Farhad Khosrokhavar

sociologue français

Farhad Khosrokhavar (en persan : فرهاد خسروخاور), né le à Téhéran, est un sociologue franco-iranien, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Farhad Khosrokhavar
Farhad Khosrokhavar en 2014.
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Biographie

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Après ses études primaires et secondaires en Iran, Farhad Khosrokhavar prépare à Montpellier, au début de 1970, une thèse sous la direction de Michel Henry intitulée « Du rapport entre finitude et vérité chez Heidegger » qu'il soutient en 1974. Il semble avoir retenu de cette époque deux éléments importants qu'il appliquera à la sociologie : une attitude de phénoménologue et une conception de la subjectivité qui fait partie intégrante de l'analyse. En cela, il se place délibérément dans la sociologie compréhensive. Parallèlement à ces études, il s’intéresse aux mathématiques et obtient une licence dans cette matière.

En 1975, à Paris, il s’initie à la sociologie de l’action en fréquentant les séminaires d'Alain Touraine sous la direction duquel il soutient une thèse sur « Modernisation et appareil d’État en Iran » (1977), donc avant la révolution iranienne.

De retour en Iran peu après la révolution, il enseigne, de 1980 à 1987, la sociologie à l’université Buali (en) à Hamadan et s'intéresse de très près à l'analyse sociologique de cette révolution naissante et à l'évolution d'un régime vite marqué par la guerre Iran-Irak.

Il quitte l'Iran en 1987 et espère trouver un emploi aux États-Unis. Passant par Paris, Touraine lui propose un poste à l'École des hautes études en sciences sociales. À partir de 1991, il y devient maître de conférence puis directeur d'études. Plus tard, il partagera son temps entre la France et les États-Unis, publiant souvent en anglais.

Travaux

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En Iran, il enquête entre autres sur l'usage des « enfants martyrs » pendant la guerre Iran-Irak. Il rédigera et publiera en France une thèse considérable, en trois volumes (1993, 1995, 1997), son œuvre centrale, L'Islamisme et la Mort, dans laquelle il analyse des interviews qu'il a faites de ces enfants volontaires pour le « martyre », chargés de se faire sauter dans les champs de mines pour libérer la place pour l'armée. Les deux autres livres de la trilogie, L'Utopie sacrifiée et L'Anthropologie iranienne, analysent le contexte sociologique et idéologique de cette révolution. Hanté par le devenir de cette civilisation musulmane, il fait partie de ceux qui ont lancé le concept de post-islamisme, qui désigne ce mouvement intérieur à l'islam qui combat les radicaux qualifiés dans le langage courant d'islamistes.

Après la publication de cette thèse, il s'intéresse à de très nombreux aspects de l'islam, en France et ailleurs. Il a coédité de nombreux livres, dont deux sur le foulard en 1995, l'un avec Françoise Gaspard, l'autre avec Chahla Chafiq-Beski. Il a coédité avec Olivier Roy Iran : comment sortir d'une révolution religieuse (1999) à l'époque de l'espoir d'une libéralisation prochaine, coopération qui marque une sensibilité commune sur les questions iraniennes. De son côté, il publie L'Islam des jeunes (1997) et Les Nouveaux martyrs d'Allah (2002), puis en 2004 L'Islam dans les prisons.

Dans nombre de ses ouvrages, une bonne part de ses analyses des phénomènes sociaux iraniens ou non font éclater les discours monolithiques[pas clair]. Ses coopérations avec des revues comme Peuple et Méditerranée (9 titres cités dans L'Utopie Sacrifiée pour les années 1979-1990) est la marque d'un autre trait de son œuvre, un désir de propager le savoir au-delà du seul monde scientifique.

On notera aussi un ouvrage qui est assez loin de la sociologie appliquée, L'Instance du sacré, paru au Cerf en 2001, ouvrage de tendance plus philosophique. Le livre corédigé avec Touraine, La Recherche de soi, marque certainement un tournant important qui donnera toute son extension à la sociologie du sujet[réf. nécessaire].

Avec Moussa Khedimellah de 2000 à 2003, Farhad Khosrokhavar réalise la première enquête sociologique d'envergure sur le fait religieux islamique en prison sur plusieurs sites en France et en Angleterre. Autorisée par la ministre de la Justice de l'époque, Élisabeth Guigou, l'enquête de Khosrokhavar annonce un nombre significatif de détenus musulmans dans les prisons françaises, faisant naître plusieurs polémiques notamment dans le cadre de l'« affaire Zemmour »). Selon cette étude, commandée par le ministère de la Justice, Khosrokhavar évalue entre 50 % et 80 % la proportion de détenus qui seraient musulmans dans certaines prisons proches de quartiers dits sensibles[1].

Ce pourcentage, fort élevé par rapport à la population musulmane en France (environ 10 %), est, selon Farhad Khosrokhavar, le produit de facteurs sociaux, économiques et politiques :

« La criminalité, et de manière plus générale, la déviance juvénile, sont avant tout d'origine sociale : niveau d'éducation inférieur, chômage des parents, non-accès aux formes de cultures et d'enseignement des classes moyennes, reproduction de la pauvreté, ségrégation dans les banlieues, etc. Mais la délinquance possède aussi des racines anthropologiques. La famille maghrébine s'est déstructurée en une ou deux décennies sous de multiples formes : familles monoparentales, démission du père, perte de sa position hégémonique au sein de l'édifice patriarcal[2]. [Par ailleurs], En France tout particulièrement, la déviance des « musulmans » a partie liée à la défaillance des institutions majeures qui, il y a à peine quelques décennies, étaient encore capables d'assurer l'intégration sociale des immigrés et de leur descendance […] À la défaillance des institutions, s'ajoute un racisme dont les dimensions ont, là encore, tendance à s'étendre à l'ensemble des sociétés occidentales – surtout en ce qui concerne l'islam[3]. »

Il s'intéresse tôt à la question du terrorisme djihadiste à la fondation Maison des sciences de l’homme, à Paris, où il dirige l’Observatoire des radicalisations. Il publie l'ouvrage Radicalisation en décembre 2014, quelques semaines avant l'attentat contre Charlie Hebdo, commis en janvier 2015[4].

Bibliographie

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  • Le Discours populaire de la Révolution iranienne. 2 volumes, avec Paul Vieille, Contemporanéité. Paris, 1990, respectivement 360 et 364 pages
  • L’Utopie sacrifiée : sociologie de la révolution iranienne, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 1993, 337 p.
  • L’Islamisme et la Mort : le martyre révolutionnaire en Iran, éd. L’Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », Paris, 1995, 424 p.
  • Femmes sous le voile: face à la loi islamique, Avec Chahla Chafiq, éditions du Félin, Paris, 1995, 240 p.
  • L’Islam des jeunes (sur les jeunes musulmans en France), Flammarion, Paris, 1997, 320 pages.
  • La Recherche de soi, avec Alain Touraine, Fayard, Paris, 2000, 316 pages.
  • L'Instance du sacré. Essai de fondation des sciences sociales, Editions du Cerf, Paris, 2001, 320 pages.
  • Anthropologie de la révolution iranienne : le rêve impossible, éd. L’Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », Paris - Montréal, 1997, 271 p.
  • L’Islam des jeunes, éd. Flammarion, Paris, 1997, 323 p.
  • Iran : comment sortir d’une révolution religieuse, éd. Seuil, Paris, 1999, 282 p.
  • L’Instance du sacré : essai de fondation des sciences sociales, éd. Cerf, coll. « Passages », Paris, 2001, 320 p.
  • Les Nouveaux Martyrs d’Allah, éd. Flammarion, Paris, 2002, 369 p.; Suicide Bombers, The New Martyrs of Allah (traduction du Français) Pluto Press, Michigan University Press, 2005
  • L’Islam dans les prisons, éd. Balland, coll. « Voix et regards », Paris, 2004, 284 p.
  • Muslims in Prison : a comparative perspective between Great Britain and France (avec James Beckford et Danièle Joly), Palgrave, London, 2005; traduction française Les Musulmans en Prison en Grande-Bretagne et en France, UCL Presses Universitaires de Louvain, 2007, 382 pages
  • Quand Al Qaïda parle : témoignages derrière les barreaux, éd. Grasset, Paris, 2006, 421 p.
  • Être jeune dans le pays des ayatollahs, avec Amir Nikpey, Robert Laffont, Paris, 2009
  • Inside Jihadism: Understanding Jihadi Movements Worldwide (Yale Cultural Sociology Series), Paradigm Publishers, 2009
  • Jihadist Ideology, The Anthropological Perspective, CIR, Aarhus University, Danemark, 2011.
  • The New Arab Revolutions that Shook the World, 2012, Paradigm Publishers.
  • Iran and the Challenges of the 21st Century, sous la direction de H.E.Chehabi, Farhad Khosrokhavar, Clément Therme, Mazda Publishers, Costa Mesa, California, 2013
  • Radicalisation, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, coll. « Interventions », Paris, 2014, 224 p.; English translation : Radicalization, Why Some People Choose the Path of Violence, The New Press, December 2016
  • Le Jihadisme, (avec David Bénichou & Philippe Migaux), Plon, 2015.
  • Prisons de France. Violence, radicalisations, déshumanisation : surveillants et détenus parlent, Robert Laffont, 2016.
  • Iran, autopsie du chiisme politique, préface, Amélie Myriam Chelly, éd. du Cerf, 2017.
  • Les Juifs, les Musulmans et la République, avec Michel Wieviorka, Robert Laffont, 2017
  • Le Jihadisme des femmes. Pourquoi ont-elles choisi Daech ?, avec Fethi Benslama, Paris, Le Seuil, 2017, 112 p.
  • Le Nouveau Jihad en Occident, Paris, Robert Laffont, 2018, 592 p.

Notes et références

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  1. Farhad Khosrokhavar, « L'islam carcéral », sur prison.eu.org, (consulté le ).
  2. Farhad Khosrokhavar, L'Islam dans les prisons, Paris, Balland, coll. « Voix Et Regards », , 284 p. (ISBN 2-7158-1493-3), p. 274.
  3. Farhad Khosrokhavar, L'Islam dans les prisons, Paris, Balland, coll. « Voix Et Regards », , 284 p. (ISBN 2-7158-1493-3), p. 277.
  4. Élise Vincent, « Farhad Khosrokhavar ou l’intuition du djihad », sur lemonde.fr, (consulté le ).

Annexes

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Articles connexes

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Liens externes

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