Emballement climatique

L'emballement climatique est un phénomène hypothétique de changement climatique qui pourrait se produire après le franchissement d'un point de basculement, qui amorcerait une rétroaction positive, jusqu'à ce que soit atteint un nouvel état stable[1].

Le déclin record de la banquise arctique est considéré comme pouvant être un « point de bascule ».

Terminologie modifier

L'expression « emballement climatique » (« runaway climate change » en anglais, entre autres) apparaît rarement dans la littérature professionnelle[2],[3] et est le plus souvent utilisée en référence à des inquiétudes sur le réchauffement climatique actuel[1], mais certains astronomes l'utilisent, parlant plutôt d'« emballement de l'effet de serre » (« runaway greenhouse effect (en) » en anglais) pour décrire l'évolution du climat de Vénus et d'autres planètes, pouvant par exemple causer la disparition de l'eau liquide par ébullition[4],[5].

Lorsqu’on atteint un point de basculement ou niveau de bascule, le forçage radiatif devient tel qu'un forçage additionnel n'est plus nécessaire pour entraîner d'importants changements climatiques[6].

Lorsqu’on atteint un point de non-retour, il se produit des modifications du climat irréversibles (à l'échelle de temps de l'humanité), par exemple lors de la fonte de la banquise[6].

Emballement de l'effet de serre modifier

L'emballement de l'effet de serre peut avoir plusieurs significations. La moins extrême envisage un réchauffement global suffisant pour induire des phénomènes incontrôlables et qui l’amplifient, comme la fonte des calottes glaciaires et des hydrates de méthane. À l'autre bout de l'échelle, il décrit une planète ressemblant à Vénus, le carbone des roches ayant été transformé en gaz carbonique, avec des températures de plusieurs centaines de degrés, dans un état irréversible.

Une possibilité intermédiaire est le climat de serre humide, qui apparait lorsque la vapeur d'eau (H2O) devient un composant majeur de l'atmosphère[7]. En principe, la vapeur d'eau étant elle aussi un gaz à effet de serre, cela pourrait causer une instabilité amenant à l'évaporation des océans[8], cependant, des simulations indiquent qu'un tel emballement n'est pas vraiment possible, sauf si l'activité solaire change de manière significative[9].

Habitabilité globale modifier

Même un emballement modéré du réchauffement aurait des conséquences dramatiques pour la survie de l’humanité : le calcul montre que, dans un scénario où tous les carburants fossiles auraient été brûlés, le réchauffement global serait de 16 °C (30 °C aux pôles, et 20 °C sur les continents[9]). De telles températures empêcheraient presque partout la production de céréales[10], et rendraient la plus grande partie de la planète inhabitable en été[11],[12], le corps humain ne pouvant évacuer sa chaleur interne à des températures humides supérieures à 35 °C[11].

Effets de rétroaction modifier

La possibilité d'emballement climatique repose sur la notion de rétroaction : lorsqu'un changement de température produit un évènement amenant à d'autres changements de température, on parle de rétroaction positive si ce second changement va dans la même direction que le premier (ce qui tend à provoquer un emballement) et de rétroaction négative s'il va dans la direction opposée (ce qui amène à une stabilisation, comme dans le cas d'un thermostat).

Effets lents modifier

Il s'agit essentiellement de la taille des calottes glaciaires et du niveau de CO2 dans l'atmosphère : l'albédo diminue lorsque les calottes fondent, ce qui augmente l'absorption du rayonnement solaire et donc la température ; le gaz carbonique participe à un cycle du carbone complexe, dont les effets globaux sont mal connus[9]. Cependant, dans un livre de 2006, Cox conclut que les masses continentales jouent actuellement le rôle d'un puits de gaz carbonique, rendant une rétroaction positive et un emballement peu probable[13].

Effets rapides modifier

En général, les rétroactions rapides dépendent de l'état initial du climat. Il s'agit de changements de quantité de vapeur d'eau et d'aérosols dans l'atmosphère, ainsi que d'effets induits par la couverture nuageuse et l'étendue des glaces de mer[9].

Clathrates et dépôts de méthane modifier

Des dépôts de méthane et des clathrates potentiellement instables existent dans le pergélisol des régions polaires, dont on pense qu'ils seront libérés à mesure qu'avance le réchauffement global[14], l'effet sur les clathrates mettant probablement des millénaires pour se développer complètement[15]. Le rôle du méthane dans les scénarios d'emballement climatique n'est pas clair, les études montrant que le dégagement de méthane dans l'atmosphère serait assez lent[16]. Cependant, un effet plus rapide, le « fusil à clathrate », pourrait avoir des conséquences imprévisibles.

Risques actuels modifier

En 2007, le consensus de la communauté scientifique, tel qu'exposé dans le quatrième rapport d'évaluation du GIEC, était que « le réchauffement dû à l'homme pourrait amener à des effets abrupts ou irréversibles, en fonction de la vitesse et de l'amplitude des changements climatiques », mais cette affirmation concerne des situations moins graves qu'un emballement climatique[17]. Le cinquième rapport d'évaluation du GIEC précise en 2014 que « un emballement de l'effet de serre — analogue à celui de Vénus — n'a pratiquement aucune chance d'être induit par des activités anthropiques »[18].

Notes et références modifier

  1. a et b (en) Paul Brown, « How close is runaway climate change? », sur The Guardian, (consulté le ).
  2. (en) S. C. Doney et D. S. Schimel, « Carbon and Climate System Coupling on Timescales from the Precambrian to the Anthropocene », Annual Review of Environment and Resources, vol. 32,‎ , p. 31–63 (DOI 10.1146/annurev.energy.32.041706.124700, lire en ligne [PDF]).
  3. (en) D. Archer et B. Buffett, « Time-dependent response of the global ocean clathrate reservoir to climatic and anthropogenic forcing », Geochemistry Geophysics Geosystems, vol. 6, no 3,‎ , Q03002 (DOI 10.1029/2004GC000854, Bibcode 2005GGG.....603002A, lire en ligne).
  4. (en) I. Rasool et C. De Bergh, « The Runaway Greenhouse and the Accumulation of CO2 in the Venus Atmosphere », Nature, vol. 226, no 5250,‎ , p. 1037–1039 (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/2261037a0, Bibcode 1970Natur.226.1037R, lire en ligne).
  5. (en) J. F. Kasting, « Runaway and moist greenhouse atmospheres and the evolution of Earth and Venus », Icarus (journal), vol. 74, no 3,‎ , p. 472–494 (DOI 10.1016/0019-1035(88)90116-9, Bibcode 1988Icar...74..472K).
  6. a et b (en) James E. Hansen, « Climate Threat to the Planet: Implications for Energy Policy and Intergenerational Justice » [PDF], (consulté le ), p. 26–39.
  7. (en) JF Kasting, « Runaway and moist greenhouse atmospheres and the evolution of Earth and Venus. », Icarus, vol. 74, no 3,‎ , p. 472–494 (DOI 10.1016/0019-1035(88)90116-9, Bibcode 1988Icar...74..472K).
  8. (en) AP Ingersoll, « Runaway greenhouse: a history of water on Venus », J. Atmos. Sci., vol. 26,‎ , p. 1191–1198 (DOI 10.1175/1520-0469(1969)026<1191:TRGAHO>2.0.CO;2, Bibcode 1969JAtS...26.1191I, lire en ligne).
  9. a b c et d (en) James Hansen et al., « Climate sensitivity, sea level and atmospheric carbon dioxide », Philosophical Transactions of the Royal Society A, vol. 371, no 2001,‎ , p. 20120294 (DOI 10.1098/rsta.2012.0294).
  10. (en) Hatfield, « Climate impacts on agriculture: implications for crop production », Agronomy Journal, vol. 103,‎ , p. 351–370 (DOI 10.2134/agronj2010.0303, lire en ligne).
  11. a et b (en) SC Sherwood et Huber M, « An adaptability limit to climate change due to heat stress », PNAS, vol. 107, no 21,‎ , p. 9552–9555 (DOI 10.1073/pnas.0913352107, Bibcode 2010PNAS..107.9552S, lire en ligne).
  12. (en) AJ McMichael et Dear KB, « Climate change: heat, health, and longer horizons », PNAS, vol. 107, no 21,‎ , p. 9483–9484 (DOI 10.1073/pnas.1004894107, Bibcode 2010PNAS..107.9483M, lire en ligne).
  13. (en) Cox, P.M., C. Huntingford et C.D. Jones. H.J. Schellnhuber, (ed), W. Cramer, N. Nakicenovic, T. Wigley, and G. Yohe (co-eds), « Chapter 15: Conditions for Sink-to-Source Transitions and Runaway Feedbacks from the Land Carbon Cycle. In: Avoiding Dangerous Climate Change » [PDF], Cambridge University Press, (consulté le ), p. 156.
  14. (en) D. M. Lawrence et A. Slater, « A projection of severe near-surface permafrost degradation during the 21st century », Geophysical Research Letters, vol. 32, no 24,‎ , p. L24401 (DOI 10.1029/2005GL025080, Bibcode 2005GeoRL..3224401L).
  15. (en) B. Buffett et D. Archer, « Global inventory of methane clathrate: sensitivity to changes in the deep ocean », Earth and Planetary Science Letters, vol. 227, nos 3–4,‎ , p. 185–199 (DOI 10.1016/j.epsl.2004.09.005, Bibcode 2004E&PSL.227..185B, lire en ligne).
  16. (en) « Gas Escaping From Ocean Floor May Drive Global Warming », University of California, Santa Barbara,‎ (lire en ligne).
  17. (en) Climate Change 2007: Synthesis Report : Summary for Policymakers, GIEC, , 22 p. (lire en ligne [PDF]), p. 13 :

    « Anthropogenic warming could lead to some impacts that are abrupt or irreversible, depending upon the rateand magnitude of the climate change. »

  18. (en) « Scoping of the IPCC 5th assessment report : Cross cutting issues », Thirty-first session of the IPCC Bali, 26-29 October 2009, GIEC,‎ , p. 17 (lire en ligne [PDF]) :

    « A “runaway greenhouse effect” —analogous to Venus— appears to have virtually no chance of being induced by anthropogenic activities. »

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier