Explosion du fort de Dailly

Explosion de munitions au fort de Dailly (Suisse)

L'explosion du fort de Dailly se produit dans la nuit du , au sein de cet ouvrage militaire suisse situé dans le canton du Valais. Les munitions stockées dans trois magasins d'une des galeries de la fortification explosent accidentellement. Dix ouvriers travaillant sur le site du fort sont tués et l'ouvrage est fortement endommagé.

Explosion du fort de Dailly
Type Explosion de munitions
Pays Drapeau de la Suisse Suisse
Localisation Fort de Dailly (Lavey-Morcles)
Coordonnées 46° 12′ 36″ nord, 7° 01′ 48″ est
Date
Bilan
Morts 10

Carte

Cette explosion, puis celle se produisant un an et demi plus tard au dépôt de munitions de Mitholz, poussent les autorités suisses à immerger dans certains lacs les stocks de munitions obsolètes.

Déroulement

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Le , une première explosion se produit à 23 h 38 dans le magasin de munitions numéro 1 de la galerie Rossignol du fort de Dailly. Quelques minutes plus tard, les munitions de deux autres magasins a proximité explosent également, la troisième explosion étant rapportée comme la plus puissante[1],[2],[3],[4].

Au total, les spécialistes estiment qu'environ 16 500 obus de calibre 10.5 ont explosé cette nuit là[Note 1],[Note 2],[2],[3].

Après les explosions, un incendie débute dans les galeries avant d'être maîtrisé par des gardes-fort[1].

Les explosions sont intenses, vues et entendues dans le Chablais. La terre tremble également dans la région autour du fort, faisant penser à certains habitants qu'il s'agit d'une réplique du tremblement de terre du [1],[3].

L'électricité et le téléphone sont coupés dans la région autour du fort. De nombreux débris et roches sont projetés aux alentours, touchant par exemple les toits de la ville de Morcles. Une porte blindée de quatre tonnes est retrouvée près du stand de Lavey. Sur les hauteurs du même village, un pan de rocher de 80 mètres de haut pour 15 mètres d'épaisseur s'écroule dans la forêt [6].

Une partie de la population est évacue le lendemain du sinistre dans une zone plus éloignée du danger, à Saint-Maurice[1],[3].

Les gaz produits lors des explosions et des incendies, notamment le monoxyde carbone, tuent plusieurs personnes à l'intérieur du fort et compliquent les opérations de sauvetage et de lutte contre les incendies[1],[4].

Au total, 18 ouvriers se trouvaient dans cette partie des fortifications. Après la catastrophe et les jours suivants, des recherches sont menées pour porter secours aux blessés et retrouver des disparus. Les militaires sont aussi chargés de déminer la zone autour du fort, pollués par des munitions non-explosées projetées à l'extérieur des installations militaires[1],[3].

Rapidement après la catastrophe, les conseillers d'état vaudois et valaisans se déplacent sur le site de la catastrophe. Ils sont rejoints les jours suivants par Karl Kobelt, responsable du Département militaire fédéral et président de la Confédération cette année là[3], accompagné du commandant de corps de Montmollin [7]. Une commission d'enquête est également mise en place par les autorités[1].

10 personnes meurent dans l'explosion, principalement intoxiqués au monoxyde de carbone, le principal gaz d'explosion[1],[3]. Il s'agissait d'ouvriers engagés pour des travaux de modernisation de galeries et salles sur le site du fort[2],[3],[5]. Leur présence au fort cette nuit là dans la fortification est due à leur demande de pouvoir travailler de nuit et bénéficier d'un congé familial pour l'Ascension[Note 3],[1],[3].

Il n'y a pas de victime parmi les recrues et les militaires opérant la fortification[4]. Une grande partie des militaires présents ont en effet été envoyés en exercice aux Follatères, sur les hauteurs de Fully[Note 4],[1],[3].

Plusieurs habitants de Morcles ont été temporairement déplacés à Saint-Maurice, le temps que les opérations de sauvetage et de déminage puissent avoir lieu[1].

Matériel

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Certaines fortifications subissent d'importants dégâts lors de l'explosion. Dans l'ensemble, la montagne résiste à la catastrophe et ne s'effondre pas[3]. Toutefois, les voûtes intérieures des galeries et salles proches des explosions (notamment l'infirmerie, le centre de communication et la centrale électrique) ne résistent pas aux déflagrations[1],[3]. Plusieurs pièces d'artillerie sont également détruites ainsi que divers équipements comme des portes blindées[1],[4].

Les installations extérieures sont touchés par les dégâts. Une station du funiculaire reliant certaines fortifications à celle de Dailly (Petit Mont et Toveyre) est détruite[1],[3].

Des munitions et des armes endommagées sont projetées aux alentours des bunkers et dans la vallée jusqu'à Lavey[2],[3].

Environnemental

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L'explosion et les rochers soufflent ou incendient une partie de la végétation de la crête de Dailly. De plus, des pans de falaise s'éboulent localement[1],[3],[4]. Les zones autour du fort doivent être déminées, les explosions ayant projetées des munitions à l'extérieur des installations militaires[1],[3].

Après l'explosion, environ 87 000 litres de diesel se répandent dans la nature environnant le fort[2].

D'après l'enquête des autorités, une décomposition lente du nitrocellulose présent dans les poudres des obus est l'explication la plus probable de l'explosion initiale des magasins[1],[3],[5].

L'explosion du dépôt de munitions de Mitholz, en , celle du fort de Dailly ainsi que deux incidents dans les Grisons accréditent l'hypothèse que les spécialistes pyrotechniques suisses ne maîtrisaient pas suffisamment les réactions chimiques pouvant avoir lieu sur les munitions utilisées par l'armée[5]. Des incidents de surchauffe des munitions avaient par exemple étaient rapportés, sans que des investigations plus poussées ou des mesures de protection ne soient décidées[1].

Conséquences

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Gestion des stocks de munitions

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L'explosion du fort de Dailly pointe les difficultés de l'armée suisse pour sécuriser les importants stocks de munitions constitués durant la seconde guerre mondiale. Après l'enquête, une commission décide la mise en place de nouvelles mesures de sécurité pour la gestion des stocks de munitions, notamment la séparation des détonateurs et de leurs munitions (ces deux éléments étant livrés à l'armée déjà vissés ensemble)[8].

La survenue un an et demi plus tard d'une nouvelle explosion catastrophique au dépôt de Mitholz oblige les autorités civiles et militaires à prendre des mesures de gestion des munitions plus drastiques. De plus, les munitions produites et stockées en Suisse ne peuvent être vendues à des pays étrangers sans compromettre la politique de neutralité en pleine guerre froide. Il est alors décidé que des stocks de munitions obsolètes seront immergés dans plusieurs lacs du pays, notamment ceux de Thoune et Brienz[9],[10].

En réponse à ces risques d'explosions, les compositions des poudres de munitions ainsi que les conditions de stockage de celles-ci dans les dépôts et magasins évoluent également[Note 5],[1].

Réparation et modernisation du fort

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La destruction d'une partie des installations du fort oblige d'importants travaux de réparations qui débutent dès . Les autorités civiles et militaires profitent des investissements pour moderniser certaines armes et fortifications les années suivantes. Les fortifications sont renforcées pour tenir compte des nouvelles menaces nucléaires et des tourelles d'artillerie modernisées sont installées[1],[2],[3].

Notes et références

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  1. Environ 5 500 obus étaient stockés dans chaque magasin[2],[3]. Au total, environ 450 tonnes d'explosifs, dont 77 de nitrocellulose, sont impliqués dans les explosions à Dailly[1],[5],[3].
  2. Les obus sont de calibre 105 mm[5].
  3. En , l'Ascension a lieu le .
  4. Au total, ce sont 151 soldats qui sont en exercice aux Follatères[1],[3].
  5. Les espaces contenant des munitions sont réduits, mieux isolés et davantage protégés[1].

Références

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  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v et w Noémie Fournier, « Lavey-Morcles: il y a 75 ans, le fort de Dailly explosait », Le Nouvelliste,‎ (lire en ligne Accès libre)
  2. a b c d e f et g Xavier Lambiel, « Dailly, bunker mythique de la Guerre froide », Le Temps,‎ (lire en ligne Accès libre)
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t et u Gilles Simond, « Le jour où la montagne explosa », 24 Heures,‎ (lire en ligne Accès payant)
  4. a b c d et e Rédaction, « La catastrophe du Fort de l'aiguille à Dailly », Le Nouvelliste Valaisan, vol. 43, no 127,‎ 30-31.05.1946 (lire en ligne Accès libre)
  5. a b c d et e (en) Jean François Andrist, « And finally... the Blausee-Mitholz disaster - a follow-up : Jean François Andrist details the second explosion at Dailly », Swiss express : the Swiss Railways Society journal,‎ , p. 46 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  6. « Le nouvelliste 30 mai 1946 — e-newspaperarchives.ch », sur www.e-newspaperarchives.ch (consulté le )
  7. « Le nouvelliste 1 juin 1946 — e-newspaperarchives.ch », sur www.e-newspaperarchives.ch (consulté le )
  8. (de) Martin Klemrath, « Grau-grünliche Gasflammen erleuchteten das Tal taghell – dann kam die Mega-Explosion », Die Welt,‎ (lire en ligne Accès libre)
  9. Cathy Macherel, « Munitions dans les lacs: une histoire invisible », Tribune de Genève,‎ (lire en ligne Accès payant)
  10. Charrière et Baudouï (2016), p. 3-5.

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Élodie Charrière et Rémi Baudouï, « De la difficile émergence d’une controverse écologique – Le cas du dépôt des munitions dans les lacs suisses après la Seconde Guerre mondiale », Éthique publique – Revue internationale d'éthique sociétale et gouvernementale, vol. 18 « Controverse et acceptabilité sociale des projets de développement économique », no 1 « État, acceptabilité sociale et controverses »,‎ , p. 1-15 (ISSN 1929-7017, DOI 10.4000/ethiquepublique.2398, lire en ligne Accès libre). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article