En droit, le dommage est la conséquence patrimoniale et extra-patrimoniale d’une atteinte aux biens de la personne ou à la personne elle-même. Il est très proche d’une autre notion qui est le préjudice mais cette différence est subtile et doctrinale. Le dommage c’est l’atteinte tandis que le préjudice est la conséquence de cette atteinte.

Le concept de dommage est surtout présent en droit de la responsabilité civile où il permet d'établir le montant d'indemnisation auquel aura droit la victime d'une faute.

L'histoire modifier

Dans le code salique, les Saxons attribuaient une valeur monétaire à chaque personne et à chaque chose, appelée loup-garou[1],[2]. En cas de vol d'un bien ou de blessure ou de mort d'une personne, l'auteur de l'infraction devait verser une indemnité de loup-garou à la famille de la victime ou au propriétaire du bien[3],[4].

Dommages spéciaux modifier

Les dommages-intérêts spéciaux compensent la perte monétaire quantifiable subie par le plaignant[5]. Par exemple, les dépenses supplémentaires, la réparation ou le remplacement des biens endommagés, le manque à gagner (passé et futur), la perte d'objets irremplaçables, les dépenses ménagères supplémentaires, etc[6].

Les dommages particuliers peuvent inclure les pertes directes (par exemple, les montants que le plaignant a dû dépenser pour tenter de limiter les dommages[7]) et les pertes indirectes ou économiques résultant de la perte de bénéfices commerciaux. Par exemple, dans l'Union européenne, le règlement 261/2004 sur l'indemnisation des vols stipule que les retards de plus de trois heures, les annulations de vols et les refus d'embarquement donnent droit à une indemnisation de 250 à 600 euros par passager de la part de la compagnie aérienne[8],[9].

Les dommages-intérêts délictuels sont généralement accordés pour remettre le plaignant dans la situation où il se serait trouvé si le délit n'avait pas eu lieu[10],[11],[12]. Les dommages-intérêts pour rupture de contrat sont généralement accordés pour remettre le plaignant dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si le contrat n'avait pas été rompu. Cela peut souvent se traduire par un montant différent de dommages-intérêts. Dans les cas où il est possible de formuler une réclamation sur le plan contractuel ou délictuel, vous devez savoir ce qui donne le meilleur résultat. Si la transaction était un "marché", le contrat produira généralement un meilleur résultat pour le plaignant.

Droit français modifier

En droit français, le dommage est l'atteinte à l'intérêt patrimonial ou extra-patrimonial d'une personne physique ou morale (la victime). La victime peut être « immédiate », c'est-à-dire lorsqu'elle subit le préjudice de façon immédiate. Elle peut être également « par ricochet », c'est-à-dire lorsqu'elle subit le préjudice de façon médiate, donc par l'intermédiaire de la victime d'un préjudice. Il existerait trois types de dommages : le dommage corporel, le dommage matériel et le dommage moral. Mais parce que cette présentation n'est qu'une construction juridique qui s'avère être de moins en moins adaptée à la réalité qu'elle entend régir, certains auteurs s'appuient sur l'aspect juridique et nécessairement artificiel de la notion pour la faire évoluer et proposer ainsi une conception différente[13].

En vertu de l'adage “Nemo ex alterius facto praegravari debet[14] », on sait que le principe de la réparation intégrale du préjudice induit que tout le préjudice doit être réparé. Il s’agit d’une application de l’ancien article 1149 du code civil devenu à droit constant le nouvel article 1231-2 : “Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Droit québécois modifier

En droit québécois, l'obligation de réparer le dommage à autrui était énoncé à l'article 1053 du Code civil du Bas-Canada. Cette loi a été remplacée par le Code civil du Québec, qui énonce plutôt l'obligation de ne pas causer de préjudice à autrui à l'art. 1457 C.c.Q. Les tribunaux ont déterminé que l'utilisation du terme préjudice plutôt que dommage dans la nouvelle loi est un changement de type cosmétique qui n'affecte pas le droit substantiel. D'après la décision Dorval c. Montréal (Ville de)[15] de la Cour d'appel du Québec, le législateur voulait éviter d'entretenir l'ambiguïté entre le dommage et les dommages-intérêts. En s'appuyant sur les ouvrages doctrinaux des professeurs Maurice Tancelin[16] et Sophie Morin[17], la Cour d'appel a jugé que le préjudice de l'art. 1457 C.c.Q. inclut implicitement le dommage. Ce jugement de la Cour d'appel a été confirmé par la Cour suprême du Canada.

Bien qu'elle souligne le caractère cosmétique de ce changement législatif, la Cour d'appel maintient une distinction sémantique entre le dommage et le préjudice afin de justifier une qualification du préjudice en fonction de l'atteinte première. Le préjudice est une répercussion juridique du dommage. Le préjudice relève du droit, tandis que le dommage relève des faits. Mais puisque le législateur n'a pas modifié la substance du droit antérieur en matière de dommage en adoptant le nouveau Code civil, il y a une continuité entre la qualification du dommage sous l'ancien Code et la qualification du préjudice sous le nouveau Code. Par conséquent, la jurisprudence de l'ancien Code civil demeure pertinente aux fins du droit actuel.

Dans l'arrêt Regent Taxi and Transport Co. c. Congrégation des Petits Frères de Marie[18] rendu sous l'ancien Code, la Cour suprême du Canada a qualifié le dommage en fonction de la cause d'action. Malgré les changements législatifs et les changements terminologiques, les principes de l'arrêt Regent Taxi demeurent au cœur de la conception du dommage en droit québécois. Le dommage se comprend sous une conception causaliste, il implique de rechercher dans les faits la nature de l'atteinte initiale. Et cette démarche de qualification du dommage est maintenue malgré l'utilisation du terme préjudice dans le nouveau Code civil. Par exemple, en vertu de l'art. 1457 C.c.Q., on dira d'une personne blessée dans un incendie qu'elle a subi un préjudice corporel et qu'elle peut réclamer les pertes pécuniaires et les pertes non pécuniaires découlant du préjudice corporel, en raison du principe de la réparation intégrale du préjudice. De façon analogue, une victime de diffamation subit un préjudice moral et par conséquent, elle peut réclamer les pertes pécuniaires et les pertes non pécuniaires découlant de ce préjudice. Dans l'arrêt Cinar Corporation c. Robinson[19], la Cour suprême du Canada a appliqué cette démarche de qualification du dommage en fonction de la source afin de déterminer que le dessinateur Claude Robinson a subi un préjudice matériel plutôt qu'un préjudice corporel.

Références modifier

  1. (en) « Saxon Wergild », sur www.studysmarter.co.uk (consulté le )
  2. (en) « The Medieval Transformation Part 4: The Salic Law », sur www.thefrenchhistorypodcast.com (consulté le )
  3. (en) « Law in Anglo-Saxon England », sur notesfromtheuk.com (consulté le )
  4. (en) « The Salic Law Early Germanic Law Code and Law of Royal Succession », sur www.thoughtco.com (consulté le )
  5. (en) « Quantifying Damages for Lucrum Cessans in Tort: A Fusion of Sources Creating a Unique Legal Structure for Malta », sur digitalcommons.law.lsu.edu (consulté le )
  6. (en) « Liability for Pain and Suffering », sur www.jstor.org (consulté le )
  7. (en) « duty to mitigate », sur www.law.cornell.edu (consulté le )
  8. (en) « Document 32004R0261 », sur eur-lex.europa.eu (consulté le )
  9. (en) « Réclamez une indemnité pour vos vol Air France retardés », sur airadvisor.com (consulté le )
  10. (en) « Two Conceptions of Tort Damages: Fair v. Full Compensation », sur heinonline.org (consulté le )
  11. (en) « Remedy & Damages under Law of Torts:- Our Legal World », sur www.ourlegalworld.com (consulté le )
  12. (en) « Tort Law, Liability, and Damages », sur courses.lumenlearning.com (consulté le )
  13. Par ex. Ch. Broche, "la notion juridique de dommage en droit de la responsabilité civile extracontractuelle", thèse 2010, Université de Grenoble
  14. Personne ne doit être appauvri par le fait d'autrui.
  15. 2015 QCCA
  16. Maurice Tancelin, Des obligations en droit mixte du Québec, 7e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 540 et 541.]
  17. Sophie Morin, Le dommage moral et le préjudice extrapatrimonial, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2011.]
  18. [1929] SCR 650
  19. 2013 CSC 73,

Article connexe modifier