L’ethnocritique de la littérature est une méthode d’analyse littéraire créée dans les années 1990 par Jean-Marie Privat. Elle propose d'étudier la littérature en articulant poétique des textes et ethnologie du symbolique[1].

Définition

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L’ethnocritique se définit comme l’étude de la pluralité et de la variation culturelles constitutives des œuvres littéraires. Son champ critique est celui des théories littéraires de type herméneutique (qui se proposent d’interpréter la littérature et ses effets de sens). Elle s’intéresse plus spécifiquement aux jeux incessants à l’œuvre dans le texte entre des formes plus ou moins hétérogènes de cultures orale et écrite, folklorique et officielle, religieuse et profane, féminine et masculine, légitime et illégitime, endogène et exogène, attestée et inventée, etc.

Historique

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L’ethnocritique se situe dans l’héritage des travaux des « formalistes » qui ont pensé leurs recherches dans la relation à la culture (y compris dans sa dimension folklorique) – Jakobson, Propp, Greimas; des travaux sémio-linguistiques de Bakhtine; et des travaux des ethnologues du symbolique comme Yvonne Verdier, Daniel Fabre, Nicole Belmont, continuateurs de Lévi-Strauss, qui ont travaillé sur les sociétés européennes. C’est de là que la démarche tire son originalité dans le champ plus large des méthodes d’analyse littéraire recourant à l’anthropologie sociale ou culturelle.

Le mot « ethnocritique » apparaît sous la plume de Jean-Marie Privat en 1988[2], et les premiers travaux en ethnocritique de la littérature proviennent, au début des années 1990, de « L’École de Metz » en France, tout particulièrement des études de Jean-Marie Privat sur Madame Bovary de Flaubert et de Marie Scarpa sur Le Ventre de Paris de Zola (voir bibliographie). L’ethnocritique s’est également développée au Québec : en 2005 est créé, au sein de FIGURA (le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire[3]), le premier laboratoire d’ethnocritique, le LEAL, dirigé par Véronique Cnockaert, Jean-Marie Privat et Marie Scarpa.

Depuis les années 2000 s’impose l’idée qu’il ne faut pas réduire l’ethnocritique à la lecture des récits réalistes dans leur relation à la culture populaire : la définition du paradigme évolue (Drouet, 2009), de nouvelles problématiques sont travaillées comme l’ethnocritique et les genres (poésie, théâtre), l’ethnogénétique (numéro de la revue critique et génétique Flaubert consacré à cette question, no 10, 2013), l’ethnocritique et la littérature de jeunesse, le personnage liminaire, l’esthétique littératienne du roman moderne. De même, les études s’élargissent à d’autres auteurs du XIXe siècle (Victor Hugo, George Sand, Honoré de Balzac, les frères Goncourt, Guy de Maupassant, Rimbaud, Mallarmé) et du XXe siècle (C.F. Ramuz, Blaise Cendrars, Marguerite Duras, Bernard-Marie Koltès, Hélène Cixous).

À la fin de l’année 2009, les Presses Universitaires de Nancy officialisent la création d’une collection, intitulée « EthnocritiqueS. Anthropologie de la littérature et des arts », co-dirigée par Jean-Marie Privat et Marie Scarpa. Cette collection a pour vocation principale de publier des travaux originaux de chercheurs en ethnocritique de la littérature (colloques, thèses, monographies, essais, etc.) et des essais d’anthropologie de la littérature et des arts.

Enseignements en ethnocritique

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L'ethnocritique est une discipline scientifique qui, à ce titre, intègre les programmes de recherche et d'enseignements universitaires. L'Université de Lorraine (campus de Metz) offre des cours d’ethnocritique au Master-Lettres[4]. Depuis 2002, un séminaire annuel d’ethnocritique est inscrit au programme de l’École des hautes études en sciences sociales[5]. L'Université du Québec à Montréal propose un enseignement en ethnocritique au niveau du premier cycle (baccalauréat) de son programme d’Études littéraires et un séminaire d’ethnocritique y est également offert aux cycles supérieurs (maîtrise et doctorat)[6]. Enfin, l'Université de Montréal offre, depuis 2020, un séminaire d'ethnocritique (maîtrise et doctorat) dans son programme des littératures de langue française[7].

Annexes

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Bibliographie

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a) Ouvrages de référence :

  • À l’œuvre, l’œuvrier, actes des Deuxièmes rencontres de la sociocritique et de l’ethnocritique, sous la dir. de Sophie Ménard et Jean-Marie Privat, Nancy, Presses universitaires de Nancy, « EthnocritiqueS », 2017, 259 p.
  • Dossier littéraire « Ethnocritiques zoliennes », sous la dir. de Véronique Cnockaert, Sophie Ménard et Marie Scarpa, des Cahiers naturalistes, no 92, 2018[8].
  • L’Ethnocritique de la littérature[9], anthologie préparée par V. Cnockaert, J.-M. Privat et M. Scarpa, Presses de l’Université du Québec, coll. « Approches de l’imaginaire », 2011, 300 p.
  • Horizons ethnocritiques[10], J.-M. Privat et M. Scarpa (dir.), postface de P. Hamon, Presses Universitaires de Nancy, coll. « EthnocritiqueS », 2010, 274 p.
  • « Ethnocritique de la littérature », Romantisme, n° 145, 2009[11].
  • Privat, J.-M., Bovary. Charivari. Essai d’ethnocritique, Paris, CNRS Éditions, coll. « CNRS Littérature », 1994 (rééd. 2002), 315 p.
  • Scarpa, M., L’Éternelle jeune fille. Une ethnocritique du Rêve de Zola, Paris, Honoré Champion, 2009, 276 p[12].
  • Scarpa, M., Le Carnaval des Halles. Une ethnocritique du Ventre de Paris de Zola, Paris, CNRS Éditions, coll. « Littérature », 2000, 304 p.

b) Choix d’ouvrages et d’articles :

  • Cnockaert, V., « Faire le Prussien. Lecture ethnocritique de Saint-Antoine de Maupassant », Pratiquesnos  151-152, « Anthropologies de la littérature »[13], , p. 155-168.
  • Delmotte-Halter, A., Revoir Osnabrück : sur la cuisine dans un livre d'Hélène Cixous, Presses Universitaires de Nancy, coll. « EthnocritiqueS », 2018.
  • Dumoulin, S., « Petit écrivain deviendra grand. Rite de passage et ensauvagement dans l’écriture de jeunesse de Victor Hugo », Pratiques, nos  151-152, « Anthropologies de la littérature », , p. 169-186.
  • Ménand-Doumazane, F., Miroirs d’Aline. Ethnocritique d’un roman de C. F. Ramuz[14], PUN, Editions Universitaires de Lorraine, coll. « EthnocritiqueS », 2012, 349 p.
  • Drouet, G., Marier les destins. Une ethnocritique des Misérables[15], Presses Universitaires de Nancy, coll. « EthnocritiqueS », 2011, 308 p.
  • Drouet, G., « Les Voi(e)x de l’ethnocritique », Romantisme, n° 145, 2009, p. 11-23.
  • Ménard, S., « Le pied mal chaussé de la mendiante rousse : une articulation dialogique entre conte et poésie », Poétique, no 179, mai 2016, p. 73-87.
  • Ménard, S., « Poésie surréaliste, conte et comptine », Poétique, no 183, 2018, p. 109-119.
  • Ménard, S., « “Jusqu’à ce que le mort nous sépare” : ethnocritique de Thérèse Raquin de Zola », Poétique, n° 172, , p. 441-455.
  • Privat, J.-M., « Je compris que vous conjecturiez... Ethnocritique d'un récit de Borgès », Pratiques, n° 181-182, 2019, en ligne[16].
  • Privat, J.-M., « À la recherche du temps (calendaire) perdu », Poétique, n° 123, , p. 301-319.
  • Privat, J.-M. et M.-C. Vinson, « ... c'est là que le monde commence » (ethnocritique des Maîtres sonneurs de Sand), Séminaire annuel : Triangle des approches critiques, Centre Jacques Seebacher, Paris, 2019, en ligne[17].
  • Privat, J.-M. et M. Scarpa, « Combat de nègre et de chiens ou les fantômes de l’Afrique », dans « Bernard-Marie Koltès. Textes et contextes », sous la dir. d’A. Petitjean, Recherches textuelles, no  10, 2011, p. 303-320.
  • Scarpa, M., « La pensée sauvage du récit. Pour une ethnocritique de Zola », dans Lire Zola au XXIe siècle (Actes du Colloque de Cerisy de juin 2016), Paris, Garnier, 2018, p. 317-331.
  • Scarpa, M., « La carnavalisation littéraire. De Bakhtine à l'ethnocritique », dans Sophie Ménard et Jean-Marie Privat (dir.), À l’œuvre, l’œuvrier, Nancy, Presses universitaires de Nancy, « EthnocritiqueS », 2017, p. 21-34.
  • Scarpa, M., « Les poissons rouges sont-ils solubles dans le réalisme ? Lecture ethnocritique d’un “détail” du Ventre de Paris », Poétique, n° 133, , p. 61-72.
  • Vinson, M.-C., « Tibili ou l’empire de la littératie », Cahiers de Littérature orale, INALCO, n°62, 2009, p. 36-52.

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. C’est-à-dire une ethnologie qui étudie « les modes de pensée inscrits dans les pratiques et le langage ». D. Fabre et Cl. Fabre-Vassas, « L’ethnologie du symbolique en France : situation et perspectives », dans Ethnologies en miroir. La France et les pays de langue allemande, I. Chiva et U. Jeggle (éds.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll.« Ethnologie de la France. Regards sur l’Europe », 1992, p. 123.
  2. Jean-Marie Privat, « Pour une approche ethnocritique des soties », Fifteenth Review Quarterly, 1988, p. 42-66; « Essai d’ethnologie du texte littéraire : les charivaris dans Madame Bovary », Ethnologie française, XVIII, no  3, 1988, p. 291‑295.
  3. http://figura.uqam.ca/
  4. http://www.univ-metz.fr/ufr/ll/lesformations/masters/presentation-master-lettres.pdf
  5. http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2012/ue/356/
  6. http://www.etudier.uqam.ca/programme?code=7872#Cours
  7. « Séminaire d'ethnocritique (UdeM, 2020) »
  8. « Cahiers naturalistes »
  9. « L' ethnocritique de la littérature », sur puq.ca (consulté le ).
  10. « Parution - Horizons ethnocritiques. Sous la direction de Jean-Marie PRIVAT et Marie SCARPA / Figura / Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire », sur figura.uqam.ca (consulté le ).
  11. http://www.cairn.info/numero.php?REVUE=romantisme&ANNEE=2009&NUMERO=3
  12. http://www.iiac.cnrs.fr/lahic/article438.html
  13. « Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture », sur cnrs.fr via Wikiwix (consulté le ).
  14. « F. Ménand Doumazane, Miroirs d'Aline. Ethnocritique d'un roman de C.-F. Ramuz », sur fabula.org (consulté le ).
  15. « G. Drouet, Marier les destins. Une ethnocritique des Misérables », sur fabula.org (consulté le ).
  16. « Pratiques (revue) »
  17. « ethnocritique des "Maitres sonneurs" »