Encyclopédie moderne

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L'Encyclopédie moderne ou Dictionnaire des sciences, des lettres et des arts est une entreprise éditoriale initiée en 1823 avec pour maître d’œuvre Eustache-Marie Courtin (1769-1839). Il s'agit d'une somme abrégée et accessible des savoirs modernes sous forme d'articles classés dans l'ordre alphabétique et rédigés par des hommes de lettres et des spécialistes des techniques et des sciences. La première édition des 24 volumes successifs dont deux volumes de planches s'achève en 1832. L'ouvrage sera réédité plusieurs fois : une dernière édition, refondue et complétée sous la direction initiale de Léon Renier est publiée par les frères Firmin Didot entre 1846 et 1862. Elle comporte 44 volumes dont 5 de planches.

Couverture du tome 4 de l'Encyclopédie moderne de 1824

Caractéristiques modifier

La préface (Avis de l'éditeur[1]) présente le projet comme une nécessaire modernisation de la grande encyclopédie fondatrice de Diderot et d'Alembert : « La marche continuelle et progressive des lumières a rendu plusieurs parties de nos deux grandes Encyclopédies imparfaites, insuffisantes, et presque surannées ». La transformation du monde obligeait à une mise à jour comme les pays étrangers l'avaient fait et la forme de dictionnaire abrégé rendait les ouvrages moins onéreux puisqu'il « fallait que les citoyens industrieux pussent connaître les conquêtes de l’industrie, que la classe studieuse pût apprécier les progrès des connaissances humaines »[2].

Par ailleurs renonçant à «  Extraire ce qu’il y a de bien dans les anciennes Encyclopédies (ou à) traduire quelque Encyclopédie étrangère », et voulant un « ouvrage français », le choix a été de confier la tâche à « des écrivains dont l’Europe littéraire connaît les ouvrages et apprécie les talents ». Ces auteurs sont pour la plupart un peu oubliés : on peut cependant citer Benjamin Constant (article Christianisme), le dramaturge Théophile Marion Dumersan (article Vaudeville), le général Marbot (article cavalerie), le général Jean Maximilien Lamarque (articles Armée, Bataille, Combat), le général Allix (article Vétérans), l'amiral Bouvet (article Vaisseau), Prosper Mérimée (article Vernis), le mathématicien Louis-Benjamin Francœur article Trigonométrie), le naturaliste et géographe Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent (article Zoologie), le juriste Théophile Berlier (divers articles sur le code civil).

Le classement est alphabétique et les articles importants sont accompagnés de notes bibliographiques (exemple l'article 'Fumiste') et de renvois pour éviter les redites (par exemple l'article 'Prises en mer (droit maritime)', tome 19, page 141, renvoie à 'Blocus, Commerce, Croisières Code maritime et Prohibition'). Les promoteurs qui ne revendiquent pas un contenu exhaustif insistent sur l'harmonie de l'ensemble (« Chaque partie étant composée en entier ou entièrement surveillée par un seul écrivain, et tout l’ouvrage étant mis en ordre sous une direction unique »), et la commodité d'utilisation avec une table de classification finale des branches et sous-branches : par exemple Zoologie dans Histoire Naturelle. L'impression est réalisée sur deux colonnes et chaque volume comporte environ 500-600 pages, les planches sont éditées dans des volumes spécifiques. L'encyclopédie moderne atteindra avec ses 180 contributeurs un total de trois mille articles (de longueur diverse) et de trois cents planches. La richesse de l'ouvrage est particulièrement notable dans le domaine technique et scientifique : les articles restent une source d'information importante sur le monde de la première moitié du XIXe siècle[3] avec ses 180 contributeurs auteurs de trois mille articles et de trois cents planches.

Exemple d'article modifier

Le général Marbot

L'exemple de l'article 'Cavalerie' par le général Marbot[4] est démonstratif : son auteur est compétent (il a commandé des hussards sous Napoléon) et référentiel (les Mémoires du Général Baron de Marbot ont fait sa célébrité). Il est concis dans sa définition (« Troupe faisant la guerre à cheval ») et indique clairement son objectif : « Nous nous bornerons donc à des considérations générales sur la cavalerie, et à un examen rapide sur son utilité, ce qu'elle. a été , ce qu'elle est. » L'auteur conduit un historique rapide de l'antiquité gréco-romaine à l'évolution à partir du XVe siècle : se limitant à l'Europe, il note équipement et emploi jusque dans campagnes napoléoniennes toutes récentes. Il présente ensuite l'équipement des cavaleries modernes (selles, chevaux, armes) en expliquant son point de vue sur l'équipement (nécessité de la lance ou emploi de la cavalerie démontée par exemple) et sur la tactique. Il définit ce qu'est à ses yeux « une bonne cavalerie » : « Quelques auteurs ne veulent que deux espèces de cavalerie; nous ne partageons pas cette opinion; nous pensons que, pour le bien du service, autant que pour se conformer à la nature des chevaux de selle que produit l'Europe, il faut trois espèces de cavalerie (lourde, légère et mixte). » L'importance de cet article est révélée par le tiré à part dont on retrouve un exemplaire ayant appartenu au roi Louis II de Bavière dans la bibliothèque de Munich[5].

Encyclopédie moderne – Second volume de planches (1832) : Agriculture – charrues et araires

Première édition 1823-1832 modifier

Les volumes paraissent de 1823 (avril) à 1832 à Paris, chez le libraire Mongié aîné (rue Poissonnière puis Boulevard des Italiens)[6] et peuvent être acquis aussi par souscription au Bureau de l'Encyclopédie, 24, rue Neuve-Saint-Roch. En 1828 dans l'introduction du 13e volume l'éditeur rassure les souscripteurs et évoque le grand succès de l'entreprise : « l'ouvrage, accueilli partout avec faveur, est placé dans toutes les bibliothèques, et les nombreux exemplaires qui en ont été tirés sont déjà complètement épuisés. »[7]. Accès au texte [16]

Édition parallèle Bruxelles 1827-1832 modifier

Le succès doit être au rendez-vous puisqu'une édition a lieu à Bruxelles de 1827 à 1832, chez Lejeune, libraire-éditeur, augmentée d'articles biographiques, écartés de l'édition parisienne : « Deuxième édition, revue, corrigée, et augmentée de la biographie universelle de tous les hommes célèbres (nationaux et étrangers). depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours ». L'éditeur sera d'ailleurs poursuivi et condamné pour avoir organisé une loterie entre les souscripteurs[8]. Accès au texte [17]

Réédition chez Duménil 1841-1843 modifier

L'ouvrage, toujours dirigé par Eustache-Marie Courtin, est réédité en 25 volumes dans une édition augmentée de 500 articles par le libraire-éditeur Duménil, à Paris, à partir de 1841 sous le titre de Encyclopédie moderne ou bibliothèque de toutes des connaissances humaines imprimé par Firmin-Didot à Paris (prix du volume en souscription en 1842 : 3,50 francs)[9]. L'édition comporte 27 volumes dont 2 suppléments : cette édition suit le projet initial et n'intègre pas les biographies qui sont proposées à part dans la Nouvelle Biographie générale de Ferdinand Hœfer (46 volumes édités entre 1853 et 1866). Accès au texte [18]

Édition Renier/Firmin-Didot, refondue et complétée, 1846-1861 modifier

Léon Renier, maître d'œuvre de l'édition Firmin Didot lancée en 1846
Les 30 volumes de l'Encyclopédie moderne de l'édition Firmin Didot achevée en 1858

Une nouvelle édition de l'Encyclopédie moderne, « entièrement refondue et augmentée de près du double », initiée par l'imprimeur Firmin-Didot frères, est entreprise sous la direction de Léon Renier ) en 1846 à Paris[10]. Son titre évolue et devient « Encyclopédie moderne ou Dictionnaire des sciences, des lettres et des arts, de l'industrie, de l'agriculture et du commerce" : elle comporte au total 27 volumes d'articles et 3 volumes de planches (appelés atlas[11]) publiés entre 1846 et 1858.

Quatorze livres de compléments (dont 2 de planches) sont produits entre 1858 et 1862 : cette dernière édition compte finalement 44 volumes. Léon Renier dirige le projet de ce complément mais pris par ses missions archéologiques, il est remplacé par Noël des Vergers puis par Édouard Carteron. Accès au texte [19]

Coût modifier

Le prix d'un volume broché est de 7 franc 50 centimes en 1824 pour les souscripteurs (9 francs pour les non-souscripteurs)[12]. Les éditions suivantes sont moins coûteuses : la souscription est au prix de 3 francs 60 le volume en 1846 ou en 1851. La « réclame » est importante comme le montrent l'encart publicitaire publié par un journal local de Normandie L'indicateur de Bayeux du [13] ou un autre encart publicitaire de 1851[14]. La souscription annuelle pour les 25 volumes payants livrés chaque mois (à 3,60 francs) se monte à un total de 90 francs sur deux ans, ce qui en réserve plutôt l'achat à des catégories sociales aisées et des institutions ou des bibliothèques qui font relier les ouvrages. Pour comparaison en 1850, un maçon gagne environ 2,5 francs par jour (soit aux alentours de 6 euros valeur 2010) et, en 1859, Émile Zola entre comme employé à l’administration des Docks de Paris, où il gagne 60 francs par mois, à peine de quoi manger. Un volume de la comtesse de Ségur (Le vieux général Dourakine) ou de Jules Michelet (Jeanne d'Arc) coûte 2 francs en édition populaire Hachette en 1863[15]. Pour rappel, l'Encyclopédie de Diderot au XVIIIe siècle avec ses 35 volumes, coûtait 980 livres, soit largement plus que le salaire d'un artisan spécialisé estimé à 700 livres par an. L'encyclopédie moderne aurait eu plus de 10 000 souscripteurs avant d'être détrônée par le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse (Paris, 1864-1876, 15 vol. et 2 vol. supplémentaires, 1878-1890), plus attractif avec des articles faciles à lire et une entreprise plus homogène. Pierre Larousse salue lui-même l'entreprise de ses prédécesseurs : « C'est peut-être la plus considérable et, en somme, la meilleure de toutes les encyclopédies de notre époque » mais à laquelle il reproche des manques[16]. Cette importante publication[17], avec ses 180 contributeurs auteurs de trois mille articles et de trois cents planches est considérée comme un répertoire encyclopédique offrant des informations riches et fiables sur son époque.

Remarque : Les libraires spécialisés dans les livres anciens offrent en 2016 de nombreux exemplaires des différentes éditions de l'Encyclopédie moderne.

Notes et références modifier

  1. Texte dans Wikisource [1]
  2. L'Encyclopédie de Diderot a été tirée d'abord à 4 255 exemplaires à 980 livres, soit largement plus que le salaire d'un artisan spécialisé estimé à 700 livres par an
  3. Appréciation : « très nourrie de détails » - Les sources du travail bibliographique, L.N. Maclès, Volume 2 page 219 Librairie Droz Genève 1950/1965 [2]
  4. L'Encyclopédie moderne - Volume VI, pages 101 et sq., paru en 1825 [3]
  5. Googlebook [4]
  6. [5]
  7. [6]
  8. Annales de la jurisprudence belge, 1837, page 97 [7]
  9. Bibliographie de la France, ou, Journal général de l'imprimerie..., Volume 1842, page 233 [8] et [9]
  10. Avis de l'éditeur Firmin-Didot, 1858 [10]
  11. Contenus des planches : Tome I : Agriculture (23 pl.). Anatomie humaine (8 pl.). Architecture (63 pl.). Astronomie (8 pl.). Chemins de fer (4 pl.). Chimie (8 pl.). Arts chimiques (22 pl.). - Tome II : Chronométrie (5 pl.). Géologie (6 pl.). Géométrie (12 pl.). Hydrostatique et hydrodynamique (27 pl.). Histoire naturelle (47 pl.). Métallurgie (7 pl.). Art militaire (12 pl.). Musique (16 pl.). - Tome III : Mécanique (10 pl.). Arts mécaniques (69 pl.). Navigation (13 pl.). Optique (18 pl.). Physique (26 pl.). (dont de très nombreuses planches dépliantes)
  12. Prospectus [11]
  13. Texte du journal [12]
  14. [13]
  15. Publicité dans la Revue d'instruction publique, page 16 [14]
  16. GLU, Préface, page XXXIII [15]
  17. Claude Gauvard (dir.) et Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire de l'historien, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », , 786 p. (ISBN 978-2-13-056119-4, OCLC 984821985) – entrée Encyclopédie