Eugène Grasset

graveur, affichiste et décorateur français d'origine suisse
Eugène Grasset
Portrait gravé d'Eugène Grasset publié dans l’Album Mariani (vers 1900).
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 72 ans)
Sceaux (Seine)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Eugène Samuel GrassetVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Domicile
Paris (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
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Œuvres principales

Eugène Grasset[1], né à Lausanne le et mort le à Sceaux[2], est un graveur, affichiste, décorateur et architecte français d'origine suisse, représentatif de l'Art nouveau. Il exerce son talent dans tous les domaines des arts décoratifs : architecture, décoration, illustration, graphisme, mobilier, bijouterie, vitrail...

Biographie modifier

Né d'un père ébéniste, décorateur et sculpteur, Eugène Grasset étudie le dessin de 1859 à 1863 avec François Bocion[3], puis l'architecture au Polytechnicum de Zurich. Il a une sœur Louise Grasset, qui vit toute sa vie à Lausanne.

À la fin de ses études, en 1866, il visite l'Égypte, dont on retrouve l'inspiration dans ses œuvres ultérieures. Il est aussi un admirateur de l'art japonais, qui influence nombre de ses œuvres à partir de 1871.

Eugène Grasset dans son atelier de la Cité fleurie (1890-1900).

Il s'installe à Paris en 1871, où il passe tout le reste de sa carrière artistique. À partir des années 1890, son atelier se trouve à la Cité fleurie, boulevard Arago, qu'il occupe jusqu'à sa mort.

Il épouse, à une date inconnue, Euphrasie Charlotte Charrotton[4] (née à Gibraltar le 15 avril 1848 et décédée à Sceaux le 3 mars 1926[5]), avec qui il vit depuis son arrivée à Paris.

Il obtient la nationalité française par un décret daté du [6].

Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1895[7], et promu officier de cet ordre en 1911.

À partir de 1900, il habite à Sceaux où il loue l'ancienne maison d'Eugène Curie, père de Pierre Curie, située rue des Sablons, rebaptisée rue Pierre-Curie en 1907[8]. Il y décède le .

Dans son testament daté de 1904[4], il désigne comme exécuteur testamentaire son ami le maître-verrier Félix Gaudin et le charge d'organiser la dispersion de sa collection (estampes japonaises, vases grecs, statuettes Tanagra, antiquités du Moyen Âge...) et de son fonds d'atelier, ce qui est fait en , lors de quatre ventes à l'hôtel Drouot[9].

Eugène Grasset est inhumé au cimetière de Sceaux dans une concession décennale le . Il est probable que la concession ait été reprise au bout de dix ans et que son corps ait été transféré dans l'ossuaire des concessions temporaires.

Parcours artistique modifier

Peintre, sculpteur et décorateur modifier

Eugène Grasset commence sa carrière comme peintre, dessinateur d'aquarelles et sculpteur. En 1869 et 1870, il travaille à la décoration du théâtre de Lausanne.

Puis à Paris, il fournit des modèles pour des fabriques de fournitures, de tapisseries, de céramiques et de joaillerie, où il acquiert vite une bonne réputation.

Il découvre les travaux de Viollet-le-Duc qui exercent sur lui une grande influence.

Façade en mosaïques de l'église Saint-Étienne de Briare.

En 1880, son ami Charles Gillot le charge de concevoir la décoration et l’ameublement des pièces principales de son hôtel de la rue Madame à Paris, aujourd'hui conservés au musée des Arts décoratifs de la capitale. Celui-ci, qui a réorganisé ses locaux en 2018[10], consacre un espace spécifique du parcours de visite à « Une salle à manger par Eugène Grasset, 1880 »[11]. Pour cette commande l'ébéniste Fulgraff à réalisé, sous la surveillance de Grasset, un buffet pour la salle à manger — en chêne et noyer sculptés, orné d'animaux fantastiques et de personnages de l'art populaire — et un lit (aujourd'hui disparu). La commande comprend aussi une cheminée monumentale.

Il dessine des cartons pour des vitraux :

Fronton de l’église Saint-Étienne de Briare, par Eugène Grasset, 1890.

Pour la réalisation de ces vitraux, il collabore avec son ami, Félix Gaudin, à partir de 1887 et jusqu'à sa mort, en 1917.

En 1894, il crée la mosaïque La Mosaïste, en émaux de Briare, conservée au musée de la mosaïque et des émaux de Briare.

Par ailleurs, la quasi-totalité des sols de l'église Saint-Étienne de Briare sont des mosaïques produites à partir des cartons de Grasset, en 1895.

De nombreuses mosaïques ornent les différentes façades extérieures de l'édifice, mosaïques fournies par Jean-Félix Bapterosses et exécutées par les ouvriers de la manufacture de Briare.

Il crée aussi des papiers peints et des tapisseries (La Marseillaise, ou encore Fête de printemps présentée à l'Exposition universelle de Paris en 1900 et librement adaptée par Otto Alfred Briffod dans le hall de l'immeuble résidentiel « La France » [av. de Rumine 53] à Lausanne[12]).

Pour l'architecte de la Samaritaine Frantz Jourdain, il produit des décorations en lave émaillée de la façade de La Samaritaine[13].

En 1905, Grasset conçoit pour Marcelle Seure, fille de Charles Gillot, une salle à manger en noyer composée d'une grande table, de six chaises, d'un buffet, d'une desserte et de deux consoles d'applique.

Illustrateur modifier

La Plante et ses applications ornementales, publié en 1896

Mais c'est surtout pour son activité d'illustrateur que Grasset est resté célèbre.

Estampes modifier

À partir de 1877, il réalise des estampes pour illustrer des ouvrages comme :

Histoire des Quatre Fils Aymon illustrée par Eugène Grasset, 1883

Grasset est membre et/ou collaborateur de plusieurs revues, pour lesquelles il réalise de nombreuses illustrations :

Il est très lié à l'imprimeur Gustave de Malherbe[15], avec qui il collabore pour la production de nombreuses estampes et affiches.

Grasset dessine l'enseigne du cabaret Le Chat noir, la silhouette d'un chat sur un soleil d'or se prélassant entre deux colossales lanternes de fer forgé, tandis qu'à l’intérieur il dessine la cheminée et des lustres[16].

Logo de Larousse modifier

Logotype de Larousse par E. Grasset.

En 1890, Grasset modifie le logotype imaginé en 1876 par Émile-Auguste Reiber pour le dictionnaire Larousse, où figuraient des pieds de pissenlit : deux en fleur et, déjà, un avec des aigrettes dont est représentée la dispersion, illustrant la devise accompagnatrice : « Je sème à tout vent ».

Couverture du Nouveau Larousse illustré 1897
Couverture du Nouveau Larousse illustré 1897

La version de Grasset, sur une idée de Georges Moreau, cofondateur de Larousse, y ajoute une nymphe (souvent nommée « semeuse » dans les sources) : la main droite sur le cœur, elle tient de la main gauche une unique tige de pissenlit dont elle souffle les aigrettes qui s'envolent.

Il réalise la couverture, le frontispice et les lettrines du Nouveau Larousse illustré dont la parution des sept volumes débute en 1897 et se poursuit jusqu’en 1904.

La version de Grasset figure sur la plupart des ouvrages des éditions Larousse de 1890 à 1952 environ.

Le logo reparaîtra dans les années 1970[17].

Autres couvertures de revues modifier

Devenu mondialement célèbre, il est contacté par plusieurs publications américaines. Il est l'un des initiateurs de l'Art nouveau aux États-Unis.

En 1892, il réalise la couverture du numéro de Noël du Harper's Magazine.

En 1894, il crée la publicité The Wooly Horse, pour The Century Magazine.

Caractères d'imprimerie modifier

Caractères Grasset en italique

En 1898, pour la Fonderie G. Peignot et Fils, il crée le célèbre caractère d'imprimerie Grasset, qui est présenté lors de l'Exposition universelle de 1900 à Paris et utilisé sur ses affiches et ses posters.

Cette police typographique rencontre un énorme succès et symbolise l'esthétique Art nouveau.

Cartes postales et timbres modifier

Il dessine également des cartes postales et des timbres-poste pour les administrations publiques suisse et française. Pour cette dernière, le « type Grasset » de timbre d'usage courant, projet à l'origine commandé pour remplacer le « type Sage » (Paix et Commerce), mais non adopté pour la France métropolitaine, sera finalement utilisé en 1904 en Indochine pour les timbres-poste et les entiers postaux (cartes postales, cartes-lettres et enveloppes).

Eugène Grasset par Nadar, 1910.

L'un des fondateurs du mouvement de l'Art nouveau modifier

Eugène Grasset est cofondateur, avec Hector Guimard, de la Société des artistes décorateurs.

Avec René Lalique, il cofonde la Société de l'art décoratif français.

Il fonde également la Société internationale de l'art populaire aux côtés d'Henri Cazalis, (Jean Caselli/Jean Lahor), René Lalique, Émile Gallé, Alphonse Mucha et Victor Horta,

Membre de la Société nationale des beaux-arts, il est élu membre permanent du jury de l'Union centrale des arts décoratifs.

Premier en France à concrétiser vers 1880 l'appel de William Morris pour une revalorisation esthétique du quotidien, Grasset est l'un des pionniers de l'Art nouveau, qui tire son inspiration du mouvement Arts & crafts anglais.

Le 11 avril 1897, Eugène Grasset donne une conférence intitulée « L'art nouveau » à l'Union centrale des arts decoratifs où il appelle ses contemporains à éviter l'imitation simple et critique fortement les industries d'art qui reproduisent des modèles anciens mués principalement par la volonté de vendre des œuvres à une clientèle qui se sent confortée par les styles classiques, ce qui réduit les possibilités de création et d'invention. Dès lors, les artistes doivent, selon Grasset, chercher de nouveaux modèles. Or l'industrie tel qu'elle existe et qui introduit la spécialisation à outrance réduit les chances de développement d'un « art nouveau ». Cet art qui doit répondre aux nécessités contemporaines et user d'un « emploi raisonné de la matière ainsi qu'un usage des ornements tirés de la nature ».

C'est pourquoi Grasset souhaite un art qui soit beau, témoigne d'une impression de richesse tout en faisant l'économie d'une production trop coûteuse ; c'est donc dans l'industrie et avec l'aide de nouveaux moyens mécaniques à disposition que cet art peut se développer[18].

Professeur des arts décoratifs modifier

Son début en tant qu'enseignant fut à l’École de la rue Thévenot, à Paris (Syndicat des ouvriers bijoutiers) entre 1875 et 1877, avec un cours de principes généraux de décoration, suivi de cours épars dans l'atelier de vitraux de son ami, Félix Gaudin.

Il reprend cette activité avec un cours de dessin d'arts industriels et composition décorative[19], à l'École Guérin de la rue Vavin, de 1890 à 1903.

Puis il enseigne à l'École d’art graphique de la rue Madame, de 1903 à 1904, et enchaîne avec des cours à l'Académie de la Grande Chaumière, de 1904 à 1913.

Ensuite, il donne un cours d'histoire et de dessin de la lettre à l'École Estienne, jusqu'à sa mort.

Bon pédagogue apprécié de ses élèves, il a eu une influence importante sur la formation artistique et esthétique de nombreux artistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

Élèves modifier

Œuvres modifier

Eugène Grasset a tout au long de sa carrière artistique eu une production graphique très riche, voire prolifique.

Le musée d'Orsay possède ainsi une riche collection de dessins[21].

Estampes et affiches modifier

Exposition Eugène Grasset au Salon des Cent (1894).
  • Les Fêtes de Paris Gala du théâtre de l'Opéra, 1885-1886
  • Librairie romantique E. Monnier, 1887, éditions J. Bognard
  • Théâtre national de l'Odéon, Saison 1890-1891, 1890
  • Encre L. Marquet la meilleure de toutes les encres, 1892, imprimerie G. de Malherbe
  • Chocolat Mexicain Masson Paris, 1892, imprimerie G. de Malherbe
  • Exposition des artistes-décorateurs, Londres, Grafton Gallery, 1893, 1892
  • La Valkyrie - poème et musique de Richard Wagner, 1893, éditions P. Schott
  • Madrid International Exhibition of 1893-94, 1893
  • Jeanne d'Arc - Sarah Bernhardt, 1894, deux versions
  • Exposition Eugène Grasset, avril 1894, affiche du 2e Salon des Cent
  • A New Life of Napoléon, 1897, pour The Century Magazine
  • L'Andalousie au temps des Maures. Exposition de 1900, 1900
  • La Morphinomane, 1897, pour le 2e album d'Ambroise Vollard
  • Dix estampes décoratives, suite, 1897, imprimerie G. de Malherbe
  • Exposition A. Falguière, sculpteur, 1897
  • Dans les bois, 1897, pour L'Estampe moderne
  • Cycles et automobiles marque Georges Richard, 1899
  • Suite de panneaux décoratifs lithographiés, 1900, imprimeries Chaix et G. de Malherbe
  • Imprimerie G. de Malherbe, 1902


Les mois en 1896, illustrations pour calendrier modifier

Publicités modifier

Modèles de bijoux modifier

Vitraux modifier

Notes et références modifier

  1. Eugène Grasset n'a pas de lien de parenté avec l'éditeur Bernard Grasset qui fonde les éditions Grasset en 1907, et dont le père Eugène Grasset, né à Chambéry, est un homonyme.
  2. Archives communales de Sceaux, registre des décès 1917, no 107.
  3. Conteur vaudois, journal de la Suisse romande (17 novembre 1917).
  4. a et b Lien vers le testament d'Eugène Grasset.
  5. Acte de décès no 21 pour l'année 1926 de la ville de Sceaux dans les archives départementales des Hauts-de-Seine
  6. Décret de naturalisation du sur le site des Archives nationales
  7. Dossier d'Eugène Grasset dans la base de données Léonore des Archives nationales
  8. Archives de Sceaux.
  9. Catalogue de vente de la succession Grasset en 1918 dans les Collections numérisées de la bibliothèque de l'INHA.
  10. « VIDEO : Le Musée des Arts Décoratifs fait peau neuve », sur IDEAT (consulté le ).
  11. « Une salle à manger par Eugène Grasset, 1880 », sur Les Arts Décoratifs - Site officiel (consulté le ).
  12. Catherine Schmutz Nicod, Elena Quintela Mimet et Veritsa Vuchkova, « Sur les traces d’Otto Alfred Briffod, peintre décorateur », Monuments vaudois, vol. 12,‎ , p. 84-87.
  13. Béatrice de Rochebouët, « Une architecture entre passé et avenir », Le Figaro, cahier « Le Figaro et vous »,‎ 26-27 juin 2021, p. 31 (lire en ligne).
  14. La Plante et ses applications ornementales sur gallica.bnf.fr.
  15. Anne-Marie Sauvage, « L’affiche en couleurs à la fin du XIXe siècle. Un peu de "chromotypographie" avec l’imprimeur-éditeur Gustave de Malherbe », in: Nouvelles de l'estampe, 230|2010, pp. 43-46sur OpenEdition Books.
  16. Revue illustrée, juin à décembre 1886, tome 2, p. 454.
  17. Ce logotype a également influencé l'image des principes de Jogjakarta : Yogyakarta Principles in Action, Activist's Guide.
  18. Eugène Grasset, « Conférence faite à l'union centrale » (consulté le ).
  19. Les mercredis de 14 à 16 heures.
  20. Fiche exposant SAF 1887, base salons du musée d'Orsay.
  21. Les œuvres d'Eugène Grasset dans les collections du musée d'Orsay
  22. au musée des Arts décoratifs de Paris.

Annexes modifier

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Sources modifier

Bibliographie modifier

Liens externes modifier