Dulce Et Decorum Est
Dulce Et Decorum Est est un poème écrit par le poète de guerre anglais Wilfred Owen en 1917, pendant la Première Guerre mondiale, et publié à titre posthume en 1920. Ce poème est connu pour les images d'horreur qu'il évoque et sa condamnation de la guerre. Wilfred Owen en écrivit le brouillon à Craiglockhart durant la première quinzaine d'octobre 1917, et le reprit plus tard, probablement à Scarborough, dans le Nord du Yorkshire — ou peut-être à Ripon — entre janvier et mars 1918. Le plus ancien manuscrit existant est daté du 8 octobre 1917, et est adressé à sa mère, Susan Owen, avec le message suivant : « Voici un poème sur les gaz asphyxiants, écrit hier (il n'est pas confidentiel, mais pas définitif) ».
Wilfred Owen meurt le 4 novembre 1918, vers 6 heures du matin, lors de la grande offensive finale à Ors près du Cateau-Cambrésis, une semaine, presque à l'heure près, avant que ne soit signé l'armistice.
Résumé
modifierLe poème, composé de 28 pentamètres iambiques libres, laisse entendre la voix du poète lui-même[1]. Il relate l'histoire d'un groupe de soldats, « ivres de fatigue », contraints de se frayer un chemin « dans la gadoue » pour s'abriter des obus explosifs de 150 mm (les « Cinq-Neuf ») qui tombent à leur arrière. C'est alors que s'abattent autour d'eux des obus à gaz asphyxiants ; les soldats se précipitent pour enfiler leurs masques à gaz. Dans la bousculade, l'un d'eux est pris de court et gazé, et le narrateur le voit « hurler encore et trébucher », puis, dit-il, « par les vitres embuées, l'épaisse lumière verte, / Comme sous un océan de vert, je le vis se noyer ».
Wilfred Owen martèle ensuite un à un, en un flash back auquel il associe le lecteur, chacune de ses visions perçues à travers la vitre glauque du masque à gaz : l'homme s'écroulant comme dans un puits de feu, ses poumons se vidant de leur sang, le corps balancé dans un fourgon. Cette litanie d'horreurs se voit baignée d'une lumière d'un vert menaçant et mortel, le nuage toxique du gaz. Sans concession, le réalisme du poète conduit le lecteur pas à pas vers la conclusion à la fois grave et revendicatrice. Est-il légitime de poursuivre le mensonge de la gloire et de la beauté de la guerre ?
Poème
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Bent double, like old beggars under sacks, |
Pliés en deux, tels de vieux mendiants sous leur sac, |
Dédicace
modifierPour l'ensemble du poème et, plus particulièrement, sa dernière strophe, on dispose d'un commentaire explicatif, au travers d'une lettre à Jessie Pope, propagandiste civile de la Première Guerre mondiale qui encourageait dans ses poèmes — « avec ce bel entrain » — les jeunes hommes à partir au combat. Ainsi, par exemple, Who's for the game?.
Who’s for the game, the biggest that’s played, |
Qui veut aller jouer, au plus grand de tous les jeux, |
La première version du poème de Wilfred Owen est dédié à Jessie Pope[2]. Une correction ultérieure modifiera la dédicace, désignant désormais « une certaine poétesse »[2], même si l'ultime version ne laisse rien apparaître, Owen ayant sans doute décidé de s'adresser à l'ensemble des partisans de la guerre. De fait, l'interpellation de la dernière strophe renvoie bien à l'intention initiale : le you, par son ambiguïté, s'adresse soit à Jessie Pope en personne, soit à la foule ignorante de ses semblables.
Titre
modifierLe titre et l'exhortation latine des deux derniers vers sont tirés d'un poème des Odes d'Horace, III.2.13[3].
Ce texte, souvent cité par les partisans de la guerre — au moins à ses débuts —, revêtait une signification particulière pour les combattants qui y voyaient la négation et le rejet, au nom de l'héroïsme patriotique, de leurs souffrances.
La première phrase, Dulce et decorum est pro patria mori, a été gravée au fronton de la chapelle de l'Académie royale militaire de Sandhurst[4].
Dulce et decorum est pro patria mori : |
Il est doux et honorable de mourir pour sa patrie : |
Annexes
modifierNotes
modifier- Les « Cinq-Neuf » : obus allemands d'un calibre de 5,9 pouces, donc des obus de 150 mm.
- Il est doux et honorable de mourir pour la patrie.
Références
modifier- « Dulce et Decorum Est », Kenneth Simcox , 2000 (consulté le )
- « Dulce and Decorum Est », The First World War Poetry Digital Archive (consulté le )
- « Q. Horati Flaccvs », The Latin Library (consulté le )
- Francis Law, A man at arms: memoirs of two world wars, 1993, p. 44