Félix Dupanloup
Félix Dupanloup, né le à Saint-Félix, dans le département du Mont-Blanc (correspondant au duché de Savoie, qui appartient à la France de 1792 à 1815 avant son annexion définitive en 1860), et mort le au château de La Combe-de-Lancey (Isère), est un prêtre catholique français, théologien enseignant, journaliste, prélat et homme politique. Il est évêque d'Orléans en 1849 et membre de l'Académie française à partir de 1854. Il est enterré dans la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans[1].
Fauteuil 16 de l'Académie française | |
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Évêque diocésain Diocèse d'Orléans | |
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Sénateur de la Troisième République | |
Député français |
Naissance | |
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Décès |
(à 76 ans) La Combe-de-Lancey |
Nom de naissance |
Félix Antoine Philibert Dupanloup |
Nationalité | |
Formation | |
Activités |
Prêtre catholique (à partir du ), évêque catholique ( - |
Consécrateurs | |
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Membre de | |
Distinction |
Biographie
modifierJeunesse
modifierFélix Antoine Philibert Dupanloup est un enfant naturel, né le à Saint-Félix[2], situé dans l'ancien duché de Savoie annexé depuis 1792 à la France[3]. On le déclara comme l'enfant d'Anne Dechosal, une paysanne, et de Jean-François Dupanloup, un ouvrier tailleur[3]. Mais par la suite ce dernier écrivit en marge de l'acte de baptême ne pas reconnaître cette paternité[4],[3]. Dans les faits, la famille du vrai père exerça sa protection sur l'enfant et sa mère[3], quand ils vinrent s'installer à Paris en 1809[2] et qu'il fut décidé que le jeune Félix serait envoyé au collège Sainte-Barbe[3]. On sut plus tard en société que c'était Camille Borghèse, l'aristocrate et révolutionnaire romain (alors en exil en Savoie après la prise de Rome par les royalistes napolitains), qui était le vrai père de Félix Dupanloup[5] et qu'il fit cet enfant à Anne Dechosal, quand celle-ci était servante dans la famille où il fut reçu durant son exil[5]. Renan parlait du « secret de la naissance de Dupanloup » que connaissait sans doute Hyacinthe-Louis de Quélen, ainsi que des familles de la haute société annécienne « qui avaient veillé paternellement sur le jeune ecclésiastique, qui en avaient fait un homme bien élevé et qui l’avaient introduit dans leur monde fermé[6] ». Il bénéficia donc très tôt de certaines protections et opportunités. Choisissant la carrière ecclésiastique, il étudie la grammaire à la Petite-Communauté, les humanités au séminaire préparatoire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet[3], la philosophie au petit séminaire d’Issy et la théologie au grand séminaire de Saint-Sulpice avant d’être ordonné prêtre le [3].
Vie de prêtre
modifierEn 1826, il est nommé vicaire de la Madeleine et s'établit une réputation de pédagogue. Il est chargé de l’éducation religieuse du duc de Bordeaux, puis des princes d’Orléans. En 1834, il est nommé curé de Saint-Roch et s’y fait une réputation d’orateur. C’est lui que choisit l'archevêque de Paris, Hyacinthe-Louis de Quélen, pour obtenir sur son lit de mort la rétractation de Talleyrand. Renan décrit ainsi sa mission :
« Vers le mois d', M. de Talleyrand, en son hôtel de la rue Saint-Florentin, sentant sa fin approcher, crut devoir aux conventions humaines un dernier mensonge et résolut de se réconcilier, pour les apparences, avec une Église dont la vérité, une fois reconnue par lui, le convainquait de sacrilège et d'opprobre. Il fallait, pour cette délicate opération, non un prêtre sérieux de la vieille école gallicane, qui aurait pu avoir l'idée de rétractations motivées, de réparations, de pénitence, non un jeune ultramontain de la nouvelle école, qui eût tout d'abord inspiré au vieillard une complète antipathie ; il fallait un prêtre mondain, lettré, aussi peu philosophe que possible, nullement théologien, ayant avec les anciennes classes ces relations d'origine et de société sans lesquelles l'évangile a peu d'accès en des cercles pour lesquels il n'a pas été fait. M. L'abbé Dupanloup, déjà connu par ses succès au catéchisme de l'Assomption, auprès d'un public plus exigeant en fait de jolies phrases qu'en fait de doctrine, était juste l'homme qu'il fallait pour participer innocemment à une collusion que les âmes faciles à se laisser toucher devaient pouvoir envisager comme un édifiant coup de la grâce. Ses relations avec madame la duchesse de Dino, et surtout avec sa fille, dont il avait fait l'éducation religieuse, sa parfaite entente avec M. de Quélen, les protections aristocratiques qui, dès le début de sa carrière, l'avaient entouré et l'avaient fait accepter dans tout le faubourg saint-Germain comme quelqu'un qui en est, le désignaient pour une œuvre de tact mondain plutôt que de théologie, où il fallait savoir duper à la fois le monde et le ciel. »
Il est ensuite chargé du séminaire préparatoire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, qui compte deux cents élèves. Il le réforme complètement ne laissant debout que les murs. Son intention était d’en faire un creuset où se mêleraient les jeunes garçons de familles riches et l’élite des élèves pauvres, signalés par des succès constants[7]. Renan qui y fut élève écrit :
« La vieille maison de la rue Saint-Victor fut ainsi, pendant quelques années, la maison de France où il y eut le plus de noms historiques ou connus ; y obtenir une place pour un jeune homme était une grâce chèrement marchandée […] Pour une élite de la jeunesse cléricale, il espérait qu'il sortirait de ce mélange avec des jeunes gens du monde, soumis aux mêmes disciplines, une teinture et des habitudes plus distinguées que celles qui résultent de séminaires peuplés uniquement d'enfants pauvres et de fils de paysans. Le fait est qu'il réalisa sous ce rapport des prodiges. Composée de deux éléments en apparence inconciliables, la maison avait une parfaite unité. L'idée que le talent primait tout le reste étouffait les divisions, et, au bout de huit jours, le plus pauvre garçon débarqué de province, gauche, embarrassé, s'il faisait un bon thème ou quelques vers latins bien tournés, était l'objet de l'envie du petit millionnaire qui payait sa pension sans s'en douter. »
En 1842, il refuse la nomination proposée par le roi Charles-Albert de Sardaigne à l'évêché d'Annecy[2].
Défenseur de l'enseignement catholique
modifierÀ partir de 1844, il est l'un des plus actifs défenseurs de l'enseignement catholique aux côtés de Charles de Montalembert. Pour mener ce combat, il quitte ses fonctions au séminaire en 1845 et l'archevêque de Paris, Denys Affre, le nomme chanoine de Notre-Dame.
Il est élu le à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, avec pour titre académique Effectif (titulaire)[8].
En 1848, il fait partie de la commission extra-parlementaire présidée par Adolphe Thiers qui élabore le texte qui devient la loi Falloux du .
Il continue à œuvrer pour l'éducation catholique comme évêque. Il est l'un des premiers à réaliser une enquête auprès de ses curés, pour évaluer la qualité du catéchisme dans son diocèse dès 1850[9],[10]. Il est lui-même l'auteur d'un catéchisme[11],[12]. Il en développe une vision intégrant connaissances et pratiques :
« Le catéchisme, ce n’est pas seulement l’instruction, c’est l’éducation, ce n’est pas seulement enseigner le christianisme aux enfants, c’est élever les enfants dans le christianisme »[13].
Vie d’évêque
modifierNommé évêque d'Orléans en 1849, il milite notamment pour la reconnaissance des mérites religieux de Jeanne d'Arc, qui est canonisée en 1920, 42 ans après la disparition de celui qui fut à l'origine de ses procès en béatification puis en canonisation. Il lui consacre deux panégyriques, l'un en 1855 puis un second en 1869, au cours duquel il appelle solennellement à sa canonisation.
Il établit sa résidence au château des Hauts de La Chapelle-Saint-Mesmin acquis par son prédécesseur Jean-Jacques Fayet, à proximité du petit séminaire de La Chapelle-Saint-Mesmin, qu'il dirige jusqu'à son décès.
Il est à l'origine, en 1852, de la création du Patronage des apprentis d'Orléans, société devant favoriser l'éducation professionnelle et dispenser la morale et les principes religieux aux jeunes gens issus des classes défavorisées[14].
En 1863, il fonde l’Académie Saint-Croix, société savante orléanaise d’inspiration chrétienne composée de membres ecclésiastiques mais aussi laïques issues de l’aristocratie, dont l’objet principal était de favoriser les recherches historiques en matière de religion et de littérature. Celle-ci cesse ses activités en 1905[15].
À l'Académie française
modifierIl est élu à l'Académie française le au 16e fauteuil, où il succède à Pierre-François Tissot. Il y devient le chef du parti religieux, s'opposant violemment en 1863 à la candidature d'Émile Littré, à qui il reproche son agnosticisme, et empêchant son élection. Il s'oppose de même aux candidatures de Taine et de Renan.
En 1871, Littré est à nouveau candidat, et cette fois est élu, à la grande colère de Dupanloup, qui dans un premier temps annonce sa démission de l'Académie. Il a d'autres occasions de s'opposer à Littré, puisque tous deux viennent, la même année, d'être élus députés. Félix Dupanloup est en effet élu député du Loiret le avant d'être l'un des 75 sénateurs inamovibles élus par l'Assemblée nationale le .
À la fin de sa vie, l'évêque d'Orléans fait de longs séjours à Hyères dans la propriété de ses amis, le baron et la baronne de Prailly, au Plantier de Costebelle[16].
Postérité
modifierLes anticléricaux utilisèrent son nom pour créer la chanson paillarde Le Père Dupanloup[17].
En 1905, son nom est donné à un établissement d'enseignement privé de Boulogne-Billancourt, le Cours Dupanloup, institution qui existe encore de nos jours[18].
Œuvres
modifier- De la pacification religieuse : quelle est l'origine des querelles actuelles ? quelle en peut être l'issue ?, éd. chez J. Lecoffre et Cie., 1845
- De l'éducation, éd. Douniol, 1861.
- De l'éducation, 9e éd. Charles Douniol et Cie, libraires éditeurs, 29 rue de Tournon, Paris, 1872, 3 tomes, imp. Victor Goupy, 5 rue Garancière, Paris.
- De l'éducation en général, tome premier, 405 p.
- De l'autorité et du respect dans l'éducation, tome deuxième, 607 p.
- Les hommes d'éducation, tome troisième, 639 p.
- La Convention du 8 décembre. Suivie d'une lettre au Journal des débats, 28e éd., Paris, Charles Douniol, 1865, 160 p.
- Entretiens sur la prédication populaire, éd. Charles Douniol, 1866.
- De la haute éducation intellectuelle, éd. Douniol, (1re éd. 1857)
- Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort: captivité de la famille royale au Temple, Alcide Beauchesne, Félix Dupanloup, ed. H. Plon, 1867.
- La femme studieuse, ed. C. Douniol, 1869.
- Étude sur la franc-maçonnerie, 3e éd., Paris, Charles Douniol, 1875, 92 p.
- Premières lettres a Messieurs les membres du Conseil municipal de Paris sur le centenaire de Voltaire, éd. Société Bibliographique, 1878 ( Lire en ligne )
- Lettres sur l'éducation des filles et sur les études qui conviennent aux femmes dans le monde, éd. C. Douniol, 1879.
- La souveraineté pontificale selon le droit catholique et le droit européen, éd. J. Lecoffre et Cie, 1860.
- Le mariage chrétien, 19e éd. P. Téqui, libraire éditeur, 82 rue Bonaparte, Paris, 1920, 438 p.
- Réponse de Mgr l'évêque d'Orléans à M. le baron Molroguier, Ch. Douniol, , 16 p. (lire en ligne) ;
- Défense de la liberté de l'Église, R. Ruffet, , 448 p. (lire en ligne) ;
Notes et références
modifier- Bertrand Beyern, Guide des tombes d'hommes célèbres, Le Cherche midi, , 385 p. (ISBN 978-2-7491-2169-7, lire en ligne), p. 99.
- Alain Boucharlat, Savoie, La Fontaine de Siloé, , 319 p. (ISBN 978-2-86253-221-9, lire en ligne), p. 17.
- Jean-Marie Mayeur, Alain Corbin, Arlette Schweitz, Les immortels du Sénat, 1875-1918 : les cent seize inamovibles de la Troisième République, Publications de la Sorbonne, , 512 p. (ISBN 978-2-85944-273-6, lire en ligne), p. 316-318.
- La Savoie de Christian Sorrel, p. 177 (Beauchesne, 2003).
- (en) Roland Hill, Lord Acton, Yale University Press, , 615 p. (ISBN 9780300129809, lire en ligne), p. 205
- Renan, Ernest. "Souvenirs d'enfance et de jeunesse", Collection XIX, 442 pages, 2016. (ISBN 9782346035670). (lire en ligne)
- Histoire du séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet 1612-1908, par P. Schoenher, 1909-1911 sur Gallica
- « Etat des Membres de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Savoie depuis sa fondation (1820) jusqu'à 1909 », sur le site de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie et « Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie », sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques - cths.fr.
- Marais, Jean-Luc. "L'enseignement du catéchisme dans le diocèse d'Angers dans les années 1900." Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Vol. 94. No. 2. Presses Universitaires de Rennes, 1987. (lire en ligne)
- Leflon, Jean. "Christiane Marcilhacy. Le diocèse d'Orléans sous l'épiscopat de Mgr Dupanloup (1849-1878)." Revue d'histoire de l'Église de France 49.146 (1963): 169-172. (lire en ligne)
- Catéchisme du diocèse d'Orleans: imprimé par ordre de Félix-Antoine-Philibert Dupanloup, évêque d'Orléans, pour être seul enseigne dans son diocèse. Blanchard, 1868.
- Gilbert Adler et Gérard Vogeleisen, Un siècle de catéchèse en France, Paris, Beauchesne,
- Mgr. Félix Dupanloup, L’Œuvre par excellence ou entretiens sur le catéchisme, Paris, Charles Douniol, (lire en ligne), p.3
- Marie-Cécile Sainson, La bonne société orléanaise 1850-1914 : Loisirs et sociabilité, Orléans, Corsaire éditions, , 216 p. (ISBN 978-2-368000-94-6), p.124
- Marie-Cécile Sainson, La bonne société orléanaise 1850-1914 : Loisirs et sociabilité, Orléans, Corsaire éditions, , 216 p. (ISBN 978-2-368000-94-6), p.96
- Jubilé de Paul Bourget, publié dans la Revue hebdomadaire du 15 décembre 1923, page 280. Voir aussi Vie de Mgr Dupanloup, Abbé Lagrange, T. III, Poussielgue Frères, 1884, p. 442 et s. Après la mort de l'évêque d'Orléans, la propriété du Plantier fut vendue, en 1896, par la famille Prailly, à l'écrivain et académicien français Paul Bourget.
- Chanson paillarde encore chantée un siècle plus tard, par Pierre Perret : https://www.youtube.com/watch?v=JoV8JlyxZVE
- Page Historique sur le site de l'école-collège Dupanloup.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- « Félix Dupanloup », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition]
- Emile Faguet, Monseigneur Dupanloup un grand évêque, Hachette, 1914.
- Abbé Lagrange, Vie de Mgr Dupanloup, Poussielgue Frères, 1884. Ouvrage de référence sur ce prélat de l'église romaine.
- Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, tome 16, 1866-1877, article « Dupanloup » (lire en ligne).
- Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, tome 6, 1866-1877, article « Dupanloup » (lire en ligne).
- Jean-Marie Mayeur, Christian Sorrel et Yves-Marie Hilaire, La Savoie, t. 8, Paris, Éditions Beauchesne, coll. Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, 1996, 2003, 441 p. (ISBN 978-2-7010-1330-5), p. 176-178, fiche biographique (+ autres citations dans l'ouvrage).
- Jean-Marie Mayeur, « Dupanloup Félix Antoine Philibert 1802-1878 », dans Jean-Marie Mayeur et Alain Corbin (dir.), Les immortels du Sénat, 1875-1918 : les cent seize inamovibles de la Troisième République, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles » (no 37), , 512 p. (ISBN 2-85944-273-1, lire en ligne), p. 316-318.
- Ernest Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, (1re éd. 1883), PDF (lire en ligne), p. 97 etc.
- Henri Lavedan, Avant l'oubli : Volume 1 : Un enfant rêveur, Paris, Librairie Plon, , 290 p., p. 113-120
Article connexe
modifierLiens externes
modifier
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- Ressource relative à la recherche :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- À écouter : Monseigneur Dupanloup : académicien influent et polémiste contesté sur canal académie.