7].

À la suite de la disputation, plus de 3 000 Juifs de la couronne d'Aragon se convertirent au catholicisme en l'église archipresbitérale de Sant Mateu dans la province de Castellón, celle-là même où se déroula la clôture de ce long procès théologique. Les membres de la famille de Nen Labi de la Caballeria (en) se convertissent également, suivis par de nombreuses autres familles juives (les Alazar, les Golluf, les Ginillo...) et même des communautés entières restés trop longtemps sans guide. Pedro de La Caballeria (mort en 1461), fils converti de Salomon ibn Labi de la Caballeria, occupera des offices municipaux à Saragosse, sera légiste de la Cour en 1430, cavalier dans l’armée du roi Alfonso V d'Aragon et son conseiller, adoubé chevalier durant la guerre de Catalogne. Il sera ensuite accusé d’hérésie par l’Inquisition et jugé à titre posthume (1485-1492).

La querelle des « conversos », ou Juifs convertis (plus ou moins de force) éclate. Ils sont quelques centaines de milliers qui continuent à vivre en privé leur judaïsme, mais à l’extérieur se comportent en chrétiens (ce qu'on appelle le crypto-judaïsme). Continuant les métiers réservés aux Juifs (comme le prêt d’argent), ils réussissent aussi dans les offices et les négoces qui leur sont ouverts depuis leur conversion. Car officiellement chrétiens, ils ont accès aux (droits de) propriétés et aux métiers interdits aux Juifs. Ils peuvent donc posséder serfs et esclaves (notions peu distinctes en Espagne) alors que l’esclavage est alors assez répandu dans la société ibérique et ailleurs. En conséquence, ils sont critiqués des deux côtés : les Juifs les taxent de trahison, tandis que les « vieux chrétiens » les jalousent et se plaignent auprès de l'Inquisition.

  1. Materia giudaica. Rivista dell'Associazione italiana per lo studio del giudaismo (2001), publié par Editrice La Giuntina, 2001 (ISBN 8880571362 et 9788880571360)
  2. Le Livre vert et les conversos.
  3. a b et c Isidore Loeb, « Liste nominative des Juifs de Barcelone en 1392 », Revue des études juives, vol. 4, no 7,‎ , p. 57–77 (lire en ligne, consulté le )
  4. « Mattathias Ha-Yiẓhari | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  5. a et b « Tortosa, Disputation of », sur www.jewishvirtuallibrary.org (consulté le )
  6. (es) Moise Orfali Anime Jose, « naruto shippuden 142 sub español previo », sur SciVee, (consulté le ), p. 196-199
  7. L'antipape Benoît XIII fulmina une bulle, à Valence, le 11 mai 1415, contre le Talmud, accusant ce livre d'être la principale cause de l'aveuglement des Juifs, et attribuant sa composition aux fils du diable.

Annexes

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Bibliographie

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  • (es) Antonio Pacios Lopez, La disputa de Tortosa, Instituto Arias Montano, Madrid, 1957, 2 vol., 392p. et 621p. L'édition des actes de la dispute est faite dans le volume 2, compte rendu par Léon Poliakov, dans Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1960, tome 38, no 1, p. 138-141
  • Ben Yehudim le-Notsrim : Yehudim ṿe-Notsrim be-Maʻarav Eropah ʻad reshit ha-ʻet ha-ḥadashah, Tel-Aviv : ha-Universiṭah ha-petuḥah, c1993-1998. Vol. 3 and 5. (ISBN 965-06-0068-X) et (ISBN 965-06-0394-8)
  • (en) Daniel J. Lasker, Jewish philosophical polemics against Christianity in the Middle Ages, New York 1977 (ISBN 1-904113-51-6)
  • (en) Hyam Maccoby, Judaism on Trial: Jewish-Christian Disputations in the Middle Ages, Littman Library of Jewish Civilization, 1993. (ISBN 1-874774-16-1)
  • Estrella Ruiz-Gálvez Priego, « La conversion, les “conversos” et la prédication de Vincent Ferrer (1391-1418) », dans Didier Boisson, Élisabeth Pinto-Mathieu (dir), La conversion. Textes et réalités, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2014, p. 75-77, (ISBN 978-2-75353344-8) (lire en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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